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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3681/2018

ATA/42/2019 du 15.01.2019 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3681/2018-AIDSO ATA/42/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 janvier 2019

2ème section

 

dans la cause

 

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1. Monsieur A______, né le ______1970, de nationalité suisse, est le père de B______, né le ______1999, de C______, née le ______ 2000 et de D______, né le ______ 2001.

2. Le 27 mars 2017, A______ s’est présenté au Centre d’aide sociale (ci-après : CAS) de Meyrin pour solliciter l’octroi de prestations d’aide financière. Il a été informé des démarches à entreprendre et, notamment, qu’il devait se désinscrire du registre du commerce, même s’il n’exerçait plus son activité de carrossier depuis décembre 2016.

3. Le 20 avril 2017, A______ a rempli la demande de prestations d’aide financière, en indiquant qu’il n’avait aucun revenu provenant d’une activité indépendante et qu’il n’était pas inscrit au registre du commerce. Le formulaire comporte, en caractères gras, l’indication que la personne requérant des prestations atteste de ce que les renseignements donnés sont exacts et complets.

Aux termes du document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » (ci-après : hospice), qu’il a signé, il s’est engagé à donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de sa situation personnelle et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou fortune. Il a renouvelé sa signature au bas de ce document le 6 juillet 2018.

Lors de l’entretien d’accueil, qui s’est déroulé le 20 avril 2017, A______ a expliqué qu’il avait mis un terme à son activité de carrossier, car elle ne lui procurait pas assez de revenus. Il était encore inscrit au registre du commerce et détenait un compte commercial auprès de la Poste. Il sous-louait une chambre dans un appartement de six pièces au ______, rue H______ à Meyrin, loué par son frère et son épouse, qui vivaient à Berne. Il occupait l’appartement avec deux autres personnes, son ex-compagne, Madame E______ et sa fille, Madame C______. L’assistante sociale lui a indiqué qu’il devait se faire radier du registre du commerce et clore son compte commercial.

4. Le 13 juin 2017, l’administré a déposé des documents attestant de sa radiation du registre du commerce et de la suppression de son compte commercial auprès de la Poste.

Selon le registre du commerce, l’entreprise individuelle, à la raison sociale « F______, titulaire A______ » a été radiée le 19 avril 2017.

5. L’hospice a versé des prestations financières avec effet dès le 1er avril 2017.

6. Le 22 juin 2018, l’assistante sociale a appris par le bais du service des enquêtes de l’hospice que A______ était inscrit depuis le 21 novembre 2016 auprès du registre du commerce vaudois, comme associé gérant de G______, dont il détenait 105 parts sociales d’une valeur de CHF 100.- chacune.

Cette société a, notamment, pour but l’exploitation d’une agence immobilière spécialisée dans la vente de biens de prestige en Suisse.

7. Interrogé par son assistante sociale à ce sujet, A______ a déclaré que la société était dormante. Selon un courriel du registre du commerce vaudois du 22 juin 2018, celui-ci exposait ne pas pouvoir délivrer un document attestant de ce que la société était dormante et rappelait qu’une déclaration d’impôt devait être déposée chaque année pour la société, étant relevé que celles de 2016 et 2017 n’avaient pas été fournies.

8. Le service d’enquêtes de l’hospice s’est rendu le 6 juillet 2018 au domicile de l’intéressé, qui ne s’y trouvait pas. Il a laissé un avis de passage invitant ce dernier à se présenter audit service le 13 juillet 2018, auquel A______ n’a pas donné suite.

9. Il ressort des relevés de compte produits par A______ pour la période allant du 1er janvier au 22 juin 2018, qu’il a retiré, au Liban, respectivement US$ 600.- et US$ 700.- les 31 janvier 2018 et 4 mars 2018, ainsi que CHF 1'000.- le 2 mai et le 15 juin 2018 à Nyon. Par ailleurs, il a effectué, au moyen de sa carte bancaire, des achats en France.

10. Les relevés précités sont adressés à « A______, F______ ». La raison de commerce « F______, titulaire A______ » a été inscrite au registre du commerce du canton de Genève comme société individuelle du 20 juin au 12 décembre 2017. A______ en a été le titulaire.

11. Par décision du 19 juillet 2018, l’hospice a mis fin au droit aux prestations d’aide financière à compter du 1er juillet 2018 et réclamé la restitution de CHF 21'679.85, correspondant aux prestations perçues du 1er avril 2017 au 30 juin 2018, au motif qu’il avait caché de manière intentionnelle qu’il détenait des parts dans G______, dont il était associé gérant.

12. Statuant sur opposition le 18 septembre 2018, le directeur général de l’hospice l’a rejetée.

Le bénéficiaire exerçait une activité indépendante qu’il avait cachée à l’hospice. Or, d’une part, il avait violé son obligation de renseigner. D’autre part, l’aide sociale était exclue pour toute personne exerçant une activité indépendante ; la question de savoir si cette activité procurait des revenus n’était pas déterminante. La décision mettant fin aux prestations de l’hospice était donc justifiée.

Par ailleurs, en cachant l’existence de sa société, le bénéficiaire avait gravement violé son obligation de renseigner, de sorte que la demande de remboursement des prestations perçues indûment était fondée.

13. Par acte expédié le 19 octobre 2018 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision, concluant à ce que l’hospice reprenne le versement de ses prestations.

Il avait retiré de l’argent en dollars américains, car son père « était en urgence vitale pour un problème de cœur ». Les deux retraits de CHF 1'000.- correspondaient au loyer qu’il versait à son frère. Il faisait par ailleurs ses courses en France, puisqu’elles y étaient moins chères. Depuis que l’hospice ne l’aidait plus, il ne versait plus de loyer ni de prime d’assurance-maladie. Il était sur le point de se faire expulser et de faire l’objet de poursuites. Il allait vendre ses parts pour CHF 2'000.-. Les pièces prouvant la maladie de son père ainsi que la vente de ses parts seraient produites ultérieurement.

14. L’hospice a conclu au rejet du recours.

Il a relevé que la situation du recourant demeurait floue. Se posait d’ailleurs la question de savoir si celui-ci était véritablement domicilié à Genève, n’ayant pas été présent lors de la visite de l’enquêteur à son domicile, n’ayant pas donné suite à l’invitation de se présenter auprès de l’hospice et ayant retiré de l’argent à Nyon, en France et au Liban. Par ailleurs, l’hospice s’interrogeait comment l’intéressé avait pu financer deux voyages au Liban, au demeurant non déclarés à l’hospice, et y effectuer deux importants retraits. En outre, la fortune du recourant, constituée de ses parts sociales valant CHF 10'500.-, dépassait le seuil de fortune permettant l’octroi de l’aide sociale. Pour le surplus, la demande de restitution était pleinement fondée, au regard des motifs déjà exposés.

15. Le recourant n’a pas exercé son droit de répliquer dans le délai imparti à cet effet ni produit de pièces complémentaires.

16. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur le bienfondé de la décision mettant fin aux prestations de l’hospice et de la demande de remboursement. La quotité du montant réclamé n’est pas litigieuse.

a. La loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Ont droit aux prestations d’aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d’État (art. 21 al. 1 LIASI). Pour une personne majeure, cette limite est de CHF 4'000.- (art. 1 al 1 let. a du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 - RIASI - J 4 04.01)

b. Aux termes de l’art. 11 al. 4 let. d LIASI, les personnes exerçant une activité lucrative indépendante n’ont, en principe, pas droit à une aide financière ordinaire. Celle-ci ne peut être accordée que pour une période de trois mois et, en cas d’incapacité de travail, pendant une durée maximale de six mois (art. 16 RIASI).

Ces dispositions ont codifié la pratique de la chambre de céans, retenant qu’il était conforme au but d’intérêt public inhérent au système des prestations sociales de préserver les deniers publics, lesquels ne sauraient servir à rémunérer des activités indépendantes non viables. Cette pratique répondait au principe de subsidiarité en vertu duquel la personne qui ne peut, par son travail indépendant, subvenir à ses besoins, doit faire valoir les droits qui sont les siens, notamment auprès de l’assurance-chômage, et auxquels l’assistance publique est subsidiaire (ATA/194/2006 du 4 avril 2006 consid. 6 et les références citées ; plus récemment ATA/450/2018 du 8 mai 2018 consid. 6b).

c. Le bénéficiaire est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière. Il doit se soumettre à une enquête de l’hospice lorsque celui-ci le demande (art. 32 al. al. 1 et 3 LIASI). De même, il doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner une modification du montant des prestations qui lui sont allouées (art. 33 al. 1 LIASI). Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/1237/2018 du 20 novembre 2018 consid. 2c).

d. Les prestations d’aide financière peuvent être supprimées lorsque le bénéficiaire, intentionnellement, ne s'acquitte pas de son obligation de collaborer ou refuse de donner les informations requises, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. c et d LIASI).

e. Selon l’art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l’hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3).

f. Le bénéficiaire des prestations d’assistance est tenu de se conformer au principe de la bonne foi dans ses relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/1237/2018 précité consid. 2e ; ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 15b). Toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/1237/2018 précité et les références citées).

3. En l’espèce, en signant le formulaire de demande de prestations et le document « Mon engagement », le recourant a attesté de ce que les informations qu’il avait fournies étaient exactes et complètes. Il n’a alors déclaré que son activité de carrossier. Lors de son entretien d’accueil, l’assistante sociale lui a indiqué qu’il devait faire radier son entreprise de carrossier à Genève, afin de pouvoir bénéficier des prestations de l’hospice. Le recourant s’est conformé à cette obligation et a fait radier son entreprise « F______, titulaire A______ » le 19 avril 2017. Il a toutefois fait réinscrire au registre du commerce de Genève une entreprise individuelle dont il était titulaire, à la raison sociale « F______, titulaire A______ », d’une part. D’autre part, il n’a, à aucun moment, signalé qu’il détenait des parts acquises en 2016 dans G______, dont il était associé gérant.

Or, il avait pris l’engagement de déclarer à l’hospice toute sa fortune et ses sources de revenus ; il lui appartenait de se conformer à cette obligation. Il aurait ainsi dû signaler l’existence de ses parts dans la société précitée et son inscription au registre du commerce vaudois. L’importance qu’accordait l’hospice à connaître ces éléments de fortune ne pouvait échapper au recourant, dès lors que l’intimé lui avait indiqué qu’il devait procéder à la radiation de son entreprise individuelle inscrite au registre du commerce du canton de Genève et à la clôture du compte commercial s’y rapportant, afin de pouvoir bénéficier de prestations. La question de savoir si la société vaudoise était « dormante » ou non n’est pas pertinente. En effet, l’obligation du recourant consistait à informer l’hospice de tous ses éléments de fortune et toute activité indépendante, sans égard à la valeur ou rentabilité de celles-ci. En effet, il appartient à l’hospice d’examiner l’éventuelle prise en compte de ces éléments dans le calcul du droit aux prestations et non au bénéficiaire des prestations. Le recourant doit donc se voir reprocher d’avoir violé son devoir de renseigner en ne signalant pas qu’il détenait des parts de G______, dont il était associé gérant.

Les circonstances du cas d’espèce ne permettent pas de retenir la bonne foi du recourant. Celui-ci a déclaré que les informations données étaient complètes et correctes. En outre, il ne pouvait ignorer que son inscription auprès du registre du commerce vaudois en tant qu’indépendant constituait un motif de refus de prestations, dès lors que son assistante sociale avait exigé sa radiation du registre du commerce du canton de Genève. La faute reprochée au recourant doit ainsi être qualifiée d’intentionnelle et de grave.

Par ailleurs, il convient de relever que, quand bien même l’hospice ne s’en est pas prévalu dans la décision attaquée, il apparaît qu’en procédant en avril 2017 à la radiation de son entreprise individuelle inscrite au registre du commerce genevois, afin de pouvoir bénéficier des prestations de l’hospice, et en s’y réinscrivant en juin 2017, le recourant a délibérément cherché à berner l’hospice.

Au vu de ces éléments, l’hospice était fondé à mettre un terme à ses prestations et à réclamer le remboursement des prestations. Le recourant ne conteste pas le montant dont le remboursement lui est demandé. Celui-ci couvre la période allant du 1er avril 2017 au 30 juin 2018.

Manifestement mal fondé, le recours doit être rejeté.

4. Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Il n’y a pas lieu à l’allocation d’une indemnité de procédure, le recourant succombant (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 octobre 2018 par Monsieur  A______ contre la décision de l’Hospice général du 20 septembre 2018 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est ni perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :