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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1654/2024

ATA/1148/2024 du 01.10.2024 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE;PRESTATION D'ASSISTANCE;DEVOIR DE COLLABORER;MAXIME INQUISITOIRE;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;SUBSIDIARITÉ;PERCEPTION ABUSIVE DE PRESTATIONS DE L'AIDE SOCIALE;BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS;RESTITUTION(EN GÉNÉRAL)
Normes : CEDH.6; Cst.12; LIASI.1.al1; LIASI.8; LIASI.9; LIASI.11.al4; LIASI.12.al2; RIASI.16.al1; LIASI.32.al1; LIASI.33.al1; LIASI.35.al1; LIASI.36; LIASI.36.al5; LIASI.39; LIASI.51.al2
Résumé : La question de restitution des prestations d'assistance publique indument perçues relève du volet civil de l'art. 6 CEDH, sans qu'il soit nécessaire pour autant de tenir une audience publique en raison notamment de l'absence de controverse sur les faits. Le fait d'attendre près de sept mois pour statuer sur l'opposition ne paraît pas déraisonnable, le délai de prescription quinquennale de la demande de restitution étant par ailleurs observé. La maxime inquisitoire ne dispense pas les recourants de collaborer à l'établissement des faits, en particulier lorsqu'il s'agit de faits qu'ils sont les mieux à même de connaître parce qu'ils se sont produits à l'étranger et ont trait à leur situation personnelle. Confirmation de la demande de restitution de prestations accordées aux recourants dans la mesure où la recourante était propriétaire d'un bien immobilier à l'étranger pendant la période d'aide et ils ont au demeurant failli à leur obligation de renseigner en omettant d'annoncer des comptes postaux et bancaires. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1654/2024-AIDSO ATA/1148/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er octobre 2024

2e section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Caroline FERRERO MENUT, avocate

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé



EN FAIT

A. a. Les époux A______, née le ______ 1970, et B______, né le ______1963, de nationalités marocaine et italienne, ont obtenu de l’Hospice général (ci‑après : l’hospice) des prestations d’aide sociale financière d'un montant total de CHF 99'742.45 du 1er avril 2020 au 31 mai 2022. Ils ont un fils à charge nommé C______, né le ______ 2011, et un autre résidant en Italie et non inclus dans le groupe familial.

b. Le 31 mars 2020, le document intitulé « Demande de prestations d’aide sociale financière » a été complété et rempli par une assistante sociale lors d'un entretien téléphonique en raison des restrictions liées à la situation sanitaire. A______ y déclarait que son époux ne percevait pas de revenus d'une activité indépendante, travaillait sur appel en tant que chef cuisinier pour des agences d'emploi temporaire et était titulaire d'un seul compte bancaire auprès de D______ (CH1______). Elle était elle-même titulaire d'un seul compte postal E______ (CH2______). Aucun membre du groupe familial ne possédait ni de bien immobilier en Suisse ou à l'étranger ni de véhicule.

Le même document a été complété et signé par les époux les 30 septembre 2020 et 24 septembre 2021.

c. Le 27 mai 2020, les époux ont remis à l'hospice une copie du curriculum vitae de B______ et du procès-verbal du 30 octobre 2019 indiquant qu'il avait échoué aux examens en vue de l'obtention de la carte professionnelle de chauffeur de taxi.

d. Le 27 juillet 2020, A______ a signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », confirmant avoir pris acte de la subsidiarité des prestations d’aide financière versées par l’hospice à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune et de prestations sociales, de devoir tout mettre en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière, donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, devoir informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d’aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger, devoir rembourser à l’hospice toute prestation exigible perçue indûment et, enfin, avoir pris acte qu'en cas de violation de la loi et en particulier de ses engagements, l'hospice se réservait le droit de réduire ou de supprimer les prestations d'aide financière accordées ainsi que, le cas échéant, de déposer une plainte pénale à son encontre.

Le même document a été signé par les époux le 24 septembre 2021.

e. Le 30 octobre 2020, B______ a réussi les examens lui permettant d'obtenir la carte professionnelle de chauffeur de taxi. Copie du procès-verbal d'examens a été remise à l'hospice le 10 novembre 2020.

f. Le 2 février 2021, les époux ont fait parvenir à l'hospice un document intitulé « Décompte annuel résumé des salaires Période : Année 2020 » émis par F______ ainsi que le bulletin de salaire de janvier 2020 au nom B_____ du même employeur.

g. Du 1er au 26 mars 2021, B______ a effectué un stage d'évaluation à l'emploi obligatoire aux Établissements publics pour l'intégration (ci-après : EPI). Selon le bilan préparé à l'attention du service de réinsertion professionnelle (ci‑après : SRP) de l'hospice, il avait indiqué vouloir se mettre à son compte comme chauffeur de taxi, y voyant une possibilité d'emploi stable, car ses amis chauffeurs de taxis « s'arrangent pour le moment et que la situation va s'améliorer ».

h. Le 31 mai 2021, l'intéressé a remis à l'hospice un curriculum vitae sur lequel figuraient, comme expériences professionnelles en Suisse, ses emplois de cuisinier et pizzaiolo entre mai et septembre 2018.

i. Le 16 juin 2021, il a également transmis à l'hospice une copie de son permis de conduire.

j. B______ a été en incapacité de travail totale du 6 juillet au 8 août 2021.

k. Le 22 juillet 2021, A______ a informé l'hospice qu'elle se rendait d'urgence auprès de son père malade. Elle sollicitait la fixation du prochain entretien à partir du 1er septembre 2021.

l. B______ a été en incapacité de travail totale du 4 octobre au 7 novembre 2021, du 22 novembre au 5 décembre 2021 et du 16 au 31 décembre 2021.

m. Le 3 mars 2022, A______ a informé l'hospice que son époux commençait une activité lucrative la semaine suivante et sollicitait un entretien.

n. Le 4 mars 2022, une enquête a été ouverte par le « service des enquêtes et conformités » (ci-après : SEC) de l’hospice à l'encontre des époux.

o. Par courrier daté du 10 mars 2022, B______ a annoncé sa « sortie complète » de l'hospice puisqu'il avait repris une activité professionnelle de chauffeur de taxi à plein temps comme indépendant depuis le 2 mars 2022. Il était en train d'accomplir toutes les démarches nécessaires auprès des institutions compétentes afin de se mettre en règle pour cette activité.

p. Dans une « déclaration sur l'honneur » datée du 1er avril 2022, l'intéressé affirmait avoir fondé une entreprise en raison individuelle avant le 1er mars 2022. Il avait obtenu les revenus de CHF 1'250.- en mars 2022 et projetait un montant de CHF 1'500.- pour avril 2022.

Était également transmise une demande d'affiliation à l'office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) sur laquelle figurait l'information selon laquelle il avait commencé son activité indépendante de chauffeur de taxi et de transport de personnes le 1er janvier 2022. Une attestation provisoire d'affiliation lui a été par la suite délivrée le 12 avril 2022.

q. Le 5 avril 2022, les époux ont été entendus par le SEC. B______ a déclaré avoir entamé son activité indépendante de chauffeur de taxi le 2 mars 2022. Étant financièrement aidé par l'hospice, il n'avait pas exercé d'activité lucrative avant cette date. Il utilisait pour son activité le véhicule Ford Focus 2.0 TDCi, immatriculé GE 3______, au nom de G______. Ce véhicule avait été immatriculé à son nom sous le numéro GE 4______ du 26 novembre 2020 au 26 janvier 2021. Il l'avait lui-même acquis le 26 novembre 2020 et un contrat de vente avait été établi à cette occasion. Il l'avait par la suite vendu au précité en décembre 2020 sans qu'aucun contrat soit signé. En revanche, il avait conclu avec G______ un contrat de bail à ferme par lequel celui-ci mettait à sa disposition le véhicule pour l'exercice de son activité de chauffeur de taxi.

D'après les déclarations des biens mobiliers remplies par les époux, ils possédaient deux comptes bancaires non déclarés : l'un auprès H______ à Casablanca (Maroc) ayant les époux comme titulaires et l'autre auprès de I______ avec l'épouse comme seule titulaire. Ils affirmaient ne pas posséder de biens immobiliers, précisant avoir acquis par le passé un bien immobilier d'une valeur de CHF 25'000.- à Casablanca. Ils ne se rappelaient ni de la date d'acquisition ni de l'adresse de bien. Ils avaient une dette hypothécaire à hauteur de la moitié de cette valeur. Ne pouvant la rembourser, la banque avait repris le bien. Ils n'étaient pas en mesure de fournir les justificatifs en lien avec le bien.

Le couple a déclaré avoir effectué plusieurs voyages durant la période d'aide. Il ressort de leurs passeports que l'époux avait séjourné au Maroc du 12 au 29 août 2021, en Turquie du 18 au 23 novembre 2021 et du 10 au 17 février 2022. L'épouse avait voyagé au Maroc du 12 août au 2 septembre 2021 et en Turquie du 10 au 17 février 2022. Selon les époux, le voyage au Maroc avait été financé par leurs économies alors que ceux en Turquie avaient été pris en charge par une amie de l'épouse.

r. Le 13 mai 2022, faisant suite à la demande du SEC du 5 mai 2022, le couple a transmis partiellement les documents requis. A______ faisait savoir que B______ n'avait pas établi de contrat lors de la vente du véhicule à G______. Le seul document concernant le restaurant à Turin était la décision du tribunal de la même ville des 3 et 5 avril 2018 ordonnant sa vente aux enchères. Étaient produits notamment :

-          les justificatifs attestant que B______ avait demandé et obtenu de la Fondation des parkings un macaron dès le 29 juillet 2021 ;

-          l'acte d'achat du véhicule à teneur duquel B______ l'avait acquis, le 26 novembre 2020, pour le montant de CHF 6'750.- payé en espèces. Il était notamment équipé d'un tachygraphe. Il l'avait assuré en son nom dès le même jour jusqu'au 30 avril 2021 ;

-          un contrat de mise à disposition d'une autorisation d'usage accru du domaine public signé le 1er janvier 2022, par lequel G______, présenté comme le propriétaire du véhicule, concédait son usage à B______ pour l'exercice de son activité de chauffeur en contrepartie du paiement d'un loyer ;

-          un relevé du compte I______ susmentionné (GB5______) appartenant à A______, dont le solde était de EUR 408.- pour la période du 7 janvier au 29 avril 2022 ;

-          une « déclaration sur l'honneur » produite par une personne résidant à Casablanca attestant qu'elle avait pris en charge les frais de voyage et d'hébergement pour les deux séjours du groupe familial en Turquie.

s. En mai 2022, ont été transmis à l'hospice plusieurs documents relatifs à l'activité indépendante, à savoir une attestation provisoire de son affiliation à l'OCAS, les décomptes manuels des revenus de mars et d'avril 2022, les quittances pour course de taxi de mars et d'avril 2022 et les extraits d'un compte E______ 6______ (IBAN : CH7______) faisant état de versements provenant de J_____et K_____ et crédités en avril et début mai 2022.

t. Le 31 mai 2022, les époux ont une nouvelle fois signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » et le document intitulé « Demande de prestations d’aide sociale financière ». Ce second document était mis à jour s'agissant de l'activité lucrative et le nouveau compte postal de l'époux.

u. À une date indéterminée, un décompte manuscrit des revenus de l'activité de mai 2022 ainsi que des quittances pour course de taxi du même mois ont été transmis à l'hospice.

v. Le 22 août 2022, le rapport d'enquête a été établi. Il en ressort que B______ exerçait son activité indépendante depuis le 29 janvier 2021 comme l'attestaient les versements crédités sur les comptes bancaires non déclarés suivants :

-          le compte postal E______ 8_____ avait été crédité de la somme totale de CHF 2'572.30 entre le 1er mars 2021 et le 5 avril 2022 provenant des sociétés K_____ et J_____. B______ qui en était le titulaire l'avait ouvert le 14 décembre 2020 et clos le 13 avril 2022, soit quelques jours après l'ouverture du nouveau compte E______ 6_____ signalé à l'hospice dans la suite de l'annonce du début de son activité ;

-          le compte L GB9_____ouvert le 30 novembre 2020 avait reçu des paiements d'un montant total de CHF 33'149.71 entre le 29 janvier 2021 et le 6 mai 2022 en lien avec son activité indépendante. Les relevés du compte laissaient apparaître que les voyages en Turquie avaient été payés avec une carte de crédit liée audit compte. Celle-ci avait également servi à effectuer un achat au DUTY FREE de l'aéroport de Genève le jour de leur départ au Maroc ;

-          le compte L GB10_____ qui ne présentait aucun mouvement d'argent.

w. Le 18 octobre 2022, une assistante sociale a écrit à A______ exposant que, B______ avait acquis le statut d'indépendant depuis le 1er avril 2022, seule une aide financière exceptionnelle limitée à six mois maximum pouvait être accordée au groupe familial. Dans ce délai, deux options étaient possibles : soit le statut d'indépendant était maintenu et il était mis fin à l'aide, soit B______ renonçait à ce statut et le groupe familial continuait à en percevoir.

x. Le 16 novembre 2022, une liste de quatre rendez-vous de physiothérapie concernant B______ entre les 2 et 9 février 2022 a été transmise à l'hospice.

y. Le 22 novembre 2022, une attestation datée du 7 novembre 2022 relative à l'utilisation du terminal de taxi sous référence « L_____ » pour la période du 30 janvier 2021 au 28 février 2022 a été remise à l'hospice. Dans ce document, G______ reconnaissait avoir utilisé, dans le cadre de son activité professionnelle de chauffeur de taxi, le terminal de taxi appartenant à B______ pendant la période indiquée.

Le même jour, l'hospice a reçu un document intitulé « Dernier avertissement avant passage au contentieux » émis par M______ le 15 août 2022 et adressé à A______ au sujet du crédit immobilier. Il y était fait mention d'un montant impayé de MAD 15'110.63, soit environ CHF 1'362.- selon le taux de change pertinent, puis précisait qu'à défaut de paiement, le dossier devait être transféré à un avocat afin qu'il procéde à la vente aux enchères publiques de son bien immobilier.

z. Le 29 novembre 2022, l'hospice a reçu de la police routière la transmission d'informations ayant pour objet « Contrôles d'entreprises de MM G_____ et B_____ à la suite d'une dénonciation anonyme à l'encontre de ce dernier ». À teneur du document, il n'avait pas été possible d'établir si ce dernier avait entamé son activité de chauffeur de taxi avant le 3 mars 2022. Selon les comptes rendus d’audition des susnommés, ils utilisaient le véhicule en alternance pour leur activité de chauffeur de taxi, le premier en journée et le second plutôt la nuit.

Dans un échange de courriels du 10 mai 2022 produit, K_____ écrivait qu'B______ n'avait pas de contrat directement avec elle, mais louait la plaque au détenteur du véhicule GE 3______ qui était abonné chez elle depuis le 29 janvier 2021.

B. a. Par décision de restitution du 11 août 2023, l'hospice a réclamé aux époux A______ et B______ le remboursement des prestations perçues indûment à hauteur de CHF 97'042.45, montant qui tenait compte d'une déduction de CHF 2'700.- ayant déjà fait l'objet d'une reconnaissance de dette antérieure.

Le rapport d'enquête du SEC avait mis en évidence plusieurs éléments de non‑conformité à leur encontre. Les déclarations B_____ selon lesquelles il n'avait pas exercé d'activité indépendante de chauffeur de taxi durant la période d'aide financière étaient contredites par les relevés de comptes bancaire et postal non déclarés. Le compte E______ 8_____ dont il était le titulaire avait accueilli la somme totale de CHF 2'572.30 versée par N______ K_____ et J_____entre le 1er mars 2021 et le 5 avril 2022, ce qui attestait qu'il avait effectivement pratiqué ladite activité depuis le 1er mars 2021. Il figurait également sur le compte L GB9_____ouvert par et au nom B_____ une somme totale de CHF 33'149.71 non déclarée résultant de son activité pour la période du 29 janvier 2021 au 6 mai 2022. Le compte non déclaré I______ ayant pour titulaire A______ présentait des crédits du 7 janvier au 18 mars 2022 d'un montant total de CHF 398.- non déclaré. B______ n'avait pas informé l'hospice être propriétaire d'un véhicule pour la période d'immatriculation du 26 novembre 2020 au 26 janvier 2021 d'une valeur de CHF 6'750.-. Les époux étaient propriétaires d'un bien immobilier à l'étranger non déclaré.

b. Le 15 septembre 2023, les époux ont formé opposition contre cette décision. Le montant de CHF 2'572.30 versé par N______ K_____ et J_____avait été perçu par G______ puisqu'étant blessé à l'épaule et en incapacité de travail, B______ avait dû mettre à la disposition de celui-là le terminal de taxi pour ne pas perdre sa place. Il ne pouvait pas effectuer d'activité professionnelle durant la période du 1er mars 2021 au 5 avril 2022 dans la mesure où il était en stage non rémunéré aux EPI. Le véhicule avait été acquis grâce à un prêt de CHF 10'000.- provenant de la sœur de A______, comme l'attestait une déclaration annexée. Celle-ci ayant eu un besoin urgent d'argent, B______ avait dû le vendre peu de temps après son acquisition pour rembourser le prêt. Au vu du groupe familial et dans la mesure où le montant de l'achat ne dépassait pas le barème de la fortune personnelle de CHF 10'000.- autorisée, il n'y avait pas d'obligation d'informer l'hospice. Les crédits de CHF 398.- figurant sur le compte I______ provenaient du fils du couple résidant en Italie et étaient destinés à l'achat de chaussures disponibles uniquement à Genève, comme il l’expliquait lui-même dans une déclaration jointe. A______ n'était pas propriétaire du bien immobilier d'après la loi marocaine en tant que le crédit immobilier n'était pas totalement remboursé, comme l'attestait l'avis de droit produit.

c. Par décision du 9 avril 2024, l'hospice a rejeté l'opposition.

C. a. Par acte du 15 mai 2024, A______ et B______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant préalablement à des actes d'instruction et principalement à son annulation.

Ils se plaignaient de la violation du principe de célérité. En attendant près de neuf mois (recte : sept mois) pour rendre la décision entreprise, l'hospice avait « manifestement » excédé le délai légal de 60 jours, ce qui leur avait causé un dommage économique non négligeable à chiffrer.

Était également invoquée la violation de la maxime inquisitoire. L'hospice n'avait pas entrepris toutes les démarches utiles à la détermination du régime de propriété applicable au bien immobilier sis à Casablanca conformément à son obligation d'établir les faits d'office.

L'hospice avait écarté de façon arbitraire des éléments de fait établis par pièces tendant à démontrer qu'B______ n'avait démarré son activité de chauffeur de taxi qu'en mars 2022. Celui-ci avait été en incapacité de conduire en raison d'une luxation de son épaule ayant nécessité l'immobilisation, la mise au repos de son bras droit ainsi que des séances de physiothérapie, selon plusieurs certificats médicaux produits. Il ressortait des relevés du compte myPOS GB9_____que le véhicule GE 3______ avait été utilisé durant les périodes de son incapacité de travail. En raison de celle-ci, il ne pouvait pas exercer d'activité pendant ces périodes. G______ exploitait seul le véhicule selon ses propres déclarations. Ces faits étaient corroborés par la vente du véhicule à ce dernier en décembre 2020 suivie de son immatriculation en son nom le 26 janvier 2021. Le rapport de renseignements de la police routière et les retraits d'argent en espèces démontraient la restitution des avoirs perçus par B______ à G______.

Les époux avaient fait preuve d'une transparence parfaite à l’égard de l'hospice en communiquant dûment l'intention, puis au fur et à mesure toutes les démarches entreprises par B______ pour entamer son activité indépendante. A______ bénéficiait, par ailleurs, de circonstances justifiant sa conviction de ne plus être propriétaire du bien immobilier. Ils excipaient leur bonne foi pour prétendre à une remise du montant dont le remboursement était réclamé.

b. L'hospice a conclu au rejet du recours.

La demande de remboursement respectait le délai de prescription. Le délai de 60 jours pour rendre les décisions sur opposition était un délai d'ordre, de sorte que le dépassement allégué n'emportait aucune conséquence.

La décision entreprise était fondée sur le défaut de déclaration de plusieurs faits importants pour examiner le droit des recourants aux prestations d'aide. Ils n'avaient pas déclaré l'activité indépendante B_____, notamment l'acquisition d'un véhicule et l'ouverture des comptes bancaire L_____ le 14 décembre 2020 et postal E______ le 29 janvier 2021, sur lesquels ce dernier avait perçu des revenus provenant de courses de taxi dès le 29 janvier 2021. Le recourant s'était servi des montants issus de ces comptes pour financer les séjours de sa famille à l'étranger. Les sommes figurant sur ces comptes lui appartenaient, conformément à la jurisprudence constante. Les certificats médicaux présentés ne couvraient pas la période allant du 19 janvier 2021, date des premières courses de taxi enregistrées, au 6 juillet 2021, date de l'accident du recourant. Les horaires du stage effectué aux EPI du 1er au 26 mars 2021 ne se recoupaient pas avec ceux des courses de taxi, lesquelles étaient effectuées plutôt le soir et la nuit selon les déclarations de G______. La vente du véhicule à ce dernier n'était pas pertinente, dès lors que l'un et l'autre l'avaient utilisé pour leur activité professionnelle.

N'ayant pas déclaré le bien immobilier sis à Casablanca, les recourants n'avaient pas de droit à l'aide durant la période litigieuse. Il n'était pas contesté qu'il ne leur servait pas de demeure permanente. La valeur du bien telle qu'indiquée par les recourants dépassait déjà largement le barème de fortune maximale de CHF 10'000.- admis dans leur situation. En conséquence, ils pouvaient, tout au plus, prétendre à une éventuelle aide transitoire de quelques mois, remboursable.

Si la remise sollicitée par les recourants, pour la première fois, dans le cadre du recours, devait être déclarée recevable, il convenait de retenir le caractère intentionnel de la violation du devoir d'information et d'exclure leur bonne foi. L'absence de cette condition de la remise demeurait pertinente même en cas de négligence avérée.

c. Les recourants ont répliqué.

S'exprimant sur le rapport de l'enquête de contrôle de la police routière transmis par l'hospice, ils indiquaient que la dénonciation anonyme à l'origine de cette enquête était l'œuvre de leur ancien logeur qui avait « juré de leur rendre la vie impossible » après qu'ils avaient obtenu sa condamnation pénale et eu gain de cause dans une procédure civile dans le cadre de différents conflits les ayant opposés. Malgré l'ampleur des investigations, aucun élément n'avait établi que le recourant avait travaillé de manière non déclarée depuis 2019. Les faits qui lui étaient reprochés en lien avec la violation de certaines prescriptions relatives au tachygraphe étaient postérieurs au 3 mars 2022, la date de début de l'activité indépendante annoncée à l'hospice. L'ordonnance pénale rendue dans cette procédure était assimilée à un jugement entré en force de chose jugée. L'hospice qui avait arbitrairement fait abstraction des faits ayant trait notamment au début de l'activité B_____ retenus de cette ordonnance pénale avait erré, dans la mesure où aucun élément ne permettait de les remettre en cause et a fortiori de s'en écarter.

Le litige portant principalement sur la constatation inexacte des faits par l'hospice, une audition de G______ était susceptible de renseigner la chambre administrative de manière précise sur les modalités d'exercice de l'activité B_____, celui-là ne pouvant pas le faire par écrit de manière exhaustive. En tant que première autorité judiciaire à être saisie de l'affaire, elle devait impérativement respecter les garanties de l'art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH ‑ RS 0.101) et convoquer une audience publique répondant aux réquisits y relatifs, étant précisé que la confirmation de la décision entreprise était susceptible de générer des effets considérables sur la vie des recourants et de leur fils mineur au vu des sanctions encourues tant sur le plan administratif que pénal.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 52 de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04).

2.             À titre de conclusion préalable, les recourants sollicitent la tenue d'une audience publique au sens de l'art. 6 CEDH.

2.1 Selon l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien‑fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, sous réserve de certains cas.

Selon la jurisprudence, la notion de droits de caractère civil englobe non seulement les contestations de droit privé au sens étroit, mais également les actes administratifs adoptés par une autorité dans l'exercice de la puissance publique, lorsque ces actes produisent un effet déterminant sur des droits et obligations de caractère civil (ATF 147 I 153 consid. 3.4.1; 144 I 340 consid. 3.3.4).

2.2 La portée des garanties conférées par l'art. 6 § 1 CEDH varie selon qu'il s'agit d'une procédure relevant du volet civil ou du volet pénal de l'art. 6 CEDH, les exigences du procès équitable étant dans ce dernier cas plus rigoureuses et plus spécifiques (arrêts du Tribunal fédéral 2C_32/2016 et 2C_33/2016 du 24 novembre 2016 consid. 12.1 et 12.2).

L'art. 6 CEDH – en dehors des limitations expressément prévues par cette disposition – n'exige pas nécessairement la tenue d'une audience dans toutes les procédures. Cela est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d'autres pièces. Partant, on ne saurait conclure, même dans l'hypothèse d'une juridiction investie de la plénitude de juridiction, que la disposition conventionnelle implique toujours le droit à une audience publique, indépendamment de la nature des questions à trancher. D'autres considérations, dont le droit à un jugement dans un délai raisonnable et la nécessité en découlant d'un traitement rapide des affaires inscrites au rôle, entrent en ligne de compte pour déterminer si des débats publics sont nécessaires. La CourEDH des droits de l'homme a ainsi déjà considéré que des procédures consacrées exclusivement à des points de droit ou hautement techniques pouvaient remplir les conditions de l'art. 6 CEDH même en l'absence de débats publics (ACEDH Mutu et Pechstein c. Suisse du 2 octobre 2018, req. nos 40575/10 et 67474/10, § 177).

2.3 En l'occurrence, l'objet du présent litige porte sur la question de la restitution des prestations indûment perçues par les recourants, question qui relève de la matière civile au sens de l'art. 6 CEDH. En effet, en réclamant le paiement de la somme de CHF 97'042.45, l'hospice intervient de manière déterminante dans les droits et obligations de droit privé des recourants. Toutefois, le litige n'apparaît pas particulièrement complexe et ne soulève pas de question de crédibilité ni ne suscite pas de controverse sur les faits. Son examen ne requiert ainsi pas la tenue d'une audience et la chambre administrative peut statuer en se fondant sur les écritures présentées par les parties et les pièces produites par elles.

Il ne sera ainsi pas procédé à la tenue d’une audience publique.

3.             Les recourants reprochent à l'hospice d'avoir violé le principe de célérité en tardant à rendre la décision attaquée.

3.1 Selon l'art. 36 al. 5 LIASI, l'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait.

3.2 Les décisions sur opposition doivent être rendues dans un délai de 60 jours (art. 51 al. 2 LIASI). Il s'agit d'un délai d'ordre, la loi ne prévoyant aucune conséquence, en particulier pas l'admission de l'opposition au fond, en cas de non‑respect de ce délai (ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 7 et les références citées).

3.3 En l'espèce, en statuant le 9 avril 2024 sur l'opposition formée par les recourants le 15 septembre 2023, l'autorité intimée a certes tardé à rendre la décision attaquée, mais un délai de près de sept mois ne paraît pas déraisonnable. Les recourants, représentés par un avocat, ne soutiennent pas avoir mis l'autorité intimée en demeure d'agir. Quoi qu'il en soit, dès lors qu'elle a statué, ils perdent en principe tout intérêt juridique à faire constater un éventuel retard à statuer (arrêts du Tribunal fédéral 2C_477/2020 du 17 juillet 2020 consid. 3.2 ; 2C_401/2018 du 17 septembre 2018 consid. 8. 1). Au demeurant, le délai de prescription quinquennal de la demande de restitution est respecté.

Contrairement à ce qu'ils prétendent, les recourants ne peuvent titre aucun avantage du grief soulevé, lequel sera, par conséquent, écarté.

4.             Les recourants se plaignent de la violation de la maxime inquisitoire par l'autorité intimée dans l'établissement des faits en lien avec le bien immobilier sis à Casablanca.

4.1 En application de la maxime inquisitoire, qui prévaut en droit public (art. 19 et 20 LPA), l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1) ; il leur incombe d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 148 II 465 consid. 8.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1), spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître ou qui relèvent de leur sphère d’influence (arrêts du Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3 et les références citées).

4.2 En l'espèce, une enquête du SEC de l'hospice a révélé que les recourants possédaient un bien immobilier à l'étranger grevé d'une dette hypothécaire. Ils contestent cependant en être propriétaires. Dans ces circonstances, il leur incombait d'apporter des éléments probants de nature à étayer leur position, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'ils sont le mieux à même de connaître, notamment parce qu'ils ont trait à leur situation personnelle. La production de l'avis de droit et de la mise en demeure pour le paiement du reliquat de la dette hypothécaire participent de la collaboration des recourants à l'établissements des faits. Toutefois, la valeur probante de ces documents paraît, prima facie, insuffisante, comme il sera examiné plus loin. En critiquant l'autorité intimée, ils perdent de vue que la maxime inquisitoire connaît des tempéraments, notamment en présence d'un devoir de collaboration particulièrement élevé tel que le prévoit la LIASI – conformément aux considérants qui suivent – et que l’hospice pouvait ainsi mettre fin à l'instruction, sans investiguer plus avant, en se fondant sur les éléments présents dans le dossier, sans tomber dans l'arbitraire ni violer l'art. 8 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) relatif au fardeau de la preuve, conformément à la jurisprudence susmentionnée.

Le grief sera, partant, écarté.

5.             Les recourants se plaignent également de la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents.

5.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l'espèce.

5.2 En sus de la maxime inquisitoire examinée précédemment, la constatation des faits est, en procédure administrative, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2e phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/560/2024 du 7 mai 2024 et l'arrêt cité).

5.3 En l'espèce, contrairement à ce que soutiennent les recourants, il ressort du dossier que l’hospice a pris en considération les certificats médicaux produits par le recourant, puisqu'il est précisé dans la décision attaquée que « ceux-ci ne couvrent en tout cas pas la période allant du 29 janvier 2021, date des premières courses de taxi enregistrées de l'intéressé, au 6 juillet 2021, date de son accident ». Il indique par la suite toujours dans la même décision que l'allégation au sujet de la revente du véhicule à G______ et les déclarations de ce dernier n'étaient pas convaincantes au vu de ses propres constats. Les recourants se méprennent donc en prétendant que l'autorité intimée a écarté de façon arbitraire des éléments de fait pourtant établis en considérant que le recourant avait entamé son activité indépendante avant le mois de mars 2022. Ne pas retenir des pièces ou déclarations de tiers comme des faits établis ne relève pas d'un mauvais établissement des faits, mais plutôt de l'appréciation des moyens de preuve offerts par les parties, qui sera examinée avec le fond du litige.

Le grief sera également écarté.

6.             Le litige porte sur le bien-fondé de la demande de restitution des prestations versées aux recourants du 1er avril 2020 au 31 mai 2022, dont le montant de CHF 97'042.45 n'est pas contesté.

6.1 La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Elle vise à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 phr. 2). Avec le règlement d’exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), elle concrétise les art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00 ; ATA/256/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b).

Ses prestations sont fournies notamment sous forme de prestations financières (art. 2 let. b LIASI), qui sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI). La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d'auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/290/2017 du 14 mars 2017 ; ATA/343/2014 du 13 mai 2014). L'aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource, mais elle est aussi subsidiaire à tout revenu que le bénéficiaire pourrait acquérir par son insertion sociale ou professionnelle (MGC 2005-2006/I A p. 259 ; ATA/878/2016 du 18 octobre 2016 consid. 3d ; ATA/4/2015 du 6 janvier 2015).

6.2 Ont droit à des prestations d’aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (art. 8 al. 1 LIASI). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (art. 8 al. 2 LIASI). L’art. 11 al. 1 LIASI précise que ces personnes doivent avoir leur domicile et leur résidence effective sur le territoire genevois (let. a), ne pas être en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) et répondre aux autres conditions de la loi (let. c).

En vertu de l’art. 11 al. 4 LIASI, le Conseil d’État fixe par règlement les conditions d’une aide financière exceptionnelle, qui peut être inférieure à l’aide financière ordinaire et/ou limitée dans le temps, en faveur notamment des personnes exerçant une activité lucrative indépendante (let. d). Peut être mise au bénéfice de prestations d’aide financière ordinaire, à l’exception des prestations à caractère incitatif, la personne qui exerce une activité lucrative indépendante (art. 16 al. 1 RIASI). L’aide financière est accordée pour une durée de trois mois. En cas d’incapacité de travail du bénéficiaire, les prestations peuvent être accordées pendant une durée maximale de six mois (art. 16 al. 2 RIASI, dans son état avant le 1er janvier 2022).

6.3 Les prestations d’aide financière sont accordées au demandeur et au groupe familial dont il fait partie (art. 13 al. 1 LIASI). Le groupe familial est composé du demandeur, de son conjoint, concubin ou partenaire enregistré vivant en ménage commun avec lui, et de leurs enfants à charge (art. 13 al. 2 LIASI).

6.4 Les prestations d’aide financière sont accordées aux personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d’État (art. 21 al. 1 LIASI). L’art. 1 al. 1 RIASI prévoit que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure (let. a) et de CHF 2'000.- pour chaque enfant à charge (let. c). Le total de la fortune ne peut en aucun cas dépasser la somme de CHF 10'000.- pour l’ensemble du groupe familial (art. 1 al. 2 RIASI).

Les conditions et mode de calcul des prestations d’aide financière sont prévus aux art. 21 ss LIASI et 1 ss RIASI, notamment les revenus (art. 22 LIASI) et la fortune (art. 23 LIASI). Est assimilée à la fortune de l’intéressé celle des membres du groupe familial (art. 23 al. 2 LIASI). À titre de fortune et en référence à l’art. 47 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), l’art. 6 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), applicable par renvoi de l’art. 23 al. 1 LIASI, prend en compte tous les immeubles situés dans et hors du canton (let. a).

6.5 Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière. Le bénéficiaire doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » concrétise l’obligation de collaborer et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1304/2021 du 30 novembre 2021 consid. 3a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a). Il atteste notamment du fait que le bénéficiaire a été informé du caractère subsidiaire des prestations d’aide financière exceptionnelle et du fait que des prestations sociales ou d’assurances sociales ne peuvent se cumuler avec les prestations d’aide financière dont elles doivent être déduites (ATA/1231/2022 précité consid. 4c). Ces obligations valent pour tous les membres du groupe familial (art. 32 al. 4 LIASI).

Les sommes figurant sur les comptes bancaires et postaux d'un bénéficiaire sont considérées comme lui appartenant, ce indépendamment des explications qu'il peut donner. Ainsi, dès lors qu’une somme est versée sur le compte d’un bénéficiaire, n'étant ni individualisée, ni individualisable et mélangée avec ses avoirs, elle doit être considérée comme lui appartenant (ATA/690/2023 du 27 juin 2023 consid. 2.8 ; ATA/405/2021 du 13 avril 2021 consid. 5).

6.6 Selon l’art. 12 al. 2 LIASI, exceptionnellement, une aide financière peut être accordée à une personne propriétaire d’un bien immobilier, si ce bien lui sert de demeure permanente. Dans ce cas, l’aide financière accordée est remboursable (art. 39 al. 1 LIASI). L’immeuble peut être grevé d’une hypothèque au profit de l’hospice. À teneur de l’art. 39 al. 2 LIASI, l’hospice demande le remboursement de prestations versées à un propriétaire d’un bien immobilier en vertu de l’art. 12 al. 2 LIASI, dès que le bénéficiaire ne remplit plus les conditions de l’art. 8 al. 1.

Cette exception s’explique par le fait que la valeur d’un immeuble dépasse pratiquement toujours les limites de fortune fixées à l’art. 1 al. 1 RIASI, une personne propriétaire d’un immeuble n’aura pratiquement jamais droit à des prestations d’aide financière (ATF 146 I 1 consid. 6.4). La volonté du législateur était d’offrir l’aide de l’hospice à une personne propriétaire de son logement pour éviter que celle-ci soit obligée de réaliser son bien et qu’elle se retrouve sans toit, à certaines conditions notamment que ledit logement constitue sa demeure permanente (MGC 2006-2007/V A - Séance 25 du 23 février 2007 ; ATA/10/2020 du 7 janvier 2020 consid. 2f et les références citées).

6.7 L'art. 35 al. 1 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées. Tel est notamment le cas lorsque la personne bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (let. a) ou lorsqu'elle ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 (let. c) ou qu'elle refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (let. d). Conformément à l’art. 35 al. 2 LIASI, l’hospice rend alors une décision écrite et motivée, avec les voies de droit (al. 2).

6.8 Sous réserve des cas spécifiques tels que les art. 37 à 39 LIASI, le remboursement des prestations d’aide financière est régi par l’art. 36 LIASI. Est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). L’hospice réclame, par décision écrite, au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d’aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n’est pas de bonne foi (al. 3).

Une prestation reçue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/375/2022 du 5 avril 2022 consid. 3h ; ATA/336/2020 du 7 avril 2020 consid. 6b ; ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 7). Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps (ATA/375/2022 précité consid. 3h et les arrêts cités).

Ainsi, lorsque la personne sollicitant l’aide sociale ne déclare pas posséder un bien immobilier, elle viole son devoir de renseigner. Il lui appartient en effet de signaler l’existence du bien en précisant, si elle les estime pertinentes, les circonstances dans lesquelles elle l’a acquis. L’examen de l’éventuelle prise en compte de ce bien dans le calcul du droit aux prestations incombe à l’autorité intimée et non au bénéficiaire des prestations. La violation de ce devoir conduit à nier sa bonne foi, ce d’autant plus si l’immeuble se trouve à l’étranger, vu l’absence de moyen pour l’hospice de vérifier la fausse indication, régulièrement répétée, et cette violation constitue une faute grave (ATA/1237/2018 du 20 novembre 2018 consid. 3a).

6.9 En l'espèce, en signant à maintes reprises le formulaire de demande de prestations et le document « Mon engagement », les recourants ont attesté de ce que les informations fournies étaient exactes et complètes. Or, lors de leur audition du 5 avril 2022 par le SEC de l'hospice, ils ont déclaré avoir acquis, par le passé, un bien immobilier d'une valeur de CHF 25'000.- à Casablanca, tout en indiquant ne pas se rappeler de la date de l'achat, ni de l'adresse de sa situation. Ils expliquaient également que ledit bien était grevé d'une dette hypothécaire à hauteur de la moitié de sa valeur, mais que n'étant pas en mesure de la rembourser, la banque avait repris le bien. Ils ne pouvaient fournir aucun justificatif y relatif. Ils ont, à cette occasion, signé l'un et l'autre une déclaration indiquant qu'ils ne possédaient pas de bien immobilier en Suisse ou à l'étranger. Ils ont toutefois produit plus tard une mise en demeure datée du 15 août 2022 adressée à la recourante avec indication de l'adresse de l'appartement, le créancier hypothécaire l'invitant à régler le reliquat de la dette immobilière d'un montant de MAD 15'110.63, soit environ CHF 1'362.-. Il était précisé qu'à défaut de paiement, son bien immobilier devrait être réalisé par voie de vente aux enchères. Dans leur opposition du 15 septembre 2023, les recourants, se référant à un avis de droit rédigé par un avocat exerçant au Maroc, contestent la qualité de propriétaire de l'appartement attribuée à la recourante.

Tous les éléments mettent en exergue des contradictions dans le positionnement des recourants. Il leur incombait, en cas d'incertitude, de déclarer l'appartement et la dette hypothécaire en y joignant les documents relatifs à son acquisition ou le contrat hypothécaire afin que l'autorité intimée détermine si elle devait en tenir compte dans l'examen de leur droit aux prestations. Les récourants n'ayant pas procédé de la sorte et au vu de leurs allégations contradictoires des recourants, qui soutiennent que la recourante n’est pas propriétaire d’un bien au Maroc tout en faisant état d’une dette hypothécaire y relative, l’hospice pouvait retenir l’existence d’un bien immobilier non déclaré au Maroc. En tant que simple allégué de partie et, au demeurant, laconique, l'avis de droit ne permet pas à lui seul de remettre en cause cette appréciation.

En tant que l'appartement ne servait pas de demeure permanente du groupe familial et que l’estimation donnée par les recourants dépassait les limites légales de fortune admises, ceux-ci ne remplissaient pas les conditions requises pour obtenir des prestations d'aide ordinaires. Ils auraient pu, tout au plus, bénéficier des avances de prestations remboursables pour une durée limitée au temps nécessaire pour réaliser le bien immobilier.

Dès lors qu’ils ne réalisaient pas les conditions d’octroi d’une aide pendant toute la période litigieuse, l’autorité intimée était fondée à demander le remboursement de la totalité des versements indument effectués. Ce motif suffit à lui seul pour justifier le rejet du recours.

Pour le surplus, il apparaît que les recourants ont dissimulé un compte bancaire et un compte postal. Le recourant y a, par ailleurs, perçu des revenus provenant de son activité dès le 29 janvier 2021, soit quelques semaines après l'obtention de sa carte professionnelle de chauffeur de taxi suivi de l'achat, également non déclaré, du véhicule exploité et la souscription d'une assurance pour cette automobile en son nom. Les objections élevées par ceux-ci n'emportent pas conviction, dans la mesure où elles sont contredites par plusieurs éléments du dossier. La demande d'affiliation à l'OCAS indique le début de l'activité le 1er janvier 2021, date qui correspondait, par ailleurs, à la date de la signature de la mise à disposition du véhicule exploité en faveur du recourant par G______. Courant juillet 2021, celui-là a demandé et obtenu un macaron pour le même véhicule, période durant laquelle il était en incapacité de travail totale pour accident lié à un problème d'épaule. Compte tenu de ces éléments et de la jurisprudence précitée selon laquelle les sommes créditées sur un compte bancaire appartiennent en principe à son titulaire, l'hospice était fondé à retenir que l'activité du recourant a débuté au mois de janvier 2021.

Le statut d’indépendant du recourant excluait le droit aux prestations, ce qui justifie également la demande de restitution.

La décision attaquée est donc conforme à la loi et ne consacre aucun abus du pouvoir d’appréciation de l’hospice.

7.             Reste à examiner si la remise sollicitée par les recourants est envisageable.

7.1 Conformément à l'art. 42 LIASI, le bénéficiaire de bonne foi n’est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (al. 1). De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/50/2024 du 16 janvier 2024 consid. 4.1 ; ATA/1231/2022 du 6 décembre 2022 consid. 4g ; ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).

7.2 Un bénéficiaire qui viole ses obligations d’informer l’hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3 ; ATA/1310/2023 du 5 décembre 2023 consid. 3).

Pour le surplus, il appartient à l’hospice d’examiner l’éventuelle prise en compte des éléments de fortune dans le calcul du droit aux prestations et non au bénéficiaire des prestations ((ATA/42/2019 du 15 janvier 2019 consid. 3).

7.3 En l'occurrence, les recourants ont formulé leur demande de remise au stade de la procédure de recours. Pour les raisons évidentes d'économie de procédure et dans la mesure où l'hospice s'est exprimé sur ladite demande dans sa réponse, il y a lieu de trancher ce point dans ce cadre, sans qu'il soit nécessaire de le renvoyer à l'hospice pour décision préalable.

Il résulte des considérants qui précèdent que les recourants ont omis de déclarer à l'hospice l'existence d’un bien immobilier, d’un véhicule acquis à un tiers, de deux comptes sur lesquels étaient crédités les revenus du recourant. Ils ne pouvaient ignorer l’importance que revêtaient ces éléments pour la détermination de leur droit aux prestations, étant rappelé qu’en signant le document « Mon Engagement », ils s’étaient expressément engagés à signaler l’existence de l’intégralité de leurs biens mobiliers et immobiliers, y compris ceux sis à l’étranger. Il sera pour le surplus rappelé qu'il n'appartient pas au bénéficiaire d'analyser les éventuels éléments à communiquer à l'hospice, l'examen de la pertinence du montant de la fortune du couple relevant de la seule compétence de l'hospice.

En l'absence de bonne foi, les recourants ne répondent pas à l'une des deux conditions cumulatives nécessaires pour obtenir la remise sollicitée.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

8.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu et au vu de son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 mai 2024 par A______ et B______ contre la décision de l'hospice général du 9 avril 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Caroline FERRERO MENUT, avocate des recourants, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

 

Margaux MARMY

 

la présidente :

 

 

 

Florence KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :