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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3852/2024

ATA/1496/2024 du 19.12.2024 sur JTAPI/1151/2024 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3852/2024-MC ATA/1496/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 décembre 2024

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Anna SERGUEEVA, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 novembre 2024 (JTAPI/1151/2024)


EN FAIT

A. a. A______, B______ ou C______, né le ______ 1989, est originaire de Tunisie.

b. Il est entré en Suisse, démuni de documents d'identité, en 2023.

c. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné à six reprises entre le 25 août 2023 et le 12 octobre 2024, par ordonnances pénales du Ministère public genevois, pour diverses infractions, notamment pour vol au sens de l'art. 139 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS −311.0), entrée et séjour illégaux au sens de l’art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI − RS 142.20), consommation de stupéfiants selon l'art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup − RS 812.121) et délit contre la loi sur les armes au sens de l'art. 33 al. 1 let. a de loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions du 20 juin 1997 (LArm – RS 514.54).

d. Le 18 mars 2024, par décision déclarée exécutoire nonobstant recours, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) a ordonné son renvoi immédiat de Suisse et du territoire des États membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen.

B. a. Dans le cadre de l'audition conduite par la Brigade migration et retour de la police genevoise le 4 juillet 2024, A______ a déclaré avoir fait une demande auprès des autorités françaises, à Grenoble, en vue de régulariser son séjour en France suite à la naissance de son fils le 11 septembre 2023 et son mariage religieux dans cette ville. Il était disposé à quitter la Suisse par ses propres moyens une fois qu'il aurait payé ses diverses amendes. S'agissant de sa situation personnelle, il a précisé n'avoir pas d'adresse de notification en Suisse, être toxicomane et être suivi par un médecin à côté d'Uni-Mail, à Genève.

b. Le 22 juillet 2024, alors qu'il était incarcéré à la prison de Champ-Dollon pour purger divers écrous, les autorités genevoises ont requis le soutien administratif du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) en vue de l'identification formelle d’A______ et l'obtention d'un document de voyage.

c. Le 19 septembre 2024, sur réquisition de l'office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières, les autorités françaises ont précisé que l'intéressé n'avait aucun droit de séjour en France et était démuni de documents d'identité.

d. Le 12 octobre 2024, le commissaire de police a notifié à A______ une interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire du canton de Genève (art. 119 LEI) pour une durée de 18 mois et lui a imparti un délai de 24 heures pour quitter le territoire cantonal.

e. Le 23 octobre 2024, le SEM a informé les autorités genevoises qu’A______ avait été formellement identifié par la Tunisie comme ressortissant de ce pays et qu'un vol pouvait être réservé auprès de swissREPAT trois semaines à l’avance afin que les autorités fédérales puissent obtenir, dans ce délai, le laissez-passer auprès de l'ambassade de Tunisie.

f. Nonobstant l'ensemble des mesures d'éloignement du territoire signifiées à l'intéressé, celui-ci a été arrêté par les services de police le 18 novembre 2024 à la rue de l'Ancien-Port 14, 1201 Genève, alors qu'il venait de consommer de la cocaïne. Il a déclaré qu'il dormait à proximité du Quai 9 et subvenait à ses besoins grâce aux aides financières dispensées par cet établissement. Il a également prétendu avoir une tante à Genève, sans fournir plus de détails. Prévenu d'infraction aux art. 115 al. 1 let. b et 119 al. 1 LEI (séjour illégal, non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminé), ainsi qu'à l'art. 19a LStup (consommation de stupéfiants), l'intéressé a été mis à disposition du Ministère public, sur ordre du commissaire de police.

g. Le 19 novembre 2024, entendu par le Ministère public, A______ a confirmé les précédentes déclarations à la police. Il s'était rendu à Lausanne après sa condamnation du 12 octobre 2024. Il n'avait pas quitté la Suisse. Il était revenu à Genève sept à dix jours avant son arrestation le 18 novembre 2024, pour y voir sa femme et son fils. Il consommait du crack quand il en trouvait. Il savait qu'il n'avait pas le droit d'être en Suisse. Il avait commis une erreur et ne reviendrait pas.

h. Le même jour, le Ministère public a condamné A______, par ordonnance pénale, à une peine privative de liberté d'ensemble de 100 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement (après révocation de la liberté conditionnelle accordée le 3 septembre 2024 par le Tribunal d'application des peines et des mesures du canton de Genève dès le 14 septembre 2024 correspondant à un solde de peine de 43 jours), ainsi qu'à une amende de CHF 300.-, pour séjour illégal, non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée et consommation de stupéfiants. Il a été remis en liberté et mis à disposition des services de police.

i. Le 19 novembre 2024 à 16h53, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre d’A______, pour une durée de six semaines.

Au commissaire de police, A______ a déclaré être en bonne santé et poursuivre un traitement à base de méthadone. Il s'opposait à son renvoi en Tunisie, car il avait un problème avec la famille de sa femme.

C. a. Le même jour, le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

b. Convoqué aux fins d'être entendu par le TAPI le 21 novembre 2024, A______ a fait un malaise alors qu'il se trouvait au parloir avec son conseil. Il a été pris en charge par un médecin. Il n'était pas en état d’être entendu et a été conduit aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Son audition a été fixée au lendemain.

c. Entendu par le TAPI le 22 novembre 2024, A______ a déclaré qu’il ne se souvenait de rien au sujet de son malaise de la veille. Il avait mal à la tête. Il était malade et consommait de la drogue. Il avait mal à la moitié gauche de son visage. Il ne savait pas si, à l'hôpital, il avait pris un médicament. Il ne se rappelait pas ce que le médecin lui avait dit. Avec l'aide de son conseil, il a indiqué que vu les délais très courts, il n’avait aucun certificat médical à produire à ce stade.

Il ne comprenait pas pourquoi il était en détention administrative. Il n'avait personne en Tunisie. Sa famille était en France et en Italie. Il savait qu’il n’avait le droit d'être ni en Suisse ni à Genève. Il y était revenu malgré l'interdiction pour y voir son fils et sa femme, qu'il n'avait pas vus depuis quatre mois. Elle ne savait pas qu’il faisait l'objet d'une interdiction cantonale. Il était désolé. Il consommait de l'héroïne et du crack depuis quatre ans. Il ne savait pas dire en quelle quantité. Il consommait la drogue au Quai 9 et il l'achetait à côté.

Il ne savait pas exactement quand il était revenu en Suisse. Il ne se souvenait pas si c'était en février 2024 ou à une autre date. S'il était revenu à Genève, c'était parce qu’il consommait de la drogue. Il ne pouvait pas consommer à côté de son fils.

Il avait fait une demande de permis de séjour en France, mais il ne l'avait pas terminée. Il avait perdu tous les papiers qu’il avait avec lui. En Italie, le nom de famille de ses proches s'écrivait C______, ce qui était faux. En France, il avait déposé une demande de permis. Son nom de famille s'orthographiait A______. Il était en France depuis 2020. Son fils s'appelait D______. Il était né le ______ 2023. Sa femme, née le ______ 1981, s'appelait E______. Ils étaient domiciliés ______, F______. Ils avaient été mariés par l'imam. Il avait fait une demande à F______ pour que leur mariage soit reconnu par l'état civil. Il avait « pris un papier », mais n'avait pas terminé cette démarche. Sa femme travaillait aux impôts à F______. Il avait un diplôme de réparateur en électronique, mais il travaillait comme peintre. À son arrivée en France, il avait travaillé pour le frère de sa femme. S’il était autorisé à retourner en France, il pourrait recommencer à travailler pour lui.

Il était exact que son passeport et sa carte d'identité tunisiens se trouvaient à son domicile. Il avait effectivement déclaré, le 4 juillet 2024, lorsqu'il avait été entendu par la police, qu’il pouvait demander à sa femme de lui envoyer ses papiers. Il ne l'avait pas fait. À cause de la drogue, il oubliait même qui il était de temps en temps. Son avocate allait prendre sans délai contact avec sa femme.

Il avait deux sœurs qui vivaient à Paris. Sa mère habitait maintenant en Italie avec son frère. Elle le cherchait. Depuis deux mois, il n'avait appelé personne car il était beaucoup trop mal à cause de la drogue. Il prenait de la méthadone et du valium. Il ne connaissait pas le nom de son médecin. Son cabinet se trouvait à côté d'Uni‑Mail. Il avait l'ordonnance avec lui dans ses affaires à l’établissement de détention de Favra. Il prenait de la méthadone depuis deux ans.

Il avait commis une erreur. Il voulait retourner en Italie vers sa famille. Lorsqu’il était arrivé en Europe, il avait déposé ses empreintes en Italie. Il n’avait jamais demandé l'asile en Italie. En Suisse, il avait la sœur de sa mère. Il la voyait de temps en temps, mais il n’avait pas le droit d'aller chez elle. C'était ce que lui avait dit la police. Il n’avait pas d'autre famille à Genève. C’était à cause d'un ami qu’il avait « cassé sa vie comme ça ». Il était venu à Genève pour le voir pendant deux jours et c'était à ce moment-là qu’il avait consommé de l'héroïne et du crack.

Sur question de son conseil, il a confirmé qu'il avait fait une demande de permis à la mairie de F______, sa pièce d'identité tunisienne avait été traduite en français et que c'était la première fois qu'il faisait un malaise. Il avait eu peur de mourir. Il autorisait son conseil à contacter ses médecins, sa femme et les autorités françaises. Il n’était pas d'accord de retourner en Tunisie. Sa femme et son fils étaient en France. S'il était mis en liberté, il appellerait sa mère et irait en Italie. Il pourrait y être le soir même.

Son conseil a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative et à la mise en liberté immédiate de son mandant.

Le représentant du commissaire de police a indiqué qu'il n'avait aucune information quant à une éventuelle prise des empreintes de l'intéressé par les autorités italiennes. Il partait du principe que ses collègues avaient vérifié et qu’A______ ne relevait pas du domaine de l'asile. Au vu de l'état de santé de l’intéressé, un rapport du service médical de Favra serait demandé, avant d'être transmis à l'OSEARA, en charge de se déterminer sur l'aptitude au voyage de l'intéressé. Sauf erreur, A______ n'avait pas encore été vu par le service médical de Favra. Ensuite, le médecin de la société OSEARA se déterminerait dans les sept à dix jours. Si OSEARA le déclarait apte au voyage, un vol serait réservé dans les trois semaines, ce qui laisserait le temps suffisant à l'obtention d'un laissez‑passer de l'ambassade tunisienne. Si l'intéressé devait leur transmettre son passeport tunisien en cours de validité, un laissez-passer ne serait pas nécessaire et un vol pourrait être réservé très rapidement.

Le représentant du commissaire de police a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de six semaines.

d. Par jugement du 22 novembre 2024, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris le 19 novembre 2024 à l’encontre d’A______ pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 30 décembre 2024 inclus.

Aucun élément du dossier ne permettait de retenir que l'état de santé de l'intéressé serait incompatible avec une détention administrative. L’intéressé n’avait pas encore fait l'objet d'une visite médicale par le service médical de l'établissement de détention. Il convenait donc d'attendre le résultat de ce rapport, étant néanmoins relevé qu'une addiction, même sévère aux drogues dures, ne constituait pas à elle seule un motif de levée de la détention.

Le juge de la détention administrative n’était habilité à examiner l'exécutabilité du renvoi que dans des cas tout à fait exceptionnels, notamment lorsque les circonstances permettaient clairement de conclure à une impossibilité juridique ou matérielle, notamment pour des raisons humanitaires. En l'espèce, ces conditions n’étaient manifestement pas réalisées. En amont des démarches visant concrètement au renvoi de l'intéressé en Tunisie, OSEARA serait saisie, rapport médical à l'appui, afin de statuer sur l'aptitude de celui-ci au voyage.

A______ soutenait qu'il devait être autorisé à quitter le territoire par ses propres moyens dès lors qu'il aurait droit au regroupement familial en France. Toutefois, à teneur du dossier, il n’était pas autorisé à séjourner en France et il n'appartenait pas au TAPI d'examiner les éventuelles chances de succès d'une demande de regroupement familial qui pourrait être demandée auprès des autorités françaises compétentes.

D. a. Par acte remis au greffe de l’établissement de détention le 6 décembre 2024 et reçu le 10 décembre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à l’annulation de l’ordre de mise en détention.

Rappelant sa situation familiale, il demandait « une dernière chance pour régler [s]a vie ». Il ne pouvait pas rester loin de sa femme et de son fils. Il voulait suivre son traitement et ne plus retomber dans la consommation de drogue.

b. Le 12 décembre 2024, l’avocate d’A______ a, à l’invitation du juge délégué, complété le recours de son mandant. Celui-ci soutenait que son renvoi était inexigible, d’une part en raison d’un droit au regroupement familial en France et d’autre part en raison de son état de santé.

Elle avait adressé deux courriers aux HUG et à l’OCPM, restés sans réponse. Son client demandait dès lors l’administration de deux preuves, soit la production par les HUG d’un certificat médical attestant de son état de santé et partant de sa capacité à être (ou non) renvoyé par avion, et l’obtention de la part des autorités françaises des pièces attestant de ses démarches en vue d’un mariage civil ainsi que de sa paternité.

c. Le 16 décembre 2024, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Le recourant ne disposait d’aucun titre de séjour en France et n’étayait nullement ses allégations au sujet de sa femme – avec laquelle il n’était de surcroît, selon ses propres déclarations, pas marié civilement – et de son enfant. Quoi qu’il en fût, il ne pouvait invoquer l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) dès lors que même s’ils existaient, ces proches ne se trouvaient pas en Suisse.

Par ailleurs, il ne résultait pas du dossier que son état de santé fût si déficient qu’il répondrait aux exigences posées par la jurisprudence pour renoncer à l’exécution de son renvoi. Celle-ci n’aurait de toute façon lieu qu’après une analyse médicale effectuée par l’autorité compétente, conformément aux art. 15p et 15r de l’ordonnance sur l’exécution du renvoi et de l’expulsion d’étrangers du 11 août 1999 (OERE – RS 142.281).

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 10 décembre 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.).

3.             Le recourant demande préalablement à la chambre de céans d’effectuer deux actes d’instruction, à savoir d’obtenir des HUG un certificat médical attestant de son état de santé et partant de sa capacité à être (ou non) renvoyé par avion, et des autorités françaises des pièces attestant de ses démarches en vue d’un mariage civil ainsi que de sa paternité.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s’étend qu’aux éléments pertinents pour l’issue du litige et n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n’implique pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, outre que l’administration de ces preuves empêcherait la chambre de céans de statuer dans le délai légal de dix jours précité, elle serait soit vaine soit inutile à la solution du litige.

En effet, s’agissant du certificat médical, il a été demandé par l’avocate du recourant. Il n’y a pas de raison de penser que ledit certificat parviendrait plus vite à la chambre administrative qu’à la précitée, d’autant que les médecins concernés pourraient, voire devraient refuser la production d’un tel certificat au juge en raison de l’absence de levée formelle du secret médical. Quoi qu’il en soit, l’avis desdits médecins ne serait qu’indicatif, dès lors que l’art. 15p OERE prévoit que c’est le médecin mandaté par le SEM pour assurer, lors du départ, la surveillance médicale en vue de l’exécution d’un renvoi ou d’une expulsion (soit celui délégué par OSEARA) qui a compétence pour décider si une personne est médicalement apte à être transportée dans le cadre de l’exécution d’un renvoi ou d’une expulsion. Or, un tel contrôle suit la confirmation de l’ordre de détention et sera effectué, le cas échéant, juste avant l’exécution du renvoi.

Quant à la demande de pièces auprès des autorités françaises, le recourant ne précise pas de quelles pièces exactes il s’agit ni surtout auprès de quelle autorité il conviendrait de les obtenir. Quoi qu’il en soit, elles ne seraient pas déterminantes dès lors que le critère décisif pour savoir si une personne peut être renvoyée dans un autre pays que son État d’origine est celui de la possession d’un titre de séjour ; or, les autorités françaises ont déjà indiqué que le recourant ne dispose d’aucun titre de séjour en France.

Il y a donc lieu de rejeter les demandes d’administration de preuves.

4.             Le recourant conclut à l’annulation de sa mise en détention administrative.

4.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

4.2 En vertu de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l’art. 75 al. 1 LEI, après notification d’une décision de première instance de renvoi ou d’expulsion au sens de la LEI ou une décision de première instance d’expulsion au sens notamment des art. 66a ou 66a bis CP, l’autorité compétente peut, afin d’en assurer l’exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (art. 75 al. 1 let. g LEI) ou a été condamnée pour crime (art. 75 al. 1 let. h LEI).

Par crime au sens de l’art. 75 al. 1 let. h LEI, il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a).

4.3 La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 Cst., qui se compose des règles d’aptitude – exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; ATA/1037/2022 du 14 octobre 2022 consid. 4 et l’arrêt cité).

4.4 Aux termes de l’art. 79 LEI, la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 LEI ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 LEI ne peuvent excéder six mois au total (al. 1) ; la durée maximale de la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus et, pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans, de six mois au plus, dans les cas suivants : la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (al. 2 let. a) ; l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (al. 2 let. b).

Conformément à l’art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion doivent être entreprises sans tarder.

La durée de la détention doit être proportionnée par rapport aux circonstances d’espèce (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).

Le principe de la proportionnalité interdit non seulement que la mesure administrative en cause soit plus incisive que ce qui est nécessaire, mais aussi qu’elle soit insuffisante pour atteindre son but (arrêts du Tribunal fédéral 2C_497/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.2.2 ; 2C_431/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.3.3).

Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune démarche n’est plus accomplie en vue de l’exécution du renvoi par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l’étranger lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités).

4.5 En l’espèce, le recourant fait l’objet d’une décision de renvoi définitive et a été condamné notamment pour vol, soit un crime au sens de l’art. 10 al. 2 CP. Les conditions d’une mise en détention administrative au sens de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l’art. 75 al. 1 let. h LEI sont donc remplies, ce que le recourant ne conteste d’ailleurs pas. Il ne met pas davantage en cause la proportionnalité de la mesure sous l’angle de sa durée ou de la diligence des autorités suisses, ce à juste titre.

5.             Le recourant soutient que l’exécution de son renvoi n’est pas exigible, notamment en raison de son état de santé.

5.1 Le juge de la détention administrative doit en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi existe, sans avoir à vérifier la légalité de cette dernière. Ce n'est que lorsque la décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, que le juge de la détention peut, voire doit, refuser ou mettre fin à la détention administrative (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 consid. 2.2).

5.2 À teneur de l’art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention est levée si le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, une telle impossibilité supposant en tout état de cause notamment que l’étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d’origine, de provenance ou un État tiers (ATA/1120/2024 du 24 septembre 2024 consid. 3.5 ; ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10).

5.3 Selon l’art. 80 al. 4 LEI, lorsqu’elle examine la décision de détention, de maintien ou de levée de celle-ci, l’autorité judiciaire tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d’exécution de la détention.

5.4 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, Berne 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio‑économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

5.5 S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

5.6 Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci‑après : CourEDH), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un malade physique ou mental est exceptionnellement susceptible de soulever une question sous l'angle de l'art. 3 CEDH si la maladie atteint un certain degré de gravité et qu'il est suffisamment établi que, en cas de renvoi vers l'État d'origine, la personne malade court un risque sérieux et concret d'être soumise à un traitement interdit par cette disposition (ACEDH N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05, § 29 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2). C'est notamment le cas si sa vie est en danger et que l'État vers lequel elle doit être expulsée n'offre pas de soins médicaux suffisants et qu'aucun membre de sa famille ne peut subvenir à ses besoins vitaux les plus élémentaires (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42; ATF 137 II 305 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 4.1; 2C_1130/2013 du 23 janvier 2015 consid. 3).

5.7 Le renvoi d'un étranger malade vers un pays où les moyens de traiter sa maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'État contractant reste compatible avec l'art. 3 CEDH, sauf dans des cas très exceptionnels, en présence de considérations humanitaires impérieuses (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; Emre c. Suisse du 22 mai 2008, req. n° 42034/04, § 89). Dans un arrêt du 13 décembre 2016 (ACEDH Paposhvili c. Belgique, req. n° 41738/10, § 173 ss, not. 183), la Grande Chambre de la CourEDH a clarifié son approche en rapport avec l'éloignement de personnes gravement malades et a précisé qu'à côté des situations de décès imminent, il fallait entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever un problème au regard de l'art. 3 CEDH les cas d'éloignement d'une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou de défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ; ces cas correspondent à un seuil élevé pour l'application de l'art. 3 CEDH dans les affaires relatives à l'éloignement des étrangers gravement malades. La CourEDH a aussi fixé diverses obligations procédurales dans ce cadre (ACEDH Savran c. Danemark du 7 décembre 2021, req. n° 57467/15, § 130).

5.8 En l’espèce, il est avéré que le recourant est polytoxicomane et il a aussi eu un malaise lors d’une conférence avec son conseil. Il ne résulte nullement du dossier un risque réel d'être exposé à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé en cas de renvoi. S’agissant de son aptitude au vol, elle sera évaluée par un médecin mandaté par le SEM pour assurer, lors du départ, la surveillance médicale, ceci conformément à l’OERE.

6.             Le recourant soutient que son renvoi en Tunisie n’est pas exigible car il dispose d’un droit au regroupement familial en France.

6.1 Si l'étranger a la possibilité de se rendre légalement dans plusieurs États, l'autorité compétente peut le renvoyer ou l'expulser dans le pays de son choix (art. 69 al. 2 LEI). La possibilité de choisir le pays de destination présuppose toutefois que l'étranger ait la possibilité de se rendre de manière effective et admissible – c’est-à-dire légalement – dans chacun des pays concernés par son choix. Cela implique qu'il se trouve en possession des titres de voyage nécessaires et que le transport soit garanti (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 7). Le renvoi ou l'expulsion dans un pays tiers du choix de l'étranger constitue par ailleurs seulement une faculté de l'autorité compétente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_285/2013 précité consid. 7 ; 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 6 ; 2C_393/2009 du 6 juillet 2009 consid. 3.4).

6.2 En l’espèce, il n’appartient pas à la chambre de céans de déterminer si le recourant peut se voir accorder une autorisation de séjour par les autorités françaises au titre du regroupement familial inversé. Force est simplement de constater que les autorités françaises ont expressément confirmé en septembre 2024 que le recourant ne bénéficiait d’aucun titre de séjour en France. Il ne peut donc se voir donner le choix d’être renvoyé en France plutôt qu’en Tunisie.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 décembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 novembre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Anna SERGUEEVA, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d''Etat aux migrations, ainsi qu'à l'établissement de Favra, pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :