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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1878/2024

ATA/559/2025 du 20.05.2025 ( AMENAG ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1878/2024-AMENAG ATA/559/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 mai 2025

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me François BELLANGER, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE intimé



EN FAIT

A. a. La A______, devenue B______ SA
(ci-après : B______) le 8 mai 2024, dont le siège est situé chemin du
C______, ______ D______, c/o E______ SA
(ci-après :  E______), est propriétaire de la parcelle n3'883, sise sur la commune de F______, d’une surface de 4'893 m2. Cette parcelle se situe en zone d’affectation 5, dans un secteur d’utilisation diversifiée de cette zone selon le plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030).

b. Se trouvent sur cette parcelle les bâtiments nos 5______ (villa), 6______ (dépendance), deux portails et la grille d’entrée (non cadastrés).

Les bâtiments, leurs abords et les deux portails ont été conçus par l’architecte G______ et réalisés en 1906 pour le propriétaire de l’époque, H______.

c. Le 17 octobre 2005, à la suite du recensement des parcs et jardins historiques de Suisse réalisé entre 1995 et 2014 par le conseil international des monuments et des sites (ci-après : ICOMOS), le jardin paysagé a fait l’objet d’une fiche de recensement, dont il résulte que la conservation de la substance historique est bonne, que l’entretien du jardin est bon et que l’environnement est intact (ces évaluations étant les valeurs les plus élevées).

d. Dans le cadre du recensement architectural du canton de Genève (ci-après : le recensement ou RAC), validé par la commission scientifique de suivi le 7 juin 2023, concernant la commune de F______, la valeur « exceptionnel » selon le plan de synthèse no 1______ a été attribuée aux bâtiments nos 5______ et 6______ (fiche
RAC-CBL-______).

La valeur patrimoniale de ces objets résidait dans leur valeur d’ensemble, comprenant un parc paysager avec portails et cheminements, une maison d’habitation et une dépendance, le tout dans un bon état de conservation malgré quelques modifications. L’architecture « Heimatstil » des deux constructions se distinguait par ses effets pittoresques obtenus grâce aux jeux de toiture et à l’utilisation des pans de bois. De nombreuses photos étaient jointes au RAC.

B. a. Le 10 février 2023, la propriétaire a déposé, par le biais de la société I______ SA, une requête en autorisation de démolir auprès du département du territoire (ci‑après : le département), enregistrée sous no M 2______, visant la démolition de la villa, de la dépendance, des aménagements non cadastrés et de la piscine extérieure.

b. À la même date, la propriétaire, toujours par le biais de sa mandataire, a déposé une requête en autorisation de construire, enregistrée sous DD 3______, portant sur la construction d’un habitat groupé (THPE 30%) et d’un parking souterrain, sondes géothermiques, réaménagement du terrain, abattage ou élagage d’arbres hors forêt.

c. Le 8 mars 2023, dans le cadre de l’instruction de la requête en autorisation de démolir, le service de l’inventaire des monuments d’art et d’histoire
(ci-après : IMAH) a effectué une visite de la parcelle no 3’883 et dressé un rapport dont il ressort que les bâtiments nos 5______ et 6______ présentent un intérêt architectural et patrimonial.

Le rapport de visite détaille l’analyse des bâtiments et du site, retrace leur origine, leur intérêt patrimonial et les différentes interventions réalisées depuis leur édification. Après avoir posé les jalons historiques de la parcelle, du bâtiment, ainsi que les évolutions de ceux-ci, le rapport analyse la valeur patrimoniale de l’ensemble. Il est accompagné des plans historiques et de nombreuses photographies de l’intérieur et de l’extérieur de la villa, ainsi que de la parcelle. Le bâtiment avait été construit en 1906, avec les dépendances, pour le compte de H______. Il était devenu la propriété de la société en 1950. Le bâtiment était décrit comme une maison d’habitation formée de deux corps en L se développant sur deux niveaux, surmonté, s’agissant du corps perpendiculaire, d’un porche abritant l’accès à la cave, buanderie et entrée de service. À l’ouest, dans l’angle formé par les deux corps, on trouvait le porche d’entrée, desservi par quatre marches. La toiture du corps longitudinal comprenait deux pans à coyaux, percés de divers types de lucarnes (à croupes, rampantes, à joues galbées) multipliant les décrochements décoratifs. La toiture du corps perpendiculaire comprenait des pignons à demi croupes munis d’épis de faîtage. L’architecture puisait dans le répertoire néo-normand (intégration à un jardin paysagé, ouverture vers l’extérieur et le lac, dissymétrie et complexité des volumes, toits pentus débordants, pans de bois, balcons et bow-window). À l’intérieur, on trouvait deux cheminées en marbre. L’escalier en bois, les portes et la plupart des fenêtres étaient d’origine. En 1920, un bow-window dans le prolongement de la salle à manger avait été construit et en 1932, le hall avait été agrandi et transformé en véranda, avec déplacement de l’entrée côté cour. En 1975 environ, une annexe abritant un garage surmonté d’un niveau divisé en deux pièces avait été construite sans autorisation. En 1979, une piscine (DD 4______) avait été construite pour le compte de la société propriétaire.

Le bâtiment no 6______ était une dépendance de plan rectangulaire allongé avec un angle coupé se développant sur un unique niveau surmonté d’un comble couvert d’un terrasson et de pans à coyaux, divisé en trois travées fonctionnelles : buanderie et pressoir à fruits du verger ; remise ; écurie pour deux chevaux. L’ensemble était coiffé d’un fenil accessible notamment depuis une porte haute.

Ces deux bâtiments ont reçu la valeur « intéressant ». Il apparaissait que ces objets présentaient un intérêt patrimonial pour plusieurs raisons, soit leurs caractéristiques intrinsèques, la portée de l’œuvre de l’architecte (qui avait notamment signé le Palais de la Femme à Paris, classé monument historique), la typologie représentative de l’urbanisation périurbaine du tournant du XXe siècle en lien avec l’extension du réseau de trams (« domaine en réduction articulant une maison de maître avec son jardin d’agrément, une dépendance et une petite activité agricole »), l’architecture d’inspiration néo-normande caractéristique de l’essor du tourisme de l’époque, l’aménagement du jardin paysagé avec son cheminement desservi par deux portails dont un en forme de portique décoré de carreaux de faïence vernissée, environnement de qualité, riche de plusieurs arbres anciens (pins, tilleul, etc.) et le bon état général de préservation, en dépit de la transformation de 1932 et de l’agrandissement de 1975.

d. Une riveraine et deux associations de protection du patrimoine se sont adressées au département les 9 mars et 31 mai 2023, ainsi que le 5 avril 2024, s’opposant à l’autorisation de démolir et demandant une évaluation des lieux, voire une mesure de classement, au vu de l’intérêt patrimonial des objets concernés.

e. Le 4 mai 2023, le département a ouvert une procédure d’inscription à l’inventaire des immeubles dignes d’être protégés des bâtiments nos 5______ et 6______, des éléments dignes d’intérêts non cadastrés (portail et grille d’entrée) et de la parcelle no 3'883 en raison de leur intérêt architectural et patrimonial, confirmé par le recensement et par le rapport de visite de l’IMAH.

Par courriers séparés du même jour, il a invité la commune de F______ et la propriétaire à lui faire part de leurs observations et préavis respectifs.

f. Par préavis du 10 mai 2023 rendu dans le cadre de l’instruction de l’autorisation de démolir, le service ces monuments et des sites (ci-après : SMS) s’est déclaré défavorable à la requête en autorisation de démolir M 2______ en raison de la valeur patrimoniale des objets concernés, relevée par le RAC et par le rapport de visite de l’IMAH.

g. Par courrier du 17 mai 2023, la commune s’est déclarée défavorable à l’inscription à l’inventaire des bâtiments et de la parcelle, se fondant pour ce faire sur les conclusions de deux rapports établis à la demande de la propriétaire par J______, historien de l’art, et produits en annexe aux demandes d'autorisation de démolir et de construire. Elle indiquait suivre le préavis de ce spécialiste, qui retenait un état actuel trop transformé pour être conservé.

h. Le 5 juin 2023, la propriétaire a fait part au département de son opposition à la mesure de protection, relevant l’absence d’intérêt patrimonial des bâtiments, leur mauvais état de conservation et les nombreux travaux ayant modifié leur état d’origine. En outre, le principe de proportionnalité s’opposait à la mise à l’inventaire. L’historien de l’art qu’elle avait mandaté concluait à l’absence de nécessité d’adopter une mesure de protection du patrimoine. Il existait un intérêt public prépondérant à la construction de logements. L’inscription à l’inventaire constituait une restriction importante à son droit de propriété.

i. Par préavis du 13 juin 2023, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) s’est déclarée favorable à l’inscription à l’inventaire des bâtiments nos 5______, 6______, des éléments dignes d’intérêt non cadastrés (portails et grille d’entrée) et de la parcelle no 3'883, au vu des qualités architecturales et matérielles de l’ensemble, y compris du jardin paysagé, et de la notoriété de son concepteur. L’extension réalisée dans les années 1970 n’était pas incluse dans la mesure de protection, vu son absence d’intérêt.

j. Le 6 novembre 2023, une visite de la parcelle s’est tenue, à la suite de quoi, dans un courrier du 8 janvier 2024, la propriétaire a rappelé l’absence d’intérêt patrimonial suffisant des immeubles faisant l’objet de la procédure de mise à l’inventaire, et souligné les conséquences financières qu'aurait leur inscription à l’inventaire.

C. a. Par arrêté du 2 mai 2024, le département a approuvé l’inscription à l’inventaire des immeubles dignes d’être protégés du bâtiment no 5______, à l’exclusion de l’agrandissement réalisé au milieu des années 1970 et de la piscine, du bâtiment n6______ (dépendance), des éléments dignes d’intérêt non cadastrés (portails et grille d’entrée) et de la parcelle no 3'883, feuille 7______ du cadastre de la commune de F______.

Aux termes du rapport de l’IMAH, la valeur « intéressant » avait été attribuée aux bâtiments et aux éléments non cadastrés. Le RAC avait attribué la valeur « exceptionnel » aux bâtiments situés sur la parcelle et la CMNS avait préavisé favorablement la mesure de protection, en raison de la valeur patrimoniale des bâtiments et des éléments dignes d’intérêt non cadastrés. L’architecture de la villa puisait dans un riche répertoire de formes s’inspirant du style néo-normand et la diversité des matériaux employés ainsi que la qualité de leur mise en œuvre créaient un effet de profusion savamment organisé. Les ajouts, sauf celui de 1970, étaient dans le style d’origine de la villa et n’avaient pas dénaturé le bâtiment. La dépendance, nonobstant son état d’entretien, reprenait le langage architectural de la villa, formant un ensemble architecturalement et stylistiquement cohérent. Les bâtiments étaient intégrés à un beau jardin paysagé, dont les aménagements soignés avaient en grande partie subsisté, desservi par trois portails dont un, à la pointe sud, était en forme de portique superbement décoré. L’intérêt du jardin avait été relevé par l’ICOMOS. L’ensemble constituait un témoignage important de l’urbanisation périurbaine au tournant du XXe siècle et était doté d’une valeur mémorielle. Ainsi, les bâtiments, de par leur caractéristiques architecturales et matérielles, leur valeur d’ensemble prise au sein du jardin paysagé les entourant, leur bon état général de conservation et la renommée de l’architecte qui en était à l’origine, présentaient un intérêt patrimonial incontestable et étaient dignes de protection au sens de l’art. 4 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05). Il en allait de même des éléments non cadastrés qui concouraient à la valeur élevée de l’ensemble.

La mesure répondait à un intérêt public suffisant et n’était pas constitutive d’une restriction à la propriété incompatible avec le respect du principe de la proportionnalité.

b. Le même jour, l’OPS a indiqué à la propriétaire que la procédure relative à la mise à l’inventaire était terminée et lui a transmis une ampliation de l’arrêté de mise à l’inventaire précité.

D. a. Par acte du 3 juin 2024, la société a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) à l’encontre de l’arrêté du 2 mai 2024, concluant à son annulation.

Il n’était pas nécessaire d’adopter une mesure de protection du patrimoine concernant les deux bâtiments visés. Ceux-ci ne se distinguaient pas des autres maisons d’habitation construites au début du XXe siècle. Il ne s’agissait pas de bâtiments existant en un seul exemplaire : le territoire cantonal connaissait d’autres exemples de maisons « Heimatstil ». Les bâtiments concernés n’avaient aucun élément de rareté justifiant une éventuelle protection. La maison d’habitation et la dépendance n’étaient pas d’une qualité exceptionnelle. Les façades étaient usuelles. Il n’existait aucun élément intérieur digne de protection pour le bâtiment n5______, ce qui plaidait en défaveur d’une mise à l’inventaire, tout comme le très mauvais état du bâtiment no 6______. Aucun élément constructif témoignant d’un savoir-faire particulier n’avait été recensé. Le critère relatif au lien avec un personnage historique faisait défaut. Les bâtiments n’avaient jamais fait l’objet d’une mesure de protection du patrimoine particulière et leur valeur patrimoniale était réduite. De nombreux travaux avaient été réalisés sur le bâtiment no 5______, en 1920, 1932 et 1975 et la configuration des pièces avait été modifiée. Le bâtiment n’était plus dans son état d’origine. Une mesure de protection ne revêtait pas de valeur générale. Cette absence de nécessité de protection était également appuyée par J______, historien de l’art et « spécialiste en matière de protection du patrimoine ». Il était choquant que le département considère que la valeur probante d’une expertise doive être relativisée. Le préavis de la commune de F______ devait également être pris en considération dans le cadre de la pesée des intérêts.

Au plan de la planification, le secteur où se situait la parcelle était un secteur pour lequel la planification imposait une densification du bâti et la création de logements. Le projet de démolition-reconstruction visant à remplacer les bâtiments existants permettrait de créer plusieurs logements, conformément à la planification directrice.

L’intérêt à protéger les bâtiments litigieux ne pouvait primer l’intérêt public à la création de logements. L’ensemble des circonstances ne pouvait justifier une inscription à l’inventaire des bâtiments litigieux, des deux portails et de la grille d’entrée. La valeur « exceptionnel » retenue par le RAC-2021 tant pour la maison d’habitation que pour la dépendance était erronée. Les bâtiments et aménagements ne cumulaient pas plusieurs des critères définis par le service de l’inventaire des monuments d’art et d’histoire : ils ne présentaient pas un degré élevé de conservation ni une remarquable qualité architecturale, leur intérêt résidant dans leur « valeur d’ensemble ». La mise à l’inventaire violait les art. 4 et 7 LPMNS de sorte que le recours devait être admis et l’arrêté querellé annulé.

Le principe de la proportionnalité n’était pas respecté. L’inscription à l’inventaire des bâtiments et objets concernés lui occasionnait des coûts disproportionnés par rapport à la valeur architecturale réelle des bâtiments. Une telle inscription n’était pas justifiée par un intérêt public. Les coûts de la rénovation de la villa, sans démolition de l’extension, s’élevaient à environ CHF 4'457'000.-. Le maintien de l’extension rendait toute autre construction impossible.

En cas de rénovation avec démolition de l’extension, les coûts estimés étaient de CHF 4'043'569.-. À ces montants s’ajoutaient des « coûts non négligeables liés à l’entretien des bâtiments du fait de leur caractère ancien ». En cas de conservation de la dépendance et de la villa, la valeur de location et de vente de ces biens était limitée. En effet, la villa sans l’extension était de « petite taille aux espaces très étriqués. La surface habitable de la villa (hors grenier) représent[ait] uniquement 189 m2 ». La valeur de rendement estimée était de CHF 6'000.- par mois, et de revente, après rénovation, de CHF 3'255'000.-. La dépendance, de 92 m2 n’était pas habitable en raison de sa proximité avec le chemin de K______. Une fois rénovée, la valeur de rendement était de CHF 2'800.- et de revente de CHF 1'665'000.-. La valeur de revente des deux logements s’élevait à CHF 4'920'000.-. La mise à l’inventaire impliquait donc un « sacrifice majeur de plusieurs millions », inacceptable au regard de la garantie de la propriété.

En cas de maintien de l’extension, il n’était pas possible de construire d’autres logements. En revanche, en cas de destruction de l’extension, un nouveau bâtiment pouvait être construit mais la maison actuelle serait inutilisable, au vu de ses « dimensions très restreintes ». Détruire l’extension revenait à faire de la maison ce qu’elle avait été à son origine, soit une sorte de « maison de poupée pour un séjour estival à proximité du lac ». La maison perdrait ainsi l’essentiel de sa valeur commerciale.

La situation était ainsi similaire à celle tranchée par l’ATA/721/2012 dans laquelle la mise à l’inventaire avait été annulée notamment au vu de la disproportion entre l’intérêt patrimonial limité des bâtiments et les très importants coûts nécessaires à leur réhabilitation.

b. Dans ses observations du 8 juillet 2024, le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l’arrêté du 2 mai 2024 approuvant l’inscription des bâtiments concernés à l’inventaire des immeubles dignes d’être protégés.

Les milieux spécialisés avaient évalué les bâtiments concernés et considéré que ceux-ci présentaient des caractéristiques remarquables. Les instances spécialisées avaient relevé le raffinement des façades de la maison, l’architecture de la dépendance, le jardin paysagé, les portails et grille d’entrée, le tout dans un bon état de conservation. La valeur patrimoniale avait été également confirmée par un spécialiste de la protection du patrimoine, qui avait évalué la villa comme « intéressant ». La recourante ne pouvait être suivie quand elle estimait qu’aucun des critères relatifs à une mesure de protection n’était réalisé. Ses affirmations n’étaient fondées sur aucune base scientifique et entraient en contradiction avec les rapports d’J______, pourtant rédigés à sa demande. Ce dernier, en contradiction avec ses propres conclusions, avait lui aussi mis en évidence les qualités remarquables du jardin paysagé et des bâtiments. Les bâtiments mis à l’inventaire fournissaient une illustration adéquate du patrimoine historique, à protéger. D’autres maisons du même type architectural (Heimatstil), style vernaculaire s’inscrivant dans le patrimoine architectural genevois de la période d’avant-guerre, avaient bénéficié d’une inscription à l’inventaire. Les éléments caractéristiques du patrimoine étaient suffisants pour justifier la mesure d’inscription à l’inventaire. La CMNS avait mis en évidence dans son préavis le raffinement et la complexité des façades de la maison ainsi que la diversité des matériaux et la qualité de leur mise en œuvre. Il était donc surprenant que la recourante remette en cause la qualité des constructions en question.

Les transformations intervenues dans la maison et l’état de conservation de la dépendance ne faisaient pas perdre tout intérêt patrimonial aux bâtiments. De jurisprudence constante, la LPMNS n’excluait pas de son champ de protection les monuments dont certains éléments d’origine n’avaient pas été conservés. La CMNS avait relevé que tant l’ajout du bow-window dans les années 1920 que celui de la véranda de 1932 avaient été effectués dans le style de la maison construite en 1906. Ils s’intégraient parfaitement à la construction et ne la dénaturaient pas. L’extension de la façade, réalisée en 1970 alors que la recourante était au demeurant déjà propriétaire, n’avait pas de valeur patrimoniale et ne faisait donc pas l’objet de la mesure de protection. Enfin, les transformations de la distribution intérieure, soit le déplacement de la salle à manger au sein de l’extension et la conversion en salon de la chambre à coucher du rez-de-chaussée, n’avaient pas affecté la valeur architecturale et patrimoniale de la maison. Il ne s’agissait pas d’aménagements irréversibles entachant la substance patrimoniale de la maison et de l’ensemble.

Des associations et des riverains avaient contacté le département afin de s’opposer au projet de démolition de la villa. L’intérêt patrimonial s’étendait à un public plus large qu’un simple cercle d’initiés.

Les qualités patrimoniales de la parcelle et des divers objets avaient été mises en évidence par les milieux spécialisés consultés et c’était la raison pour laquelle l’intérêt public à la préservation du patrimoine primait sur celui lié à la construction de logement, en conformité avec la fiche A04 du PDCn 2030 selon laquelle la densification ne devait pas se faire au détriment de la préservation du patrimoine.

Le principe de la proportionnalité n’était pas violé par l’inscription à l’inventaire. L’argument de la recourante s’agissant des coûts se basait sur des devis qui n’étaient pas détaillés. Il était impossible de déterminer quels types de travaux elle envisageait d’effectuer. Les montants évoqués n’apparaissaient pas démesurés compte tenu de l’absence d’entretien manifeste de la villa, de la dépendance et du jardin. Selon une analyse effectuée par le SMS, une comparaison avec des projets récemment terminés d’un même niveau de protection et avec des travaux complets et généreux de rénovation situait le projet de la recourante dans les projets raisonnables de cette catégorie. La recourante ne démontrait pas que de tels travaux entraîneraient des conséquences insupportables pour elle. Au vu des affirmations de la recourante, selon lesquelles tant la maison que la dépendance lui octroieraient des rendements locatifs importants, et que le prix de vente des deux objets était supérieur au montant des travaux de rénovation, la recourante n’avait pas démontré que la mesure d’inscription la plaçait dans une situation de détresse financière, étant précisé que l’État pouvait participer aux travaux de conservation, d’entretien et de restauration. La mesure de protection s’inscrivait dans un rapport raisonnable entre le but d’intérêt public poursuivi et l’intérêt privé de la recourante, en particulier son intérêt financier. Enfin, il était curieux que la recourante se prévale de l’ATA/721/2012 pour arguer du caractère disproportionné de la mesure, puisque cet arrêt portait sur des bâtiments de « facture modeste, qui n’avaient aucune caractéristique architecturale particulière » et qui étaient incongrus dans le cadre urbanistique les entourant. Tel n’était pas le cas des bâtiments du cas d’espèce. Dans l’arrêt précité, les frais de mise en conformité des bâtiments atteignaient CHF 17'350'000.-, sans commune mesure avec le cas d’espèce.

Enfin, la recourante indiquait de manière erronée que, malgré les travaux de rénovation, les bâtiments demeureraient sans intérêt, étant empreints de défauts dans leur typologie, leur luminosité et leurs espaces. Contrairement à ces affirmations générales, la surface au sol de la maison de 189 m2 et celle de la dépendance de 142 m2 réservaient de beaux espaces. Il existait en outre des solutions techniques adaptées aux contraintes de la mesure de protection pour améliorer, si besoin, le confort et l’habitabilité des bâtiments. Contrairement aux termes de « maison de poupée » évoqués par la recourante, la maison, même sans l’extension, était dotée d’une surface importante, parfaitement habitable. La mesure d’inscription à l’inventaire n’avait pas pour but de figer un bâtiment mais de préserver ses qualités, notamment en cas de travaux de rénovation ou de transformation. Devoir consulter la CMNS avant tout projet ne pouvait être considéré d’emblée comme une entrave à la garantie de la propriété, dans la mesure où la parcelle no 3'883 n’avait pas été frappée d’une interdiction totale de bâtir.

c. Dans sa réplique du 30 août 2024, la recourante a persisté dans ses précédentes explications et conclusions. Le département ne s’était déterminé que sommairement sur l’influence de la mise à l’inventaire sur la garantie de la propriété et les conséquences financières qu’elle entraînait.

L’architecte G______ n’avait pas édifié le Palais de la Femme à Paris. Cet élément confirmait l’absence d’un intérêt architectural ou historique justifiant la mise à l’inventaire. Le bâtiment no 5______ et le parc avaient subi des transformations majeures. Le fait que certaines modifications soient bien intégrées ne changeait pas le fait que le degré d’authenticité était faible. Aucun manque d’entretien ne pouvait lui être reproché. Les toitures étaient en mauvais état, comme le démontrait une expertise de la société L______. La valeur d’ensemble de la parcelle ne suffisait pas à la mise à l’inventaire. La villa M______, aussi construite par le même architecte, avait été détruite en 2000 conformément à l’autorisation de démolir délivrée par le département. En outre, contrairement aux dires du département, la mesure attaquée visait à satisfaire un cercle restreint de spécialistes. Les différentes prises de position provenaient toutes des mêmes centres d’intérêts. Il y avait un excès négatif du pouvoir d’appréciation de la part du département. La mise à l’inventaire ne lui permettait pas d’obtenir un rendement acceptable de la parcelle, en raison du maintien des bâtiments.

d. Dans sa duplique du 9 septembre 2024, le département a souligné que G______ était bien le co-architecte, avec N______, du Palais de la Femme à Paris. Il en était également le concepteur original. Les affirmations de la recourante étaient fausses. Cela étant, la notoriété de l’architecte n’était pas la seule raison présidant à l’inscription à l’inventaire.

Le rapport de l’entreprise de toiture concernait des travaux usuels de rénovation de toiture, entrepris sur la majorité des bâtiments dotés d’une valeur patrimoniale. Le fait qu’une autre maison construite par le même architecte avait été détruite il y a 25 ans ne remettait pas en cause la nécessité de protéger les bâtiments concernés par la présente procédure. La recourante n’apportait aucun élément sur la substance patrimoniale du bâtiment détruit et son argument plaidait au contraire en faveur de la rareté, et partant de la nécessité de les préserver, des bâtiments nos 5______ et 6______, qui étaient, selon les termes d’J______, « l’expression même de la virtuosité ».

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante conteste le caractère digne de protection des bâtiments et des éléments non cadastrés sous plusieurs angles.

2.1 La LPMNS prévoit la protection de monuments de l’architecture présentant un intérêt historique, scientifique ou éducatif (art. 4 let. a LPMNS) et contient des concepts juridiques indéterminés qui laissent par essence à l’autorité comme au juge une latitude d’appréciation considérable. Il apparaît en outre que, depuis quelques décennies en Suisse, les mesures de protection ne s’appliquent plus uniquement à des monuments exceptionnels ou à des œuvres d’art mais qu’elles visent des objets très divers du patrimoine architectural du pays, parce qu’ils sont des témoins caractéristiques d’une époque ou d’un style (Philip VOGEL, La protection des monuments historiques, 1982, p. 25). La jurisprudence a pris acte de cette évolution (ATF 126 I 219 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_300/2011 du 3 février 2012 consid. 5.1.1).

2.2 Un monument au sens de la LPMNS est toujours un ouvrage, fruit d’une activité humaine. Tout monument doit être une œuvre digne de protection du fait de sa signification historique, artistique, scientifique ou culturelle. Il appartient aux historiens, historiens de l’art et autres spécialistes de déterminer si les caractéristiques présentées par le bâtiment le rendent digne de protection, d’après leurs connaissances et leur spécialité. À ce titre, il suffit qu’au moment de sa création, le monument offre certaines caractéristiques au regard des critères déjà vus pour justifier son classement, sans pour autant devoir être exceptionnel dans l’abstrait. Un édifice peut également devenir significatif du fait de l’évolution de la situation et d’une rareté qu’il aurait gagnée. Les particularités du bâtiment doivent au moins apparaître aux spécialistes et trouver le reflet dans la tradition populaire sans trop s’en écarter (ATA/353/2021 du 23 mars 2021 consid. 8 ; ATA/561/2020 du 9 juin 2020 consid. 5b).

2.3 Tout objet construit ne méritant pas une protection, il y a lieu de procéder à une appréciation d’ensemble, en fonction des critères objectifs ou scientifiques. Pour le classement d’un bâtiment, la jurisprudence prescrit de prendre en considération les aspects culturels, historiques, artistiques et urbanistiques. La mesure ne doit pas être destinée à satisfaire uniquement un cercle restreint de spécialistes. Elle doit au contraire apparaître légitime aux yeux du public ou d’une grande partie de la population, pour avoir en quelque sorte une valeur générale (ATF 120 Ia 270 consid. 4a ; 118 Ia 384 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_32/2012 du 7 septembre 2012 consid. 6.1 ; ATA/1024/2019 du 18 juin 2019 consid. 3d).

2.4 L'art. 7 al. 1 LPMNS prévoit qu'il est dressé un inventaire de tous les immeubles dignes d'être protégés au sens de l'art. 4 LPMNS.

2.5 Lorsqu'une procédure de mise à l'inventaire est ouverte, la commune du lieu de situation est consultée (art. 8 al. 1 LPMNS et 17 al. 3 du règlement d'exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 - RPMNS - L 4 05.01). L'autorité municipale doit communiquer son préavis dans un délai de trente jours à compter de la réception du dossier (art. 8 al. 2 LPMNS). Le silence de la commune vaut approbation sans réserve (art. 8 al. 3 LPMNS). La CMNS formule ou examine les propositions d'inscription ou de radiation d'immeubles à l'inventaire (art. 5 al. 2 let. b RPMNS). Le département jouit toutefois, sous réserve d'excès ou d'abus de pouvoir, d'une certaine liberté d'appréciation dans les suites à donner dans un cas d'espèce, quel que soit le contenu du préavis, celui-ci n'ayant qu'un caractère consultatif (ATA/1024/2019 précité consid. 3d ; ATA/721/2012 du 30 décembre 2012 consid. 5).

2.6 En adoptant l'art. 4 LPMNS, le législateur a souhaité non seulement protéger les bâtiments et monuments dignes d'intérêt, mais également les terrains contenant ces objets ainsi que leurs abords. Le périmètre ainsi proposé n'est pas limité, permettant ainsi au Conseil d'État de l'apprécier de cas en cas, comme il peut le faire s'agissant de la protection des abords d'immeubles classés (art. 15 al. 4 LPMNS ; ATA/7/2019 du 8 janvier 2019 consid. 11).

2.7 De jurisprudence constante, si la consultation de la CMNS est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l’appréciation qu’est amenée à effectuer l’autorité de recours (ATA/1024/2019 du 19 juin 2019 et les arrêts cités). La CMNS se compose pour une large part de spécialistes, dont notamment des membres d’associations d’importance cantonale, poursuivant par pur idéal des buts de protection du patrimoine (art. 46 al. 2 LPMNS). À ce titre, son préavis est important (ATA/1439/2019 du 1er octobre 2019 consid. 3b).

En outre, selon une jurisprudence bien établie, la chambre administrative observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1252/2023 du 21 novembre 2023 consid. 7.2 ; ATA/135/2022 du 1er mars 2022 consid. 9h). Lorsqu’elle estime que l’autorité inférieure est plus à même d’attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l’autorité de recours s’impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l’interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d’utilisation du sol (ATA/515/2024 du 23 avril 2024 consid. 4.4 et les références citées).

2.8 Le RAC, dont la réalisation incombe à l’IMAH, a été mis en œuvre dans le cadre de l’adoption de la LPMNS et a été conduit régulièrement jusqu’au début des années 1990. Il a ensuite porté ponctuellement sur des secteurs géographiques particuliers ou des thèmes. Depuis 2015, il s'inscrit dans le cadre de l'adoption du PDCn 2030 (fiche A 15 : Préserver et mettre en valeur le patrimoine) et vise à mettre à jour et à compléter les données recueillies dans les années 1970-2000.

2.9 Le RAC permet de déterminer la valeur patrimoniale des bâtiments et ainsi, notamment, d’orienter l’adoption des mesures de protection mais n’implique pas l’adoption automatique de ces mesures (ATA/842/2023 du 9 août 2023 consid. 5.4). L’évaluation repose sur une échelle de quatre valeurs : exceptionnel, intéressant, intérêt secondaire et sans intérêt, la valeur « non évalué » étant réservée aux bâtiment non accessibles.

La valeur « intéressant » est attribuée aux bâtiments présentant au moins l’un des critères suivants : degré satisfaisant de conservation de la substance architecturale, grande qualité architecturale, structurelle ou décorative, de niveau local ou régional ; exemplarité ou originalité de son architecture (caractère constructif, stylistique, typologique) ; ancienneté ; valeur historique : témoignage d’une activité particulière ; résidence d’un personnage historique ou d’une personne morale ayant une notoriété locale ou régionale ; théâtre d’un évènement historique de portée locale ou régionale, notoriété régionale de son architecte, appartenance à un ensemble ou à un site d’intérêt, de niveau local ou régional.

2.10 Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les expertises privées n’ont pas la même valeur qu’une expertise demandée par un tribunal. Les résultats d’une expertise privée réalisée sur mandat d’une partie sont soumis au principe de la libre appréciation des preuves, sont considérés comme de simples allégués des parties et n’ont pas la qualité de preuve. Étant donné qu’en règle générale, des expertises privées ne sont présentées que si elles sont favorables à leur mandant, il convient de les interpréter avec prudence. L’expert privé n’est pas objectif et indépendant comme l’est l’expert officiel. Il existe un rapport de mandat entre l’expert privé et la partie privée qui l’a chargé d’établir l’expertise et l’intéressé donne son avis sans en avoir été chargé par les organes judiciaires. Il faut donc supposer une certaine partialité chez l’expert privé qui a été choisi par la partie selon ses propres critères, qui est lié à cette dernière par un contrat de mandat et qui est payé par celle‑ci (ATF 141 IV 369 consid. 6.2 = JdT 2016 IV 160 et les références citées ; ATA/731/2022 du 12 juillet 2022 consid. 5).

2.11 En l’espèce, la recourante avance que les critères retenus par l’IMAH n’étaient pas remplis. Les bâtiments étaient en mauvais état, inintéressants architecturalement et aucun élément constructif faisant état d’un savoir-faire particulier n’était recensé. D’autres bâtiments de type « Heimatstil » existaient sur le territoire du canton. Il n’existait pas d’élément intérieur digne de protection. Les façades étaient usuelles. Le critère relatif au lien avec un personnage historique faisait défaut. Des travaux, nombreux, avaient été réalisés et le bâtiment n’était plus dans son état d’origine. L’expert mandaté constatait l’absence de nécessité d’adopter une mesure de protection du patrimoine.

Il a été retenu de manière concordante par tous les spécialistes s’étant prononcés sur le sujet (recensement ICOMOS, RAC, rapport de visite de l’IMAH et préavis de la CMNS) que les bâtiments et l’ensemble avaient une valeur patrimoniale élevée. L’ensemble présentait les caractéristiques d’une œuvre au sens de la jurisprudence. Le RAC a attribué la valeur « exceptionnel » aux objets et relevé les qualités architecturales de la villa et de la dépendance. Plusieurs caractéristiques remarquables ont été mises en évidence, dont témoignent notamment les photographies jointes à la fiche de recensement.

L’autorité intimée retient à ce sujet le raffinement des façades, avec leurs ouvertures disposant de pans de bois, le toit à coyaux du volume principal, avec plusieurs types de lucarnes (à croupe, rampantes, joues galbées), multipliant les décrochements pittoresques et l’élégance des pans de bois enrichis d’éléments décoratifs (deux arcs en plein cintre, munis de poinçons dans les pignons). L’architecture de la dépendance reprenait le langage architectural de la maison, notamment la toiture à coyaux soutenue par des bras de force. Enfin, le jardin paysagé était composé d’aménagements soignés, soit les portails et la grille d’entrée. L’ensemble était dans un bon état de conservation, malgré des transformations.

L’ensemble avait été considéré comme « intéressant » par le représentant de l’IMAH, qui avait retenu, aux termes d’une analyse documentée et approfondie, qu’il s’agissait d’un témoignage important de l’urbanisation péri-urbaine au tournant du XXe siècle. Les transformations de 1920 et 1932 étaient réalisées dans l’esprit et le style du bâtiment d’origine et ne le dénaturaient pas, ce que la CMNS a relevé dans son préavis. Enfin, les modifications réalisées à l’intérieur du bâtiment en raison de l’édification de l’extension n’étaient pas de nature irréversible et ne remettaient pas en cause, contrairement aux dires de la recourante, les qualités patrimoniales de l’ensemble. Plusieurs éléments étaient encore d’origine à l’intérieur, soit notamment deux cheminées en marbre, l’escalier en bois, les portes et la plupart des fenêtres.

Enfin, l’autorité intimée a retenu que ce type d’architecture, en style vernaculaire, s’inscrivait dans le patrimoine architectural genevois de la période d’avant-guerre, ce qui était de nature à conférer une valeur générale et un caractère digne de protection aux objets qui en étaient particulièrement représentatifs, à l’instar des bâtiments de la recourante. L’ensemble était un exemple d’un domaine typique du début du XXe siècle. En particulier, la valeur des objets était encore renforcée en les replaçant dans leur contexte historique. L’ensemble était un témoignage important d’une réalisation bourgeoise « Heimatstil », qui avait vu le jour, dans une zone peu bâtie, à la suite de la mise en service d’une ancienne ligne de tram, aujourd’hui disparue, reliant Rive à Hermance.

Il appert ainsi que ce sont l’aspect de témoin d’un courant architectural, son système constructif et ses qualités matérielles et historiques qui ont fondé la valeur patrimoniale retenue pour les bâtiments, les objets non cadastrés et la parcelle, lesquelles correspondent aux critères développés ci-dessus.

La recourante estime que « l’expertise » d’J______ invaliderait les conclusions des spécialistes consultés, cet historien de l’art étant « convaincu que la démolition de cette maison était préférable à une restauration ». Il ressort toutefois de la jurisprudence constante que les résultats issus d'une expertise privée sont soumis au principe de la libre appréciation des preuves et sont considérés comme des simples allégués de parties (ATF 142 II 355 consid. 6 ; ATF 141 IV 369 consid. 6). Tel est le cas pour les deux rapports d’J______. L’expertise de ce dernier, qui n’est pas l’autorité compétente en la matière, ne peut se substituer aux avis concordants des divers spécialistes qui retiennent la nécessité de mettre à l’inventaire les bâtiments et objets précités. Cela étant, il ressort du premier rapport de cet historien, établi en avril 2022, que la maison actuelle était « un formidable exercice de complications, comme l’expression même de la virtuosité » et que le jardin paysagé était empli de « subtilité », tandis que la dépendance « ne manquait pas d’intérêt par sa simplicité et étonnait par ses dimensions ». Dans le second rapport, établi en février 2023, ce même auteur contredit ses propres conclusions, sur la base de simples hypothèses et d’affirmations ne reposant sur aucun fondement scientifique (le lieu « avait perdu les trois quarts de sa substance et moindri [sic] sa valeur d’autant »), voire cite des éléments non pertinents du point de vue architectural et patrimonial. Ces appréciations ne font finalement qu’opposer la vision de la recourante à celle de la CMNS et des autres spécialistes consultés, et ne permettent pas de retenir que le département aurait outrepassé son pouvoir d’appréciation et erré en se déclarant favorable à une mesure de mise à l’inventaire.

La recourante fait en réalité valoir sa propre appréciation quant à la valeur de l’objet, sans motifs objectifs de nature à remettre en cause les considérations de spécialistes en matière de protection du patrimoine. Elle fait également valoir le fait que de nombreux bâtiments comporteraient les mêmes caractéristiques que le sien sans toutefois démontrer en quoi leur objet serait en tous points identiques à d’autres bâtiments qui ne présenteraient pas d’intérêt patrimonial. Le fait qu’une autre maison conçue par l’architecte G______ ait été détruite en 2001, soit il y a plus de 25 ans, ne remet pas en question, mais plutôt renforce la nécessité de protéger les bâtiments inscrits à l’inventaire, faute de démonstration concernant la substance patrimoniale et historique de la villa détruite.

Il ressort des pièces produites par le département que l’importance de cet architecte est établie, ce dernier étant le co-architecte, avec N______ du Palais de la Femme à Paris, entre autres bâtiments principalement réalisés en France. Son influence de penseur social et hygiéniste est par ailleurs soulignée. Cela étant, même à retenir l’absence de notoriété et d’importance de l’architecte ayant conçu le bâtiment – ce qui n’est pas le cas, vu ce qui précède – cet élément n’est de toute manière pas déterminant, à lui seul, pour l’adoption ou non d’une mesure de conservation (ATA/1257/2024 du 29 octobre 2024 consid. 4.1.3).

La mise à l’inventaire ne vise pas qu’à satisfaire un cercle restreint de spécialistes, puisqu’il ressort du dossier que deux associations de protection du patrimoine, ainsi qu’une riveraine, se sont adressées au département concernant les qualités architecturales de l’ensemble. Ces prises de position témoignent de l’importance et de l’intérêt pour le public de ces bâtiments.

Le fait que la commune, dont le préavis est consultatif, se soit prononcée de manière défavorable à la mise à l’inventaire, ne modifie pas l’analyse qui précède, la commune ayant indiqué s’être contentée de suivre les conclusions d’J______ sans procéder à une analyse patrimoniale plus poussée. À ce sujet, il sera rappelé que la jurisprudence de la chambre de céans tient le préavis de la CMNS comme déterminant, puisqu’il s’agit de la commission de référence, spécialisée en matière de protection du patrimoine (ATA/7/2019 du 8 janvier 2019 consid. 11b). Émanant d’une autorité politique ne bénéficiant pas de connaissances techniques en matière d’art, d’architecture et d’histoire, le préavis communal ne saurait être prépondérant par rapport aux préavis des commissions spécialisées (ATA/7/2019 précité). En conséquence, il appert que c’est en toute connaissance de cause que l’autorité intimée a pris sa décision, se fondant sur les caractéristiques intrinsèques du bâtiment et sur le préavis favorable de la CMNS. La mesure de protection adoptée répond donc aux conditions de la LPMNS pour son adoption et c’est à bon droit que le département a fait prévaloir le préavis de la CMNS sur celui de la commune.

Enfin, contrairement à l’avis, non étayé, de la recourante, la mise à l’inventaire querellée est en conformité avec les buts de la fiche A04 du PDCn 2030, selon laquelle la densification ne doit pas se faire au détriment de la préservation du patrimoine. Admettre le contraire reviendrait à accepter la démolition de bâtiments dignes de protection au profit de la construction de logements, vidant de son sens la pesée globale des intérêts ainsi que les dispositions légales consacrant la protection du patrimoine (arrêt du Tribunal fédéral 1C_571/2008 du 19 mars 2009). Sous cet angle non plus, l’appréciation de l’autorité intimée ne prête pas le flanc à la critique.

Compte tenu de la proximité des constructions et de leur environnement, ainsi que de leur emplacement dans le parc paysagé, la justification retenue par l'autorité intimée visant à étendre la protection à l'entier de la parcelle pour permettre de garantir un dégagement suffisant des bâtiments et autres éléments à protéger s'ajoute au fait que la mise à l'inventaire permettra aux spécialistes en matière de protection du patrimoine d'être consultés sur tout projet susceptible de modifier l'état existant et de formuler des prescriptions particulières en vue de la préservation de l’ensemble des éléments dignes de protection. À ces justifications s'ajoute que le jardin en soi a été identifié par le recensement du patrimoine architectural comme un élément caractéristique du paysage.

Dans sa décision, le département a suivi les préavis et les conclusions des spécialistes. Dans ces circonstances, sous réserve de l'examen du principe de proportionnalité qui sera fait ci-dessous, rien ne permet à la chambre de céans de s'éloigner de l'appréciation faite par le département et il convient de retenir qu'il n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant les caractéristiques intrinsèques des bâtiments et de leurs abords et en prononçant la mesure de protection.

Les griefs de la recourante doivent être écartés.

3.             La recourante estime que la mesure viole le principe de la proportionnalité.

3.1 L'assujettissement d'un immeuble à des mesures de conservation ou de protection du patrimoine naturel ou bâti constitue une restriction du droit de propriété garanti par l'art. 26 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Pour être compatible avec cette disposition, l'assujettissement doit donc reposer sur une base légale, être justifié par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 Cst. ; ATF 126 I 219 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_386/2010 du 17 janvier 2011 consid. 3.1 ; ATA/1214/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2a).

3.2 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

En principe, les restrictions de la propriété ordonnées pour protéger les monuments et les sites naturels ou bâtis sont d'intérêt public et celui-ci prévaut sur l'intérêt privé lié à une utilisation financière optimale du bâtiment (ATF 126 I 219 consid. 2c ; 120 Ia 270 consid. 6c ; 119 Ia 305 consid. 4b).

Le sacrifice financier auquel le propriétaire est soumis du fait de la mise à l'inventaire constitue un élément important pour apprécier si l'atteinte portée par cette mesure à son droit de propriété est supportable ou non (ATF 126 I 219 consid. 6c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_52/2016 du 7 septembre 2016 consid. 3.2). En relation avec le principe de la proportionnalité au sens étroit, une mesure de protection des monuments est incompatible avec la Constitution si elle produit des effets insupportables pour le propriétaire ou ne lui assure pas un rendement acceptable. Savoir ce qu'il en est, dépend notamment de l'appréciation des conséquences financières de la mesure critiquée (ATF 126 I 219 consid. 6c in fine et consid. 6h ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_52/2016 précité consid. 2 ; 1P.842/2005 du 30 novembre 2006 consid. 2.4). Plus un bâtiment est digne d'être conservé, moins les exigences de rentabilité doivent être prises en compte (ATF 118 Ia 384 consid. 5 ; ATA/1024/2019 précité consid. 2).

3.3 Les effets d'une mise à l'inventaire sur un immeuble sont son maintien ainsi que la préservation de ses éléments dignes d'intérêt (art. 9 al. 1 LPMNS). Elle confère à l'objet qu'elle vise une protection plus importante que les seules dispositions en matière de police des constructions, comme le fait la mesure de classement (ATA/783/2012 précité consid. 13).

3.4 En l’espèce, la recourante fait valoir des conséquences économiques négatives. Elle soutient que la mise à l’inventaire lui occasionnerait des coûts disproportionnés par rapport à la valeur architecturale réelle des bâtiments.

Il sera rappelé, à titre liminaire, que selon la jurisprudence fédérale, la seule diminution des expectatives de rendement que pourrait entraîner une mesure de protection n’est en elle-même pas suffisante à empêcher ladite mesure, l’intérêt privé à une utilisation financière optimale de l’immeuble devant en principe céder le pas devant l’intérêt public lié à la protection des monuments et des sites bâtis (ATF 126 I 219 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_708/2022 du 27 janvier 2022 consid. 4.2).

Or, toutes les explications de la recourante à ce sujet concernent une diminution desdites expectatives de rendement et non une limitation de son droit de propriété.

La recourante estime que les bâtiments présenteraient des défauts quant à leurs aménagement et espace. Son affirmation n’est cependant pas étayée et, de la sorte, elle n’est pas établie. Elle est au demeurant contredite par les affirmations des instances spécialisées, et même par l’historien de l’art qu’elle a consulté, qui a d’ailleurs mis en avant les dimensions généreuses de la dépendance dans son analyse. En outre, même à suivre la recourante, il existe des solutions techniques adaptées aux contraintes de la mesure de protection pour améliorer, si besoin, le confort et l’habitabilité des bâtiments.

La recourante cite le montant de CHF 4'457'000.- pour une rénovation de la villa actuelle et de sa dépendance, respectivement CHF 4'804'777.-, selon un autre devis. S’agissant du coût des travaux de rénovation, les devis présentés ne détaillent pas les travaux envisagés. On ne sait ainsi rien, sous l’angle patrimonial, de la nature, de la nécessité, ni même de l’ampleur des travaux. Les devis présentés font figurer dans le montant total de nombreux travaux sans autres précisions, par exemple des aménagements extérieurs et intérieurs ou encore ceux en lien avec une remise en état afin de louer, voire des travaux d’entretien général de la propriété. Il en va de même des affirmations concernant la toiture, qui serait « morte » selon l’entreprise mandatée, laquelle ne spécifie par ailleurs pas quels coûts seraient engendrés pour sa réfection. À ce sujet, le département a indiqué, sans être contredit sur ce point, qu’il s’agissait de travaux usuels de rénovation de toiture, entrepris sur la majorité des bâtiments dotés d’une valeur patrimoniale, et rappelé que l’État pouvait, en cas de besoin, participer financièrement aux travaux de conservation, d’entretien et de restauration (art. 22 et 42A LPMNS).

Rien ne démontre donc sous cet angle que la mise à l’inventaire générerait une perte de valeur de la propriété, laquelle peut toujours être utilisée conformément à sa destination. La recourante conserve ses prérogatives liées au droit de propriété, notamment celle de la louer ou de la vendre, possibilités qu’elle a d’ailleurs envisagées, quand bien même la mesure empêche la démolition des parties inventoriées des bâtiments. À ce propos, la recourante n’a pas démontré que la vente de la villa, en l’état ou avec des travaux de rénovation, lui occasionnerait réellement une perte financière, le montant pour lequel elle a acquis la propriété dans les années 1950 n’étant ni allégué ni connu.

La recourante admet d’ailleurs elle-même pouvoir louer la parcelle, pour des valeurs de rendement de CHF 6'000.- par mois pour la villa et CHF 2'800.- par mois pour la dépendance. La valeur de revente de la villa était de CHF 3'255'000.- et de CHF 1'665'000.- pour la dépendance, soit un prix total de la vente de CHF 4'920'000.- se situant au quantile 50 selon une estimation produite par la recourante. Rien n’est mentionné s’agissant de la vente de la parcelle. Au vu de la surface totale de celle-ci (près de 5'000 m2), entièrement sise en zone 5, les montants évoqués semblent peu élevés au regard du marché immobilier genevois.

À cela s’ajoute que la recourante n’expose pas de raisons pour lesquelles il découlerait une perte de valeur foncière de la mise à l’inventaire de sa propriété. Elle n’allègue en outre pas que sa situation financière serait mauvaise ou qu’elle serait en difficultés en cas de travaux à effectuer sur sa propriété. Faute d'arguments spécifiques sur ce sujet, rien ne permet de penser que l'inscription à l’inventaire ne lui assurerait pas un rendement acceptable, à tout le moins comparable à celui dont elle bénéficie aujourd'hui. Selon une analyse effectuée par le SMS, que la recourante n’a pas contestée, une comparaison avec des projets récemment terminés d’un même niveau de protection et avec des travaux complets et généreux de rénovation situait le projet de rénovation de la recourante dans les projets raisonnables de cette catégorie.

Enfin, contrairement à ce que soutient la recourante, la situation tranchée par l’ATA/721/2012 n’est pas similaire à son cas. Cet arrêt porte sur des bâtiments considérés comme « de facture modeste qui n’avaient aucune caractéristique architecturale particulière », « incongrus dans le cadre urbanistique les entourant ». Les frais nécessaires à la mise en conformité de ces bâtiments, vétustes, étaient de CHF 17'350'000.-, pour un prix de vente estimé entre CHF 4'600'000.- et CHF 5'500'000.-. Tel n’est pas le cas des objets visés, dans la présente procédure, par l’inscription à l’inventaire du 2 mai 2024, ni au regard de leurs caractéristiques, ni quant au coût des travaux de rénovation et au prix de vente estimé après rénovation. La recourante ne peut ainsi rien tirer de cet arrêt.

S’agissant de la parcelle, les explications de la recourante relatives à la disposition du bâtiment peinent à convaincre et rien ne permet d’exclure les possibilités constructives existantes, l’arrêté d’inscription à l’inventaire ne spécifiant pas d’interdiction de construire. Il en va de même d’un éventuel projet de construction visant à densifier la parcelle, lequel n’est pas exclu par la mise à l’inventaire mais devra être examiné par la CMNS afin qu’elle se détermine sur la compatibilité du projet avec les objectifs de sauvegarde du patrimoine. L’argument lié à l’impossibilité de construire en raison de l’extension ne peut être suivi, cette dernière n’étant pas visée par la mesure de mise à l’inventaire, et la maison d’origine demeure dotée d’une surface au sol importante et de beaux volumes (près de 200 m2) ; elle est ainsi parfaitement apte à accueillir des habitants et, à teneur des plans, loin de pouvoir être qualifiée de « maison de poupée », comme le soutient la recourante dans ses écritures.

La chambre de céans a déjà jugé que la mesure imposant de consulter la CMNS ou le SMS lors du dépôt d’une demande en autorisation de construire n’entraînait pas un effet insupportable pour un propriétaire (ATA/352/2021 du 23 mars 2021 consid. 12) et ne représentait pas d'emblée une entrave insupportable à la garantie de la propriété. La chambre de céans constate qu’aucune interdiction totale de construire n'a été prononcée. Une mesure d'inscription à l'inventaire n'exclut pas que la propriétaire puisse construire sur la parcelle. Les contraintes de la mesure sont moins lourdes que celles subies par tout propriétaire d'un bien-fonds situé en zone protégée ou soumis à une mesure de classement (ATA/783/2012 du 20 novembre 2012 consid. 14 b).

Aucun sacrifice financier disproportionné ne peut ainsi être constaté. Le seul fait que l’inscription à l’inventaire empêche la destruction de la villa et de la dépendance comme le souhaite la recourante ne suffit pas à retenir un sacrifice financier ou une restriction disproportionnée à la garantie de la propriété.

Il appert ainsi que la mesure d’inscription à l’inventaire respecte le principe de proportionnalité, lequel exige un rapport raisonnable entre les effets qu’elle entraîne et le but de protection poursuivi. Il n’est pas possible de retenir que l’inscription à l’inventaire produirait à l’encontre de la recourante des effets insupportables, même si ses expectatives de rendement pourraient être diminuées.

En conséquence, le grief sera écarté.

Il découle de ce qui précède qu’étant en tous points infondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 juin 2024 par la A______ devenue B______ SA contre l’arrêté du département du territoire du 2 mai 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de la A______ devenue B______ SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François BELLANGER, avocat de la recourante, au département du territoire, ainsi qu'à l’office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :