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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2138/2023

ATA/773/2024 du 25.06.2024 sur JTAPI/1190/2023 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT SUR LE REVENU ET LE BÉNÉFICE;AMORTISSEMENT(DROIT FISCAL);BILAN(EN GÉNÉRAL);FORCE OBLIGATOIRE(SENS GÉNÉRAL);PRINCIPE EN MATIÈRE DE DROIT FISCAL;GOODWILL;COMPTABILITÉ;MAXIME INQUISITOIRE;LIBRE APPRÉCIATION DES PREUVES;FARDEAU DE LA PREUVE;ÉTANCHÉITÉ
Normes : LHID.24.al1.leta; LHID.24.al1.letb; LIPM.11; LIFD.57; LIFD.58.al1; CO.957.al2; LIFD.62.al1; LIPM.16A; LIFD.28.al2; LPA.19
Résumé : La méthode d’amortissement choisie, à savoir celle de l’amortissement d’un goodwill de manière linéaire sur une période de cinq ans, ne peut être changée. Compte tenu de la décision du conseil d’administration de renoncer audit amortissement en raison de la valeur du titre, la valeur comptable résiduelle ne peut être amortie par le biais d’un amortissement extraordinaire. En ces circonstances, il ne saurait être reproché à l’AFC-GE de ne pas avoir procédé à des corrections comptables. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2138/2023-ICCIFD ATA/773/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 juin 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 octobre 2023 (JTAPI/1190/2023)


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : la société) est une société de droit suisse ayant son siège à Genève et pour but social l’« édition, diffusion et vente des publications, notamment des revues illustrées ; prise et gestion de participations dans toute entreprise, à l'exclusion de participations immobilières en Suisse ».

La société édite l’hebdomadaire « B______ » (ci-après : le magazine) qu’elle avait acquis en 1997 au prix de CHF 1'550'000.-.

b. Selon convention de vente d’actions du 26 novembre 2019, C______ SA a acquis la totalité des actions de la société avec effet au 1er janvier 2020.

B. a. Dans la rubrique « autres immobilisations incorporelles comptabilisées » de sa déclaration fiscale 2021, la société a porté la valeur comptable du magazine au début de l’exercice pour CHF 310'000.-. Compte tenu d’un amortissement de CHF 155'000.-, celle-ci s’établissait à CHF 155'000.- à la fin de l’année. Elle a également déclaré un bénéfice imposable de CHF 34'224.-.

b. Faisant suite à la demande de renseignements de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) du 3 juin 2022 au sujet du poste du magazine, la société lui a répondu, le 23 juin 2022, que la marque avait été acquise en 1997 pour le prix de CHF 1'550'000.-. Elle n’était pas en possession du contrat d’achat, étant détenue par un autre actionnaire à cette époque. Toutefois, le cédant n’était ni l’un de ses actionnaires, ni un proche.

L’amortissement avait été initialement planifié sur cinq ans. Compte tenu de la valeur de rendement du titre, le conseil d’administration avait décidé de ne plus procéder à des amortissements à partir de 2002. Sa valeur comptable se montait alors à CHF 310'000.-. Toutefois, au vu des changements rédactionnels et de la refonte esthétique du magazine et du changement de nom, le conseil d’administration, selon les demandes de l’organe de révision, avait décidé d’amortir totalement cette valeur immatérielle sur une durée de deux ans, pour ajuster la valeur comptable à la valeur vénale. Ainsi, un amortissement de CHF 155'000.- avait été comptabilisé en 2021 et 2022.

c. Par bordereaux datés du 22 septembre 2022, l’AFC-GE a taxé la société pour l’année 2021 sur la base d’un bénéfice imposable de CHF 189'224.- sans admettre en déduction l’amortissement de CHF 155'000.-. Celui-ci n’était pas conforme à la notice A/1995 de l’administration fédérale des contributions (ci‑après : AFC-CH) intitulée « amortissements sur les valeurs immobilisées des entreprises commerciales » (ci-après : notice A/1995).

d. Le 13 octobre 2022, la contribuable a élevé réclamation contre ces bordereaux.

Les trois conditions permettant la déduction d’un amortissement étaient remplies. La charge avait été comptabilisée et se justifiait par l’usage commercial. Par contrat du 26 novembre 2019, ses anciens actionnaires avaient cédé l’entier du capital‑actions à C______ SA pour la somme de CHF 1'025'000.-, l’entrée en jouissance des titres étant convenue au 1er janvier 2020. Les nouveaux actionnaires avaient choisi de développer l’édition numérique du magazine. Il ne se justifiait plus de maintenir à l’actif une valeur immatérielle qui se rapportait à un mode de publication en perte de vitesse, à savoir la presse traditionnelle. Un amortissement de cet actif basé sur une réorientation stratégique était fondé. Le principe de périodicité était également respecté. Compte tenu de la chronologie des événements, la décision de procéder à l’amortissement n’était intervenue qu’après un certain laps de temps consécutif à l’achat, pour déployer ses pleins effets en 2021.

e. Par décisions du 24 mai 2023, l’AFC-GE a rejeté la réclamation.

La contribuable ne se trouvait pas dans la situation lui permettant de pratiquer un amortissement après coup, selon le ch. 3 de la notice A/1995, se référant à la « mauvaise marche des affaires ». Une interruption des amortissements ou leur rattrapage sur la période fiscale 2021 n’était ainsi pas justifié.

C. a. Par acte du 26 juin 2023, la société a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions précitées, en concluant à leur annulation et à une nouvelle taxation sur la base des éléments tels que ressortant de sa déclaration fiscale, notamment compte tenu d’un bénéfice de CHF 34'224.- et d’un capital imposable de CHF 531'857.-.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Elle a notamment produit les comptes annuels de la société de 2006 à 2019, dont les éléments suivants ressortaient :

Exercices

Résultat du compte de pertes et profits

Fonds propres

Résultat après amortissement

Fonds propres après amortissement

2006

CHF 1'679'526.87

CHF 218'048.13

CHF 1'369'526.87

- CHF 91'951.87

2007

CHF 1'332'722.68

CHF 231'458.22

CHF 1'022'722.68

- CHF 78'541.78

2008

CHF 1'414'177.09

CHF 242'586.83

CHF 1'104'177.09

- CHF 67'413.17

2009

CHF 1'576'273.15

CHF 249'777.98

CHF 1'266'273.15

- CHF 60'222.02

2010

CHF 1'629'359.86

CHF 258'005.53

CHF 1'319'359.86

- CHF 51'994.47

2011

CHF 1'652'545.95

CHF 271'835.64

CHF 1'342'545.95

- CHF 38'164.36

2012

CHF 2'048'796.-

CHF 274'338.44

CHF 1'738'796.-

- CHF 35'661.56

2013

CHF 1'759'122.81

CHF 300'867.-

CHF 1'449'579.22

- CHF 9'133.-

2014

CHF 1'705'579.22

CHF 304'560.-

CHF 1'395'579.22

- CHF 5'440.-

2015

CHF 1'350'493.86

CHF 319'142.94

CHF 1'040'493.86

CHF 9'142.94

2016

CHF 1'613'111.34

CHF 326'012.06

CHF 1'303'111.34

CHF 16'012.06

2017

CHF 1'679'417.84

CHF 340'157.14

CHF 1'369'417.84

CHF 30'157.14

2018

CHF 1'654'300.-

CHF 367'960.-

CHF 1'344'300.-

CHF 57'960.-

2019

CHF 1'649'225.-

CHF 374'785.-

CHF 1'339'225.-

CHF 64'785.-

2020

CHF 1'742'983.-

CHF 497'633.-

CHF 1'432'983.-

CHF 187'633.-

2021

CHF 1'828'551.-

CHF 531'857.-

CHF 1'518'551.-

CHF 221'857.-

c. La société a répliqué en précisant la corrélation entre la baisse de son chiffre d’affaires et celle du nombre d’abonnements à des journaux vendus :

Années

Rendement des abonnements

Publicité

2017

CHF 2'480'843.-

CHF 281'916.-

2018

CHF 2'315'409.-

CHF 277'091.-

2019

CHF 2'107'271.-

CHF 242'786.-

2020

CHF 2'053'910.-

CHF 238'039.-

2021

CHF 1'942'529.-

CHF 216'405.-

Elle a produit également son communiqué de presse du 4 mai 2022 et la maquette quant à la nouvelle version du magazine.

d. Par jugement du 30 octobre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Selon les faits, le goodwill du magazine, acquis pour CHF 1'550'000.-, devait être complètement amorti dans un délai de cinq ans à compter de son acquisition, soit au plus tard le 31 décembre 2001. La société n’expliquait pas pour quelle raison tel n’avait pas été le cas. Les taux et durées d’amortissement ressortaient de la notice A/1995, appliquée par le Tribunal fédéral. La société ne prétendait pas, ni ne démontrait avoir dû renoncer à amortir le goodwill litigieux en raison d’une mauvaise marche de ses affaires. Au contraire, le bénéfice réalisé durant les années 2010 à 2014 démontrait que si elle avait entièrement amorti le goodwill ou même uniquement la moitié de sa valeur, elle aurait enregistré une perte lors de chacun de ces exercices. Les annexes aux comptes 2010-2011 et 2012-2013 indiquaient que l’amortissement avait été initialement planifié sur cinq ans, mais que, compte tenu de la valeur de rendement du titre, le conseil d’administration avait décidé de ne plus procéder à des amortissements linéaires à compter de 2002. La valeur de cet actif faisait l’objet d’une appréciation annuelle afin de déterminer le besoin d’amortissement en fonction de sa capacité de rendement. Cette situation différait de celle visée par l’ATF 137 II 353, dans lequel le principe de périodicité avait cédé le pas à celui de l’imposition selon la capacité contributive. Un amortissement extraordinaire en 2021 ne pouvait être admis car la société – contrairement à celle concernée par la jurisprudence précitée – ne s’était pas trouvée dans une situation d’incertitude ne lui ayant pas permis de procéder à un amortissement ordinaire, mais avait renoncé à amortir le goodwill de son magazine.

D. a. Par acte du 30 novembre 2023, la société a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant, principalement, à son annulation, à l’émission de nouvelles décisions de taxation concernant l’impôt cantonal et communal (ci‑après : ICC) sur le bénéfice et le capital, ainsi que l’impôt fédéral direct (ci‑après : IFD) sur le bénéfice pour la période fiscale 2021 selon les éléments de sa déclaration d’impôts (bénéfice de CHF 34'224.- et capital imposable de CHF 531'857.-), ainsi que, subsidiairement, au renvoi du dossier à l’AFC-GE pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Dès lors qu’elle disposait de toutes les informations relatives à l’acquisition du magazine, l’AFC-GE aurait dû spontanément corriger le bilan et le résultat au moment où elle estimait que la perte de valeur était intervenue. Elle ne l’avait toutefois pas fait, reconnaissant ainsi que ce poste avait conservé une valeur au bilan et qu’il n’était pas nécessaire d’amortir davantage cet actif. En changeant d’approche en 2021 et en estimant que ce poste aurait dû être amorti une vingtaine d’années auparavant, l’AFC-GE avait adopté un comportement contraire à la bonne foi. Le fait d’avoir admis, sans corriger le bilan fiscal pendant de nombreuses années, démontrait au contraire qu’un amortissement sur cinq ans n’était ni justifié, ni adéquat.

Les développements du TAPI au sujet du goodwill n’étaient pas applicables in casu. Il assimilait à tort l’acquisition d’une exploitation à un goodwill. Parmi les actifs repris, certains avaient une durée de vie très longue, dont la marque. Ce n’était que si la marche des affaires baissait durablement qu’un amortissement de la marque pouvait être envisagé. Dans le cas contraire, la valeur d’une marque était pérenne. Le délai de cinq ans applicable à un goodwill ne devait pas être retenu ici.

Conformément à la jurisprudence, la notice A/1995 n’avait pas de portée absolue, de sorte que les taux indiqués devaient être appliqués avec prudence. Ceux-ci devaient être considérés comme des taux maximum afin d’éviter qu’un contribuable puisse baisser son bénéfice imposable au moyen d’amortissements excessifs. Cela n’excluait pas des amortissements plus faibles. En suivant les principes tirés de la jurisprudence fédérale, elle avait estimé qu’il n’était économiquement plus justifié d’amortir la valeur résiduelle du poste concernant le magazine, après l’avoir amorti pendant quatre ans. Compte tenu de la rentabilité du titre et du prix de rachat des actions au début de l’année 2020, le poste du magazine avait conservé une valeur jusqu’en 2020, de sorte qu’il n’y avait pas besoin d’amortissement. Toutefois, après la reprise de la société en 2020, la pandémie de Covid-19 avait eu pour conséquence une baisse du résultat en 2021. L’organe de révision avait alors exigé que le poste concernant le magazine fût amorti en partie sur 2021 et le solde sur 2022. Le résultat de 2021 de CHF 34'224.- (après déduction de CHF 155'000.-) ne permettait pas d’absorber l’entier de l’amortissement et un échelonnement sur deux ans était justifié.

Étant donné que les bénéfices de 2010 à 2014 représentaient un total de CHF 60'034.-, les conditions du rattrapage d’un amortissement de CHF 310'000.- n’étaient pas remplies puisque, selon la pratique administrative, celui-ci n’était possible que si les résultats permettaient de l’absorber sans tomber en perte. L’amortissement linéaire avait été stoppé lorsque la valeur résiduelle était adéquate, afin de respecter la justification commerciale exigée par la jurisprudence fédérale.

Entre 2017 et 2021, le chiffre d’affaires avait baissé de près de 22%. L’évolution du résultat n’était pas identique à l’évolution du chiffre d’affaires. Une baisse du chiffre d’affaires pouvait conduire à supprimer en totalité le bénéfice, voire à une perte. Afin de lutter contre la baisse des ventes d’abonnements et des recettes publicitaires, elle avait renouvelé son site internet, sa ligne graphique et le mode de distribution pour attirer un lectorat plus jeune. Ce changement de position avait créé un risque de perte d’abonnements, de sorte qu’il s’imposait de revoir la valeur de l’actif en 2021.

Ainsi, le poste du magazine ne devait pas être amorti sur cinq ans, dès lors qu’il ne s’agissait pas d’un goodwill et qu’il n’était pas nécessaire d’amortir en totalité ce poste à défaut de besoin d’amortissement dans les périodes fiscales passées à la lumière de sa valeur résiduelle. Le besoin d’amortissement existait depuis 2021 à la suite du changement de marque.

Étaient joints notamment les documents suivants :

- les états financiers de la société au 31 décembre 2021, indiquant en particulier un amortissement pour le magazine de respectivement CHF 310'000.- en 2020 et CHF 155'000.- 2021, ainsi qu’un bénéfice de CHF 122'848.- en 2020 et CHF 34'224.- en 2021 ;

- les statuts de la société au 17 février 2014 ;

- une convention de vente d’actions de la société du 26 novembre 2019.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Aucun argument nouveau susceptible d’influer sur le sort du litige n’était avancé et aucune pièce nouvelle déterminante n’était produite. Elle devait faire preuve d’une certaine retenue en matière de violations du droit comptable, de sorte que seules celles qui étaient manifestes pouvaient être corrigées.

c. La recourante a renoncé à répliquer en persistant dans ses conclusions et précédents développements.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Le litige concerne l’imposition de la recourante pour la période fiscale 2021.

2.1 De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/1100/2019 du 25 juin 2019 consid. 3b et les références citées).

2.2 Sont donc applicables au présent litige la LIFD, la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), ainsi que la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), entrée en vigueur le 1er janvier 1995, dans sa version en vigueur au 31 décembre 2021.

3.             Le litige porte sur la question de savoir si l’AFC-GE pouvait valablement refuser de prendre en considération l’amortissement concernant le magazine pour la période fiscale 2021.

La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1).

4.             La recourante se prévaut d’une perte de valeur du poste du magazine à partir de 2020 pour justifier la nécessité d’effectuer un amortissement de CHF 155'000.- en 2021, correspondant à la moitié de la valeur comptable de celui-ci afin de l’ajuster à sa valeur vénale.

4.1  

4.1.1 Les cantons doivent imposer l'ensemble du bénéfice net dans lequel doivent notamment être inclus les charges non justifiées par l'usage commercial, portées au débit du compte de résultats, ainsi que les produits et les bénéfices en capital, de liquidation et de réévaluation qui n'ont pas été portés au crédit du compte de résultats (art. 24 al. 1 let. a et b LHID).

4.1.2 Selon les art. 11 LIPM et 57 LIFD, l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Les amortissements et les provisions qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial sont considérés comme bénéfice net imposable (art. 12 al. 1 let. e LIPM et 58 al. 1 let. b LIFD). L'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net, tel qu'il découle du compte de pertes et profits établi selon les règles du droit commercial (art. 12 let. a LIPM, 57 et 58 al. 1 LIFD ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, n. 1 ss p. 259 s).

Tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial sont ajoutés au bénéfice imposable (art. 58 al. 1 let. b LIFD), telle par exemple une provision non justifiée. L'art. 58 al. 1 let. a LIFD énonce également le principe de l'autorité du bilan commercial (ou principe de déterminance), selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal, et sur lequel il sera revenu ci-après.

4.1.3 Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques (principe dit de déterminance). L'autorité peut en revanche s'écarter du bilan remis par le contribuable lorsque des dispositions impératives du droit commercial sont violées ou des normes fiscales correctrices l'exigent (ATF 137 II 353 consid. 6.2 ; 136 II 88 consid. 3.1 ; 119 Ib 111 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_645/2012 du 13 février 2013 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_71/2009 du 10 juin 2009 consid. 7.1 ; Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd]., Impôt fédéral direct, Commentaire romand, 2017, nos 33 à 55 et 62 ad art. 57-58 LIFD).

Le droit fiscal et le droit comptable suisses poursuivent en effet des objectifs différents. Le premier recherche une présentation qui fasse ressortir au mieux le résultat effectif et la réelle capacité contributive de l'entreprise, tandis que le second est avant tout orienté sur la protection des créanciers et fortement marqué par le principe de prudence. Dans ce contexte, les règles correctrices fiscales figurant à l'art. 58 al. 1 let. b et c LIFD visent à compenser le fait que le résultat comptable puisse s'éloigner de la réalité économique ; elles assurent une imposition du bénéfice qui tienne compte au mieux de la réelle situation patrimoniale d'une société. Par leur intermédiaire, le droit fiscal cherche à se rapprocher d'un système fondé sur le principe de l'image fidèle (« true and fair »), comme celui prévalant dans les normes de comptabilité internationales (Pierre-Marie GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice, vol. 2, 2005, p. 96-97).

Le principe de déterminance déploie aussi un effet contraignant pour le contribuable. En effet, celui-ci est lié par son mode de comptabilisation et seules les écritures ressortant des comptes sont décisives (Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op cit., n. 51 ad art. 57-58). Les écritures comptables effectivement passées doivent être reprises par le droit fiscal et le contribuable ne peut se prévaloir que des écritures qu'il a effectivement enregistrées dans ses comptes, lesquels lui sont d'ailleurs opposables (principe de comptabilisation). Ce dernier principe implique donc que le contribuable est lié par les comptes qu'il a joints à sa déclaration (Pierre-Marie GLAUSER, op. cit., p. 89 ; Pierre-Marie GLAUSER, Goodwill et acquisitions d'entreprises. Une analyse sous l'angle du droit fiscal et comptable, p. 430).

4.1.4 En droit commercial, les amortissements sont la constatation comptable de la perte subie par la valeur d'actifs immobilisés qui se déprécient avec le temps (art. 665, 669 et 960 al. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220]). Le poste d'actif concerné est diminué pour tenir compte de sa dépréciation. En droit fiscal, les amortissements sont admis en déduction du bénéfice imposable pour autant que les conditions suivantes soient remplies (ATF132 I 175 consid. 2.2 concernant les personnes physiques).

4.2  

4.2.1 Les amortissements des actifs justifiés par l'usage commercial sont autorisés, à condition que ceux-ci soient comptabilisés ou, en cas de tenue d’une comptabilité simplifiée en vertu de l’art. 957 al. 2 CO, qu'ils apparaissent dans un plan spécial d'amortissements (art. 62 al. 1 LIFD).

L’art. 16A LIPM a désormais la même teneur depuis le 1er janvier 2024. Dans sa version au 31 décembre 2021, elle était similaire, l’art. 16A LIPM mentionnant alors que les amortissements des actifs justifiés par l’usage commercial étaient autorisés, à condition que ceux-ci soient comptabilisés ou, à défaut d’une comptabilité tenue selon l’usage commercial, qu’ils apparaissent dans un plan spécial d’amortissements.

Un amortissement est justifié par l'usage commercial dans la mesure où il permet de tenir compte d'une véritable moins-value d'un poste au bilan. Il n'est pas admissible de procéder à l'amortissement d'actifs fictifs, c'est-à-dire d'actifs qui, dès l'origine, n'ont aucune valeur ou une valeur surfaite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_116/2021 du 8 juillet 2021 consid. 7.1). Le critère de la justification commerciale restreint la liberté d’appréciation offerte par le droit commercial. Par exemple, la constitution d’un amortissement supplémentaire à des fins de remplacement (art. 960a al. 4 CO) n’est pas justifiée par l’usage commercial et l’amortissement peut en principe être ajouté au bénéfice imposable conformément à l’art. 58 al. 1 let. b LIFD (Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 14 s. ad art. 62 LIFD).

4.2.2 En général, les amortissements sont calculés sur la base de la valeur effective des différents éléments de fortune ou doivent être répartis en fonction de la durée probable d'utilisation de chacun de ces éléments (art. 16A al. 2 LIPM et 62 al. 2 LIFD).

L'amortissement permet de tenir compte de l'usure progressive ou de la baisse de valeur d'un actif. Il peut s'agir d'immobilisations corporelles (bâtiments, machines, outils et autres installations, etc.) ainsi que d'immobilisations incorporelles (brevets, marques, concessions) parmi lesquelles figure également le goodwill (Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 19 ad art. 62).

L'amortissement ordinaire devrait correspondre à la dépréciation réelle du bien, qui peut varier d'un exercice à l'autre. Toutefois, la méthode consistant à répartir l'amortissement en fonction de la durée probable de vie de l'actif peut être utilisée pour des raisons de simplification (art. 28 al. 2 LIFD). L'amortissement mathématique peut se présenter sous deux formes : l'amortissement linéaire se calcule sur la valeur d'acquisition ou sur le prix de revient, de sorte que le montant de l'amortissement est constant d'année en année ; l'amortissement dégressif est basé sur la valeur comptable résiduelle. Le montant de l'amortissement sera ainsi plus élevé au cours des premières années d'utilisation (ATF 132 I 175 consid. 2.2 ; Xavier OBERSON, op. cit., nos 306 ss p. 201 s.).

Une fois choisie, la méthode d'amortissement doit être strictement conservée pour toute la durée d'utilisation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.549/2005 du 16 juin 2006 in StE 2007 B 72.11 n° 14).

Conformément au principe de périodicité, l’amortissement ne devrait en principe appréhender que la moins-value survenue au cours de la période fiscale concernée. À cet égard, dans l’ATF 137 II 353, le Tribunal fédéral a, concernant la déductibilité d’un amortissement extraordinaire sur une créance devenue irrécupérable, rappelé que le principe de la périodicité s’oppose, par principe, à la comptabilisation tardive de corrections au bilan. Cela dit, la déductibilité d’un amortissement extraordinaire ne saurait être simplement refusée au motif que le contribuable a, lors d’exercices antérieurs, omis de procéder à des corrections de valeur, alors que le recouvrement de la créance n’était qu’incertain. Le critère décisif est, au contraire, celui de savoir si l’amortissement extraordinaire a été comptabilisé durant la période où le créancier devait de bonne foi admettre que la dette était devenue durablement irrécupérable. Dans ce cas, le contribuable ayant conservé l’espoir de recouvrer ses créances jusqu’au moment de l’amortissement extraordinaire, la déductibilité de celui-ci a été admise (consid. 6.4.5).

Il en ressort que la position du Tribunal fédéral est désormais très restrictive. En substance, s’il convient de tenir compte de la marge de manœuvre comptable du contribuable, on ne saurait, en revanche, admettre après coup la comptabilisation d’une charge (par exemple un amortissement), lorsque celle-ci se rattache clairement à un exercice antérieur (Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 16 ss ad art. 62 LIFD).

L’amortissement extraordinaire - soit un amortissement unique - porte généralement sur des actifs non soumis à une usure. Il permet de prendre en compte une dépréciation due à des circonstances extraordinaires et non prévisibles commercialement. Un tel amortissement peut par exemple s’avérer nécessaire en présence de la diminution de valeur d’un bien-fonds ; d’une chute des prix du marché ; de pertes sur des participations, des créances ou d’autres avoirs ; voire encore en raison de l’usure anormale des installations d’exploitation. Cette condition réalisée, peu importe alors la cause de la dépréciation. Suivant le critère de la justification commerciale, l’amortissement extraordinaire ne sera admis que si la dépréciation de la valeur est définitive, voire à tout le moins, durable. En revanche, une dépréciation certes importante, mais uniquement temporaire, doit être prise en compte par la biais d’une correction de valeur (Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., nos 26 ss ad art. 62 LIFD). Lorsqu’il s’agit de procéder à un amortissement extraordinaire en vue de « rattraper » des amortissements ordinaires ou des corrections de valeurs qui n’auraient pas été enregistrés en temps utile, la périodicité peut se trouver en conflit avec l’imposition selon la capacité économique (ATF 137 II 353 consid. 6.4.2).

4.2.3 En principe, les taux d'amortissement admis sur le plan fiscal sont fixés par les autorités fiscales ; tel est le cas pour l'impôt fédéral direct : l'AFC-CH a publié la notice A/1995 qui indique, notamment, les taux d'amortissement normaux en pour cent de la valeur comptable en fonction des divers types de biens (arrêts du Tribunal fédéral 2C_810/2017 du 16 août 2018 consid. 7.2.1 ; 2P.211/2005 du 19 juin 2006 consid. 2.2.1 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 202).

Selon la notice A/1995, le taux normal en pour cent de la valeur comptable s'agissant des valeurs immatérielles servant à but lucratif, comme par exemple brevets, raisons sociales, droits d’édition, concessions, licences et autres droits de jouissance, goodwill est de 40%. Des amortissements ne peuvent être admis après coup que dans les cas où l’entreprise contribuable, en raison de la mauvaise marche des affaires, n’était pas en mesure de procéder à des amortissements suffisants pendant les années antérieures. Celui qui demande la déduction de tels amortissements est tenue d’en établir le bien-fondé.

4.2.4 Lorsque tout ou partie d’un amortissement n’est pas justifié par l’usage commercial, cette charge est ajoutée au bénéfice imposable et la valeur fiscalement déterminante de l’actif concerné doit alors être augmentée à concurrence du montant du redressement (Xavier OBERSON, op. cit., p. 202 ; Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 16d ad art. 62 LIFD). Cette reprise influera sur le calcul des amortissements admissibles lors des exercices ultérieurs. En raison de l’augmentation de la valeur de l’actif en N, le potentiel d’amortissement en N+1 sera plus important. Dès lors, les amortissements devront être calculés sur la base de la valeur corrigée de l’actif dans le bilan fiscal. De même, en cas de vente de l’actif, cette valeur corrigée sera déterminante pour le calcul du bénéfice en capital imposable (Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 16d ad art. 62 LIFD).

4.2.5 Le goodwill est la valeur immatérielle d'un commerce et correspond notamment aux possibilités de bénéfices futurs (arrêt du Tribunal fédéral 2P.177/2004 du 17 octobre 2005 consid. 5.2 et les références citées). Il dépend notamment des relations d'une entreprise, de sa renommée, de sa clientèle, de son emplacement ainsi que de sa bonne organisation technique et commerciale (arrêt du Tribunal fédéral 2P.55/1999 du 3 septembre 1999 consid. 4c, in RDAF 2000 II p. 221).

Le goodwill acquis à titre onéreux peut être porté à l'actif du bilan, à son prix d'acquisition. Ce poste sera toutefois amorti aussi vite que possible, en général de manière linéaire sur cinq ans, car il n'est pas certain que l'acquéreur puisse le conserver, de sorte que cet actif a économiquement un caractère éphémère. Cela étant, lors de l'acquisition de droits de participation (share deal), la comptabilisation séparée d'un goodwill n'est pas possible, car le prix auquel est comptabilisée la participation reflète la valeur de l'ensemble de l'entreprise. En conséquence, l'amortissement de la participation suppose ordinairement une baisse de valeur de la société reprise. Cela dit, indépendamment d'une baisse de valeur, l'amortissement de la participation peut se justifier dans certaines circonstances. Selon certains auteurs, il en va par exemple ainsi lorsque l'acquisition des droits de participation intervient pour créer un effet de synergie au sein du groupe ou encore acquérir des parts de marché (ATA/1833/2019 du 17 décembre 2019 consid. 5b ; Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 44 ad art. 57-58 LIFD et n. 19 ad art. 62 LIFD).

Il appartient au contribuable d'établir l'existence du goodwill ayant fait l'objet des amortissements. L'amortissement d'un goodwill acquis pour un prix élevé par une société dont le capital imposable est nettement inférieur à ce prix est considéré comme disproportionné et non admissible fiscalement (arrêt du Tribunal fédéral 2P.55/1999 du 3 septembre 1999 consid. 5b, in RDAF 2000 II p. 221).

4.3 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/1197/2018 du 6 novembre 2018 consid. 3a).

En procédure de taxation, la maxime inquisitoire prévaut : l'autorité n'est pas liée par les éléments imposables reconnus ou déclarés par le contribuable. Si des indices paraissent mettre en doute l'exactitude de la déclaration, l'administration, après investigation, pourra s'en écarter et modifier les éléments du revenu en faveur ou en défaveur de ce dernier (Xavier OBERSON, op cit., p. 619 ss ; Peter AGNER/Beat JUNG/Gotthard STEINMANN, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2001, n. 2 ad art. 130, p. 421 ; Isabelle ALTHAUS-HOURIET in Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, nos 4 ss ad art. 123, p. 1196 ss).

4.4 En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Xavier OBERSON, op cit., p. 620 n. 11). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_63/2014 du 5 novembre 2014 consid. 3.1 ; ATA/17/2016 du 12 janvier 2016 consid. 6b ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 620 n. 12).

S'agissant plus spécialement de charges représentant des prestations insolites, il appartient à la société contribuable d'établir leur caractère de charge justifiée par l'usage commercial, afin que les autorités fiscales puissent s'assurer que seules des raisons commerciales et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et le bénéficiaire de la prestation, ont conduit à la prestation insolite (ATF 119 Ib 431 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_275/2010 du 24 août 2010 et 2A.355/2004 du 20 juin 2005 ; ATA/56/2014 du 4 février 2014 consid. 4d).

En présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATA/1019/2015 du 29 septembre 2015 consid. 6b et les références citées).

4.5 En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/1197/2018 précité consid. 3a).

En application du principe de l'étanchéité (ou de l'indépendance) des exercices comptables et des périodes fiscales, l'autorité n'est pas liée pour l'avenir par une taxation notifiée pour une période fiscale déterminée ; à ce défaut, elle risquerait de se trouver indéfiniment liée par une erreur ou une omission qu'elle aurait pu commettre initialement Selon la jurisprudence rendue à propos de l'art. 63 al. 2 LIFD, qui est tout aussi pertinente dans le contexte de l'art. 62 al. 4 LIFD, il n'y a ainsi pas de droit au maintien d'une provision au motif que l'autorité fiscale a renoncé à une reprise au cours des années précédentes ou l'a à tort admise. Il n'y a par ailleurs pas de violation du principe de la bonne foi lorsque l'administration fiscale procède à un examen de la justification commerciale de la provision, alors qu'un tel examen n'a pas eu lieu l'année précédente. Ce n'est que si le fisc promet expressément un certain traitement fiscal que peut se poser la question de la bonne foi (ATF 147 II 155 consid. 10.5.1).

4.6 Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 129 V 205 consid. 3.2 ; 127 V 61 consid. 3a ; 126 V 68 consid. 4b ; 427 consid. 5a ; 121 II 478 consid. 2b et les références). Émise par l'autorité chargée de l'application concrète d'une loi, l'ordonnance administrative est un mode de gestion : elle rend explicite une ligne de conduite, permet d'unifier et de rationaliser la pratique, assure ce faisant aussi l'égalité de traitement et la prévisibilité administrative et facilite le contrôle juridictionnel, puisqu'elle dote le juge de l'instrument nécessaire pour vérifier que l'administration agit selon des critères rationnels, cohérents et continus, et non pas selon une politique du cas par cas (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, p. 426-427).

4.7 S'agissant des déductions autorisées par la loi, leur caractère d'exception à l'impôt doit entraîner une interprétation restrictive de leur nature et de leur étendue (ATA/858/2018 du 21 août 2018 consid. 13b et les références citées).

4.8  

4.8.1 En l’espèce, la recourante estime que, contrairement à ce qu’a retenu le TAPI, le poste du magazine ne devait pas être amorti sur cinq ans, comme il ne s’agissait pas de l’acquisition d’un goodwill, mais de celle d’une exploitation, dont les actifs avaient une durée de vie différente.

En invoquant cet argument au stade la présente procédure de recours, la recourante semble modifier sa position, en ignorant qu’elle a elle-même traité la question sous l’angle de l’amortissement d’un goodwill dans sa réplique du 12 septembre 2023 auprès du TAPI. Il apparaît dès lors pour le moins surprenant qu’elle reproche désormais aux premiers juges leurs développements y relatifs.

Cela étant dit, bien que l’AFC-GE ait relevé, à juste titre, dans ses écritures responsives du 21 août 2023 que l’absence de production du contrat portant sur l’acquisition du magazine ne permettait pas de déterminer si le montant de CHF 1'550'000.- avait servi à acquérir une clientèle déterminée ou d’autres valeurs immatérielles, la recourante n’y a pas remédié pour autant. La recourante persiste à invoquer le changement d’actionnaire au 1er janvier 2020 pour justifier cette lacune. Or, d’une part, il lui appartenait de s’en enquérir auprès du précédent actionnaire afin d’être en mesure d’apporter la preuve qui lui incombe. D’autre part, elle n’apporte pas davantage d’éléments permettant de déterminer précisément le contenu de l’acquisition du magazine. Elle l’assimile elle-même à une marque avant de la comparer à l’acquisition d’une exploitation, tout en relevant la problématique liée au nombre d’abonnés, laquelle semble davantage s’apparenter à de la clientèle, soit un élément du goodwill. En outre, la recourante fait référence à l’importance des abonnés, dont le nombre diminuerait en raison de leur vieillissement et des difficultés de renouvellement du lectorat, lesquels auraient justifié une réorientation des techniques de vente et de promotion. Cependant, contrairement à ses allégations, ladite diminution ne paraît pas avoir de corrélation directe avec la crise du Covid-19 qui aurait pu engendrer une baisse exceptionnelle du nombre d’abonnements. On ne voit en effet pas le lien pouvant exister entre celle-ci et le vieillissement des abonnés, lié à une difficulté à renouveler le lectorat et la nécessité de changer de marque selon ses propres termes. En toutes hypothèses, il sied de souligner que, conformément à la jurisprudence susrappelée, la renommée, la clientèle, de même que la bonne organisation technique et commerciale appartiennent à la notion même de goodwill.

Par conséquent, tant l’AFC-GE que le TAPI n’avaient d’autre alternative que d’analyser l’amortissement en question sous l’angle de l’amortissement d’un goodwill.

4.8.2 Selon la recourante, les taux prévus par la notice A/1995 devaient être considérés comme des taux maximum, de sorte que ceux-ci n’excluaient pas des amortissements plus faibles. Sa situation financière en 2021, après la crise de Covid-19, ne permettait pas d’effectuer un amortissement unique. Les conditions d’un rattrapage d’amortissement n’auraient pas été remplies avant 2021, puisque les bénéfices étaient insuffisants.

En avançant cet argument, la recourante perd de vue qu’il existe différentes formes d’amortissement admises. En particulier, l’amortissement ordinaire peut s’effectuer de manière linéaire ou dégressive. Toutefois, dans tous les cas, la méthode d’amortissement choisie doit être strictement conservée.

In casu, il ressort des éléments du dossier que l’amortissement en question avait initialement été effectué de manière linéaire. Il s’agissait d’une décision du conseil d’administration d’alors de ne plus y procéder dès 2002, en raison de la valeur de rendement du titre.

Contrairement au cas visé dans l’ATF 137 II 353, il n’est pas question ici d’effectuer un amortissement extraordinaire pour pallier le recouvrement d’une créance incertaine, devenue irrécouvrable. La recourante entend, au contraire, utiliser ce moyen pour remédier à la décision passée de renoncer à amortir le goodwill du magazine.

Par ailleurs, il n’est pas contesté qu’en 2010, 2011, 2013 et 2014, la recourante avait réalisé un bénéfice net de respectivement CHF 22'344.-, CHF 12'501.-. CHF 13'641.- et CHF 11'548.-, de sorte qu’un amortissement total du goodwill de CHF 310'000.- aurait engendré une perte lors de chacun de ces exercices. Le conseil d’administration n’y a toutefois pas renoncé pour ce motif mais pour les raisons précitées.

Il résulte de ce qui précède que la recourante ne pouvait valablement procéder à un amortissement extraordinaire en 2021.

4.8.3 La recourante reproche également à l’AFC-GE de ne pas avoir procédé elle‑même aux corrections comptables lorsqu’elle estimait que la perte de valeur était intervenue. En considérant en 2021 que le poste relatif au magazine aurait dû être amorti en 2001, elle avait adopté un comportement contraire à la bonne foi. Le fait de ne pas avoir corrigé le bilan fiscal pendant de nombreuses années démontrait qu’un amortissement sur cinq ans n’était pas justifié.

Toutefois, la décision du conseil d’administration de ne plus procéder à des amortissements linéaires depuis 2002 ne saurait être imputée à l’AFC-GE, sous prétexte que la recourante entend désormais répondre aux évolutions du marché de la presse en adoptant une nouvelle stratégie. Bien qu’elle se prévale du fait qu’elle aurait pu vendre son titre indépendamment des adresses des abonnés, elle ne documente pas une diminution de la valeur de rendement de celui-ci.

À cela s’ajoute que, conformément aux considérants qui précèdent, une violation du principe de la bonne foi ne saurait être reprochée à l’AFC-GE pour avoir procédé à un examen qu’elle n’aurait pas effectué les années précédentes. Tel que rappelé précédemment, ce n’est que si cette dernière promet expressément un certain traitement fiscal que peut se poser la question de la bonne foi.

Par conséquent, contrairement à ce que semble retenir la recourante, aucune règle correctrice du droit fiscal ne lui permettait de déduire un amortissement de CHF 155'000.- au titre d’ « autres immobilisations incorporelles comptabilisées » pour l’année 2021, ce qu’a retenu à bon droit l’AFC-GE, confirmée par le TAPI.  

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art.  87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 novembre 2023 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ SA, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :