Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/600/2025 du 27.05.2025 ( PRISON ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1144/2025-PRISON ATA/600/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 27 mai 2025 2ème section |
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dans la cause
A______ recourant
contre
PRISON DE CHAMP-DOLLON intimée
A. a. A______ a été détenu à la prison de Champ-Dollon du 24 octobre 2024 au 2 avril 2025. Depuis lors, il est détenu à l’établissement de détention B______.
b. Il a fait l’objet d’une sanction de deux jours de cellule forte le 5 mars 2025 pour violence physique exercée sur un détenu, trouble à l’ordre de l’établissement et possession d’objets prohibés.
c. Selon le rapport d’incident de la prison du 12 mars 2025, l’agent de détention avait, le même jour à 14h00, entendu crier dans la cellule 1______ occupée notamment par A______ qui cherchait à discuter avec un nettoyeur. L’agent avait frappé à la porte en demandant au détenu de cesser de crier. Celui-ci lui avait répondu : « vaffancullo ». L’agent avait alors ouvert la porte de la cellule et demandé au détenu de répéter ses propos, ce que celui-ci n’avait pas fait, mais avait confirmé les avoir tenus. A______ s’était ensuite plaint du fait que l’agent avait frappé à la porte en hurlant pour lui demander de cesser de hurler.
d. Entendu le même jour à 15h45 par le gardien-chef adjoint, le détenu avait reconnu les faits en précisant que les propos étaient destinés au codétenu qui s’occupait du nettoyage dont il pensait qu’il avait frappé à la porte de sa cellule. Une sanction d’un jour de cellule forte lui a été infligée, notifiée le jour même à 15h55.
e. Le 26 mars 2025, A______ a fait l’objet d’une nouvelle sanction d’un jour de cellule forte pour attitude incorrecte envers le personnel.
B. a. Par acte expédié le 30 mars 2025, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice.
Il recourait contre les comportements « raciaux ». Le chef responsable protégeait les menaces et le comportement raciste. Le 12 mars 2025, l’agent avait frappé à la porte de sa cellule et eu un comportement raciste. Le 26 mars 2025, le chef l’avait provoqué, lui-même n’avait pas répondu. Il l’avait fait retourner en cellule et menacé en disant qu’il détestait les Arabes avec leur ramadan. Il s’agissait d’une « provocation religieuse (antisémite) ». À 11h30, l’agent avait ouvert la porte de sa cellule et l’avait menacé de mort. Son codétenu pouvait en témoigner. À 13h30, ils étaient venus en équipe pour l’emmener à la cellule forte.
b. La prison a conclu au rejet du recours.
c. Dans le délai imparti pour répliquer, le recourant a indiqué qu’il ne contestait pas toutes les sanctions. Il les assumait toutes, sauf celle du 26 mars 2025 (recte : 12 mars 2025). Le matin du 12 mars 2025, il s’était inscrit pour un appel avec l’établissement de détention de B______. Le gardien n’avait pas ouvert la porte à 14h00. Il avait ainsi crié « Chef ! Chef ! ». Quelqu’un avait alors frappé fort à la porte de la cellule. Il avait pensé qu’il s’agissait d’un codétenu chargé de faire du nettoyage et lui avait dit en rigolant : « vaffancullo ». Il n’imaginait pas qu’il s’agissait d’un gardien, car ceux-ci ouvraient la porte et ne frappaient pas « comme des sauvages ». Le gardien lui avait alors dit : « je vais te casser la gueule sale Arabe ». Son codétenu pouvait en témoigner.
Le numéro de cellule figurant sur le rapport d’incident était erroné : il s’agissait du 1______ et non du 2______. Il avait évité de protester contre certaines sanctions, car le système était « mafieux ». La prison était connue dans toute la Suisse « pour bafouer les droits des détenus ».
Il restait à disposition pour un entretien et demandait que les frais soient mis à la charge de la prison.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
Le recourant ayant précisé dans sa réplique qu’il ne contestait que la sanction relative aux faits survenus lorsque les mots « vaffancullo » avaient été prononcés, le litige est limité à l’examen du bien-fondé de la sanction du 12 mars 2025.
2. Le recourant conteste cette sanction.
2.1 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).
2.2 Le statut des personnes incarcérées à la prison de Champ-Dollon est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04), dont les dispositions doivent être respectées par les détenus (art. 42 RRIP). En toute circonstance, ceux-ci doivent observer une attitude correcte à l'égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il est interdit aux détenus, d’une façon générale, de troubler l’ordre et la tranquillité de l’établissement (art. 45 let. h RRIP).
2.3 Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP).
À teneur de l'art. 47 al. 3 RRIP, les sanctions peuvent être la suppression de visite pour quinze jours au plus (let. a), la suppression des promenades collectives, des activités sportives, d’achat pour quinze jours au plus ou la suppression de l’usage des moyens audiovisuels pour quinze jours au plus (let. c à e), la privation de travail (let. f) ou encore le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g).
2.4 De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés sauf si des éléments permettent de s’en écarter (ATA/487/2025 du 29 avril 2025 consis. 2.4 ; ATA/719/2021 du 6 juillet 2021 consid. 2d ; ATA/1339/2018 du 11 décembre 2018 consid. 3b et les arrêts cités). Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/487/2025 précité ; ATA/738/2022 du 14 juillet 2022 consid. 3d ; ATA/36/2019 du 15 janvier 2019).
2.5 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATA/439/2024 du 27 mars 2024 consid. 3.6 ; ATA/679/2023 du 26 juin 2023 consid. 5.4 ; ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).
2.6 En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limitant à l’excès ou l’abus de ce pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/439/2024 précité consid. 3.7 ; ATA/97/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4f et les références citées).
2.7 Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a confirmé des sanctions d’arrêts de deux, voire trois jours de cellule forte pour des menaces d’intensité diverse (voir la casuistique exposée dans l’ATA/136/2019 du 12 février 2019 consid. 9b). Elle a confirmé des sanctions de deux jours de cellule forte infligées à des détenus ayant insulté un ou plusieurs agents de détention (ATA/502/2018 du 22 mai 2018 ; ATA/383/2021 du 30 mars 2021). Elle a aussi confirmé une sanction de deux jours de cellule forte infligée à un détenu ayant écrit sur les murs de sa cellule des propos menaçants puis insulté un gardien (ATA/1486/2019 du 8 octobre 2019).
2.8 En l’espèce, le recourant ne conteste pas avoir tenu les propos qui lui sont reprochés. Il ne fait pas de doute que les propos « vaffancullo » constituent une insulte, peu importe qu’ils soient destinés à un codétenu ou à un agent de détention.
Le fait d’insulter une personne contrevient à l’obligation du recourant d’observer une attitude correcte à l’égard du personnel et des codétenus (art. 44 RRIP) et de ne pas troubler l'ordre ou la tranquillité dans l'établissement ou les environs immédiats (art. 44 let. h RRIP). Le prononcé d’une sanction était ainsi fondé.
Le recourant présentait, au moment des faits, un antécédent disciplinaire, à savoir une sanction de deux jours de cellule forte pour violence physique exercée sur un détenu, trouble à l’ordre de l’établissement et possession d’objets prohibés. Son comportement insultant est inadmissible et ne saurait être toléré. Le fait – à supposer qu’il soit établi, ce qui n’est pas le cas – qu’il destinait ses insultes à un codétenu et non à l’agent de détention est sans pertinence : les règles de courtoisie élémentaire s’appliquent à toute personne se trouvant dans la prison, quel que soit son statut. La sanction est, en son principe, apte et nécessaire à lui faire prendre conscience au recourant de l’importance d’adopter un comportement adéquat envers le personnel et ses codétenus et de respecter le RRIP.
Au vu de ces éléments, l’autorité intimée n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation ni violé la loi en infligeant au recourant une sanction d’un jour de cellule forte. Celle-ci est, en effet, appropriée, permettant à la fois au recourant de prendre conscience de l’importance d’observer une attitude correcte envers les personnes travaillant ou résidant à la prison et proportionnée, tenant compte de son antécédent disciplinaire.
Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.
3. La procédure étant gratuite, il ne sera pas perçu d’émolument. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 30 mars 2025 par A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 12 mars 2025 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
N. DESCHAMPS
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| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le |
| la greffière : |