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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1748/2025

ATA/724/2025 du 26.06.2025 sur JTAPI/601/2025 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1748/2025-MC ATA/724/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 juin 2025

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Charles ARCHINARD, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 juin 2025 (JTAPI/601/2025)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1996, est ressortissant français, domicilié à Annemasse.

b. Par ordonnance pénale du 28 août 2024, il a été reconnu coupable de recel au sens de l'art. 160 ch. 1 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et condamné à une peine privative de liberté de 30 jours avec sursis pendant trois ans. Il lui était reproché d'avoir acquis d'un tiers, le 27 août 2024 dans le quartier des Pâquis, pour le prix de EUR 50.-, une trottinette électrique dont il savait ou aurait dû présumer qu'elle était volée.

Il a fait opposition à cette ordonnance pénale, qui n'est donc pas définitive.

c. Le 9 mai 2025, il a été interpellé dans le quartier des Pâquis après avoir été observé par des agents de police alors que, installé sur un banc depuis plusieurs minutes, il venait de procéder à un échange avec un « homme à l'allure toxicomane ». Ce dernier, intercepté et interrogé sur le champ par les agents, leur avait remis l'objet reçu de A______ – une boulette contenant de la cocaïne, d'un poids total brut de 0,3 gramme – qu'il venait d'acheter pour CHF 40.-.

Lors de son audition du même jour par la police, A______ a contesté les faits. Il était venu à Genève le jour même en train depuis Annemasse. Il n'était pas un vendeur de cocaïne. Il en consommait de temps à autre, mais pas en Suisse, et se fournissait en France. Le montant de CHF 210.10 découvert en sa possession provenait de son emploi chez B______ à Annemasse, où il était préparateur de commandes. Sa « copine », dont il n'entendait pas communiquer l'identité, ainsi que des « copains » vivaient à Genève. Il souhaitait travailler en Suisse.

d. Par ordonnance pénale du 10 mai 2025, A______ a été reconnu coupable d'infractions à l'art. 19 al. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) ainsi qu'à l'art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à raison de CHF 30.- par jour, avec sursis pendant trois ans.

Selon la motivation de cette décision, le prévenu, qui contestait les faits qui lui étaient reprochés, indiquait gagner EUR 1'600.- par mois comme préparateur de commandes chez B______, alors que sa compagne gagnerait EUR 1'000.- par mois.

Cette ordonnance pénale a elle aussi fait l'objet d'une opposition.

e. Le 10 mai 2025, le commissaire de police a fait interdiction à A______ de pénétrer sur le territoire du canton de Genève pour une durée de douze mois.

S'étant rendu coupable de recel, soit d'une infraction qualifiée de crime, et de trafic d'une drogue dure, il représentait une menace réelle d'une certaine gravité affectant un intérêt fondamental de la société, ce qui, selon la jurisprudence relative à l'art. 5 § 1 de l'annexe 1 à l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), autorisait le prononcé d'une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée au sens de l'art. 74 al. 1 LEI nonobstant sa qualité de ressortissant d'un pays membre de l'Union européenne. L'interdiction était justifiée dans sa durée par l'activité délictuelle et, sous l'angle de son étendue géographique, par le fait que l'intéressé était susceptible de reproduire ses agissements coupables dans tout le canton de Genève, avec lequel il n'avait aucun lien avéré et où aucun motif supérieur ne justifiait sa présence.

f. Le 20 mai 2025, A______ a formé opposition à l'interdiction notifiée le 10 mai 2025.

g. Lors de l'audience tenue le 3 juin 2025 devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), A______ a confirmé contester les faits pour lesquels il avait été condamné. Il avait perdu son logement en France, ne travaillait plus depuis quelques mois et vivait depuis deux mois chez sa « copine » à Genève (C______), ce qu'il avait indiqué à la police après son interpellation. Son amie se prénommait D______ et avait un nom de famille italien dont il ne se souvenait plus. Elle était née en 1989, à une date qu'il ne connaissait pas. Cela faisait trois mois qu'ils étaient ensemble. Il n'avait pas son numéro de téléphone. Ils se contactaient par « Snapchat ». Il cherchait du travail à Genève et, à cet effet, s'était inscrit dans une agence de placement.

Il a produit une attestation établie le 2 juin 2025 par D______, née le ______ 1989 et domiciliée à la route E______ à Genève, selon laquelle elle hébergeait « actuellement » son compagnon A______ car ce dernier avait perdu son domicile.

h. Au terme de l'audience, le conseil de A______ a conclu à l'annulation de l'interdiction territoriale prononcée par le commissaire de police, subsidiairement à sa réduction et plus subsidiairement encore à ce que le périmètre concerné soit circonscrit au quartier des Pâquis.

La représentante du commissaire de police a conclu au rejet de l'opposition et à la confirmation de l'interdiction territoriale.

i. Par jugement du 3 juin 2025, le TAPI a rejeté l'opposition et confirmé pour une durée de douze mois la décision d'interdiction prise par le commissaire de police le 10 mai 2025.

La nationalité française de l'intéressé ne faisait pas obstacle au prononcé d'une interdiction de périmètre fondée sur l'art. 74 al. 1 LEI. Ayant fait l'objet de condamnations, même non définitives, pour recel, soit un crime selon l'art. 10 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), et trafic de cocaïne, son comportement pouvait être considéré comme une menace pour l'ordre et la sécurité publics. Au vu d'une part des variations intervenues dans ses déclarations entre son audition par la police le 9 mai 2025 et l'audience du 3 juin 2025, portant sur son lieu de vie, son activité lucrative et sa relation avec sa « copine », dont il ne connaissait ni le nom de famille ni la date de naissance ni le numéro de téléphone, comme d'autre part du fait qu'il n'avait aucunement établi être réellement à la recherche d'un emploi à Genève ni avoir entrepris des démarches à cet effet auprès de l'office cantonal de la population et des migrations, il devait être retenu qu'il n'avait aucune raison de venir à Genève, pouvant en particulier vivre sa relation sentimentale en France ou dans un autre canton.

B. a. Le 16 juin 2025, A______ a adressé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) un recours dirigé contre ce jugement, concluant principalement à son annulation et, subsidiairement, à la réduction à six mois de l'interdiction prononcée et à sa limitation au quartier des Pâquis.

Le principe de la proportionnalité était violé. Ressortissant français, le recourant était en principe autorisé à travailler en Suisse, de telle sorte que l'interdiction prononcée portait atteinte non seulement à sa liberté de mouvement mais également à sa liberté économique. Il avait à cet égard conclu avec une entreprise de travail temporaire de la place, F______ SA (ci-après : F______), un contrat-cadre de travail appelé à s'appliquer aux futures missions qui pourraient lui être confiées, lesquelles pourraient se dérouler à différents endroits du canton. Les infractions retenues en l'état à son encontre devaient être analysées avec retenue : au vu de la valeur de la trottinette électrique ayant donné lieu à une condamnation non définitive pour recel, la question de l'application de l'art. 172 ter al. 1 CP (infractions d'importance mineure) se posait, avec pour possible conséquence une déclassification de l'infraction en contravention ; jusqu'au 9 mai 2025, il n'avait par ailleurs jamais fait l'objet d'une condamnation pour une infraction en lien avec la LStup. Ayant perdu son logement, cela faisait deux mois qu'il vivait au domicile de son amie, D______, et la mesure contestée le contraindrait à dormir dans la rue. L'interdiction prononcée était donc démesurée dans le cas d'espèce.

À l'appui de son recours, A______ a produit une copie d'un contrat-cadre de travail conclu le 19 mai 2025 entre lui-même et la société F______, sise à G______.

b. Dans sa réponse au recours, le commissaire de police a conclu à son rejet.

L'intéressé avait été condamné en 2024 pour recel, soit un crime, et en mai 2025 pour trafic de cocaïne, soit une drogue dite dure en raison de la menace qu'elle représentait pour la santé et l'intégrité physique de ses consommateurs. Conformément à ses premières déclarations, il fallait retenir qu'il disposait en France d'un logement et d'un travail, de telle sorte qu'il n'avait, de ce point de vue, aucun besoin de se rendre sur le territoire genevois. Il pouvait également vivre sa relation amoureuse alléguée en France ou dans un autre canton. L'interdiction prononcée était ainsi proportionnée tant dans son principe que dans sa durée et son périmètre.

c. Répliquant le 24 juin 2025, le recourant a soutenu que, faute d'avoir été définitivement reconnu coupable d'une quelconque infraction, il ne représentait pas un danger pour l'ordre et la sécurité publics. Comme il l'avait indiqué, il avait perdu son emploi en France chez B______ mais avait ensuite trouvé un travail auprès de la société F______; la mesure d'interdiction porterait donc atteinte à sa liberté économique.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 18 juin 2025 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Est litigieuse l’interdiction de pénétrer dans tout le territoire cantonal pendant douze mois.

3.1 Aux termes de l'art. 74 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée notamment lorsque l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et que des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou qu'il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire (let. b). L’assignation à un territoire ou l’interdiction de pénétrer un territoire peut également être prononcée lorsque l’étranger n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement et trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants (let. a).

3.2 Si le législateur a ainsi expressément fait référence aux infractions en lien avec le trafic de stupéfiants, cela n'exclut toutefois pas d'autres troubles ou menaces à la sécurité et l'ordre publics (ATF 142 II 1 consid. 2.2 et les références), telle par exemple la violation des dispositions de police des étrangers (arrêts du Tribunal fédéral 2C_123/2021 du 5 mars 2021 consid. 3.1 ; 2C_884/2021 du 5 août 2021 consid. 3.1.). Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, « le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.

Ainsi, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_762/2021 du 13 avril 2022 consid. 5.2) ; de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2021 précité consid. 3.1 et l'arrêt cité).

3.3 Une mesure basée sur l’art. 74 al. 1 let. a LEI ne présuppose pas une condamnation pénale de l’intéressé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_884/2020 précité consid. 3.3 ; 2C_123/2021 du 5 mars 2021).

3.4 En l'espèce, s'agissant de la première condition de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, le recourant, qui est de nationalité française, n'est pas au bénéfice d'une autorisation de courte durée (art. 32 LEI), de séjour (art. 33 LEI) ou d'établissement (art. 34 LEI), ce qu'il ne conteste pas. Sa nationalité française n'empêche par ailleurs pas le prononcé d'une interdiction de périmètre conformément à l'art. 74 al. 1 LEI (art. 5 al. 1 Annexe I ALCP ; 2 al. 2 LEI ; ATA/1294/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6 et les références citées).

Pour le surplus, et quand bien même aucune condamnation pénale définitive n'a à ce jour été prononcée à son encontre, il fait l'objet de soupçons sérieux et concrets de commission d'infractions, ayant conduit au prononcé à son encontre d'ordonnances pénales. Alors que la première de ces infractions (recel) visait le patrimoine, la seconde, spécifiquement visée par l'art. 74 al. 1 let. a LEI, consiste dans un trafic de drogue dite dure. Le recourant a en effet été observé le 9 mai 2025 par des agents de police alors qu'il procédait à un échange avec un toxicomane, lequel, immédiatement intercepté et interrogé, a indiqué avoir reçu de sa part une boulette de cocaïne contre versement d'une somme de CHF 40.-. Il était lors de son arrestation en possession d'un montant de CHF 210.10 au sujet duquel ses explications ont été fluctuantes puisque, après avoir indiqué à la police qu'il provenait de son emploi chez B______, il a expliqué devant le TAPI ne plus occuper cet emploi depuis plusieurs mois. Il a également admis être lui-même consommateur de cocaïne sans être en mesure de donner d'explication convaincante sur sa source d'approvisionnement et la manière dont il finançait sa consommation. Ces éléments, de nature à faire craindre qu'il voie dans le trafic de stupéfiants une source récurrente de revenus, conduisent à retenir que sa présence dans le canton est bien constitutive d'un trouble ou d'une menace pour la sécurité et l'ordre publics, de telle sorte que la seconde condition d'application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI est elle aussi réalisée.

Reste à vérifier si la mesure prononcée respecte le principe de la proportionnalité.

3.5 Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

Appliqué à la problématique de l’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prévue à l’art. 74 LEI, le principe de proportionnalité implique de prendre en compte en particulier la délimitation géographique d’une telle mesure ainsi que sa durée. Il convient de vérifier, dans chaque cas d’espèce, que l’objectif visé par l’autorité justifie véritablement l’interdiction de périmètre prononcée, c’est-à-dire qu’il existe un rapport raisonnable entre cet objectif et les moyens mis en œuvre pour l’atteindre (ATF 142 II 1 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_884/2020 du 5 août 2021 consid. 3.4.2 ; 2C_796/2018 du 4 février 2019 consid. 4.2).

3.6 L'art. 74 LEI ne précise ni la durée ni l'étendue géographique de la mesure. Elle doit dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, soit être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3).

La mesure doit être nécessaire et suffisante pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés. En matière d'interdiction de pénétrer sur une partie du territoire, le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; ATA/1126/2024 du 24 septembre 2024 consid. 3.3). L'interdiction de pénétrer peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2007 du 13 novembre 2007 ; 2A.253/2006 du 12 mai 2006), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, 2010, p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.

La mesure ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1). Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

3.7 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014).

3.8 La chambre de céans a déjà plusieurs fois confirmé une interdiction territoriale de douze mois dans le canton de Genève, y compris à l’encontre d’une personne sans antécédents, interpellée et condamnée par le Ministère public pour avoir vendu une boulette de cocaïne, l’intéressé n’ayant aucune ressource financière ni aucun intérêt à venir dans le canton (ATA/1316/2022 du 29 décembre 2022 ; ATA/655/2021 du 23 juin 2021 ; ATA/802/2019 du 17 avril 2019), à l'encontre d'un ressortissant sénégalais, jusqu'alors inconnu de la justice pénale suisse, pour avoir vendu 0,6 gramme de crack à un toxicomane pour le prix de CHF 20.-, l'intéressé disposant de documents de séjour en Italie en cours de validité et n'ayant aucun lien avec le canton de Genève (ATA/1186/2024 du 9 octobre 2024), à l’encontre d’une ressortissante française condamnée à plusieurs reprises pour infractions à la LStup qui admettait consommer des stupéfiants et s’adonner au trafic de ceux-ci (ATA/255/2022 du 10 mars 2022), ou encore à l'encontre d'un ressortissant nigérian au bénéfice d'un titre de séjour valable délivré par les autorités italiennes, disant être domicilié à Brindisi et condamné à plusieurs reprises à Genève, notamment pour infractions à la LStup (ATA/1028/2024 du 30 avril 2024).

Elle a aussi confirmé des interdictions territoriales pour une durée de 18 mois prononcées contre un étranger interpellé en flagrant délit de vente de deux boulettes de cocaïne et auparavant condamné deux fois et arrêté une fois pour trafic de stupéfiants (ATA/2577/2022 du 15 septembre 2022) ou un étranger sans titre de séjour, ni travail, ni lieu de séjour précis ou attaches à Genève, condamné plusieurs fois pour infractions à la LEI et la LStup (ATA/536/2022 du 20 mai 2022).

3.9 Dans le cas d'espèce, une durée d'interdiction de douze mois apparaît à la fois nécessaire et suffisante pour assurer la préservation de l'ordre et de la sécurité publics au vu des comportements reprochés au recourant, en particulier du risque que celui-ci, qui n'a justifié d'aucune source de revenus légitime et a admis disposer de sources d'approvisionnement de drogue en France voisine, se livre à l'avenir, comme il l'a fait le 9 mai 2025 selon les observations de la police, au trafic de stupéfiants.

Contrairement à ce qu'il soutient, cette durée ne porte par ailleurs pas une atteinte excessive à ses intérêts privés.

Comme l'a relevé le TAPI, les déclarations du recourant sur sa situation personnelle ont considérablement varié dans les quelques trois semaines ayant séparé son audition par la police de l'audience tenue devant le premier juge. Ainsi, après avoir indiqué dans un premier temps exercer une activité lucrative à Annemasse, d'où il était venu en train le jour de son arrestation, et avoir une amie qui vivait à Genève, il a expliqué devant le premier juge avoir perdu « depuis quelques mois » son emploi en France, dont l'existence n'a au demeurant jamais été établie par pièces, avoir également perdu son logement à Annemasse et vivre depuis deux mois chez son amie à Genève. En l'absence de toutes pièces justificatives, ces contradictions multiples ne permettent guère de tenir pour établi qu'il ne disposerait plus d'aucune possibilité de logement en France, le fait que, selon l'attestation établie le 2 juin 2025 par son amie D______, il serait actuellement hébergé par celle-ci pouvant aisément s'expliquer par des raisons de confort et de commodité. C'est donc à juste titre que le TAPI a retenu qu'ils pouvaient vivre leur relation sentimentale en France voisine ou dans un autre canton.

Il ne peut pour le surplus être considéré que le recourant, dont on ne sait pas avec certitude s'il a exercé ou exerce encore une activité lucrative en France, aurait des perspectives concrètes de trouver à court ou moyen terme un emploi dans le canton. Le « contrat-cadre de travail » qu'il a conclu le 19 mai 2025 avec une entreprise de travail temporaire et de location de services – soit neuf jours après le prononcé de la mesure contestée alors que, selon ses propres déclarations, il se trouvait sans activité lucrative depuis plusieurs mois et résidait depuis deux mois à Genève – ne constitue à cet égard pas un contrat de travail proprement dit, ni même une promesse d'embauche, puisque, comme le prévoit l'al. 2 de son art. 1, il n'entre en vigueur que lors de l'acceptation d'une mission, au moment de la conclusion, entre les mêmes parties, d'un contrat de mission écrit réglant les éléments essentiels du contrat de travail proprement dit, tels le genre de travail, le lieu d'exécution, le salaire, la durée, etc. Le recourant ne fait du reste pas valoir que, plus d'un mois et demi après la signature de ce contrat-cadre, une mission lui aurait été proposée dans le canton. À cela s'ajoute que, si une réelle perspective d'emploi légal à Genève devait effectivement se présenter au cours de la durée restant à courir de l'interdiction prononcée, le recourant conserverait la possibilité de solliciter du TAPI sa levée (art. 8 al. 5 et 9 al. 2 LaLEtr).

L'étendue géographique de la mesure d'interdiction contestée se justifie pour sa part du fait que le trafic de stupéfiants peut être pratiqué sur toute l'étendue du territoire cantonal. La limitation de la mesure au seul quartier des Pâquis, comme le souhaite le recourant, ne permettrait donc pas d'atteindre l'objectif de protection de la sécurité et de l'ordre publics recherché, puisqu'elle ne permettrait pas de parer au risque que le recourant se livre au trafic de stupéfiants dans un autre quartier. Sous réserve de la relation sentimentale qu'il entretient avec D______, laquelle, comme déjà relevé, peut être vécue hors du canton, il n'a aucun lien avec ce dernier ni aucun besoin de s'y rendre.

La mesure prononcée respecte donc le principe de la proportionnalité tant dans sa durée que dans son étendue territoriale.

Le recours sera donc rejeté.

4.             La procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 juin 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 juin 2025 ;


 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Charles ARCHINARD, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :