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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4412/2022

ATA/701/2024 du 10.06.2024 sur JTAPI/876/2023 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;IMPÔT SUR LE REVENU;DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL);DEVOIR DE COLLABORER;OBLIGATION DE TENIR UNE COMPTABILITÉ;CHIFFRE D'AFFAIRES;SUCCESSION FISCALE
Normes : LIFD.16.al1; LIPP.33; LIFD.18.al1; LIFD.18.al2; LIFD.58; LIFD.125.al2; LIFD.126; LPFisc.31; LIFD.130; LIFD.123.al2; LIPP.46.al1; LIPP.47.letc
Résumé : Dès lors que les contribuables – les héritières en l'espèce – exerçant une activité indépendante ne se prévalent ni d'une comptabilité régulièrement établie, ni de pièces justificatives vérifiables par le fisc dans les conditions raisonnables, elles ne peuvent prétendre à des déductions du chiffre d'affaire reconstitué sur la base de la méthode par estimation, ce d'autant plus qu'elles n'ont pas collaboré entièrement en produisant tous les relevés des comptes demandés. Dans ce cadre, elles doivent également s'accommoder des reprises en fortune des sommes provenant d'un héritage. Admission partielle du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4412/2022-ICCIFD ATA/701/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 juin 2024

4e section

 

dans la cause

 

A______, B______ et C______ recourantes
représentées par Me Vincent SOLARI, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 août 2023 (JTAPI/876/2023)


EN FAIT

A. a. D______a exercé la profession d’huissier judiciaire sous la forme de raison individuelle jusqu'à son décès le ______ octobre 2020. Il était marié à A______.

b. Le couple a eu deux filles, B______ et C______. Celles-ci et leur mère (ci-après : les héritières) sont les seules héritières de feu D______.

c. Les époux n’ont pas contesté leurs bordereaux d'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et d'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2007 à 2014, si bien que les taxations y afférentes étaient entrées en force.

d. Après avoir mené deux contrôles les 29 juillet 2011 (pour les périodes fiscales 2006 à 2009) et 21 août 2014 (pour les années 2010 à 2013), l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a ordonné l’ouverture d’une enquête de droit pénal administratif à l’encontre de feu D______.

L’AFC-CH a notamment constaté qu'il ne tenait aucun livre de caisse. La retranscription utilisée dans le livre auxiliaire n’était pas probante. Des montants n’y figuraient pas, alors qu’il s’agissait de recettes imposables et soumises à la TVA. Un compte ouvert auprès de la banque E______ (1______), sur lequel des montants imposables avaient été versés, ne figurait pas dans la comptabilité. En outre, il avait encaissé la somme de CHF 995'592.- entre le 24 janvier 2011 et le 20 février 2012 dans le cadre de la succession de son père, à savoir une fois CHF 245'592.- et trois fois CHF 250'000.- sur le CCP F______ 2______. L’AFC-CH a reconstitué le chiffre d’affaires non déclaré par feu D______.

La procédure a pris fin par une ordonnance de classement rendue, le 18 décembre 2019, du fait de la prescription de l’action pénale.

e. Le 26 juin 2017, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a informé les époux de l’ouverture à leur encontre d’une procédure en rappel d’impôt et d’une procédure pour soustraction d’impôt pour les années 2007 à 2014, ainsi qu’une procédure pour tentative de soustraction d’impôt pour l’année 2015.

Elle avait appris, suite à une communication de l’AFC-CH, qu’ils n’avaient déclaré ni l’entier du chiffre d’affaires relatif à l’activité lucrative indépendante du défunt, ni des avoirs sur des comptes détenus auprès de la banque E______ (1______) et de F______ (CCP 2______) sur lesquels des revenus et des sommes provenant d’un héritage auraient été versés. Il leur était demandé de produire des relevés fiscaux relatifs à ces deux comptes pour les années en cause.

f. Le 31 octobre 2018, les époux ont transmis à l’AFC-GE un extrait de leur compte CCP pour l’année 2007.

g. Le 1er novembre 2018, ils ont indiqué à l’AFC-GE qu’ils ne détenaient pas de compte auprès de la banque E______ avant l’année 2008.

h. Par courriel du 3 juillet 2019, l’AFC-GE a constaté qu'D______s’opposait aux reprises calculées par l’AFC-CH. Les époux étaient invités à indiquer les montants de chiffres d’affaires non déclarés pour les années 2007 à 2013 sur le CCP 2______, ainsi que pour les années 2008 à 2013 sur le compte E______ (1______).

Les corrections qu’elle envisageait d’effectuer se présentaient comme suit :

2007

2008

2009

2010

CHF 319'304.-

CHF 430'339.-

CHF 344'529.-

CHF 393'249.-

2011

2012

2013

CHF 339'708.-

CHF 287'752.-

CHF 359'685.-

i. Le 7 octobre 2019, le couple a transmis à l’AFC-GE une clef USB comportant des factures émises par feu D______durant la période 2007-2013. Les mouvements effectués depuis les comptes E______ et F______ ne correspondaient pas à du chiffre d’affaires facturé par ce dernier, étant donné qu’ils comprenaient de multiples encaissements pour le compte de clients, ainsi que certaines transactions privées.

j. Par courriel du 3 février 2020, l’AFC-GE a indiqué que les états des titres envoyés par les contribuables demeuraient incomplets et qu'elle était toujours en attente de leurs conclusions concernant les montants des chiffres d'affaires non déclarés. Il était précisé que ses agents s'étaient plongés dans les documents contenus sur la clef USB et que le travail de recoupement apparaissait très fastidieux, les factures n'étant pas arrangées dans l'ordre de la liste manuscrite se trouvant dans la même clef. Il était nécessaire, pour appréhender la situation, qu'ils fournissent un grand‑livre du compte chiffre d'affaires pour les années 2007 à 2013, les relevés mensuels du compte postal pour les années 2008 à 2013 et un décompte des frais rétrocédés sur les chiffres d'affaires totaux perçus pour les années 2007 à 2013. Elle demandait à nouveau aux contribuables les relevés fiscaux de quatorze autres comptes bancaires (dont le compte E______ 3______). Ils étaient également priés de produire une attestation d’intégralité auprès de sept établissements financiers.

k. À une date indéterminée, ils ont partiellement donné suite à cette requête en communiquant à l’AFC-GE des relevés de comptes bancaires.

l. Le 24 août 2020, l’AFC-GE leur a fait part qu’elle demeurait toujours dans l’attente de leurs conclusions concernant le chiffre d’affaires non déclaré. Elle leur a demandé de produire les documents bancaires qu’ils n’avaient pas encore remis, le grand-livre pour les années 2007 à 2013, ainsi qu’un décompte des frais rétrocédés.

m. Le 27 juillet 2021, l’AFC-GE a, à la suite du décès d'D______, imparti à ses héritières un dernier délai au 13 septembre 2021 pour produire les documents sollicités dans sa lettre du 24 août 2020.

n. Le 9 septembre 2022, l’AFC-GE a informé les contribuables de la clôture des procédures ouvertes le 26 juin 2017 et leur a notifié des bordereaux de rappel d’impôt pour les périodes fiscales 2007 à 2014.

Les procédures s’étaient terminées sans reprises pour l’année 2015, ni amende pour les périodes 2007 à 2015. Enfin, les redressements effectués n’engendraient aucun supplément d’IFD en 2014, si bien que le bordereau initial demeurait inchangé.

L’AFC-GE a ajouté au revenu de l’activité indépendante de feu D______les montants annoncés dans son courriel du 3 juillet 2019. Elle a également procédé à des reprises sous l'angle de sa fortune.

o. Par courriers du 11 octobre 2022, les contribuables ont élevé réclamation à l’encontre des bordereaux de rappel d’impôt, contestant en substance le montant des reprises.

L’AFC-GE semblait avoir repris des montants reçus par le défunt sur son compte dans le cadre de son activité professionnelle. Or, il avait été amené à recevoir des avances de frais et débours liées à sa profession d’huissier judiciaire, de même que des remboursements en faveur de ses clients. Ces sommes ne constituaient pas des revenus professionnels, si bien que c’était à tort qu’ils avaient été intégrés dans son bénéfice.

Elles avaient pu retrouver tous les documents comptables, hormis pour l’année 2007. Les honoraires perçus avaient tous fait l’objet de factures, même si la TVA avait été parfois omise. La facturation du défunt avait ensuite été reportée manuellement sur un compte d’exploitation. La rémunération effective était largement inférieure à celle retenue par l’AFC-GE. Il convenait de déduire la TVA des revenus imposables.

Ces correctifs s’appliquaient, pour les mêmes raisons, au niveau de la fortune du défunt. Si l’AFC-GE devait maintenir tout ou partie des bordereaux de rappel d’impôt, elle devrait, à tout le moins, déduire les dettes correspondantes.

p. Par décision du 23 novembre 2022, l’AFC-GE a admis partiellement les réclamations pour les années 2007 à 2009 et 2011 à 2014 en ce sens qu’elle a accepté de déduire de la fortune des contribuables les dettes liées au rappel d’impôts. Leur fortune imposable en 2010 étant déjà nulle, il n’y avait pas lieu de la réduire davantage. Pour le surplus, l’AFC-GE a rejeté les réclamations.

Reprenant la chronologie des faits, elle a notamment expliqué que feu D______avait perçu, à plusieurs reprises, des montants provenant de la succession de son père et de son oncle. Lors de son second contrôle, l’AFC-CH avait constaté qu’il avait encaissé CHF 995'592.- sur son CCP entre les 24 janvier 2011 et le 20 février 2012, à savoir CHF 245'592.- plus CHF 750'000.- (trois versements de CHF 250'000.-). En l’absence des relevés bancaires demandés, un montant de CHF 750'000.- avait été ajouté à titre de reprise dans l’état des titres des années 2011 à 2014 de feu D______.

Le même jour, l’AFC-GE leur a notifié des bordereaux d’ICC rectificatifs pour tenir compte de l’admission partielle de leurs réclamations.

B. a. Par acte du 23 décembre 2022, les contribuables ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant à l’annulation de cette décision, ainsi que des bordereaux rectificatifs d’ICC et d’IFD 2007 à 2013 et d’ICC 2014.

Les bordereaux rectificatifs pour l’année 2007 devaient être annulés, dès lors que la prescription absolue de quinze ans était acquise.

Elles avaient été en mesure de produire le détail de la facturation établie par feu D______, même si sa comptabilité n’avait pas été tenue de manière adéquate. Il en ressortait que ses honoraires ne représentaient qu’une partie des montants encaissés dans le cadre de son activité professionnelle, que ce soit pour couvrir des frais ou des débours, ou encore pour encaisser des montants pour des clients.

L’AFC-GE s’était fondée – pour la période 2008 à 2013 – sur les redressements opérés par l’AFC-CH, mais sans tenir compte des justificatifs présentés, au motif que ces documents étaient lacunaires et non probants, ni propres à garantir une saisie complète et fiable du revenu et de la fortune liée à l’activité lucrative de feu D______, et ne pouvaient pas être contrôlés dans des conditions raisonnables. L’AFC-GE avait retenu que les montants crédités sur son CCP constituaient du chiffre d’affaires et elle en avait retranché les sommes dont le libellé mentionnait que le défunt n’apparaissait pas être le bénéficiaire final. Elle avait dès lors admis que l’entier des mouvements de compte ne correspondait pas à du chiffre d’affaires imposable auprès de feu D______. Il se révélait dès lors arbitraire de postuler que les constatations de l’AFC-CH pour les périodes subséquentes seraient probantes, alors même qu’elles prenaient en compte des montants qui devaient être soustraits du chiffre d’affaires taxable.

Puisque le libellé des versements effectués sur le CCP avait permis, pour l’exercice 2007, de requalifier certains paiements en les retranchant du chiffre d’affaires, il n’apparaissait pas correct de douter de la véracité des factures établies par feu D______. Elles avaient démontré, par des tableaux de synthèse annexés, que le chiffre d’affaires réel de feu D______pour les années 2007 à 2013 était largement inférieur à celui qui avait été retenu par l’AFC-GE, ce qui devait conduire à l’annulation des décisions entreprises.

Enfin, les reprises au niveau de la fortune de feu D______devaient être annulées. Celui-ci avait bénéficié, entre le 24 janvier 2011 et le 20 février 2012, de versements provenant de la succession de son père, en CHF 995'592.-. Dans la mesure où ces avoirs avaient servi pour partie à l’entretien des époux, dès 2011, la reprise d’un montant de CHF 750'000.- pour les années 2011 à 2014 n’apparaissait pas justifiée.

b. Le 6 mars 2023, l’AFC-GE a conclu, à titre liminaire, à ce qu’il soit tenu compte de la prescription du droit de procéder au rappel d’impôt pour l’année 2007. Pour le surplus, elle a conclu au rejet du recours.

Les héritières reconnaissaient que feu D______ne tenait pas de comptabilité en bonne et due forme, que les documents produits ne respectaient pas le principe de la régularité des comptes et qu’il n’avait pas déclaré l’ensemble de son chiffre d’affaires durant les années en cause. Elles ne contestaient ni les reprises en lien avec les nombreux comptes bancaires non déclarés, ni que feu D______n’avait pas déclaré être partie prenante aux successions de son oncle et de son père, ni non plus qu’il n’avait pas déclaré les montants reçus à titre de partage dans ces successions. Il découlait de ces éléments que les reprises sur le plan du revenu et de la fortune étaient, dans leur principe, justifiées.

Dans la procédure de rappel d’impôt, étant donné que les époux considéraient que les honoraires retenus par l’AFC-CH prenaient en considération des encaissements pour le compte de tiers, l’AFC-GE avait sollicité divers justificatifs afin de pouvoir reconstituer les revenus non déclarés, à savoir le grand-livre, les relevés mensuels et fiscaux de différents comptes, les décomptes des frais rétrocédés, ainsi que des attestations d’intégralité. Or, ces documents n’avaient jamais été transmis, seule ayant été produite une clef USB comportant de très nombreuses factures dans le désordre, très difficile à recouper avec les listes manuscrites.

Les héritières avaient failli à leur devoir de collaboration et tentaient de renverser le fardeau de la preuve en demandant à l’autorité intimée d’analyser la quantité énorme de documents remis en vrac sur la clef USB, aux fins de réduire le chiffre d’affaires réalisé par feu D______. Il n’appartenait pas aux autorités fiscales de pallier la comptabilité défaillante des contribuables. Il était impossible de vérifier l’exactitude du récapitulatif des honoraires, dès lors que les montants indiqués n’étaient justifiés par aucune comptabilité probante. Faute d’avoir pu instruire la procédure en raison du défaut de collaboration des héritières, c’était à bon droit que l’AFC-GE s’était fondée sur les éléments dont elle disposait, notamment les reprises effectuées par l’AFC-CH, afin de procéder aux reprises au niveau du revenu des années 2008 à 2014.

S’agissant des reprises liées avec les successions non déclarées, il avait été constaté que feu D______avait encaissé diverses sommes provenant de succession de son oncle et de son père en 2008, 2011 et 2012. Or, les époux, puis les héritières, s’étaient toujours refusés à transmettre les relevés bancaires sollicités. Il était malvenu de leur part de contester les reprises sur le plan de la fortune en arguant, sans le justifier, qu’une partie des montants en question aurait été utilisée, de sorte que les reprises seraient excessives.

c. Par jugement du 21 août 2023, le TAPI a admis partiellement le recours s'agissant du rappel d'impôt pour l'année 2007 et l'a rejeté pour le surplus.

La prescription du droit de procéder au rappel d'impôt pour la période fiscale 2007 était acquise, si bien que les bordereaux de rappel d'impôt y relatifs étaient annulés.

En ne remettant pas à l'AFC-GE ni au TAPI les justificatifs permettant de reconstituer les revenus non déclarés, à savoir le grand-livre, les relevés mensuels et fiscaux de différents comptes bancaires, les décomptes des frais rétrocédés et les attestations d'intégralité, les époux, puis les héritières avaient failli à leur obligation de collaboration leur incombant dans la procédure de rappel d'impôt. Les tableaux détaillant les honoraires facturés de 2008 à 2013 par feu D______produits à l'appui de leur recours étaient dépourvus de valeur probante, dans la mesure où les chiffres y figurant n'étaient attestés par aucune facture correspondante. En raison du défaut de collaboration et de l'absence d'une comptabilité régulière, elles devaient se faire opposer les reprises effectuées par l'AFC-GE au titre de chiffres d'affaires non déclarés.

La reprise en fortune de CHF 750'000.- était confirmée, faute de collaboration des époux puis des héritières.

C. a. Le 21 septembre 2023, les héritières ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI. Elles ont préalablement sollicité un délai pour compléter leur recours, puis conclu à l'annulation de ce jugement, à l'exception de la prescription confirmée des bordereaux de rappels d'impôts d'ICC et d'IFD pour l'année 2007.

Le TAPI avait omis de tenir compte du fait que les manquements reprochés n'étaient pas leur fait, ayant été elles-mêmes confrontées à une situation comptable lacunaire et ancienne qu'elles ne connaissaient pas. Elles étaient dans l'impossibilité de reconstituer une comptabilité en bonne et due forme, faute d'éléments suffisants à ce sujet ou d'informations quant au détail de la facturation de feu D______.

Elles critiquaient la méthode de taxation par estimation à laquelle avait eu recours l'AFC-CH dans le cadre de la reprise de TVA pour déterminer les montants perçus par le défunt dans son activité lucrative indépendante au titre de chiffre d'affaires sans tenir compte des déductions possibles, montants qui avaient été repris par l'AFC-GE.

Elles avaient produit le détail de la facturation de feu D______, exposant que les honoraires facturés ne représentaient qu'une partie des montants encaissés dans le cadre de son activité professionnelle, lesquels comprenaient également des frais ou débours ainsi que des encaissements pour le compte des clients. Le TAPI aurait dû demander à l'AFC-GE l'apport de la totalité du dossier fiscal relatif à la période concernée. Elles ne s'étaient pas contentées de produire des tableaux de synthèse, mais avaient bel et bien transmis la totalité des factures détaillées établies manuellement par feu D______, permettant de distinguer la part d'honoraires et les montants non imposables ressortissant du chiffre d'affaires. C'était du reste de cette manière qu'avait procédé l'AFC-GE lors de son analyse pour l'année 2007, admettant que l'entier des mouvements du compte postal ne correspondait pas au chiffre d'affaires taxable de feu D______, contrairement à ce qui avait été retenu précédemment par l'AFC-CH dans le cadre du redressement au titre de la TVA.

Il était contradictoire et arbitraire de s'affranchir de cette analyse pour postuler que les constatations de l'AFC-CH pour les exercices concernés étaient probantes, alors qu'il avait été démontré qu'elles prenaient en compte des montants devant être soustraits du chiffre d'affaires taxable. Rien ne permettait de douter de la véracité des factures établies par feu D______et envoyées aux clients. L'AFC‑GE aurait pu procéder à une vérification par sondages, dès lors que ces factures concernaient de nombreuses sociétés taxées à Genève. Faute de ne pas avoir examiné tous les arguments précédents, considérant de manière erronée que les factures n'avaient pas été fournies à l'AFC-GE, le TAPI avait violé leur droit d'être entendues.

Le TAPI avait par ailleurs fait preuve de formalisme excessif en leur faisant grief de ne pas avoir indiqué clairement le montant des reprises qu'elles admettraient être fondées. Il résultait pourtant des tableaux de synthèse produits que les montants des chiffres d'affaires admis par elles s'agissant de l'activité de feu D______pour les années 2008 à 2009 permettaient aisément de constater la différence entre ceux-ci et les montants déclarés par ce dernier.

b. Le 10 octobre 2023, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les recourantes n'avaient apporté à la procédure aucune nouvelle pièce déterminante ni un nouvel argument susceptible d'influer sur le sort du litige. Les constatations admises dans la procédure précédente restaient valables et confirmaient le bien-fondé des reprises en revenu et en fortune litigieuses.

Le défaut de collaboration justifiait la fixation des reprises et de rappels d'impôt sur la base des indications de l'AFC-CH qui avait elle-même procédé à un contrôle de l'activité de feu D______et à des reprises pour les chiffres d'affaires non déclarés, reprises non contestées par le contribuable et donc entrées en force.

Conformément aux règles relatives au fardeau de la preuve, applicables aussi à l'activité indépendante, le contribuable qui entendait faire valoir une dépense devait apporter la preuve de son existence ainsi que de sa justification commerciale. Il n'appartenait pas à l'autorité fiscale d'analyser quantité de documents, remis en vrac, aux fins de réduire le chiffre d'affaires d'un contribuable dont la comptabilité était défaillante, ce d'autant moins que ce dernier refusait de collaborer pleinement.

Les contribuables contestaient les reprises en fortune en lien avec les successions non déclarées, tout en refusant de transmettre les relevés bancaires relatifs aux années sous revue. Seule la remise de l'ensemble des documents bancaires et non d'un seul compte bancaire pourrait permettre de constater une réelle diminution de la fortune durant les années litigieuses.

L'AFC-GE avait fait preuve de mansuétude et avait pris en considération le fait que les manquements n'étaient, pour l'essentiel, pas imputables aux recourantes, dès lors qu'aucune amende pour soustraction fiscale ne leur avait été infligée.

c. Le 3 novembre 2023, les contribuables ont répliqué, maintenant leurs conclusions.

Elles ont transmis à la chambre administrative les relevés du CCP 2______ de feu D______pour les années 2011 et 2012, desquels il résultait que celui-ci n'avait pas encaissé quatre versements provenant de la succession de son père pour un montant total de CHF 995'592.-, mais uniquement un montant de CHF 245'592.-le 24 janvier 2011, puis un montant de CHF 245'592.- le 20 février 2012. Les deux versements de CHF 250'000.- avaient en réalité été opérées sur deux autres CCP, comme cela ressortait du mandat de répression de l'AFC-CH de 2016.

L'examen des relevés bancaires permettait de constater que le CCP 2______ avait été utilisé indistinctement pour l'activité professionnelle et les dépenses personnelles de feu D______. Ces documents faisaient état de virements sur compte personnel auprès de la banque E______ pour un montant total de CHF 45'000.-, ainsi que de neufs virements sur un autre CCP personnel (4______) pour un montant total de CHF 137'000.-. La somme des montants virés sur d'autres comptes bancaires du défunt s'élevait à CHF 182'000.-.

Le solde du CCP 2______ au 31 décembre 2011 étant de CHF 9'311.57, il pouvait être considéré que ses avoirs additionnels provenant de la succession de son père auraient été à fin 2011 de CHF 191'311.57 (CHF 182'000.- + CHF 9'311.57). La reprise de CHF 750'000.- n'était donc pas justifiée.

Il était probable que les montants transférés sur le CCP 4______ avaient été partiellement dépensés en 2011 déjà.

En ce qui concernait l'année 2012, le CCP 2______ présentait au 31 décembre 2012 un solde de CHF 4'693.27. Feu D______n'y avait encaissé qu'un montant de CHF 250'000.- en 2012. Au cours de la même année, une somme correspondante avait été transférée dudit compte vers le CCP 4______ ainsi que deux virements de CHF 100'000.- sur le CCP 5______.

d. Le 24 novembre 2023, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

Les pièces nouvellement remises par les recourantes l'étaient à un stade très tardif de la procédure. En raison des risques de prescription des années fiscales les plus anciennes, elle s'opposait à l'octroi de nouveaux délais, les époux, puis les recourantes s'étant limités au cours de plus de six ans de procédure de rappel d'impôt à remettre une documentation partielle, prolongeant sciemment la procédure.

Ces documents ne permettaient toujours pas d'avoir une vision globale de la situation fiscale des époux durant les années sous revue. Les contribuables reconnaissaient que feu D______avait hérité d'une somme de CHF 995'592.- et que, dans ce contexte, un premier versement de CHF 245'952.- avait été opéré en 2011 sur son CCP 2______. D'autres versements avaient été effectués sur d'autres comptes lui appartenant. Ces explications confirmaient à elles seules le bien-fondé de la reprise de CHF 750'000.- en fortune opérée.

La production tardive des relevés du CCP 2______ ne permettait nullement de constater une diminution de la fortune des époux durant les années fiscales concernées. Seule une remise exhaustive des documents bancaires sollicités tout au long de la procédure aurait pu permettre un telle constatation.

La réplique faisait apparaître que deux comptes bancaires non déclarés avaient échappé aux reprises, à savoir le compte CCP 4______ et le compte E______ (1______). Le premier n'avait été mentionné ni par les époux ni par l'hoirie à la suite du décès de feu D______. Le second avait été déclaré, la première fois, en 2015 alors qu'il ressortait de la réplique qu'il existait déjà en 2011. Cette constatation démontrait la persistance des époux, puis de l'hoirie de feu D______à cacher des éléments de revenus et de fortune imposables.

e. Le même jour, l'AFC-CH a indiqué se rallier aux observations de l'AFC-GE.

f. Toujours le même jour, les contribuables ont produit des extraits des comptes CCP 4______ et CCP 5______ mentionnés dans leur réplique. Ceux-ci n'étaient pas complets en raison de l'ancienneté des faits. Le compte CCP 4______ était débiteur au 31 décembre 2012, ce qui permettait de comprendre que le montant de CHF 137'000.-, issu de plusieurs virements provenant du compte CCP 2______ en 2011, avait été intégralement dépensé ou transféré au cours de l'année 2012.

Il semblait que les montants provenant de la succession avaient en définitive été regroupés sur le compte épargne CCP 5______, lequel présentait un solde de CHF 652'936.15 au 31 décembre 2013, respectivement un montant de CHF 652'602.15 au 31 décembre 2014. N'ayant pas pu obtenir la situation au 31 décembre 2012 en raison du temps écoulé, la reprise devait être limitée aux soldes précités pour les années 2013 et 2014 et un montant analogue pour l'année 2012.

g. Le 3 mai 2024, l'AFC-GE a transmis, à la demande la chambre de céans, sept clefs USB reçues des contribuables.

h. Les contribuables n'ont pas formulé d'observations au sujet des pièces transmises dans le délai qui leur avait été imparti pour ce faire.

i. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             La présente procédure en rappel d’impôt litigieuse porte sur l’ICC et l’IFD des périodes fiscales 2008 à 2014, si bien qu’il convient, à titre liminaire, d’examiner le droit matériel applicable.

2.1 En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause. Le rappel d'impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêt du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 5 et la référence).

2.2 En l'occurrence, en matière d'impôt fédéral direct, c'est la LIFD, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, dans sa teneur lors des années concernées, qui est applicable aux périodes fiscales litigieuses.

La loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) trouve également application. Quant à l'ICC, le 1er janvier 2010, est entrée en vigueur la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08). L’art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s’applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Elle s'applique donc pour les périodes fiscales 2010 à 2014 tandis que les taxations litigieuses des années 2008 à 2009 seront examinées sous l'empire de l'ancien droit.

3.             L'ancienneté des périodes fiscales en cause soulève la question de la prescription et de la péremption.

3.1 La prescription ou la péremption sont des questions de droit matériel que la chambre administrative examine d’office (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/976/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a) tant pour l’IFD que les ICC, lorsque celles-ci se fondent sur le droit fédéral (ATF 138 II 169 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 4).

3.2 L'art. 152 al. 1 LIFD prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD ; ATF 140 I 68 consid. 6.1). Les art. 61 al. 1 et 3 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) et 53 al. 2 et 3 LHID posent les mêmes principes. La problématique peut donc être examinée conjointement pour l'IFD et les ICC.

3.3 En l’occurrence, un avis d’ouverture de la procédure de rappel d’impôt a été notifié au recourant le 26 juin 2017 pour l’IFD et les ICC des périodes fiscales 2008 à 2012 encore en cause. Le délai de prescription décennale tel qu'indiqué ci-dessus est donc respecté.

Quant à la péremption du droit de procéder aux rappels d’impôt, elle a été atteinte pour la période fiscale 2008 à la fin de la période fiscale 2023. Tel n'est pas le cas des périodes 2009 à 2014.

En conséquence, les bordereaux d'ICC et d'IFD de rappel d'impôt pour l'année 2008 seront annulés.

4.             Les recourantes font valoir que le TAPI a violé leur droit d'être entendues en omettant d'examiner leurs arguments tendant à démontrer que tous les montants crédités sur le compte postal ne devaient être retenus comme chiffre d'affaires que pour autant que soient déduits les frais, débours et autres encaissements pour le compte des tiers justifiés par des factures produites. Selon elles, cette omission s'expliquerait par le fait que les premiers juges ont considéré de manière erronée que ces factures n'avaient pas été fournies à l'AFC-GE.

4.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

4.2 La jurisprudence déduit également du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; 142 II 154 consid. 4.2). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_548/2021 du 24 février 2023 consid. 5.2 ; ATA/936/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références).

4.3 Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b ; ATA/1108/2019 du 27 juin 2019 consid. 4c et les arrêts cités).

4.4 En l'espèce, le TAPI a jugé que les tableaux de synthèse produits par les recourantes à l'appui de leurs prétentions en correction de reprises relatives aux chiffres non déclarés n'avaient pas de valeur probante, parce que les écritures y figurant n'étaient étayées par aucune facture correspondante. Ce faisant, il ne s'est pas prononcé sur leur argumentation juridique, dont l'articulation était essentiellement basée sur les factures détaillées établies manuellement par le contribuable défunt.

À teneur du jugement attaqué, il est pourtant établi que des clefs USB contenant lesdites factures avaient été bel et bien remises à l'AFC-GE. Or, il apparaît qu'elles n'ont été transmises au TAPI ni par cette autorité ni par les recourantes. Les premiers juges n'expliquent pas non plus pour quel motif ils n'ont pas requis leur production. Dans la mesure où les pièces manquantes ont été communiquées à la chambre de céans qui possède, à l'instar du TAPI, un plein pouvoir d'examen, la violation du droit d'être entendu invoquée par les recourantes n'est pas pertinente sur ce point. Savoir si ces éléments étaient suffisants pour admettre certains éléments non imposables est par ailleurs une question de droit qui sera examinée ci-après.

Quand bien même le TAPI n'a pas pu se prononcer sur l'argumentation sous-tendant les prétentions des recourantes en lien avec les revenus non imposables, l'absence des pièces justificatives n'est pas le seul élément avancé pour ne pas prendre en considération celles-ci, mais l'inexistence d'une comptabilité établie conformément aux normes légales. Nonobstant cette omission, les premiers juges ont suffisamment motivé leur position pour qu'elles puissent, avec l'assistance de leur conseil, comprendre le jugement, se rendre compte de sa portée et le contester en toute connaissance de cause. Que celui-ci ait fait l'impasse sur l'argumentation fondée sur les pièces non transmises n'enlève rien au fait que le jugement attaqué satisfait à l'exigence de motivation, celle-ci n'obligeant pas le juge à se prononcer sur chacun des griefs du recourant.

Quoi qu'il en soit, même à considérer que cette explication ne remplit pas les exigences de motivation, la violation du droit d'être entendu a été, sous cet angle également, réparée devant la chambre de céans.

Dans ces circonstances, le grief de violation du droit d'être entendu sera écarté.

5.             Les recourantes prétendent que le jugement attaqué leur fait grief de ne pas avoir indiqué clairement le montant des reprises admises, ceci au mépris de l'interdiction du formalisme excessif.

5.1 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst, est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_254/2016 du 9 mai 2016 consid. 5.2).

5.2 En l'occurrence, le jugement entrepris indique qu'il appartenait aux recourantes de chiffrer et de prouver à combien s'élevaient les redressements qui auraient dû être effectués lorsqu'elles contestent l'ampleur des reprises. Or, les développements ayant suivi sont consacrés à l'appréciation des preuves relatives à la reconstitution des revenus non déclarés. Le TAPI y reproduit les tableaux de synthèse produits par les recourantes présentant les chiffres d'affaires annuels de 2008 à 2013 admis, desquels il est aisé de comprendre que les redressements consistaient en la différence entre ces chiffres et les montants des reprises retenus par l'AFC-GE. Cela étant et contrairement à ce que soutiennent les recourantes, il ne transparaît aucun reproche à leur encontre au sujet du chiffrage des reprises admises, ce d'autant moins que la motivation juridique du TAPI n'est pas fondée sur l'absence de chiffrage des reprises reconnues par elles. C'est ainsi à tort qu'elles invoquent l'interdiction du formalisme excessif.

Infondé, le grief y relatif sera par conséquent écarté.

6.             Les recourantes contestent les reprises auxquelles a procédé l'AFC-GE au titre de chiffres d'affaires non déclarés. Elles trouvent contradictoire et arbitraire qu'elle ait intégré dans ces reprises des éléments non imposables pour les périodes fiscales litigieuses, contrairement à la période fiscale 2007.

6.1 Selon l'art. 16 al. 1 LIFD, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Cette disposition exprime la théorie de l'accroissement du patrimoine ou du principe de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.1). Dans la LIFD, les revenus exonérés sont les gains en capitaux privés (art. 16 al. 3 LIFD) et les revenus énumérés dans la liste exhaustive figurant à l'art. 24 LIFD (ATF 143 II 402 consid. 5.1). Dans un système caractérisé par une imposition générale des revenus, ces exceptions à l'imposition doivent être interprétées de manière restrictive (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.3. et les références).

L'art. 18 al. 1 LIFD dispose en particulier que sont imposables tous les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante. Constituent notamment de tels revenus, tous les bénéfices en capital provenant de l'aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable d'éléments de la fortune commerciale (art. 18 al. 2 LIFD). L’art. 58 LIFD s’applique par analogie aux contribuables qui tiennent une comptabilité en bonne et due forme (al. 3).

Est une activité lucrative indépendante celle qui est entreprise par une personne à ses propres risques, avec la mise en œuvre de travail et de capital, dans une organisation librement choisie dans le but d'obtenir un gain en participant à la vie économique (ATF 125 II 113 consid. 5b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_376/2011 du 27 avril 2012 consid. 5 ; 2C_307/2010 du 27 août 2010 consid. 2.2).

6.2 D'après l'art. 125 al. 2 LIFD, les personnes physiques dont le revenu provient d'une activité lucrative indépendante et les personnes morales doivent joindre à leur déclaration les extraits de comptes signés (bilan, compte de résultats) de la période fiscale ou, à défaut d'une comptabilité tenue conformément à l'usage commercial, un état des actifs et des passifs, un relevé des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements et apports privés. L'art. 125 al. 2 LIFD ne précise pas les exigences auxquelles doivent répondre ces états et relevés, qui dépendent des circonstances du cas d'espèce, en particulier du type d'activité et de l'ampleur de cette dernière. Dans tous les cas, ils doivent être propres à garantir une saisie complète et fiable du revenu et de la fortune liés à l'activité lucrative indépendante et pouvoir être contrôlés dans des conditions raisonnables par les autorités fiscales (arrêt du Tribunal fédéral 2C_543/2012 du 12 novembre 2012 consid. 2.2). Cette exigence est d'autant plus importante lorsque les contribuables entendent alléguer des faits de nature à éteindre ou à diminuer leur dette fiscale (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_651/2012 du 28 septembre 2012 consid. 4.1).

6.3 Conformément aux art. 126 LIFD et 31 LPFisc, le contribuable doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte (al. 1) ; sur demande de l'autorité fiscale, il doit notamment fournir des renseignements oraux ou écrits, présenter ses livres comptables, les pièces justificatives et autres attestations ainsi que les pièces concernant ses relations d’affaires (al. 2). À teneur de l’al. 3 de l’art. 31 LPFisc, les personnes physiques qui exercent une activité lucrative indépendante et les personnes morales doivent conserver pendant dix ans les documents et pièces justificatives en relation avec leur activité. L’art. 126 al. 3 LIFD dispose quant à lui que les personnes physiques qui exercent une activité lucrative indépendante et les personnes morales doivent conserver pendant dix ans les livres ou les relevés prévus à l’art. 125 al. 2 LIFD, ainsi que les pièces justificatives en relation avec leur activité.

Les livres et les pièces comptables peuvent être enregistrés sur support papier, sur support électronique ou sous toute forme équivalente, pour autant que le lien avec les transactions et les autres faits sur lesquels ils portent soit garanti et que leur lecture reste possible en toutes circonstances (Isabelle ALTHAUS-HOURIET, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Loi sur l’impôt fédéral direct – commentaire romand, 2e éd., 2017, n. 21 ad art. 130 LIFD)

6.4 Selon l’art. 130 LIFD, l’autorité de taxation contrôle la déclaration d’impôt et procède aux investigations nécessaires (al. 1). Elle effectue la taxation d’office sur la base d’une appréciation consciencieuse si, malgré sommation, le contribuable n’a pas satisfait à ses obligations de procédure ou que les éléments imposables ne peuvent être déterminés avec toute la précision voulue en l’absence de données suffisantes. Elle peut prendre en considération les coefficients expérimentaux, l’évolution de fortune et le train de vie du contribuable (al. 2). Le recours à des coefficients expérimentaux, la prise en compte de l’évolution de fortune et le train de vie du contribuable ne sont pas limités à la procédure de taxation d’office ; ces moyens sont également ouverts à l’autorité dans le cadre d’une taxation ordinaire (Isabelle ALTHAUS-HOURIET, op. cit., n. 27 ad art. 130 LIFD).

6.5 Selon le Tribunal fédéral, lorsqu'elle est confrontée au caractère déficient de la comptabilité d'une société, l'administration fiscale peut procéder à une taxation par estimation. Il existe deux méthodes de taxation par estimation auxquelles l'AFC‑CH a recours : d'une part, la méthode reconstructive, qui vise à compléter ou reconstruire une comptabilité déficiente, et, d'autre part, la méthode des chiffres d'expérience ou coefficients expérimentaux. Il appartient au contribuable de s'accommoder de l'imprécision ou de l'approximation qui résulte nécessairement d'une estimation fiscale, laquelle a elle-même été déclenchée à cause d'une tenue lacunaire de sa comptabilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_657/2012 du 9 octobre 2012 consid. 3 = SJ 2013 p. 446). La procédure par estimation vise à éviter que, les cas où le contribuable se soustrait à son obligation de coopérer ou dans lesquels les documents comptables se révèlent incomplets, insuffisants, voire inexistants, ne se soldent par une perte d'impôt. Dans la mesure où des contribuables admettaient la présence d'un chiffre d’affaires non déclaré mais contestaient les montants retenus, il leur appartenait de chiffrer et de prouver les reprises qui auraient dû être faites (arrêt du Tribunal fédéral 2C_82/2014 du 6 juin 2014 consid. 3.1 et les arrêts cités).

Il n'appartient pas aux autorités fiscales de rétablir la comptabilité défaillante du contribuable, même si elles peuvent ordonner des expertises aux frais du contribuable aux conditions de l'art. 123 al. 2 LIFD (arrêts du Tribunal fédéral 2C_551/2012 du 16 mai 2013 consid. 3.1 ; 2C_669/2008 du 8 décembre 2008 consid. 7.1).

6.6 En matière fiscale, les règles générales relatives à la répartition du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, impliquent que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_667/2021 du 11 mars 2022 consid. 4.4 et les arrêts cités). Il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts.

C'est, partant, au contribuable qui fait valoir une dépense d'apporter la preuve de son existence ainsi que de sa justification commerciale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_14/2021 du 27 mai 2021 consid. 5.2 et les arrêts cités). La personne qui exerce une activité lucrative indépendante ne peut dès lors se contenter d'alléguer avoir encouru des frais, mais doit l'établir (arrêt du Tribunal fédéral 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 7.1).

En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 7éd., 2016, p. 502 s.). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_710/2016 du 25 août 2016 consid. 6.2 ; 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.5 ; 2C_47/2009 du 26 mai 2009 in RDAF 2009 II 408 consid. 5 ; ATA/119/2019 du 5 février 2019 consid. 8 ; ATA/558/2014 du 17 juillet 2014).

6.7 En l'espèce, l'AFC-GE a déterminé les montants des reprises d'après l'estimation des chiffres d'affaires non déclarés effectuée par l'AFC-CH dans le cadre du contrôle en matière de TVA. Pour ce faire, elle a comptabilisé l’ensemble des crédits figurant sur les relevés des comptes postaux et bancaires de feu D______, en déduisant du total ainsi obtenu les chiffres d’affaires initialement déclarés. Les montants des reprises correspondent à la différence entre ces montants.

Dans la mesure où lesdits montants augmentaient le patrimoine du défunt, ils représentaient des revenus imposables au titre de chiffre d'affaires non déclaré, à moins que la preuve de leur caractère non imposable ne soit apportée. Les recourantes font valoir que les reprises effectuées incluent des éléments non imposables, à l'instar de montants consacrés au paiement de frais ou débours et des encaissements pour le compte de clients. À première vue, les prétentions des contribuables apparaissent donc compatibles avec la possibilité aménagée par la loi de déduire du revenu imposable des éléments non imposables. Encore faut-il examiner si les conditions fixées par la loi pour pouvoir bénéficier des déductions sont réalisées.

La prise en considération des déductions est tributaire de la tenue d'une comptabilité en bonne et due forme lorsque le contribuable exerce une activité indépendante (art. 58 LIFD par renvoi de l'art. 18 al. 3 LIFD). Peu importe du reste qu'il soit ou non formellement astreint à tenir des livres en vertu de l'art. 957 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_835/2012 du 21 avril 2013 consid. 7.2). Il ressort du dossier que les époux, suivis par les recourantes, n'ont pas rempli leur obligation légale de joindre à ses déclarations d'impôts ou de fournir ultérieurement, sur requête du fisc, une comptabilité, ou du moins, l'état des actifs et des passifs, les relevés des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements à ses déclarations fiscales. Ils ont négligé de produire les états financiers afférents aux périodes dans lesquels les prétendues déductions trouvaient leur origine. Dans ces conditions, le fait que les reprises opérées par l'AFC-GE soient fondées sur une estimation de l'AFC-CH échappe à la critique. Il appartenait dès lors aux recourantes de justifier les déductions des éléments prétendument non imposables pris en considération dans cette estimation.

Affirmant ne pas être en mesure de constituer une comptabilité en bonne et due forme, les recourantes ont produit des tableaux de synthèse présentant des chiffres d'affaires reconnus de 2008 à 2013 sur la base des honoraires facturés par le défunt contribuable, précisant que les charges avaient déjà été déduites. Le TAPI a considéré que ces tableaux ne pouvaient pas être pris en compte et que les déductions dont se prévalaient les recourantes n'avaient pas été dûment comptabilisées. Cette position apparaît fondée, ce d'autant plus que les factures détaillées produites afin de justifier les écritures figurant dans les tableaux ne leur sont d'aucun secours.

Les recourantes ont en effet remis à l'autorité intimée plusieurs clefs USB, dont chacune contient un volume important de factures enregistrées « en vrac » portant chaque période fiscale en cause, laissant le soin à celle-ci de faire le tri entre les éléments imposables ou non imposables du chiffre d'affaires. Cette présentation ne répond pas aux exigences de preuve posées par la jurisprudence dans le cadre de la déduction des éléments non imposables. L'on ne saurait reprocher à l'autorité intimée d'avoir renoncé dans ces conditions au travail fastidieux de vérification des pièces produites. Il n'apparaît pas que les pièces censées attester les frais déductibles soient accompagnées d'éléments justificatifs. En faisant valoir à ce propos que l'autorité intimée aurait pu procéder à une vérification par sondage, les recourantes tentent en vain d'échapper aux exigences à la charge de la preuve, voire à la renverser. L'apport des factures n'était par conséquent pas propre à garantir une saisie complète et fiable tous les éléments imposables ou non imposables du revenu de feu D______. À cela s'ajoute que les recourantes ont failli à leur devoir de collaboration en ne transmettant pas tous les relevés postaux et bancaires requis.

Finalement, les recourantes ne sauraient se prévaloir de la pratique adoptée par l'autorité intimée pour la taxation de la période fiscale 2007, conformément au principe de l'étanchéité (ou de l'indépendance) des exercices comptables et des périodes fiscales.

Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, la chambre de céans ne peut ainsi que constater, avec le TAPI, qu'à défaut de comptabilité adéquate et de justificatifs suffisants fournis par les recourantes, qui ont la charge du fardeau de la preuve des déductions qu'elles invoquent, celles-ci ne peuvent pas être retenues.

Le jugement du TAPI sera donc confirmé sur ce point.

7.             Les recourantes contestent la reprise en fortune effectuée par l'AFC-GE d'un montant de CHF 750'000.- en lien avec une succession non déclarée.

7.1 L'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette après déductions sociales (art. 46 al. 1 LIPP). Sont notamment soumis à l'impôt sur la fortune l'argent comptant, les dépôts dans les banques et caisses d'épargne, les soldes de comptes courants et tous titres représentant la possession d'une somme d'argent ainsi que les créances hypothécaires et chirographaires (art. 47 let. c LIPP).

7.2 En l'occurrence, l'AFC-GE a considéré, sur la base des informations communiquées par l'AFC-CH, que feu D______avait encaissé les montants de CHF 245'592.- en 2011 et CHF 750'000.- en 2012 sur l'un de ses comptes postaux. En l'absence de relevés d'autres comptes bancaires et postaux demandés, elle a retenu un montant de CHF 750'000.- à titre de reprise dans l'état des titres pour les périodes fiscales 2011 à 2014.

Les recourantes ont fait valoir devant le TAPI que les sommes perçues par feu leur époux et père avaient servi à l'entretien des époux, si bien que leur reprise en fortune n'était pas justifiée. Alors que les époux, puis les recourantes, avaient toujours refusé jusque devant le TAPI de produire, en dépit de multiples délais et rappels de l'AFC- GE, les relevés bancaires et postaux susceptibles de permettre d'établir l'état des titres pour les périodes fiscales en cause, elles ont transmis devant la chambre de céans des relevés postaux de trois comptes postaux. Ces documents révèlent que le compte postal déclaré (2______) a été crédité de deux montants provenant de la succession du père de feu D______, à savoir CHF 245'592.- en 2011 et CHF 245'592.- en 2012. Deux autres versements de CHF 250'000.- ont été opérés sur deux autres comptes postaux non déclarés (4______ et 5______). Le compte postal 4______ était débiteur au 31 décembre 2012, alors que le compte postal 5______ censé regrouper tous les montants provenant de la succession, présentait un solde de CHF 652'936.15 au 31 décembre 2013, et de CHF 652'602.15 au 31 décembre 2014.

Compte tenu de ces données, les recourantes s'en prennent devant la chambre de céans uniquement à la quotité de la reprise qui devrait correspondre, selon elles, aux soldes précités pour les années 2013 et 2014. N'ayant pas pu obtenir les relevés postaux de l'année 2012 en raison de la prescription du délai de conservation des documents, un montant analogue devrait être retenu pour ladite période fiscale. Cette argumentation ne peut cependant être suivie.

Leurs explications ont en effet été fluctuantes en fonction des contenus des relevés postaux et bancaires, produits selon leur bon vouloir. Alors qu'elles faisaient valoir devant le TAPI que les sommes provenant de la succession dont avait bénéficié feu D______avaient toutes servi à l'entretien des époux, elles ne contestent désormais que la quotité de la reprise en cause, à la suite de la révélation des sommes importantes découvertes sur les comptes postaux non déclarés auparavant. Elles sont parfois empreintes de contradictions. Les recourantes ont ainsi indiqué que lesdites sommes avaient été regroupées sur le compte postal CCP 5______. Or, elles ont admis par la suite qu'un montant de CHF 245'592.- avait, en réalité, été versé en 2011 et 2012 sur compte postal 2______ avant de transiter sur d'autres comptes non déclarés et que deux versements d'un montant identique de CHF 250'000.- avaient été effectués sur deux autres comptes postaux.

En outre, la collaboration des époux, puis des recourantes, à l'établissement des faits a été faible, les uns et les autres ne donnant pas entièrement suite aux demandes de renseignements de l'autorité intimée, notamment en ne la renseignant pas sur tous les comptes postaux et bancaires de feu D______. Ainsi, outre les deux comptes postaux non déclarés précités, dont les relevés postaux ont été communiqués seulement avec leur dernière écriture, elles font état de virements en 2011 du compte postal 2______ vers un compte bancaire E______ et d'autres comptes bancaires appartenant à feu D______. Si l'existence du premier compte bancaire est connue de l'autorité intimée, les relevés bancaires portant sur les périodes fiscales en cause ne lui ont pas été communiqués. Quant aux autres comptes bancaires mentionnés, ils n'ont pas été déclarés. Les recourantes ont failli à leur devoir de collaboration en laissant se prescrire le délai de conservation des documents relatifs au compte postal 5______ pour les années 2012 et 2011.

À la lumière de l'ensemble de ces circonstances, rien ne permet de retenir que toutes les sommes encaissées par feu D______dans le cadre de la succession de son père aient été appréhendées par l'autorité intimée. La découverte de soldes positifs importants figurant sur le compte postal 5______, dont les relevés ont été produits à la fin de l'échange d'écritures de deuxième instance, et le refus des recourantes de fournir les attestations d'intégralité laissent au contraire présumer l'existence d'éléments de fortune non déclarés. Celles-ci ne peuvent dès lors pas tirer parti de cette situation, mais doivent se voir opposer cette incertitude et en supporter les conséquences. Ainsi, elles doivent s'accommoder de la reprise en fortune du montant de CHF 750'000.- dans l'état des titres des années 2011 à 2014.

Le grief sera, par conséquent, écarté et le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis en tant que les bordereaux de rappel d'impôt ICC et IFD pour la période fiscale 2008 seront annulés car prescrits. Le jugement attaqué sera confirmé pour le surplus.

8.             Au vu de l'issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 1'200.- sera mis à la charge solidaire des recourantes, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA) et ne peuvent dès lors se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 septembre 2023 par A______, B______ et C______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 août 2023 ;

 

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 août 2023 en tant qu'il confirme les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2008 ;

annule les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2008 ;

confirme le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 août 2023pour le surplus ;

met à la charge solidaire de A______, B______ et C______, un émolument de CHF 1'200.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Vincent SOLARI, avocat des recourantes, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. BALZLI

 

 

le président siégeant :

 

 

J-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :