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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3961/2023

ATA/967/2024 du 20.08.2024 ( PROC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3961/2023-PROC ATA/967/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 août 2024

 

dans la cause

 

A______

B______

C______

D______

E______

F______

G______

H______

I______

J______

K______ demandeurs
représentés par Me Anthony WALTER, avocat

 

contre

COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE

et

 

COMMUNE DE L______

représentée par Me Nicolas WISARD, avocat

 

et

 

M______ SA

représentée par Me Cédric LENOIR, avocat

 

et

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC défendeurs



EN FAIT

A. a. Par arrêt du 3 novembre 2020, la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté par N______ et O______, A______, J______, B______ et E______, C______, P______, Q______ et R______, G______, J______ et I______ contre le jugement du 5 novembre 2019 du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) confirmant les autorisations de démolir M 2______ et de construire DD 1______ portant sur cinq logements sous la forme d'habitat groupé répondant à une très haute performance énergétique (THPE 48%), de sondes géothermiques et d'un garage souterrain sur la parcelle n° 7'086 de la commune de L______ (ci-après : la commune), ainsi que l'abattage d'arbres.

L’arrêt mentionnait notamment en son consid. 7 :

« c. S'agissant des exigences d'équipement en termes de conduites de canalisations, l’office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau) a rendu trois préavis, respectivement les 13 février 2018, 18 juin 2018 et 13 août 2018. Le dernier préavis prévoit que l'ouverture du chantier est subordonnée au règlement des éléments relevant du droit privé (point 11 du préavis).

Le propriétaire doit pouvoir garantir qu'il jouit du droit d'utiliser l'accès en question de manière durable. On considère parfois qu'une éventuelle servitude ne doit pas forcément avoir été inscrite au registre foncier lors de l'octroi du permis de construire, mais qu'elle doit avoir au moins été convenue, le cas échéant, soumise à la condition suspensive qu'elle sera valide dès l'obtention du permis de construire (Éloi JEANNERAT, Commentaires pratiques de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 [LAT - RS 700] : planifier l'affectation, 2016, p. 555, n. 35).

Certes, en l'espèce, ce n'est que l'ouverture du chantier et non la délivrance de l'autorisation de construire qui est conditionnée à l'obtention desdites garanties. Le résultat est toutefois identique. En effet, selon les principes généraux du droit, il n'appartient pas à l'administration de s'immiscer dans les conflits de droit privé pouvant s'élever entre le requérant d'une autorisation de construire et un opposant, celle-ci n'ayant pas pour objet de veiller au respect des droits réels et notamment des servitudes (art. 3 al. 6 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 [LCI - L 5 05] ; ATA/169/2020 du 11 février 2020 consid. 7a ; ATA/166/2018 consid. 5).

Le département a ainsi exigé « préalablement au branchement des canalisations des eaux usées et pluviales, le requérant, sera tenu de vérifier l'état, le bon fonctionnement et la capacité hydraulique des équipements privés susmentionnés, jusqu'aux équipements publics. Les éventuels travaux de réfection, d'adaptation, voire de reconstruction seront entrepris dans le cadre de ceux faisant l'objet de la présente requête, d'entente avec notre service ». Le préavis tient en quatre pages et pose quinze conditions dont celles précitées (nos 7, 11 et 12). Les détails contenus dans le préavis témoignent du soin mis par l'OCEau au traitement de ce dossier. Le préavis fait partie intégrante de la décision querellée (point 5 de la décision).

Les problématiques de réfection, d'adaptation et de raccordement des canalisations sur les parcelles voisines, lesquelles relèvent du droit privé, sont donc exorbitantes à l'objet du litige. Cette conclusion est en conformité avec la doctrine qui, contrairement à la problématique de la voie d'accès suffisant, ne prévoit pas de garantie sur le plan juridique à propos des conduites d'amenée en eaux et d'évacuation des eaux usées. Il convient uniquement de procéder à une analyse globale de la situation (Éloi JEANNERAT, op. cit., ad. art. 19 LAT n. 36 et ss et André JOMINI, Commentaire de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire 2010, ad. art. 19 LAT n. 23 et 29 ss).

Les conditions fixées dans le préavis, et en conséquence dans la décision litigieuse, répondent aux exigences légales et jurisprudentielles dès lors que les travaux ne pourront être entrepris qu'une fois les problèmes liés aux évacuations des eaux réglés, preuve à l'appui, à satisfaction des spécialistes du département.

Il apparaît ainsi que l'OCEau s'est, d'une part, préoccupé de la problématique de la canalisation des eaux usées et pluviales et, d'autre part, qu'il a mis en place des exigences et conditions à respecter afin de s'assurer de la conformité du projet avec les normes en vigueur en la matière.

d. De plus, la recourante n'a pas apporté d'autres éléments de nature à mettre en doute l'appréciation de l'OCEau, ceux portant sur les servitudes ne ressortant pas du présent litige. L'expertise produite témoigne des difficultés qu'a eu l'expert pour établir un plan, celui-ci indiquant que son rapport « tente d'établir le débit d'eaux résiduaires actuel et futur » (p. 1), que « plusieurs documents récoltés donnent une cartographie complète ou fragmentaire des réseaux eaux usées et eaux claires (...). Ceux-ci ne sont toutefois pas tous cohérents les uns avec les autres (p.3) ». « Il reste une incohérence quant à la connexion des réseaux eaux usées » concernant la parcelle n° 7086 (p. 3). L'exutoire de sept parcelles concernant les eaux claires n'est pas connu, deux possibilités étant proposées par l'expertise. Il ressort ainsi de cette expertise d'une part que le terrain est équipé ce que prouve le schéma produit en p. 4. D'autre part, qu'au vu de la difficulté d'établir les faits, il ne peut être reproché au recourant d'avoir transmis des plans inexacts ni d'avoir violé l'art. 9 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) qui dresse la liste des documents à fournir, dont le plan des canalisations. C'est à juste titre que le département a estimé, et maintenu après connaissance de l'expertise précitée, que les précisions fournies quant aux canalisations étaient suffisantes au stade de la demande d'autorisation de construire, l'OCEau réservant dans son préavis l'apport des précisions complémentaires nécessaires.

e. Force est ainsi de constater que l'instance spécialisée a considéré, après instruction, que le terrain envisagé était équipé au sens de l'art. 22 al. 2 LAT, tout en posant des conditions suspensives, comme les art. 19 al. 1 LAT et 16 al. 1 let. b LCI l'y autorisent.

Dans la mesure où le département a suivi le préavis positif de l'OCEau, la chambre de céans doit, dans ces circonstances et à l'instar du TAPI composé de personnes possédant des compétences techniques spécifiques, observer une certaine retenue. Le préavis de l'OCEau suffisait ainsi à fonder la décision du département qui a intégré le respect de l'entier des conditions posées par ce dernier au chiffre 5 de la décision querellée » (ATA/1103/2020).

b. L’arrêt de la chambre administrative n’a pas fait l’objet d’un recours auprès du Tribunal fédéral.

B. a. Le 27 novembre 2023, A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______ et K______ (ci-après : les consorts A______) ont déposé une demande de révision de l’arrêt du 3 novembre 2020 auprès de la chambre administrative.

Ils ont conclu à l’annulation de l’arrêt précité et de la DD 1______/1. Préalablement, l’instruction de la demande en révision devait être suspendue jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale P/3______/2021 et jusqu’à droit jugé de la demande en constatation de la caducité des autorisations de construire principale DD 1______/1 et complémentaire DD 1______/2 instruites dans la procédure A/2932/2022. Un délai devait leur être accordé pour compléter leurs écritures en fonction de l’évolution de la procédure pénale P/3______/2021.

Le 28 août 2023, S______ avait été entendu par la police judiciaire dans le cadre de l’instruction de la procédure pénale P/3______/2021 relative à une plainte du 20 janvier 2021 mentionnant notamment des plans de canalisations erronés produits à l’appui de la demande d’autorisation de construire DD 1______/1 précitée. L’intéressé était architecte, administrateur de M______ SA, mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) et avait signé la requête en autorisation de construire.

Le 12 octobre 2023, le Ministère public (ci-après : MP) avait prononcé une ordonnance de perquisition et de séquestre à l’encontre de M______ SA. La procédure P/3______/2021 avait été ouverte contre inconnu des chefs de faux dans les titres. Il était reproché à l’auteur d’avoir, en 2017 à Genève, présenté de faux documents lors de la soumission de l’autorisation de construire déposée en décembre 2017 sur la parcelle précitée. Dans le cadre de l’instruction, des soupçons suffisants étaient apparus pour ouvrir également une instruction contre inconnu pour l’autorisation de construire complémentaire. Il était reproché à l’auteur d’avoir, en mars 2022, dans le cadre de cette demande, contrefait ou apposé la signature de T______ en tant que requérant MPQ, sans son accord, le présentant comme tel alors qu’il se trouvait en incapacité de travail, trompant l’autorité, ceci dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui, en lui faisant porter la responsabilité de cette demande d’autorisation problématique au vu des plans de canalisations produits à l’appui de la demande d’autorisation déposée le 13 décembre 2017, et de se procurer ou procurer à un tiers un avantage illicite, soit tenté de faire avaliser la première autorisation malgré les plans de canalisations erronés en dissimulant cette problématique.

Les demandeurs avaient déposé, le 12 décembre 2022, une demande de constat de la caducité de l’autorisation de construire DD 1______/1 et de l’autorisation complémentaire DD 1______/2 devant le TAPI. La cause avait été enregistrée sous les références A/2932/2022.

Les requérants avaient saisi la chambre administrative dans les trois mois dès la découverte du témoignage de S______, lequel avait reconnu que les plans de canalisations fournis avec la demande d’autorisation DD 1______ étaient faux. Or la chambre administrative avait rejeté, dans son arrêt du 3 novembre 2020, le grief de l’absence d’équipement du terrain, de la violation de l’art. 9 al. 2 RCI et de l’art. 54 LCI en partant du principe, qu’en dépit de la difficulté d’établir les tracés de canalisations, l’OCEau avait été en mesure d’effectuer son travail en mettant en place les exigences et les conditions à respecter afin de s’assurer de la conformité du projet avec les normes en vigueur en la matière. Or, comme les plans étaient faux, ce que la chambre administrative ignorait à l’époque de l’arrêt et que l’audition d’un des associés de M______ SA avait établi ultérieurement, l’OCEau n’avait rien pu vérifier et l’autorisation n’aurait pas dû être délivrée sur la base d’un dossier incomplet.

Les requérants sollicitaient la suspension de la procédure de la demande de révision jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale. Compte tenu des premiers éléments de l’enquête, il se pouvait que la procédure pénale débouche sur le motif de révision prévu à l’art. 80 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), ce qui conduirait à l’annulation de l’arrêt du 3 novembre 2020.

Ils sollicitaient également la suspension de la procédure de demande de révision jusqu’à droit jugé dans la procédure administrative relative à leur demande de constatation de la caducité de l’autorisation de construire DD 1______. L’admission d’une telle demande rendrait sans objet la demande de révision.

B. a.  

b. La commune de L______ (ci-après : la commune) s’en est rapportée à justice sur la demande de révision. Le projet de construction était incompatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier sous l’angle de la typologie de construction choisie, à savoir un habitat groupé, induite par la recherche d’une densité maximale. Son plan directeur, approuvé par le Conseil d’État le 8 novembre 2023, ne prévoyait pas que le secteur en question constitue un périmètre de densification accrue au sens de l’art. 59 al. 4 LCI. Si les faits invoqués par les recourants devaient conduire à l’annulation de l’autorisation et que les propriétaires devaient déposer auprès du département un nouveau projet de construction, ce dernier devrait être d’une densité largement inférieure à celle de la DD 1______. Les habitants de la commune qui avaient soutenu le travail mené par celle-ci depuis 2021 pour définir les périmètres de densification accrue ne comprendraient pas que puisse être bâti un projet d’une telle envergure et densité, aussi longtemps après l’aboutissement des dispositions du plan directeur communal à ce sujet. Ce projet resterait unique dans cette partie de la commune, dès lors que le département ne pourrait plus accorder d’autorisation pour des projets présentant un tel coefficient de densité, en raison précisément du plan directeur communal approuvé.

c. Le 3 janvier 2024, le département a conclu à l’irrecevabilité de la demande de révision. La déclaration de S______ n’était pas de nature à entraîner une révision. Le témoignage était intervenu postérieurement à l’arrêt, de sorte qu’il ne s’agissait pas d’un fait nouveau « ancien ». Les voisins avaient déjà prétendu, lors de la procédure qui avait abouti à l’arrêt dont ils requéraient la révision, que le plan était erroné. Ils ne développaient pas l’incidence que ces déclarations auraient pu avoir sur l’arrêt dont ils demandaient la révision. Elles n’en auraient eu aucune puisqu’il s’agissait d’un simple avis, de surcroît dénué de tout élément de preuve. S______ avait expliqué que sa position se fondait sur le fait que la solution prévue par ce plan n’était légalement pas possible, en raison du défaut de la servitude nécessaire. Or, ni l’absence de servitude ni la non faisabilité du projet n’étaient de nature à invalider l’autorisation de construire confirmée par l’arrêt du 3 novembre 2022. La délivrance d’une autorisation de construire ne nécessitait pas nécessairement la préexistence d’une servitude puisque celle-ci pouvait être inscrite avant l’ouverture du chantier. La faisabilité d’un projet ne constituait pas non plus une condition sine qua non de la validité d’une autorisation étant donné que la jurisprudence considérait que lorsqu’un projet autorisé ne s’avérait pas réalisable, il pouvait être adapté par le biais d’une demande complémentaire. C’était d’ailleurs la voie qui avait été suivie en l’espèce. La déclaration litigieuse portait sur un plan de canalisations dont la portée devait, selon la jurisprudence, être relativisée. Elle ne constituait dès lors pas un fait nouveau au sens de la LPA, raison pour laquelle la demande n’était pas recevable. Il n’était pas non plus nécessaire de suspendre la présente cause.

d. M______ SA a conclu à l’irrecevabilité de la demande de révision et, préalablement, au rejet des demandes de suspension. S______ avait uniquement indiqué que le plan était selon lui probablement faux « légalement » dans la mesure où, selon sa compréhension, il n’y avait pas de servitude pour le tracé des canalisations tel qu’il figurait sur le plan en question, relevant qu’il était, techniquement, probablement faisable. Les propos de S______ relevaient de sa propre appréciation. Ces seules allégations ne permettaient pas de déterminer si les plans de canalisations fournis en annexe à la demande de la DD 1______ seraient véritablement des faux. Encore faudrait-il déterminer concrètement ce que l’on entendait par des « plans faux ».

La demande de révision était prématurée et par conséquent irrecevable pour l’hypothèse de la let. a de l’art. 80 LPA, aucun crime ou délit n’ayant été établi.

L’autorisation de construire DD 1______ avait déjà été « ouverte » et partiellement mise en œuvre. Le bâtiment existant sur la parcelle avait été entièrement démoli. Le droit subjectif remis en cause par la demande de révision ayant déjà été mis en œuvre, celle-ci ne pouvait plus être admise pour des motifs évidents tendant à la sécurité du droit et à la pesée des intérêts en présence.

Les demandeurs adoptaient une « stratégie de manœuvres dilatoires », ne souhaitant pas une densification dans leur quartier, pour des raisons de convenance personnelle. Les voisins et/ou leurs conseils devaient être condamnés à une amende pour « plaidoirie téméraire ».

e. Dans leur réplique, les demandeurs ont persisté dans leurs conclusions.

f. À la demande de la juge déléguée, le procureur a transmis les rapports de renseignements de la police des 5 et 11 octobre 2023 ainsi que les procès-verbaux des personnes entendues dans le cadre de la procédure pénale. Les pièces pouvaient être versées à la procédure et étaient consultables pour toutes les parties, y compris M______ SA.

Il ressort de la procédure pénale les éléments suivants :

– selon le rapport intermédiaire de renseignements de la police du 5 octobre 2023, E______, plaignant, avait été entendu le 4 janvier 2023. U______, inspecteur en assainissement auprès de l’OCEau, avait expliqué avoir délivré son préavis positif sur la base du plan fourni dans la demande d’autorisation de construire initiale. De façon générale, pour les canalisations, les fonctionnaires de l’OCEau se basaient uniquement sur les plans fournis par les mandataires. Ils n’avaient pas les moyens de vérifier l’existence ou l’absence de canalisations mentionnées sur les plans, d’autant plus s’il s’agissait de demandes privées. Selon S______, architecte de M______, il avait signé la demande complémentaire, reprenant le projet à la suite de T______, qui avait signé la requête initiale mais ne travaillait plus dans leur société, en raison de problèmes liés à la qualité de son travail. S______ ne connaissait pas les ingénieurs de V______ INGENIERIE qui avaient établi les plans litigieux ;

– selon le rapport intermédiaire de renseignements de la police du 11 octobre 2023, T______ avait déclaré lors de son audition qu’il n’avait jamais signé de demande d’autorisation de construire pour le projet en question. Il n’était probablement pas encore MPQ à la date du dépôt de la demande initiale. La demande complémentaire comportait, à son insu, sa signature en qualité de requérant et de MPQ. Or, il était à cette époque en incapacité totale de travailler, laquelle avait duré jusqu’à son licenciement en juillet 2022. Son nom avait par ailleurs été utilisé à son insu pour l’ouverture du chantier en 2022, via la plate-forme DEMAT.

À la suite de cette affirmation, les voisins avaient déclaré qu’ils déposeraient une plainte pénale contre inconnu.

La police précisait avoir obtenu les dossiers des demandes d’autorisation. La demande initiale était signée par S______, contrairement aux affirmations de ce dernier. La demande complémentaire comportait deux signatures strictement identiques, comme mandataire et requérant. La suite de l’enquête devrait déterminer si ces signatures étaient électroniques ;

– selon le rapport intermédiaire de renseignements de la police du 20 octobre 2023, T______ avait transmis les certificats médicaux prouvant sa totale incapacité de travail du 22 février au 24 mai 2022. La police avait procédé à une perquisition au bureau de M______ SA le 17 octobre 2022 [recte : 2023]. W______, architecte associé, avait expliqué que les signatures en format électronique des associés, dont T______, pouvaient être utilisées uniquement par eux afin de signer des documents au nom d’un associé absent pour ne pas bloquer des dossiers en cours. Cette façon de faire avait été mise en place avec l’accord collégial de tous les associés dont T______. Il ignorait toutefois qui avait apposé sa signature sur la demande complémentaire concernée.

Différents éléments physiques avaient été saisis lors de la perquisition à l’instar de dossiers papier relatifs au projet immobilier concerné ainsi que des documents électroniques et échanges de courriels. La police avait demandé l’obtention des données de l’ancienne boîte mail de T______ auprès du serveur qui hébergeait la société.

X______, architecte qui s’était aussi occupé du projet litigieux, avait été d’accord d’être immédiatement entendu par la police. Il ne s’expliquait pas les différences entre les plans des demandes initiales et complémentaires. Il ne se souvenait pas d’un problème lié aux servitudes. Au vu du départ à la retraite de S______, il avait été décidé par l’ensemble des administrateurs, dont T______, que les dossiers de celui-là seraient repris par la succession, soit T______, W______ et lui-même, raison pour laquelle ils avaient décidé de remplacer S______ par T______ dans le dossier en question. Ils n’avaient eu aucune volonté de tromper ni de produire des faux. Apposer la signature de l’un d’entre eux en son absence était une pratique courante et convenue oralement entre les administrateurs afin de ne pas bloquer l’avancement de dossiers en cours. T______ avait entamé une procédure prud’homale à leur encontre.

g. Après consultation du dossier pénal, le département a précisé que son contenu n’était pas de nature à modifier sa position du 3 janvier 2024. Les pièces qui y figuraient ne faisaient que confirmer que les conditions d’une révision n’étaient pas satisfaites, quelle que soit l’issue de la procédure pénale. Un plan de canalisations n’était pas visé ne varietur par le département lors de la délivrance d’une autorisation de construire, ce qui corroborait la portée relative qu’accordait la jurisprudence à cet aspect. L’absence d’influence de ce plan sur l’autorisation de construire ressortait également de la jurisprudence qui précisait que le droit fédéral, en particulier les art. 19 et 22 al. 2 let. b LAT, exigeaient que l’équipement définitif soit assuré sur le plan juridique et technique, le cas échéant - et notamment - par le biais d’une autorisation de construire spécifique et que celui-ci devait être réalisé au plus tard avant la fin des travaux. Enfin, l’autorisation complémentaire démontrait qu’il n’était pas impossible d’équiper la parcelle en canalisations, ce qui manifestement suffisait au sens de la jurisprudence pour considérer que les exigences des art. 19 et 22 LAT étaient satisfaites.

h. Les voisins ont relevé que le procès-verbal d’audition de T______ était surtout pertinent pour la suspension de la procédure A/2032/2020 [recte : A/2932/2022]. Celui-ci n’était, dans les faits, MPQ ni de la demande d’autorisation principale ni de la complémentaire. U______ avait confirmé que le DT se basait uniquement sur les plans déposés par le mandataire et qu’il n’avait aucun moyen de savoir si le plan était erroné. Les voisins contestaient le soin mis par l’OCEau au traitement du dossier, contrairement à ce qu’avait retenu la chambre administrative. La suspension était nécessaire dans l’attente des auditions de la société auteure des plans de canalisations versés à la procédure, du dépôt de la boîte mail de T______ et de l’audition prochaine de Y______, promoteur.

g.  

h.  

i. M______ SA a relevé que le dossier pénal transmis à la chambre de céans était incomplet. La plainte pénale et les documents perquisitionnés dans ses locaux ne s’y trouvaient pas. Par ailleurs, n’ayant été entendus qu’en qualité de personnes appelées à donner des renseignements, les représentants de la société n’avaient pas accès au dossier. La société n’était pas en mesure de se déterminer sur le dossier pénal dont seuls les éléments à charge avaient été livrés par les voisins. Une décision contraire à leurs conclusions violerait les droits à un procès équitable et d’être entendu. À défaut de condamnation pénale définitive et exécutoire, aucun motif de révision au sens de l’art. 80 let. a LPA n’existait. Le caractère inexact des plans avait déjà été considéré dans l’arrêt dont la révision était demandée, de sorte qu’il ne s’agissait pas d’un fait nouveau. Le caractère éventuellement pénal était du seul ressort du Ministère public. Dans un arrêt récent, la chambre de céans avait relevé, à propos d’un plan incomplet et/ou erroné, que le dossier avait été considéré comme complet par le département, qu’aucune précision n’était donnée sur les informations dont elle aurait manqué et que le grief était écarté sauf à faire preuve de formalisme excessif. Ce même raisonnement devait être appliqué dans le cas d’espèce. L’annulation d’une autorisation déjà partiellement mise en œuvre relèverait de formalisme excessif. La demande de révision devait être déclarée irrecevable, subsidiairement rejetée, sans qu’il ne soit nécessaire d’attendre une décision définitive dans la procédure pénale.

j. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             La compétence de la chambre administrative est acquise, dès lors que la procédure vise la révision d’un arrêt de la chambre de céans. Sous cet angle, la demande de révision est recevable (art. 81 al. 1 in fine LPA).

1.1 En vertu de l’art. 80 LPA, une demande de révision suppose que l'affaire soit réglée par une décision définitive.

1.2 En vertu de l’art. 81 LPA, la demande de révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision (al. 1) et au plus tard dans les dix ans à compter de la notification de la décision. Le cas de révision de l’art. 80 let. a LPA est réservé. Dans ce cas, la révision peut avoir lieu d’office, notamment sur communication du Ministère public (al. 2). Les art. 64 et 65 LPA sont applicables par analogie. La demande doit, en particulier, indiquer le motif de révision et contenir les conclusions du requérant pour le cas où la révision serait admise et une nouvelle décision prise (al. 3).

1.3 En l'espèce, la demande de révision est déposée contre un arrêt du 3 novembre 2020, définitif. Elle a été déposée dans le délai de trois mois dès la découverte d’un motif de révision, en l’espèce le témoignage devant la police de l’un des MPQ le 28 août 2023 et dans le respect du délai de dix ans. Elle remplit les conditions des art. 64 et 65 LPA et est en conséquence recevable.

Autre est la question de savoir si elle est fondée, notamment s’il existe un motif de révision au sens de l’art. 80 LPA.

2.             2.1 Selon l’art. 80 let. b LPA, il y a lieu à révision lorsque des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le demandeur ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente.

L'art. 80 let. b LPA vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n'avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » ; ATA/627/2020 du 30 juin 2020 consid. 1b et 1c ; ATA/362/2018 du 17 avril 2018 consid. 1c ; ATA/294/2015 du 24 mars 2015 consid. 3c). Sont « nouveaux », au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/362/2018 précité consid. 1c). Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c'est-à-dire de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; 118 II 199 consid. 5).

2.2 Une révision est également possible lorsqu’un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d’une autre manière, a influencé la décision (art. 80 let. a LPA), ainsi que pour trois autres motifs (let. c à e), non pertinents en l’espèce.

Les motifs de révision prévus par l’art. 80 LPA sont exhaustifs.

2.3 La révision ne permet pas de supprimer une erreur de droit, de bénéficier d’une nouvelle interprétation, d’une nouvelle pratique, d’obtenir une nouvelle appréciation de faits connus lors de la décision dont la révision est demandée ou de faire valoir des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu ou dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATA/478/2021 du 4 mai 2021 consid. 2b ; ATA/362/2018 précité consid. 1d et les références citées).

2.4 La voie de la révision par la juridiction administrative doit être distinguée de celle de la reconsidération par l’autorité administrative, qui constitue la voie à suivre en cas de « modification notable des circonstances » (art. 48 al. 1
let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c’est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l’état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l’autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/362/2018 précité consid. 1e ; ATA/294/2015 précité consid. 3e ; ATA/105/2014 du 18 février 2014 consid. 9).

3.             À teneur de l’art. 2 LCI, les demandes d’autorisation sont adressées au département (al. 1). Le règlement d’application détermine les pièces qui doivent être déposées par le demandeur et les indications que celui-ci doit fournir concernant les objets destinés à occuper le sous-sol de façon permanente (al. 2). Les plans et autres documents joints à toute demande d’autorisation publiée dans la Feuille d’avis officielle doivent être établis et signés par une personne inscrite au tableau des MPQ dans la catégorie correspondant à la nature de l’ouvrage, au sens de la loi sur l'exercice des professions d'architecte et d'ingénieur du 17 décembre 1982 [LPAI - L 5 40] ; art. 2 al. 3 LCI).

La demande définitive doit être adressée au département sur formule officielle, en dix exemplaires (art. 9 al. 1 1ère phrase RCI). Il y a lieu de joindre notamment les plans et documents suivants : b) extrait du plan cadastral conforme aux al. 2 et 4 de l’art. 7 de l'ordonnance fédérale sur la mensuration officielle du 18 novembre 1992 (OMO - RS 211.432.2), obtenu soit sur le guichet cartographique de la mensuration officielle, soit auprès d'un ingénieur-géomètre officiel. Sur ce plan, la nouvelle construction doit être figurée et cotée par rapport aux limites de propriété, avec des niveaux aux angles des constructions, des coupes de principe sur la construction projetée, et l'indication des gabarits théoriques, de telle sorte qu'il soit facile de déterminer ses relations avec les voies les plus proches (publiques ou chemins privés) et les propriétés limitrophes sur une profondeur de 15 m au moins, en indiquant les constructions existantes et, le cas échéant, les distances aux lisières forestières, au lac et aux cours d'eau. Sont également précisés : les emplacements de stationnement, l'aménagement des accès, les raccordements à la voie publique, les sens de circulation prévus, ainsi que les raccords aux canalisations d'évacuation existantes, les bâtiments encore non cadastrés ou qui ne nécessitent pas de cadastration, éventuellement à conserver ou à démolir, et les arbres à abattre (10 ex.). La signature du plan cadastral par un ingénieur-géomètre officiel est obligatoire, sauf lorsque l'objet de la demande porte uniquement sur la transformation, la rénovation ou le changement d'affectation d'une construction ; g) plan des canalisations d’évacuation des eaux usées et pluviales existantes et à construire, jusqu’aux points de déversement aux collecteurs en indiquant les diamètres et niveaux. À défaut d’égout, le mode d’évacuation des eaux pluviales et d’épuration des eaux usées avec le plan de détail de l’installation d’épuration en indiquant son type, son volume ainsi que le nombre d’utilisateurs (10 ex.) ; h) plan détaillé des canalisations d’eaux usées et pluviales intérieures des constructions (10 ex.) ; i) copie certifiée conforme de l’acte constitutif de la servitude de passage, maintien et entretien des canalisations sur fonds d’autrui ou attestation d’un notaire certifiant qu’il a mandat irrévocable des parties d’instrumenter un tel acte (10 ex.) ; (art. 9 al. 2 RCI).

4.             La LPAI a pour objet de réglementer l'exercice indépendant de la profession d'architecte ou d'ingénieur civil, ou de professions apparentées, sur le territoire du canton de Genève. L'exercice de cette profession est restreint, pour les travaux dont l'exécution est soumise à autorisation en vertu de la LCI, aux MPQ reconnus par l'État (art. 1).

À teneur de l’art. 6 LPAI, le mandataire est tenu de faire définir clairement son mandat (al. 1). Il s'acquitte avec soin et diligence des tâches que lui confie son mandant, dont il sert au mieux les intérêts légitimes tout en s'attachant à développer, dans l'intérêt général, des réalisations de bonne qualité au titre de la sécurité, de la salubrité, de l'esthétique et de l'environnement (al. 2).

Il résulte de cette dernière disposition que le respect du droit public est l'un des devoirs incombant à l'architecte (Blaise KNAPP, La profession d'architecte en droit public, in Le droit de l'architecte, 3ème éd., 1986, p. 487 ss n. 510).

Selon les travaux préparatoires de la LPAI, la ratio legis de celle-ci était d'atteindre, par des restrictions appropriées au libre exercice de cette activité économique, un ou plusieurs buts d’intérêt public prépondérant à l’intérêt privé - opposé - des particuliers. Il peut s'agir d'assurer aux mandants, à l’instar des capacités professionnelles exigées des mandataires dans le domaine médical ou juridique, des prestations d'une certaine qualité nécessitée par la nature ou l’importance des intérêts du mandant. Il peut s’agir aussi de l’intérêt social de la communauté dans son ensemble, aux titres de la sécurité, de la santé, de l’esthétique et de la protection de l’environnement, à ce que les constructions ne comportent pas de risques pour le public, ni ne déparent l’aspect général des lieux. Il peut s’agir notamment de l’intérêt des autorités compétentes à ce que leurs interlocuteurs, lors de la présentation et de l’instruction de dossiers de demandes d’autorisations de construire, respectivement lors de l’exécution des travaux, soient des personnes qualifiées, contribuant ainsi, d’une manière générale, à une meilleure application de la loi (MGC 1982/IV p. 5204).

Il s’ensuit que les manquements professionnels de l’architecte concernés par la LPAI peuvent aussi être trouvés dans les relations qu’entretient ce dernier avec les autorités administratives, respectivement dans l’exécution scrupuleuse des injonctions qu’elles formulent et, d’une manière générale, dans le respect des règles juridiques du droit de la construction justifiant l’existence même du tableau des architectes habilités (arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2010 du 18 juin 2010 consid. 6 ; ATA/118/2013 du 26 février 2013).

5.             En l’espèce, dans le cadre de la procédure relative à la DD 1______, le DT, et plus spécialement l’OCEau, se sont déterminés sur la base des plans produits par les MPQ. La chambre administrative avait rejeté le recours contre cette autorisation.

Depuis l’arrêt de la chambre administrative du 3 novembre 2020, une procédure pénale a été ouverte en lien avec des pièces versées à la première procédure. Les déclarations de l’architecte devant la police évoquent l’éventuelle production de plans « erronés ». On ignore, en l’état de la procédure, le résultat de la perquisition effectuée par le MP dans le bureau d’architectes. Outre la commission d’une éventuelle infraction pénale, ceci pourrait impliquer que les autorités administratives se seraient prononcées sur des plans erronés, ce que certain(s) MPQ aurai(en)t peut-être su, voire tu ou nié au moment où l’OCEau a préavisé, où le département a autorisé les constructions, puis où les juridictions administratives se sont prononcées en fonction notamment du préavis de l’office précité, spécialisé.

5.1 Il n’est pas nécessaire de déterminer si le caractère par hypothèse faux des plans peut constituer un fait nouveau « ancien » au sens de l’art. 80 let. b LPA dès lors qu’en tous les cas il ne répond pas à la condition d’être « important ».

Ce fait n’est pas de nature à modifier l’état de fait à la base de l’arrêt entrepris voire à conduire à un jugement différent. La chambre avait connaissance des erreurs dans les plans et avait considéré que cela était sans influence sur la validité de l’autorisation initialement querellée. L’arrêt indiquait « qu’au vu de la difficulté d’établir les faits, il ne peut être reproché au recourant d’avoir transmis des plans inexacts ». L’inexactitude des plans était ainsi déjà relevée. Quand bien même, contrairement à l’arrêt, le caractère erroné peut éventuellement faire l’objet de reproches à l’encontre des MPQ, il n’est pas déterminant en l’espèce, sous l’angle du droit des constructions.

Après avoir pris connaissance de la procédure pénale, le département a relevé qu’un plan de canalisations n’était pas visé ne varietur par ses soins lors de la délivrance d’une autorisation de construire, ce qui corroborait la portée relative qu’accordait la jurisprudence à cet aspect. L’absence d’influence de ce plan sur l’autorisation de construire ressortait également de la jurisprudence qui précisait que la LAT exigeait que l’équipement définitif soit assuré et devait être réalisé au plus tard avant la fin des travaux. Enfin, l’autorisation complémentaire démontrait qu’il n’était pas impossible d’équiper la parcelle en canalisations, ce qui manifestement suffisait au sens de la jurisprudence pour considérer que les exigences des art. 19 et 22 LAT étaient satisfaites.

L’argumentation du département doit être suivie. Dans un cas où les recourants s'opposaient à la constitution d'une servitude de canalisation en raison notamment du tracé prévu qu'ils estimaient irrationnel, le Tribunal fédéral a rappelé que l'exigence de garantie juridique pour les conduites ne ressortait pas du texte de l'art. 19 al. 1 LAT, lequel prévoyait que le terrain était réputé équipé lorsqu'il était desservi par des conduites auxquelles il était possible de se raccorder sans frais disproportionnés pour l'alimentation en eau et en énergie, ainsi que pour l'évacuation des eaux usées. Il a de même rappelé qu’en matière de conduites, le raccordement n'est pas exigé de façon absolue. Le principe de la proportionnalité permet une certaine flexibilité, notamment lorsqu'un équipement en énergie ou en eau n'est pas obligatoirement nécessaire pour des raisons de police ou environnementales (arrêt du Tribunal fédéral 1C_471/2020 du 19 mai 2021 consid. 3.2 et les références citées).

De même, dans un récent arrêt, le Tribunal fédéral a rappelé que le droit genevois ne contient pas de réglementation analogue à l'art. 104 al. 3 de la loi cantonale vaudoise sur l'aménagement du territoire et les constructions du 4 décembre 1985 (LATC, RS/VD 700.11), selon lequel l'autorité n'accorde le permis de construire que lorsque le bien-fonds est équipé pour la construction ou qu'il le sera à l'achèvement de la construction et que les équipements empruntant la propriété d'autrui sont au bénéfice d'un titre juridique (arrêt du Tribunal fédéral 1C_471/2020 du 19 mai 2021 consid. 3.1.4). En outre, quand bien même une nouvelle canalisation d'évacuation des eaux devrait être construite et une nouvelle servitude créée, les recourants ne rendaient pas vraisemblable que l'inscription de cette dernière serait impossible. De plus, comme l'avait constaté l'instance précédente, l'ouverture du chantier était subordonnée au règlement des éléments de droit privé. Par conséquent, la Cour de justice pouvait considérer que la parcelle était équipée au sens des art. 19 et 22 LAT et du droit cantonal pertinent (arrêt du Tribunal fédéral 1C_315/2021du 22 mars 2022 consid. 3.3).

Le caractère imprécis voire erroné des plans avait été relevé par les voisins dans le cadre de la procédure d’autorisation principale. Déterminer les éventuelles conséquences pénales voire civiles de la production desdits plans ne relève pas de la compétence de la chambre de céans. Le département avait conditionné l’autorisation délivrée le 7 décembre 2018 au respect de diverses conditions figurant dans les préavis recueillis, dont celui de l’OCEau du 13 août 2018 (point 5) et avait réservé les droits des tiers (point 2). Ce dernier office avait notamment conditionné l’ouverture du chantier au règlement des éléments relevant du droit privé. Il avait exigé que les canalisations d’évacuation des eaux usées et pluviales soient exécutées en systèmes séparatifs et raccordées à des collecteurs dont il précisait les spécificités et le fait que les canalisations ralliaient les collecteurs par les réseaux privés. Il avait de même conditionné le branchement desdites canalisations à la vérification de l’état, au bon fonctionnement et à la capacité hydraulique des équipements privés concernés. Comme le relevait l’arrêt de la chambre de céans, le préavis de l’OCEau tenait en quatre pages et posait quinze conditions.

Ces conditions garantissaient suffisamment que le chantier ne soit pas ouvert sans que les questions de canalisations ne soient réglées. Dans ces conditions, les inexactitudes contenues dans les plans pour des raisons qu’il n’appartient pas à la chambre de céans de déterminer, sont sans incidence sur le préavis de l’OCEau, compte tenu des cautèles qui étaient posées.

Les conditions d’un cas de révision au sens de l’art. 80 let. b LPA ne sont pas remplies, les faits nouveaux allégués n’étant, comme précédemment relevés, pas de nature à conduire à un arrêt différent.

5.2 Les recourants sollicitent la révision de l’arrêt en application de l’art. 80 let. a LPA.

La disposition précitée exige la réalisation d’un crime ou d’un délit établi par une procédure pénale ou d’une autre manière et qu’elle ait influencé la décision. Force est de constater que tel n’est pas le cas en l’absence notamment du lien causal. Cette condition, nécessaire, n’étant pas réalisée, cette conclusion n’est pas fondée.

Les conditions d’un cas de révision au sens de l’art. 80 let. a LPA ne sont pas remplies.

6.             Les recourants sollicitent la suspension de la présente procédure dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.

6.1 Selon l’art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/444/2023 du 26 avril 2023 consid. 3.1).

La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l’autorité saisie ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d’une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondée sur l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101) d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, lorsque ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/812/2021 du 10 août 2021 consid. 2a ; ATA/1493/2019 précité consid. 3b).

6.2 En l’espèce, d’une part, comme mentionné dans les considérants qui précèdent, le département a confirmé, après avoir pris connaissance des pièces d’ores et déjà versées au dossier de la procédure pénale, que son issue était sans incidence sur le préavis de l’OCEau, et par voie de conséquence sur l’autorisation de construire. Dans ces conditions, il ne se justifie pas de suspendre la présente procédure en révision dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.

La DD 1______ conditionnait l’ouverture du chantier à plusieurs conditions, dont certaines en lien avec la question des canalisations. Par ailleurs, les droits des tiers restent réservés conformément à l’autorisation précitée.

Les conditions d’une suspension de la présente procédure comme dépendante du pénal ne sont pas remplies.

7.             Les recourants sollicitent la suspension de la présente procédure dans l’attente de l’issue de la procédure pendante devant le TAPI sous les références A/2932/2022.

Cette conclusion sera rejetée. Certes, les recourants ont pris, dans la procédure susmentionnée, des conclusions en constatation de la caducité de la DD 1______ qui, si elles étaient suivies rendraient la présente demande en révision sans objet. Il appartiendra au TAPI de se prononcer sur la recevabilité et le bien‑fondé desdites conclusions, étant précisé que par arrêt de ce jour dans la cause A/2932/2022, la chambre de céans a admis le recours formé par les propriétaires contre la décision de suspension du TAPI comme dépendant du pénal.

Les conditions d’une suspension de la présente procédure comme dépendante de la cause A/2932/2022 ne sont pas remplies.

Mal fondée, la demande de révision sera rejetée.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge, solidaire, des recourants (art. 87 al. 1 LPA).

Au vu des circonstances particulières du présent cas, il ne sera pas alloué d’indemnité à M______ SA, ni à la commune qui s’en est rapportée à justice et a limité ses écritures (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la demande en révision déposée le 27 novembre 2023 par A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______ et K______ contre l’arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 3 novembre 2020 ;

préalablement :

rejette les demandes de suspension de la présente procédure ;

au fond :

rejette la demande de révision ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______ et K______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément à l’art. 72 al. 2 let. b ch. 4 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière civile ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Anthony WALTER, avocat des demandeurs, Me Cédric LENOIR, avocat de M______ SA, à Me Nicolas WISARD, avocat de la commune de L______, au département du territoire – OAC, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :