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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2837/2020

JTAPI/589/2021 du 10.06.2021 ( OCIRT ) , REJETE

REJETE par ATA/1198/2021

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION DE LA DÉCISION;AUTORISATION DE TRAVAIL;INTÉRÊT ÉCONOMIQUE;LIMITATION DU NOMBRE DES ÉTRANGERS;PRIORITÉ DES TRAVAILLEURS INDIGÈNES
Normes : LEI.18; LEI.21
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2837/2020

JTAPI/589/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 juin 2021

 

dans la cause

 

A______, représentée par Monsieur Cédric LIAUDET, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             L’entreprise individuelle A______ (ci-après : A______ ou l’employeur) est inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le ______ 2016 et a pour but l’organisation et la gérance de bars et d’événements pour la promotion de la culture mexicaine.

Elle exploite le restaurant mexicain à l’enseigne « A______ » à Genève.

2.             Madame B______, née le ______ 1988, est de nationalité mexicaine.

3.             Elle réside à Genève depuis le 30 mars 2014 au bénéfice d’une autorisation temporaire pour formation auprès de l’université de Genève, valable jusqu’au 30 septembre 2017. Elle réside et travaille à Genève sans autorisation depuis cette date.

4.             Le 22 septembre 2017, A______ a sollicité un permis de séjour avec activité lucrative en faveur de Mme B______.

Depuis fin juin 2016, l’intéressée travaillait à temps partiel pour le restaurant en qualité de responsable de salle. Elle avait également fortement contribué au développement de la carte et à l’élaboration des mets. Elle avait participé au succès du restaurant qui allait tout prochainement s’agrandir. Ses connaissances de la gastronomie régionale mexicaine, l’expérience acquise au restaurant et auparavant, ses connaissances linguistiques, ainsi que ses formations dans l’administration touristique faisaient d’elle la candidate idéale pour le poste à pourvoir.

Les recherches effectuées sur le marché suisse et européen, par le biais de différentes plateformes d’offres d’emploi et les réseaux professionnels et privés n’avaient rien donné. Aucune des candidatures reçues ne répondait aux exigences du poste (trilingue français-espagnol-anglais, formation dans l’hôtellerie ou le tourisme et très bonnes connaissances de la cuisine mexicaine), les candidats n’étaient pas disponibles ou demandaient un salaire trop élevé.

L’intéressée avait prouvé qu’elle satisfaisait largement aux critères requis, elle s’était déjà intégrée dans l’équipe et avait fortement développé la fidélité d’une partie importante de la clientèle. Connaissant Genève et la Suisse depuis plus de trois ans, elle s’y était aisément intégrée avec un parcours académique réussi et jouissait d’un contexte familial solide, ces deux frères aînés vivaient et travaillant à Genève pour des organisations internationales.

Étaient notamment joints à la demande une lettre de motivation de Mme B______, ainsi qu’une copie de ses diplômes, le contrat de travail signé le 25 septembre 2017 confirmant l’engagement de cette dernière en qualité de responsable de salle à plein temps à partir du 1er octobre 2017 pour un salaire mensuel brut de CHF 4'200.-, une copie des annonces publiées par A______ sur anibis.ch, Facebook et dans le GHI en août 2017, une confirmation de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) du 23 août 2017 relative à l’enregistrement du poste vacant dans leur base de données, ainsi qu’une copie des candidatures reçues et leur évaluation.

5.             Par courrier du 17 octobre 2017, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a sollicité de l’employeur le curriculum vitae de Mme B______. Resté sans réponse, l’OCIRT a rendu une décision négative le 7 novembre 2017.

6.             Par courrier du 10 novembre 2017, A______ a transmis la pièce requise.

7.             Par décision du 13 décembre 2017, l’OCIRT, après un examen du dossier par la commission tripartite, a refusé l’octroi de l’autorisation sollicitée, au motif que l’admission en vue de l’exercice lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse selon l’art. 18 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). De plus, l’ordre de priorité de l’art. 21 LEI n’avait pas été respecté, l’employeur n’ayant pas démontré qu’aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un pays de l’UE et de l’AELE n’avait pu être trouvé.

8.             Le 29 janvier 2018, Monsieur C______, titulaire de l’entreprise individuelle A______, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), lequel a, par jugement du 28 mars 2018, déclaré son recours irrecevable en raison du paiement tardif de l’avance de frais (JTAPI/285/2018).

9.             Le 29 mars 2019, en référence à une demande datée du 28 août 2018, A______ a, à nouveau, sollicité une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de Mme B______.

Dans le but de développer son activité et de se professionnaliser, elle avait entrepris des démarches pour trouver un local pouvant accueillir un laboratoire pour l’élaboration et la création des plats à plus grande échelle. Elle venait en outre de faire l’acquisition d’une machine industrielle professionnelle permettant de créer des tortillas de maïs. Des contacts avec des agriculteurs locaux avaient été établis, l’objectif étant de proposer des mets préparés avec des ingrédients frais du canton. Elle avait par ailleurs été approchée par les CFF pour ouvrir un restaurant H______ dans le nouveau quartier des I______ près de la gare de J______ dans le courant de l’année 2020. La transformation de la RI en Sàrl serait effective d’ici quelques mois. Mme B______ était un élément nécessaire au développement de ces activités, notamment celles en rapport avec la production des ingrédients et la confection des plats et que, ce fait, elle serait inscrite comme associée dans la Sàrl.

Était joint à la demande un contrat de travail non daté signé avec Mme B______ confirmant l’engagement de cette dernière en qualité de responsable de salle à compter du 15 novembre 2017 pour un salaire mensuel brut de CHF 4'500.-.

10.         Le 15 mai 2020, l’OCPM a transmis le dossier à l’OCIRT pour raison de compétence.

11.         Par courrier du 18 mai 2020, l’OCIRT a proposé à l’employeur d’actualiser sa demande « au vu de l’écoulement du temps » depuis le dépôt de celle-ci, en transmettant tout complément pour apporter la preuve que les conditions d’admission de la LEI, en particulier l’intérêt économique, la priorité du marché suisse et européen et les qualifications personnelles, étaient remplies.

12.         Par courriel du 29 juin 2020, Mme B______, sous la plume de son mandataire, a adressé à l’OCIRT un complément à la demande déposée en sa faveur.

En substance, elle relevait que sa collaboration avec M. C______ et Madame D______, les trois associés de fait de l’entreprise, avait largement contribué au succès de l’enseigne qui employait désormais quatorze employés. Le restaurant continuait son ascension fulgurante et était désormais recensé en bonne position sur le site Tripadvisor. L’activité frénétique de 2019 et les inquiétudes liées au COVID avaient toutefois forcé les associés à mettre entre parenthèses les démarches visant la transformation de la RI en Sàrl et l’ouverture d’un deuxième restaurant. L’ensemble des démarches reprendrait cependant en temps voulu.

Étaient joints les comptes 2019 de l’entreprise.

13.         Par décision du 22 juillet 2020, l’OCIRT, après un examen du dossier par la commission tripartie, a refusé l’octroi de l’autorisation sollicité, au motif que l’admission en vue de l’exercice d’une activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse. De plus, l’ordre de priorité n’avait pas été respecté, l’employeur n’ayant pas démontré qu’aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un pays de l’UE et de l’AELE n’avait pu être trouvé. Enfin, l’employeur n’était pas en règle avec l’administration fiscale cantonale, en particulier l’impôt à la source.

14.         Par acte du 14 septembre 2020, A______ (ci-après : la recourante), sous la plume de son mandataire, a interjeté recours par devant le tribunal contre la décision précitée, concluant, principalement, à son annulation et, cela fait, à ce qu’il soit dit que l’admission de Mme B______ en vue de l’exercice d’une activité lucrative servait les intérêts de la Suisse et que l’ordre de priorité avait été respecté, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l’OCIRT pour nouvelle décision, sous suite de frais et dépens. Préalablement, elle sollicitait un délai supplémentaire afin de compléter son recours.

Son droit d’être entendu avait été violé. Elle avait déposé sa demande le 28 août 2018, sous l’empire de l’ancien droit. Cette demande était accompagnée notamment d’un lot d’annonces publiées depuis le mois d’août 2017 et des rapports d’évaluation de tous les candidats reçus en entretien. Or, deux ans après le dépôt de celle-ci, l’OCIRT prononçait une décision de refus aux motifs, non motivés, que l’ordre de priorité n’avait pas été respecté et qu’il n’avait pas été démontré qu’aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un pays de l’UE et de l’AELE n’avait pu être trouvé. Sauf à considérer une lecture lacunaire du dossier, l’OCIRT avait manqué cruellement à son devoir de motivation et elle était « bien en peine à contester un argument qui ignore les pièces versées à la procédure ».

S’agissant de l’intérêt économique de la demande, Mme B______ était devenue la pierre angulaire de l’entreprise et avait participé activement au développement exponentiel de celle-ci, ce qui avait permis la création d’emplois et la conclusion de mandats supplémentaires sur le territoire suisse. En effet, l’entreprise était passée de sept à quatorze employés entre 2017 et 2020, générant près d’un million de masse salariale. Qui plus est, les mandats et contrats conclus l’étaient avec plusieurs cocontractants genevois. Or, c’étaient les nombreux contacts et les connaissances de la cuisine du K______ (Mexique) de Mme B______, son parcours universitaire et son expérience dans le domaine qui avaient permis et permettraient encore le développement de A______ dans toute la Suisse. Le développement prévu (cf. la transformation de la RI en Sàrl et l’inscription de Mme B______ comme associée de la future personne morale, l’ouverture d’un deuxième restaurant, le partenariat avec les CFF pour l’ouverture d’un point de vente à J______, l’ouverture d’un établissement dans le futur quartier de L______ à M______ en 2022-2023, la recherche d’un local pour accueillir un laboratoire et installer la machine à tortillas, ainsi que l’ouverture d’une chaîne de restaurant A______ dans toute la Suisse) avait toutefois été stoppé en raison de la pandémie, étant précisé que le projet avec les CFF et celui d’un autre établissement à M______ n’étaient que reportés. Aussi, l’argument d’un tel programme de développement, à terme l’ouverture d’une chaîne de restaurant A______ en Suisse, ne saurait être écarté sans autre.

S’agissant du principe de la priorité dans le recrutement, dès le mois de mai 2016, des recherches tout azimut avaient été entreprises afin de trouver de nouveaux collaborateurs. Celles-ci avaient permis d’embaucher sept personnes, toutes au bénéfice d’autorisation de travail. Cependant, pour le poste de responsable de salle, ce fut particulièrement plus difficile, eu égard notamment aux qualifications requises et aux conditions proposées. Elle avait tout de même organisé avec sérieux plusieurs entretiens et des fiches pour chaque postulant avaient même été rédigées. À ce jour, aucune offre pour ce poste n’avait rempli les exigences requises. Le reproche du non-respect de la priorité tombait ainsi à faux.

Concernant les conditions de rémunération, Mme B______ percevait actuellement un salaire de CHF 5'174.-, soit dans le respect des salaires usuels dans la branche. À ce salaire, il y avait lieu d’ajouter un revenu qui était considéré aujourd’hui comme son investissement dont les fondateurs tiendraient compte dans la future répartition des part-sociales ou des actions de la personne morale à fonder. À noter que Mme B______ avait déjà une fonction de cadre dans la société, puisqu’elle était numéro 3, mais deviendrait propriétaire dès qu’elle obtiendrait une autorisation de séjour, préalable nécessaire, et que la personne morale serait créée.

Enfin, ses années d’études à la Faculté de lettres de Genève, ponctuées par un diplôme d’études de français langue étrangère, son jeune âge et le fait d’avoir ses deux frères ainsi que son cercle d’amis à Genève laissaient supposer à l’évidence qu’elle s’était déjà intégrée durablement à l’environnement professionnel et social suisse.

15.         Le 25 septembre 2020, la recourante a produit un bordereau de pièces en complément à son recours, comprenant notamment :

-          les rapports d’entretien d’embauche des candidatures reçues entre août et septembre 2017 et mentionnant comme source « Anibis », « GHI », « OCE », « Facebook » ou « spontané » ;

-          un courrier adressé à E______ SA le 17 janvier 2020 à teneur duquel A______ confirmait son intérêt à louer une surface commerciale dans le quartier de L______ à partir de 2022/2023 ;

-          le contrat d’achat de la « machine à tortillas » daté de février 2019 ;

-          l’échange de courriel avec les CFF marquant la fin des négociations pour le projet de J______ daté du 5 août 2019 ;

-          la déclaration des salaires des employés d’A______ pour l’année 2019 ;

-          diverses lettres de soutien en faveur de Mme B______.

16.         Dans ses observations du 16 novembre 2020, l’OCIRT (ci-après : l’autorité intimée) a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision querellée.

Le fait que Mme B______ résidait sur le territoire suisse depuis le 30 mars 2014 au bénéfice d’une autorisation temporaire pour formation valable jusqu’au 30 septembre 2017 ne lui conférait aucun droit quant à une prise d’activité. Elle devait donc être considérée comme une nouvelle demandeuse d’emploi. En l’occurrence, les conditions nécessaires à l’octroi d’une autorisation n’étaient pas remplies.

Mme B______ était responsable de salle, ce qui signifiait, selon son curriculum vitae, qu’elle était « responsable de l’accueil des clients », qu’elle faisait la « préparation de salle et sa disposition », la « gérance et formation des extras », la « clôture journalière de la salle et de la caisse », ainsi que le « développement du menu, concept et franchise du restaurant ». Les qualifications particulières avancées étaient son baccalauréat universitaire en administration publique de l’Université de N______ au Mexique ainsi que sa maîtrise de trois langues (français, anglais, espagnol). Par ailleurs, il était relevé que la branche hôtellerie-restauration avait été très fortement affectée par la crise sanitaire actuelle et cela impactait négativement l’économie cantonale. Un nombre important de travailleurs dans ce domaine avaient été licenciés ou subissaient des diminutions importantes de leur taux d’activité en raison de la crise sanitaire actuelle, raison pour laquelle il était encore plus important que jamais de respecter le principe de la priorité. En l’occurrence, si la recourante avait effectivement annoncé la vacance du poste à l’OCE en 2017, le fait qu’elle ait exigé que le candidat soit de nationalité suisse ou déjà en possession d’un « permis valable » ne permettait pas de prétendre que l’annonce était ouverte aux personnes bénéficiant de la priorité (ressortissants UE/AELE qui ne possédaient pas actuellement d’autorisation de séjour ou de travail en Suisse). Quant à la publication de l’annonce du poste « sur différentes plateformes d’offres d’emploi » - en l’occurrence « le GHI, Anibis, sur notre page Facebook ainsi que dans nos réseaux professionnels et privés » -, ces démarches étaient non seulement insuffisantes, mais également trop anciennes pour être encore pertinentes aujourd’hui. Par ailleurs, toutes les annonces (hormis celle sur GHI qui est plus courte) précisaient qu’il était « nécessaire » d’être suisse ou en possession d’un permis valable. Enfin, la recourante n’avait pas étendu ses recherches au marché européen (et aux 20 millions de personnes en recherche d’emploi que cela représentait) et les recherches effectuées en 2017 ne permettaient pas d’affirmer qu’il n’existait actuellement aucun candidat qualifié pour ce poste et bénéficiant de la priorité. La recourante n’avait ainsi pas apporté la preuve qu’elle avait fait tous les efforts possibles pour trouver un travailleur correspondant au profil requis en Suisse ou au sein de l’UE/AELE et n’avait, par conséquent, par respecté le principe de la priorité dans le recrutement.

La recourante reconnaissait également dans son courrier du 22 septembre 2017 qu’elle n’avait pas pu retenir d’autres candidats, soit parce qu’ils ne possédaient pas les compétences, soit parce qu’ils n’étaient pas disponibles ou demandaient un salaire très élevé. Elle prétendait que cela faisait plus de trois ans qu’elle était à la recherche d’une personne dotée des mêmes qualifications. Or, en réalité, elle s’était accommodée du statut précaire de son employée et avait continué à l’engager en violation des art. 115 et ss LEI.

Il était évident que la recourante avait un certain avantage à conserver les services d’une employée rémunérée modestement plutôt que de chercher sérieusement un autre candidat bénéficiant de la priorité. Elle reconnaissait d’ailleurs que le revenu de Mme B______ pouvait paraître insuffisant au vu de son activité et de sa valeur ajoutée, mais expliquait que la différence à laquelle elle pourrait prétendre immédiatement constituait sa part d’investissement dans la future acquisition des parts-sociales, voire des actions, de la personne morale à venir. En l’occurrence, le salaire ne correspondait pas à un salaire octroyé à un cadre ou spécialiste hautement qualifié et représentant un intérêt économique pour le pays. Or, une grande importance était attribuée au montant du salaire offert par une entreprise à un collaborateur étranger, car il s’agissait là d’un indice très sûr de la valeur que l’employeur accordait à son employé, du besoin qu’il avait de ses services et de l’estime professionnelle qu’il lui portait.

Pour le surplus, il était relevé que plusieurs projets de développement annoncés ces dernières années n’avaient en réalité jamais vu le jour. Dans son courrier du 29 mars 2019, la recourante précisait qu’elle allait transformer son entreprise individuelle en société anonyme « d’ici à quelques mois ». Toutefois, plus de dix-huit mois après ces affirmations, elle était toujours une entreprise individuelle. En outre, les projets de collaboration avec les CFF, d’ouverture d’un second établissement ou encore de location d’une salle pour utiliser la machine à tortillas n’avaient finalement pas abouti.

Enfin, on ne pouvait considérer que Mme B______ disposait de qualifications particulières dans un domaine souffrant en Suisse et dans les États membres de l’UE et de l’AELE d’une pénurie de main-d’œuvre spécialisée.

17.         Par réplique reçue le 6 janvier 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Même à convenir avec l’autorité intimée que la situation du marché avait changé, seule celle qui prévalait avant le dépôt de la demande devait être considérée, ce d’autant plus que celle-ci avait été déposée le 29 mars 2019, mais transmise à l’OCIRT que le 15 mai 2020, soit près de quatorze mois plus tard. Dès lors, ce « couac » manifeste de l’autorité ne pouvait en aucun cas la desservir et l’on devait se replacer dans le contexte économique qui prévalait depuis les premières recherches jusqu’au dépôt de la demande d’autorisation, soit entre mai 2016 et mars 2019. En tout état de cause, fort des nombreuses recherches déposées tous azimuts et du moment qu’aucun remplaçant valable n’avait postulé, elle pensait être dans son bon droit de requérir l’autorisation, puis de défendre celle-ci dans une procédure de recours contre le refus de l’autorité, sans devoir persister dans ses recherches.

Par ailleurs, en ajoutant la mention « Suisse ou avec permis valable », elle n’avait bien évidemment pas l’intention d’exclure les ressortissants UE/AELE, mais avait cherché à éviter les personnes en situation irrégulière ou précaire, nécessitant d’attendre une décision favorable de l’autorité pour que le postulant débute l’activité. Or, de par la loi, un ressortissant UE/AELE aurait pu débuter son activité au jour du dépôt de la demande, l’obtention d’un permis valable n’étant alors qu’une simple formalité.

Les annonces déposées auprès de l’OCE, du GHI, d’anibis.ch et des réseaux sociaux étaient à l’évidence suffisantes pour atteindre l’ensemble du territoire suisse. Quant au marché européen, elle avait activé ses réseaux sociaux en déposant une offre d’emploi pour le poste sur son compte Facebook et sur anibis.ch, portail en ligne reconnu et accessible à toute personne intéressée à travailler en Suisse. Preuve de l’impact de ces démarches, deux ressortissants UE avaient postulé pour ce poste. Enfin, l’annonce déposée auprès de l’OCE était également accessible à toute personne de l’étranger. Ainsi, si l’on excluait le porte-à-porte, elle avait rendu vraisemblable avoir rechercher en vain dans ces territoires également. Partant, il appartenait à l’autorité intimée de faire la preuve de l’existence d’employés bénéficiant de l’ordre de priorité répondant aux conditions d’embauche et désirant ce poste aux conditions telles que proposées.

S’agissant du salaire de Mme B______, si celui-ci ne correspondait ni à son poste, ni à sa valeur ajoutée, il convenait de rappeler que celle-ci deviendrait associée dans la future personne morale, que les projets d’expansion avaient un coût important et que les associés, outre leur force de travail, auraient à investir des fonds dans cette entreprise. L’intéressée ne disposant d’aucune économie lui permettant de participer financièrement à cette aventure, les parties avaient ainsi convenu que son investissement correspondrait à l’effort financier qu’elle consentirait jusqu’à la fondation de la personne morale. Vu les délais écoulés, en grande partie malgré elles, les parties devaient renégocier le montant et la durée de cet effort financier, raison pour laquelle, dès la fin des mesures liées à la pandémie et après qu’un nouveau bilan aurait été dressé pour l’année 2020, elles avaient convenu d’établir un nouvel accord qui puisse être satisfaisant pour tous. En conséquence, le salaire perçu ne représentait qu’une partie du revenu de Mme B______, la différence avec un salaire adéquat étant investi dans la future personne morale.

Enfin, il n’était pas contesté que la transformation de la RI en personne morale ait pris du retard en 2019 et qu’en 2020, la situation liée à la pandémie avait mis entre parenthèses les projets d’expansion d’A______, étant toutefois précisé que le projet de collaboration avec les CFF n’était que reporté dans un autre lieu et à une autre date et que les contrats n’étaient pas rompus. Elle demeurait prête à saisir toute opportunité et allait d’ailleurs prochainement ouvrir un stand ethnique pour F______. G______ l’avait également choisie pour représenter la cuisine mexicaine dans le futur O______ de Zürich du 1er septembre au 30 novembre 2021. Quoi qu’il en soi, alors même que des milliers de restaurateurs étaient menacée de faillite, on ne saurait lui reprocher de n’avoir pas mené ses projets d’expansion à terme et ainsi minimiser de ce fait l’intérêt économique pour la Suisse.

La recourante a notamment produit les dossiers de candidature de deux ressortissants européens, dont l’un au bénéfice d’un permis B, interviewés en septembre 2017, ainsi que leurs évaluations, lesquelles mentionnent comme source « ANIBIS » et « Facebook ».

18.         Dans sa duplique du 2 février 2021, l’autorité intimée a persisté intégralement dans ses conclusions, les dernières écritures de la recourante n’étant pas de nature à modifier sa décision. Les éléments contestés avaient en effet déjà été traités dans ses observations du 16 novembre 2020 et les nouvelles informations apportées par la recourante ne permettaient pas de déterminer que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour contingentée avec activité lucrative étaient remplies.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’OCIRT en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Dans un grief d’ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu (cf. ATF 132 V 387 consid. 5.1), la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue, sous l’angle du défaut de motivation de la décision attaquée.

6.             L'art. 46 al. 1 LPA fait obligation aux autorités administratives de rendre des décisions motivées. L'obligation de motivation constitue un principe général du droit administratif découlant du droit d'être entendu (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_478/2017 du 8 mai 2018 consid. 2.1).

Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver n'impose pas à l'autorité d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 531 n. 1573). Elle peut, au contraire, se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui paraissent pertinents. Une motivation est suffisante lorsque le destinataire de la décision est en mesure de se rendre compte de la portée de cette dernière, d'en comprendre les raisons et de la déférer à l'instance supérieure en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; ATA/661/2018 du 26 juin 2018 et les arrêts cités ; Pierre TSCHANNEN/Ulrich ZIMMERLI/Markus Müller, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4ème éd., 2014, p. 272 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 348 ss n. 2.2.8.3). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 138 IV 81 consid. 2.2; 134 I 83 consid. 4.1 et les références citées). L'autorité peut passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à l'évidence non établi ou sans pertinence (ATF 129 I 232 consid. 3.2; 126 I 97 consid. 2b). Il n'y a ainsi violation du droit d'être entendu que si elle ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner les problèmes pertinents (ATF 129 I 232 consid. 3.2; 126 I 97 consid. 2b et les références).

Sa violation peut néanmoins être réparée devant l'instance de recours si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen des questions litigieuses que l'autorité intimée et si l'examen de ces questions ne relève pas de l'opportunité, car l'autorité de recours ne peut alors substituer son pouvoir d'examen à celui de l'autorité de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_341/2016 du 3 octobre 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités; ATF 124 II 132 ; ATA/39/2019 du 15 janvier 2019 consid. 2b et les arrêts cités).

7.             En l’espèce, la décision litigieuse est certes succincte, mais elle demeure parfaitement claire et ne nécessite pas de plus amples développements. Elle mentionne les bases légales topiques applicables, soit les art. 18 et 21 LEI, ainsi que les motifs de refus. Ces éléments ont d'ailleurs permis à la recourante de motiver son recours de manière complète. L'autorité intimée s'est expliquée plus en détail dans ses observations du 16 novembre 2020. Il sera rappelé à cet égard qu'un éventuel défaut de motivation peut être réparé par la prise de position de l'autorité intimée, suite à un recours, si l'administré se voit offrir la possibilité de s'exprimer à son sujet et que l'autorité de recours peut examiner librement les questions de fait et de droit (cf. ATF 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 2.6.2 ; Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 522 n. 1577 et les arrêts cités), tel qu'en l'espèce.

Infondé, ce grief sera donc écarté.

8.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment par l'Accord du 21 juin 1999 entre, d'une part, la Confédération suisse, et, d'autre part, la Communauté européenne et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

9.             En l'occurrence, Mme B______ étant ressortissante du Mexique, et non d'un pays membre de la Communauté européenne, la demande de permis de séjour déposée en sa faveur ne peut être examinée que sous l'angle de la LEI.

10.         Selon l'art. 11 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante, qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d'activité salariée, la demande d'autorisation est déposée par l'employeur (al. 3).

11.         À teneur de l'art. 18 LEI, un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a), son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c), notamment les exigences relatives à l'ordre de priorité (art. 21 LEI), les conditions de rémunération et de travail (art. 22 LEI), ainsi que les exigences portant sur les qualifications personnelles requises (art. 23 LEI). Ces conditions sont cumulatives (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

En raison de sa formulation potestative, l'art. 18 LEI ne confère aucun droit à Mme B______ (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_798/2018 du 17 septembre 2018 consid. 4.1 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b) et les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de son application (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.1 ; C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 6.2 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b). De même, en tant qu'employeur, la recourante ne dispose d'aucun droit à engager cette dernière en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b).

12.         La notion d’« intérêt économique du pays », formulée de façon ouverte, concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s'agit, d'une part, des intérêts de l'économie et de ceux des entreprises. D'autre part, la politique d'admission doit favoriser une immigration qui n'entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l'équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, in FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d'activité, il existe une demande durable à laquelle la main d'œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; C-5912/2011 du 26 août 2015 consid. 7.1 ; C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 6.1 et les références citées ; C_8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 5 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5d ; ATA/1018/2017 du 27 juin 2017 consid. 4c). L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (cf. ATA/896/2018 du 4 septembre 2018 consid. 6b ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 145 s. et les références citées).

Selon les directives et circulaires du secrétariat d'État aux migrations (SEM ; Séjour avec activité lucrative [ci-après : directives LEI], état au 1er janvier 2021, ch. 4.3.1, qui ne lient pas le juge, mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 ; ATA/896/2018 du 4 septembre 2018 ; ATA/1280/2015 du 1er décembre 2015), il convient de tenir compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l'évolution économique durable et de la capacité de l'étranger concerné à s'intégrer. Il ne s'agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers. Par ailleurs, les étrangers nouvellement entrés dans le pays ne doivent pas faire concurrence aux travailleurs en Suisse en provoquant, par leur disposition à accepter de moins bonnes conditions de rémunération et de travail, un dumping salarial et social (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; C-857/2013 du 19 mai 2014 consid. 8.3 ; C-3518/2011 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; C-2485/2011 du 11 avril 2013 consid. 6 ; C-6135/2008 du 11 août 2008 consid. 8.2 ; ATA/1280/2015 du 1er décembre 2015 consid. 12 ; ATA/940/2015 du 15 septembre 2015 consid. 7c).

13.         Un étranger ne peut en outre être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que s'il est démontré qu'aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d'un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n'a pu être trouvé (art. 21 al. 1 LEI).

En d'autres termes, l'admission de ressortissants d'États tiers n'est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un État membre de l'UE ou de l'AELE ne peut être recruté. Le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l'économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2C_434/2014 du 8 août 2014 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c).

Les conditions d'admission ont matériellement pour but de gérer de manière « restrictive » l'immigration ne provenant pas de la zone UE/AELE, de servir conséquemment les intérêts économiques à long terme et de tenir compte de manière accrue des objectifs généraux relatifs aux aspects politiques et sociaux du pays et en matière d'intégration (cf. notamment ATAF 2011/1 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1 ; C-6198/2014 du 18 mai 2015 consid. 6.1 ; C-857/2013 consid. 5).

Les employeurs sont tenus d'annoncer le plus rapidement possible aux offices régionaux de placement les emplois vacants qu'ils présument ne pouvoir repourvoir qu'en faisant appel à du personnel venant de l'étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l'exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l'ensemble du territoire suisse. L'employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires - annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement - pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu'ils déploient des efforts en vue d'offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c et les arrêts cités ; directives LEI, ch. 4.3.2.1).

Il revient à l'employeur de démontrer avoir entrepris des recherches à une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE/AELE et qu'il s'est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d'exercer cette activité (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6074/2010 du 19 avril 2011 consid. 5.3). L'employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu'il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d'attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l'UE/AELE. Des ressortissants d'États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n'ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s'acquitter d'une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l'échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents tels que des séjours à l'étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l'activité en question, etc. (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3286/2017 du 18 décembre 2017 consid. 6.2 ; F-1992/2015 du 10 mars 2017 consid. 5.5 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c).

Même si la recherche d'un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l'employeur peut s'avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient, à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l'art. 21 LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral C_8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 8.1 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c).

La seule publication d'une annonce auprès de l'ORP, bien que diffusée également dans le système EURES, ne peut être considérée comme une démarche suffisante. Par ailleurs, des démarches intervenues après un refus d'octroi d'autorisation de séjour avec activité lucrative doivent être considérées comme entreprises dans le seul but de s'acquitter des exigences légales (cf. ATA/2/2015 du 6 janvier 2015 consid. 2c).

14.         Conformément à l'art. 90 LEI, l'étranger et les tiers participant à une procédure prévue par la loi doivent collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Ils doivent en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (let. a) et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s'efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (let. b).

15.         En l’espèce, au vu des écritures des parties et des pièces versées à la procédure, l'analyse à laquelle a procédé l'autorité intimée, qui dispose en la matière d'un large pouvoir d'appréciation, n'apparaît pas inappropriée. Elle n'est en tout cas pas fondée sur des éléments dépourvus de pertinence, négligeant des facteurs décisifs ou guidée par une appréciation insoutenable des circonstances, que ce soit dans son approche ou dans son résultat. Au vu des circonstances, on ne peut admettre qu'elle a fait un usage excessif ou abusif dudit pouvoir d'appréciation, étant rappelé que lorsque le législateur a voulu conférer à l'autorité de décision un pouvoir d'appréciation dans l'application d'une norme, le juge qui, outrepassant son pouvoir d'examen, corrige l'application pourtant défendable de cette norme à laquelle ladite autorité a procédé viole lui-même le principe de l'interdiction de l'arbitraire (cf. ATF 140 I 201 consid. 6.1 et les références citées).

Sous l’angle de l’art. 21 al. 1 LEI, on observera en effet que les démarches initiées par la recourante en août 2017 en vue de trouver un responsable de salle, très limitées, n’ont effectivement de loin pas atteint le niveau de recherches requis par la loi et la jurisprudence. Elle s’est en effet contentée d’annoncer la vacance du poste à l’OCE et de publier une offre d’emploi sur le site internet du GHI, anibis.ch, dont la portée est essentiellement nationale, ainsi que sur sa page Facebook. Or, de telles démarches ne suffisent pas, en l’état des règles en vigueur, pour considérer qu’elle se serait acquittée de ses obligations légales en matière de priorité du marché suisse ou européen, étant relevé que l’ajout de la mention « Suisse ou permis valable nécessaire » ne permet pas de prétendre que l’annonce était ouverte aux personnes bénéficiant de la priorité, en particulier les ressortissants UE/AELE ne possédant pas encore d’autorisation de séjour ou de travail en Suisse. Ces démarches sont en outre trop anciennes pour être pertinentes, dès lors que la requête en vue d’engager Mme B______ pour le poste en question a été déposée le 29 mars 2019, suite à la décision négative de l’OCIRT du 13 décembre 2017, et que la recourante ne démontre nullement, ni n’allège du reste avoir effectué de nouvelles recherches depuis sa précédente demande en 2017. On observera par ailleurs que la recourante a signé le premier contrat de travail avec Mme B______ le 25 septembre 2017, ce qui souligne la brièveté - et l’insuffisance - du temps qu’elle a consacré à la recherche effective d’un candidat. Compte tenu des difficultés que la recourante allègue avoir rencontrées pour trouver un collaborateur remplissant les conditions requises par le poste, il lui aurait appartenu d’entreprendre des recherches bien plus poussées et de plus grande envergure sur les marchés du travail tant suisse que de l’UE/AELE, par exemple en faisant appel à des agences de recrutement et en publiant des annonces sur des sites internet spécialisés, en Suisse et en Europe, et dans la presse spécialisée. En tout état, elle ne peut de bonne foi se prévaloir d’annonces postées deux ans plus tôt à l’appui de la demande déposée en 2019.

Par ailleurs, contrairement aux allégations de la recourante, il n'appartient pas à l'OCIRT de démontrer l’existence de candidats locaux ou européens répondant aux conditions d’embauche, mais bien à elle-même de démontrer qu'elle a effectué les recherches suffisantes pour remplir les conditions posées par la jurisprudence, étant rappelé qu'elle supporte le fardeau de la preuve, dès lors qu'elle se prévaut d'un droit à pouvoir employer Mme B______ (arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/429/2010 du 22 juin 2010 consid. 4f).

Au demeurant, on ne voit pas en quoi Mme B______ - titulaire d’un baccalauréat universitaire en administration publique de l’université du N______ au Mexique et trilingue français-anglais-espagnol -, présenterait des qualifications et une expérience si particulières qu’il aurait été impossible pour la recourante de recruter un autre travailleur doté des capacités requises sur le marché local ou européen. Enfin, même à retenir que la recherche d’un responsable de salle trilingue ayant une formation dans l’hôtellerie ou la restauration et des connaissances de la cuisine mexicaine serait particulièrement ardue, cette difficulté ne saurait à elle seule justifier une exception au principe de la priorité dans le recrutement énoncé par loi.

Au vu de ce qui précède, force est de constater, avec l’autorité intimée, que la recourante n’est pas parvenue à démontrer avoir été réellement et concrètement dans l’impossibilité de trouver un travailleur correspondant aux exigences du poste sur le marché local ou européen, en particulier parce qu’elle avait, en vain, entreprise toutes les recherches utiles et nécessaires susceptibles d’être attendues d’elle, qui permettraient de retenir que la condition de l’ordre de priorité de l’art. 21 al. 1 LEI serait remplie. L'une des conditions légales cumulatives applicables (art. 18 let. c cum 21 al. 1 LEI) n'ayant pas été respectée, il n'est pas nécessaire d'examiner si les autres conditions sont réalisées.

À toutes fins utiles, le tribunal relèvera malgré tout qu’aucun élément du dossier ne permet de considérer que l’activité que Mme B______, aussi compétente soit-elle, serait amenée à déployer auprès d’A______ pourrait réellement avoir des retombées économiques positives pour l'économie suisse et, ainsi, représenter un intérêt économique pour la Suisse au sens de l’art. 18 let. a LEI, tel que défini plus haut, que ce soit en termes de création de place de travail, d’investissement ou de diversification de l’économie régionale, étant rappelé qu’il convient de ne pas confondre l’intérêt économique de la Suisse avec celui de la recourante à engager une personne particulière. En outre, le salaire de l’intéressée (CHF 4’500.- par mois) ne correspond pas à un salaire de cadre au sens de l’art. 23 LEI, étant relevé que la participation de Mme B______ dans la future raison sociale n’est nullement étayée et que tous les projets de développement annoncés depuis 2019 n’ont soit pas abouti soit été suspendu. Enfin, il n’a pas été démontré qu’il existait une pénurie de main-d’œuvre sur le marché du travail suisse ou européen dans le secteur en cause au moment du dépôt de la demande.

16.         Au vu de ce qui précède, il faut constater que la décision querellée ne viole pas le droit fédéral.

Entièrement mal fondé, le recours sera ainsi rejeté et la décision contestée confirmée.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

18.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2020 par A______ contre la décision de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 22 juillet 2020 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière