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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3989/2016

ATA/1197/2018 du 06.11.2018 sur JTAPI/962/2017 ( ICC ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.12.2018, rendu le 17.12.2018, IRRECEVABLE, 2C_1117/2018
Descripteurs : IMPÔT ; CHARGE FISCALE ; DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL) ; PERSONNE PROCHE ; BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS D'ASSISTANCE
Normes : Cst.8; Cst.127.al1; Cst.127.al2; Cst.5.al1; Cst.36.al1; LIPP.17; LIPP.28; LIPP.39.al1; LIPP.39.al2.letc
Résumé : La déduction effective pour demi-charge de famille est refusée si le contribuable n'établit pas la situation d'indigence de la personne soutenue pour l'exercice fiscal en cause. Admission du recours de l'AFC.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3989/2016-ICC ATA/1197/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 novembre 2018

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Monsieur A______
et
Monsieur B______

 

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 septembre 2017 (JTAPI/962/2017)


EN FAIT

1) Dans leur déclaration fiscale pour l'année 2015, Messieurs A______ et B______ (ci-après : les contribuables) ont notamment fait valoir une charge de famille pour le neveu du premier, C______, né en 2009 et domicilié au Mexique, indiquant lui avoir versé une contribution d'entretien de CHF 2'500.-, dont le transfert était justifié par une attestation bancaire.

2. En taxant les contribuables pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2015, par bordereau du 18 juillet 2016, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a refusé l'octroi de ladite charge, au motif que ces derniers ne détenaient pas l'autorité parentale sur ledit neveu et qu'ils n'avaient aucune obligation légale relative à son entretien. Le fait qu'une charge de famille avait été admise lors des années antérieures était sans pertinence.

3. Par réclamation du 11 août 2016, les contribuables ont contesté ce bordereau.

Selon la loi, les proches nécessiteux, tels que neveux et nièces, étaient considérés comme des charges de famille.

Pour les années fiscales 2010 à 2014, l'AFC-GE avait accepté cette charge, après avoir constitué un dossier démontrant l'incapacité du frère cadet de M. A______ à subvenir entièrement aux besoins de sa famille, composée de quatre personnes. Conformément au principe de la bonne foi, elle devait continuer d'admettre cette charge, puisqu'il n'y avait pas eu de changement dans la situation qui justifierait le refus de cette déduction.

Leur soutien financier à cet enfant s'avérait indispensable, sa situation étant plus vulnérable que jamais, puisque ledit frère venait de perdre son emploi.

Pour l'octroi de la charge en question, la loi n'exigeait pas le transfert de l'autorité parentale ni d'obligation légale d'entretenir son proche nécessiteux.

4. Par décision du 27 octobre 2016, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation.

La charge requise ne pouvait pas être admise, dès lors qu'il appartenait aux parents du neveu de subvenir à son entretien. Ces derniers ne devaient pas être capables d'entretenir leur enfant en raison de leur invalidité ou de leur âge. Le fait d'être sans activité ou au chômage n'entrait pas en ligne de compte. Enfin, le fait qu'une déduction avait été admise les années précédentes ne créait pas « un précédent ».

5. Par acte du 18 novembre 2016, les contribuables ont déféré cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), reprenant les arguments formulés dans leur réclamation du 11 août 2016.

6. Dans sa réponse du 20 janvier 2017, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Il appartenait au frère de M. A______ et son épouse de subvenir aux besoins de leur famille, notamment de leur fils. Il n'y avait pas eu de transfert de l'autorité parentale à l'oncle et ce dernier n'avait aucune obligation légale d'entretien à l'égard de son neveu.

Même si le frère de M. A______ avait des difficultés à soutenir financièrement les membres de sa famille, il ne pouvait en être conclu qu'il se trouverait dans une situation telle que lui et, en conséquence, son fils mineur, seraient considérés comme remplissant les conditions pour être admis comme proches nécessiteux.

Le fait que les contribuables avaient bénéficié durant les années précédentes d'une telle déduction, alors qu'apparemment, ils n'y avaient pas droit, ne signifiait pas qu'ils pouvaient s'en prévaloir pour les périodes futures. En effet, conformément au principe de l'étanchéité des exercices fiscaux, l'autorité n'était pas liée en 2015 par les taxations erronées des années précédentes, dès lors qu'elle ne leur avait jamais promis expressément qu'elle acceptait que le neveu en question constitue effectivement une charge pour eux.

Rien ne permettait ainsi de conclure que le frère de M. A______, à qui l'obligation d'entretien de son fils incombait, était incapable de subvenir aux besoins de ce dernier, le fait d'être au chômage n'entrant pas dans la définition de l'incapacité d'entretien.

7. Dans leur réplique du 22 février 2017, les contribuables ont persisté dans leurs conclusions.

Comme depuis l'année 2010, les exigences légales posées à l'octroi d'une déduction pour charge de famille étaient remplies. Le fait que le frère de M. A______ avait perdu son emploi ne constituait pas le motif pour lequel ils sollicitaient la prise en compte de cette charge. Ce dernier venait d'ailleurs de retrouver un emploi, mais il était toujours incapable de subvenir entièrement à l'entretien de sa famille.

Leurs taxations antérieures (soit celles de 2010 à 2014) avaient été correctes, alors que celle pour l'année en cause était erronée. Si la loi n'avait pas changé, ils avaient droit à la déduction de la charge requise.

Si les principes de la légalité et de la bonne foi étaient en l'espèce respectés, ce qu'ils contestaient, ils se prévalaient alors de celui de l'égalité dans l'illégalité.

8. Dans sa duplique du 21 mars 2017, l'AFC-GE a également persisté dans ses conclusions, relevant que les intéressés n'avançaient aucun argument nouveau, ni ne produisaient de pièces déterminantes.

9. Par jugement du 11 septembre 2017, le TAPI a partiellement admis le recours.

Pour l'octroi de la charge de famille, le contribuable ne devait pas nécessairement avoir l'autorité parentale sur son neveu, ni être soumis à une obligation légale de l'entretenir. Les contribuables ayant prouvé avoir versé une contribution d'entretien de CHF 2'500.- en faveur de leur neveu, ils devaient être mis au bénéfice d'une demi-charge de famille, l'AFC-GE n'ayant jamais remis en cause le fait que les parents de cet enfant se trouvaient dans une situation d'indigence en 2015.

10. Par acte du 4 octobre 2017, l'AFC-GE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité. Elle a conclu principalement à son annulation et à la confirmation de sa décision du 27 octobre 2016, et subsidiairement, si la preuve de l'indigence de la personne soutenue était apportée, à ce qu'il soit admis en déduction le montant effectivement versé par les contribuables, en l'occurrence CHF 2'500.-, et non pas le montant forfaitaire d'une demi-charge de famille.

La question de l'indigence du frère cadet de M. A______ et de son épouse, n'avait pas été examinée et la demi-charge de famille avait été accordée pour le simple motif que les contribuables avaient apporté la preuve du versement d'une contribution.

Dans son mémoire de réponse du 20 janvier 2017, elle avait examiné la question de savoir si le frère de l'intéressé remplissait les conditions pour être considéré comme une « personne incapable d'exercer une activité lucrative », soit comme un proche nécessiteux au sens de la loi. Les contribuables n'avaient produit aucune pièce justifiant que le frère du M. A______ et son épouse étaient, en 2015, financièrement incapables de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur fils, ni qu'ils étaient dans l'incapacité totale ou partielle d'exercer une activité lucrative, indépendamment de leur volonté (en raison de leur âge, état de santé physique et psychique, capacité de travail notamment). Leurs ressources financières n'avaient pas non plus été établies, les intimés n'ayant produit aucune pièce officielle faisant état des revenus et fortune du frère de M. A______ et sa famille en 2015.

Par ailleurs, il y avait une lacune de l'art. 39 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) quant au fait de savoir si la charge de famille était une déduction forfaitaire ou effective, et la solution erronée du TAPI quant à un silence qualifié du législateur comme il l'avait retenu ne pouvait être admise (JTAPI/1089/2016 du 3 octobre 2016 consid. 5) ; ladite disposition prévoyant une déduction de CHF 10'000.-/CHF 5'000.- par charge/demi-charge de famille. Une déduction forfaitaire était contraire à l'objectif de cette disposition, qui était de tenir compte de la capacité contributive des contribuables soutenant financièrement un proche dans le besoin. L'art. 39 al. 2 let. c LIPP n'appréhendait pas la situation dans laquelle l'aide apportée était inférieure au montant de la déduction.

11. Le 10 octobre 2017, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

12. Dans leur réponse du 14 novembre 2017, les contribuables ont conclu au rejet du recours.

Un dossier avait été déposé en 2010 auprès de l'AFC-GE afin de démontrer que la situation du frère du contribuable n° 1 et de sa famille remplissait les conditions nécessaires pour que leur aide financière soit acceptée en tant que déduction pour charge de famille.

La déclaration fiscale n'existait pas au Mexique, les impôts étant prélevés à la source. Il avait alors produit les relevés bancaires et les fiches de salaire, traduits en français, de son frère. La demande ayant été acceptée par l'AFC-GE, les contribuables n'avaient envoyé chaque année que le justificatif du montant versé, annexé à leur déclaration fiscale.

Ils produisaient en annexe une copie du dossier envoyé en 2010 à la recourante et des documents démontrant que la situation du frère de M. A______ ne s'était pas améliorée, soit : l'acte de naissance de leur neveu, un relevé de compte bancaire et une fiche de salaire pour le mois de mars 2011, une fiche de salaire pour le mois de juillet 2017 et un relevé de compte bancaire pour le mois de septembre 2017.

Si le recours était admis, ils demandaient à tout le moins la déduction de la demi-charge de famille à hauteur du montant effectif versé en 2015.

13. Dans sa réplique du 14 décembre 2017, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

Les pièces versées par les contribuables ne modifiaient pas sa position, puisqu'elles concernaient les années 2011 et 2017, et n'étaient de surcroît pas traduites. Le litige portant sur l'année fiscale 2015, ils n'avaient pas satisfait à leurs obligations en matière de fardeau de la preuve.

14. À la demande de la chambre administrative, l'AFC-GE a transmis les dossiers fiscaux des intéressés pour les années 2010 à 2014.

15. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) Le litige porte principalement sur l'apport de la preuve, par les intimés, de la situation d'indigence du frère de M. A______ et de son épouse, et subsidiairement, sur la déductibilité effective ou forfaitaire de l'aide financière versée à leur neveu, domicilié au Mexique, pour l'ICC 2015.

3) a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/1019/2015 du 29 septembre 2015).

En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/458/2018 du 8 mai 2018 consid. 4 ; ATA/1019/2015 précité).

b. En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 513 n. 11). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.5 ; ATA/558/2014 du 17 juillet 2014 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 514 n. 12).

4) a. En matière fiscale, la garantie de l'art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) est concrétisée par les principes de la généralité et de l'égalité de l'imposition, ainsi que par le principe de la proportionnalité de la charge fiscale fondée sur la capacité économique, lesquels ont été codifiés à l'art. 127 al. 2 Cst. (ATF 141 I 235 consid. 7.1). En vertu des principes de l'égalité d'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable ; lorsqu'ils sont dans des situations de fait différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et y être adaptée. D'après le principe de la proportionnalité de la charge fiscale à la capacité contributive, chaque citoyen doit contribuer à la couverture des dépenses publiques, compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens (ATF 140 II 157 consid. 7.1).

b. Le principe de la légalité gouverne l'ensemble de l'activité de l'État (art. 5 al. 1 et 36 al. 1 Cst.) et revêt une importance particulière en droit fiscal, où il est érigé en droit constitutionnel indépendant à l'art. 127 al. 1 Cst., lequel prévoit que les principes généraux régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de calcul, doivent être définis par la loi (ATF 135 I 130 consid. 7.2).

c. Les déductions sociales et les barèmes ont pour but d'adapter, de manière schématique, la charge d'impôt à la situation personnelle et économique particulière de chaque catégorie de contribuables conformément au principe de l'imposition selon la capacité économique de l'art. 127 al. 2 Cst. Ce sont autant d'ajustements légaux de la charge fiscale qui montrent que le législateur a distingué les catégories de contribuables en fonction de leur capacité économique de façon à établir entre elles et, sous cet angle restreint, une certaine égalité de traitement. La réglementation légale en matière de déductions comprend nécessairement un certain schématisme en raison de la multiplicité des situations individuelles à considérer, ce qui est toutefois, de manière générale, compatible avec les principes ancrés à l'art. 127 Cst. Le Tribunal fédéral a retenu à plusieurs reprises qu'il n'est pas réalisable, pour des raisons pratiques, de traiter chaque contribuable de façon exactement identique d'un point de vue mathématique et que, de ce fait, le législateur est autorisé à choisir des solutions schématiques. S'il n'est pas possible de réaliser une égalité absolue, il suffit que la réglementation n'aboutisse pas de façon générale à une charge sensiblement plus lourde ou à une inégalité systématique à l'égard de certaines catégories de contribuables. À cela s'ajoute que les possibilités de comparer les différentes situations restent limitées (ATF 141 II 338 consid. 4.5 et les références citées).

5) a. L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11). Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD (art. 25 LIFD).

L'art. 35 al. 1 let. b LIFD prévoit que sont déduits du revenu net CHF 6'500.- pour chaque personne totalement ou partiellement incapable d'exercer une activité lucrative, à l'entretien de laquelle le contribuable pourvoit, à condition que son aide atteigne au moins le montant de la déduction. Cette disposition permet de tenir compte de la diminution de la capacité contributive du contribuable, qui par obligation juridique ou par devoir moral, entretient un proche (arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2010 du 2 novembre 2011 consid. 2.1 ; ATA/482/2018 du 15 mai 2018).

b. En droit genevois, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu'en soit l'origine, avant déductions (art. 17 LIPP). Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 29 à 37 LIPP (art. 28 LIPP).

Sont ensuite déduites du revenu net annuel, au titre des déductions sociales, notamment celles pour charges de famille. L'art. 39 al. 1 LIPP prévoit ainsi qu'est déduit du revenu annuel net CHF 10'000.- pour chaque charge de famille (let. a) ou CHF 5'000.- pour chaque demi-charge de famille (let. b). Selon l'art. 39 al. 2 let. c LIPP, constituent des charges de famille les ascendants et descendants (dans les autres cas que ceux visés à l'art. 38 al. 2 let. a et b LIPP, non pertinents en l'espèce), frères, soeurs, oncles, tantes, neveux et nièces, incapables de subvenir entièrement à leurs besoins, qui n'ont pas une fortune supérieure à CHF 87'500.- ni un revenu annuel supérieur à CHF 15'333.- (charge entière) ou à CHF 23'000.- (demi-charge), pour celui de leur proche qui pourvoit à leur entretien.

c. La notion de « proches incapables de subvenir entièrement à leurs besoins » doit être interprétée de manière stricte : le proche à charge doit faire partie des membres de la famille énoncés dans l'art. 39 al. 2 let. c LIPP et il ne doit pas être capable, en raison de son âge ou d'une déficience qui lui est propre, de gagner sa vie, d'occuper un emploi rémunéré ou d'avoir une activité produisant un gain supérieur aux minima légaux. Cette interprétation respecte l'exigence de stabilité voulue par le législateur : elle limite les déductions accordées aux contribuables à des situations bien précises en ne prenant en compte que les particularités propres aux personnes en situation de besoin. Ce faisant, elle évite la survenance de situations arbitraires et choquantes du fait des subtilités de la loi fiscale (ATA/217/2016 du 8 mars 2016 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_327/2016 du 23 mai 2016 consid. 5 et 6 ; ATA/240/2015 du 3 mars 2015 ; ATA/350/2012 du 5 juin 2012 ; ATA/138/2012 du 13 mars 2012 et la jurisprudence citée). Ainsi, un obstacle administratif ayant pour effet d'empêcher une personne de trouver un emploi ne permettrait pas de considérer cette personne comme un proche nécessiteux (ATA/240/2015 précité ; ATA/350/2012 précité). En revanche, le besoin d'acquérir une formation restreignant les possibilités de réaliser un gain pour un proche mineur ne devrait pas faire obstacle à l'admission d'une charge ou d'une demi-charge pour le contribuable pourvoyant à l'entretien de celui-ci si ce fait était établi (ATA/240/2015 précité ; ATA/41/2011 du 25 janvier 2011 et la jurisprudence citée).

Une personne est dans le besoin lorsque, pour des motifs objectifs, elle n'est durablement pas en mesure de subvenir seule à son entretien et dépend dès lors de l'aide de tiers (Danielle YERSIN/Yves NOËL, op. cit., p. 1686 n. 37). Il incombe au contribuable d'établir la situation d'indigence de la personne soutenue et d'apporter la preuve des sommes versées pour son entretien pendant la période fiscale concernée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.609/2003 du 27 octobre 2003).

d. Dans sa jurisprudence récente, la chambre de céans a confirmé que le montant de la déduction d'une charge/demi-charge de famille relative à l'ICC était effective et non forfaitaire (ATA/854/2018 du 21 août 2018 consid. 8 ; ATA/808/2018 du 7 août 2018 consid. 8).

6) En l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier que les contribuables ont effectué un versement bancaire d'un montant de CHF 2'500.- en faveur de leur neveu, domicilié au Mexique, en 2015. En revanche, compte tenu des principes énoncés plus haut, il leur incombait, conformément à la répartition du fardeau de la preuve découlant de la jurisprudence, d'apporter la démonstration des éléments qui étaient, selon eux, susceptibles de réduire leur obligation d'impôts. Dès l'introduction de la procédure de réclamation, jusque par-devant la chambre de céans, les intimés ont eu la possibilité de s'exprimer de façon circonstanciée. Le contribuable s'est limité à alléguer que la situation financière de son frère cadet et de son épouse ne s'était pas améliorée, sans fournir aucun élément concret permettant d'établir que ceux-ci étaient financièrement incapables de subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille, dont le neveu en cause. Ils ne l'ont pas non plus fait dans leur réponse à l'introduction de la présente procédure par la recourante, qui leur reprochait de ne pas avoir prouvé leurs allégués quant à la situation d'indigence de la personne soutenue. Enfin, les pièces relatives aux années 2011 et 2017 ne peuvent être prises en considération pour l'exercice fiscal 2015.

Dans ces conditions, la déduction pour demi-charge de famille prévue à l'art. 39 al. 1 2ème phr. LIPP, à concurrence de CHF 2'500.- en l'espèce, doit être refusée, les intimés devant supporter les conséquences de n'avoir pas établi la situation d'indigence de la personne soutenue pour l'année 2015.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis. Le jugement querellé sera annulé.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge solidaire des intimés (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 octobre 2017 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 septembre 2017 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 septembre 2017 ;

rétablit la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 27 octobre 2016 ;

met à la charge de Monsieur A______ et de Monsieur B______, pris solidairement, un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du contribuable ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du contribuable, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à Monsieur A______ et Monsieur B______.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :