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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4301/2024

ATA/599/2025 du 27.05.2025 sur JTAPI/190/2025 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4301/2024-ICCIFD ATA/599/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 mai 2025

4ème section

 

dans la cause

 

A______ Sàrl recourante
représentée par B______ SA, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 février 2025 (JTAPI/190/2025)


EN FAIT

A. a. Par décisions du 6 novembre 2024, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a rejeté la réclamation de A______ Sàrl (ci-après : la société) formée contre sa taxation d'office pour l'année 2023.

b. Par acte du 17 décembre 2024, la société, représentée par une fiduciaire, a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) contre ces décisions, concluant à l'annulation de la taxation d'office et à la possibilité de produire les éléments requis dans les délais qui lui seraient impartis.

c. Par pli recommandé du 7 janvier 2025, le TAPI a imparti à la société un délai au 6 février 2025 pour procéder au paiement d'une avance de frais de CHF 700.- sous peine d'irrecevabilité.

Selon le suivi des envois de la Poste, ce pli a été distribué à la mandataire de la société le 8 janvier 2025.

d. Par jugement du 19 février 2025, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

L'avance de frais n'avait pas été effectuée alors que la demande y relative avait été reçue par la société. Rien ne permettait de retenir que cette dernière avait été victime d'un empêchement non fautif de s'acquitter du montant réclamé en temps utile.

B. a. Par acte posté le 7 mars 2025, la société a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à être « réintégrée dans la procédure », un nouveau délai devant lui être accordé pour s'acquitter de l'avance de frais par-devant le TAPI.

L'absence de paiement de l'avance de frais résultait « d'un empêchement non fautif dû à [expliquer la raison : erreur administrative, problème bancaire, retard postal, etc.] » (sic).

En outre, la sanction d'irrecevabilité était excessive au regard du litige fiscal sous‑jacent. Le non-paiement de l'avance de frais ne pouvait l'emporter sur le droit d'être entendu et l'accès au juge garanti par la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

b. Le juge délégué a imparti un délai à la société pour préciser et le cas échéant documenter par pièces la nature de l'empêchement mentionné dans le recours, sous peine d'irrecevabilité du recours.

c. Par courrier du 16 avril 2025, la mandataire de la société a répondu ce qui suit : « Les motivations de notre recours sont les suivantes : C______, à qui nous avons repris la société [B______ SA], est en arrêt maladie depuis le mois de juin 2024. Celui-ci détenait l'entier des connaissances relatives au dossier fiscal concerné et avait également conservé les documents y afférents à son domicile. En raison de son état de santé, nous avons rencontré des difficultés à récupérer ces éléments dans les délais impartis. De ce fait, nous n'avons pas été en mesure de boucler correctement le dossier dans les temps ».

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieuse l’irrecevabilité du recours formé devant le TAPI pour non-paiement de l’avance de frais dans le délai imparti.

2.1 L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de
non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral
2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/242/2025 du 11 mars 2025 consid. 2.1).

2.2 En vertu de l’art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l’avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2). À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse néanmoins une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/1043/2021 du 5 octobre 2021 consid. 3b ; ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c).

2.3 Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/184/2024 du 6 février 2024 consid. 2.2 et les arrêts cités).

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/807/2024 du 9 juillet 2024 consid. 4.4 ; ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/807/2024 précité consid. 4.4).

2.4 Selon la casuistique, n'ont pas été considérés comme des cas de force majeure une panne du système informatique du mandataire du recourant l'ayant empêché de déposer un acte de recours dans le délai légal (ATA/222/2007 du 8 mai 2007 consid. 3b), le fait qu'un avocat ait transmis à son client la demande d'avance de frais par pli simple en prenant le risque que celui-ci ne reçoive pas ce courrier (ATA/596/2009 du 17 novembre 2009 consid. 6), pas plus que la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c). Ainsi, selon la jurisprudence de la chambre de céans, le seul état de santé déficient au moment de la notification de la décision est insuffisant (ATA/212/2014 du 1er avril 2014), de même qu’une dépression importante (ATA/660/2015 du 23 juin 2015). N'a de même pas été considérée comme constitutive d'un cas de force majeure, nonobstant un certificat mentionnant la nécessité de soins de l’intéressé et son incapacité à pouvoir gérer sa vie professionnelle et personnelle pendant six mois, la situation d’un administré atteint d’un cancer dont l'état de santé se péjorait et le traitement s’alourdissait, dès lors qu'il pouvait être attendu de sa part, compte tenu de son état de santé au moment de l'omission litigieuse, qu'il fasse appel à l'aide d'un tiers pour accomplir l'acte requis (ATA/888/2014 du 11 novembre 2014).

2.5 Les principes de la représentation directe déploient tous leurs effets (arrêt du Tribunal fédéral 2C_511/2009 du 18 janvier 2010 consid. 5.3). S'agissant d'aspects aussi fondamentaux que le respect d'un délai unique pour effectuer une avance de frais, il incombe à l'avocat de s'assurer que la communication qu'il adresse à son mandant lui est bien parvenue (ATF 110 Ib 94 consid. 2).

Selon la jurisprudence, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres ; ce principe vaut également en droit public (arrêts du Tribunal fédéral 2C_577/2013 du 4 février 2014 consid. 6.1 ; 2C_280/2013 du 6 avril 2013).

2.6 Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; 104 Ia 105 consid. 5). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_107/2019 du 27 mai 2019 consid. 6.3 ; 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Le Tribunal fédéral a confirmé l'application stricte, dans la jurisprudence genevoise, de l'art. 86 al. 2 LPA et des conséquences légales d'un non-paiement de l'avance de frais dans le délai imparti (arrêt du Tribunal fédéral 1C_339/2020 du 20 octobre 2020 consid. 2.4 et les références citées).

2.7 En l'espèce, la recourante ne conteste pas le non-paiement de l'avance de frais dans le délai imparti, ni le caractère adéquat dudit délai. Elle invoque uniquement les problèmes d'organisation de la société qu'elle avait mandatée en première instance. Or, conformément à la jurisprudence susmentionnée, les carences de son mandataire lui sont imputables – étant précisé que l'on ne voit pas en quoi les connaissances particulières du précédent directeur de la fiduciaire seraient nécessaires pour procéder au paiement d'une somme de CHF 700.- –, si bien que l'on ne saurait en l'espèce retenir l'existence d'un cas de force majeure, la recourante n'ayant par ailleurs invoqué aucune raison qui l'aurait empêchée de procéder par elle-même au paiement de l'avance de frais litigieuse.

Il résulte en outre très clairement de la jurisprudence citée ci-dessus que l'importance pour la recourante du litige fiscal sous-jacent n'est pas pertinente et que la sanction de l'irrecevabilité pour non-paiement de l'avance de frais n'est pas en soi contraire aux art. 29 et 29a Cst.

Le recours est ainsi manifestement mal fondé et sera rejeté sans échange d'écritures, conformément à l'art. 72 LPA.

3.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 mars 2025 par A______ Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 février 2025 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ Sàrl un émolument de CHF 200.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à B______ SA, mandataire de A______ Sàrl, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

M. PERNET

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :