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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1235/2023

ATA/616/2024 du 21.05.2024 sur JTAPI/863/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1235/2023-PE ATA/616/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mai 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______, agissant pour eux-mêmes et pour leurs enfants mineurs C______, D______ et E______ recourants
représentés par Me Yann Arnold, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 août 2023 (JTAPI/863/2023)


EN FAIT

A. a. A______, ressortissant kosovar né le ______1985, a épousé B______, ressortissante kosovare née le ______1992, le 23 janvier 2015. De leur union sont issus trois enfants : C______, E______ et D______, nés en Suisse respectivement les ______2016, 10 ______2018 et 12 ______2022.

b. A______ a déclaré être arrivé en Suisse en 2007. Son épouse l’aurait rejoint en avril 2015.

c. Au 19 septembre 2023, il ne faisait l’objet d’aucune poursuite, ni actes de défaut de biens.

d. Il a formulé des demandes de visa pour « raisons familiales » les 16 avril 2018, 3 août 2018, 5 décembre 2018, 11 avril 2019, 12 juin 2019, 27 novembre 2019, 1er  juillet 2020, 2 juin 2021 et 20 septembre 2022.

B. a. Le 8 mars 2018, les époux AB______ ont déposé auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande de régularisation de leurs conditions de séjour sous l'angle de l’ « Opération Papyrus », indiquant séjourner en Suisse depuis respectivement 2007 et 2015. Leur fils y était né en 2016.

À l'appui de leur requête, ils ont notamment joint, concernant A______, un contrat de travail du 31 octobre 2008 et une lettre de licenciement pour le 30 juin 2009 au nom de la société F______, une attestation non datée de la docteure H______ indiquant qu’il s’était présenté à sa consultation les 20 septembre 2007, 17 décembre 2008, 5 janvier 2009 et 9 mars 2015, une attestation des Transports publics genevois (ci-après : TPG) relative à l’établissement d’une carte de base le 7 juillet 2009, une fiche d’engagement du 2 août 2010 auprès de G______, la copie de son extrait de compte individuel AVS faisant état de cotisations de 2010 à 2016 et, concernant également B______, un extrait de leurs casiers judiciaires, des attestations de connaissance de la langue française (niveau A2), respectivement d’inscription à des cours de français, de l'Hospice général et de l'office des poursuites, un formulaire M et OCIRT ainsi qu'un formulaire de demande « Papyrus ».

b. Par courrier du 13 janvier 2020, l’OCPM a informé A______ avoir transmis son dossier avec un préavis favorable au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM).

c. Le 9 juillet 2020, le SEM a retourné le dossier à l’OCPM pour nouvel examen, ayant constaté que « le dossier contient des attestations douteuses (par exemple : attestation médicale non datée de la Dre H______ et des documents émanant de l’entreprise F______ ».

d. Le 17 novembre 2020, l'OCPM a dénoncé A______ au Ministère public de Genève (ci-après : MP) pour des soupçons portant sur l'authenticité des documents précités transmis à l’appui de sa demande de régularisation.

Entendu par la police judiciaire le 23 février 2022, A______ a notamment déclaré être arrivé en Suisse en mars 2007 et avoir interrompu son séjour pour se rendre au Kosovo en 2007, 2009, 2014, 2018, 2019 et 2021, à chaque fois pour une dizaine de jours. Il s’était marié en 2015 au Kosovo où il était retourné en décembre 2014 jusqu’à fin janvier 2015. Sa femme était venue à Genève entre juillet et août 2015. Depuis son arrivée en Suisse jusqu’en 2012, il avait vécu où il avait pu, chez des connaissances. Il avait ensuite pu sous-louer un studio puis, dès 2015, un appartement, lequel était à son nom depuis l’été 2021. En 2007 et 2008, il n’avait pas beaucoup travaillé. Fin 2008, il avait travaillé pour la société F______ pendant trois semaines puis il n’y avait plus eu de travail en décembre. Il avait à nouveau travaillé pour cette société en janvier ou février 2019, deux ou trois jours dans le mois, tout en travaillant également à côté, où il pouvait. En été 2009, il avait commencé à travailler au sein de la société G______ en tant que remplaçant pendant les vacances (deux mois). Il avait également travaillé pour cette société en mars 2010, au noir, puis légalement, dès l’été 2010. Il avait préparé seul les documents pour sa demande « Papyrus ». S’agissant des documents incriminés, le contrat de travail de F______ lui avait été remis deux ou trois jours après avoir commencé le travail soit en octobre ou en novembre 2008. Quant à la lettre de licenciement, il l’avait reçue en été 2009, environ. L’attestation de la Dre H______ lui avait été remise par l’intéressée en 2017. Il l’avait rencontrée pour la première fois en 2007. Il contestait qu’il s’agissait d’un faux comme indiqué par cette dernière.

Il ressort du rapport d’arrestation du même jour, que le 22 février 2022, la police s’était rendue au cabinet de la Dre H______ afin de lui soumettre l’attestation médicale produite par A______. Cette dernière leur avait déclaré ne pas avoir rédigé ce document, tout en reconnaissant qu’il s’agissait bien de sa signature et de son tampon. L’en-tête figurant sur ce document n’était en revanche pas le sien. Préalablement, par téléphone, elle avait déclaré connaître l’intéressé depuis plusieurs années mais ne pas être en mesure de leur répondre concernant l’attestation médicale car elle ne possédait aucune archive antérieure à 2015.

Par ordonnance pénale du 24 février 2022, le MP a reconnu A______ coupable de faux dans les certificats, entrée et séjour illégal, exercice d'une activité lucrative sans autorisation et comportement frauduleux à l'égard des autorités et l'a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende d'un montant de
CHF 50.-/jour avec sursis.

Il lui était notamment reproché d'avoir, à Genève, dans le cadre d'une demande d'autorisation de séjour « Papyrus » déposée auprès de l’OCPM le 8 mars 2018, produit des documents non-authentiques, notamment un contrat de travail établi au nom de l'entreprise F______ et un certificat médical établi au nom de la Dre H______, et tenté d'induire en erreur l’OCPM en lui donnant de fausses indications sur ses antécédents, dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation pour lui-même.

Non contestée, cette ordonnance pénale est entrée en force.

C. a. Par courrier du 8 novembre 2022, l'OCPM a informé les époux AB______ de son intention de refuser de soumettre leur dossier avec un préavis favorable au SEM et de prononcer leur renvoi de Suisse, leur impartissant un délai de 30 jours pour faire valoir, par écrit, leurs observations.

Il était notamment fait référence à la condamnation d’A______ du 24 février 2022 et à l’art. 62 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

b. Dans le délai prolongé au 31 janvier 2023, les époux AB______ ont fait part de leurs observations, concluant à ce qu’il soit dit et constaté que la famille remplissait les conditions de l’« Opération Papyrus » et/ou du cas de rigueur, respectivement pouvait se prévaloir de la protection de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950
(CEDH - RS 0.101).

A______ contestait les infractions de faux dans les certificats et de tentative d'induire en erreur les autorités chargées d'appliquer la LEI en donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels retenues dans l’ordonnance pénale. Il n’avait pas formé opposition à cette dernière car le Syndicat SIT lui avait indiqué qu'il n'y avait pas besoin de faire quoi que ce soit. Il envisageait toutefois d’agir en révision et invitait l’OCPM à lui accorder un délai de deux mois pour lui faire connaître ses intentions à ce sujet. L’attestation de la Dre H______ n’était pas un faux. Cette dernière avait confirmé qu'il s'agissait bien de son tampon humide et de sa signature et qu’il était son patient. Il n’en allait pas différemment des documents émanant de F______. Il renvoyait à ses déclarations à la police à ce sujet. Il contestait avoir fait de fausses déclarations concernant sa présence en Suisse en 2007 et en 2008, ce que pourrait démontrer l’audition de Messieurs et Madame I______, son cousin, J______, un ami et K______, sa sœur.

Il ne saurait pour le surplus leur être fait application, par analogie, de l’art. 62 LEI, la justice n’ayant pas prononcé l’expulsion de A______, respectivement leur être opposé le fait que B______, mère au foyer, était sans emploi et sans le niveau de français requis.

Ils détaillaient enfin leur situation familiale, mettant notamment en exergue que bien que les parents et le frère de A______ habitaient au Kosovo, ils ne pourraient compter sur leur soutien logistique et financier en cas de retour, le père de l’intéressé étant notamment atteint d’un cancer. La famille s'était de plus agrandie, avec la naissance d’E______ le ______ 2022. La situation d’C______, scolarisé et n’écrivant pas l’albanais, méritait en outre une instruction plus poussée.

Ils ont joint un tirage de l'extrait de l'acte de naissance d’E______ ainsi que trois lettres de soutien de L______, M______ et N______, aux fins d’attester, en particulier, des qualités humaines et professionnelles de A______.

c. Par décision du 27 février 2023, l'OCPM a refusé de soumettre le dossier de la famille AB______ avec un préavis positif au SEM et a prononcé leur renvoi de Suisse, un délai au 3 juillet 2023 leur étant imparti pour ce faire.

A______ avait été condamné par ordonnance pénale du 24 février 2022 notamment pour faux dans les certificats et comportement frauduleux A______ envers les autorités. Dans ces circonstances, sa situation ne satisfaisait pas aux conditions de l’ « Opération Papyrus » ni aux critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), notamment le respect de l'ordre juridique suisse. L’infraction de faux dans les certificats n'entrainant pas d'expulsion obligatoire, il ne pouvait être déduit du silence du juge sur ce point qu'il avait renoncé à prononcer une expulsion. Aussi, sa condamnation devait être considérée comme un défaut d'intégration important. Son séjour en Suisse devait être relativisé en comparaison avec les années passées dans son pays d'origine où il avait effectué toute sa scolarité et travaillé dans le domaine de la construction. Il avait ainsi passé toute son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte au Kosovo, pays où il s’était en outre rendu très régulièrement ces dernières années afin de rendre visite à sa famille. Par conséquent, il n’aurait pas à faire face à des obstacles insurmontables lors d'un retour dans son pays d'origine indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.

Quant à B______, elle était actuellement sans emploi et ne pouvait se prévaloir du niveau de français requis.

S'agissant des enfants C______ et D______ et de la prise en compte de leur intérêt supérieur conformément à l'art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, (approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996 ([CDE - RS 0.107]), il convenait de retenir qu’ils étaient âgés de 6 et 3 ans et que bien que l’aîné soit scolarisé, il n'était pas encore adolescent. Par conséquent, leur intégration en Suisse n'était pas encore déterminante et leur réintégration dans leur pays d'origine ne devrait pas leur poser de problèmes insurmontables.

Les intéressés n'invoquaient enfin pas ni ne démontraient l'existence d'obstacles au retour dans leur pays d'origine et le dossier ne faisait pas apparaître que l'exécution de leur renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

D. a. Par acte du 30 mars 2023, les époux AB______ agissant en leur nom et celui de leurs trois enfants ont formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision.

Les conditions de l’ « Opération Papyrus » étaient réunies à l’exception de celle de l’absence de condamnation pénale. Cela étant, les réquisits jurisprudentiels pour s'écarter des faits jugés dans le cadre de cette dernière étaient ici réunis, la condamnation du recourant étant intervenue dans le cadre d’une procédure spéciale sans les auditions de la Dre H______ et des responsables de la société F______ et les pièces produites confirmaient sa présence en Suisse en 2007, 2008 et 2009, ce que pourrait au besoin confirmer l'audition des témoins.

La famille remplissait également les conditions du cas de rigueur et de l'art. 8 CEDH. En premier lieu, la condamnation pénale ne saurait s’opposer à la délivrance d’un tel titre de séjour, la justice pénale ayant renoncé à l'expulsion. Le recourant contestait ensuite les faits retenus dans l’ordonnance pénale, rappelant les motifs pour lesquels il n’avait pas formé opposition. Par ailleurs et en tout état, il séjournait en Suisse depuis 17 ans et n’avait pas menti sur les faits attestés par les documents jugés non-authentiques, à savoir qu'il était bien présent en Suisse, à Genève, en 2007, 2008 et 2009. Il y disposait en outre d’un important réseau social et familial et pouvait se prévaloir d'un parcours professionnel particulièrement méritoire, étant notamment parvenu à créer sa propre entreprise. Son fils aîné, âgé de bientôt 7 ans, était né à Genève, y avait toujours vécu et y était scolarisé, justifiant dès lors de plus de cinq années de présence en Suisse. Un renvoi de ce pays constituerait ainsi pour lui un véritable déracinement, ce d'autant plus qu'il ne maîtrisait qu'imparfaitement la langue albanaise. Ils rappelaient enfin que les membres de leur famille demeurant au Kosovo ne seraient pas en mesure de les soutenir en cas de renvoi et que la situation de B______ ne s'opposait pas à la délivrance d'une autorisation de séjour. Si mère au foyer de trois enfants n’était pas une activité rémunérée, cela n'en restait pas moins un travail.

Ils ont joint un chargé de pièces, dont une pétition signée par une centaine de personnes indiquant connaître le, la recourant-e et/ou leurs enfants depuis 2007 pour certains, mentionnant la nature de leurs liens (amitié, famille, professionnel) et, de manière laconique, la fréquence et le lieu de leurs contacts (plusieurs fois par année, toutes les semaines, en Suisse, régulièrement, souvent, occasion, tous les jours), des courriers de O______ et P______, indiquant notamment avoir connu A______ en 2007, de L______, confirmant connaître l’intéressé depuis 2008 et que ce dernier avait travaillé au sein de l’entreprise de son mari, G______, du 2 août 2010 au 31 mai 2021, de Q______, R______ et S______ et T______, attestant respectivement le connaître depuis environ 2008, qu’il était en Suisse en 2008 et avoir fait sa connaissance en 2013, des fiches de salaire de A______ (2022 et 2023), une attestation d’inscription à des cours de français de l'UPA du 21 mars 2023 concernant B______, des attestations en lien avec la scolarité d’C______, des documents transmis par la Dre H______, faisant notamment état de « deux, trois » consultations en 2007, d’une consultation en 2021 et de six consultations en 2022 et un extrait de compte AVS de la caisse cantonale genevoise de compensation du 12 octobre 2021 mentionnant des cotisations de 2010 à 2020.

b. Par jugement du 17 août 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Sous l’angle de l’« Opération Papyrus », la condition de l’absence de condamnation pénale, pour des faits autres que le séjour illégal et le travail sans autorisation, faisait défaut, le requérant ayant été condamné par ordonnance pénale du 24 février 2022 pour, notamment, faux dans les certificats et comportement frauduleux A______ envers les autorités dans le cadre de sa demande de régularisation. Bien qu’il explique contester les faits retenus dans cette dernière, il n’en demeurait pas moins que cette condamnation était en force, qu’il avait lui-même admis que les documents de F______ ne reflétaient pas la réalité et que la Dre H______ a confirmé que l’attestation qu’il avait produite était un faux. La condition de dix ans de séjour continu en Suisse n’était pas non plus remplie au jour du dépôt de sa demande de régularisation. En particulier, pour 2007 à 2009, les seuls documents attestant de sa présence sur le territoire helvétique étaient les documents établis par la société F______, la Dre H______ et les TPG. Or, il ressortait de l’ordonnance pénale du 24 février 2022 qu’il s’agissait de documents non authentiques pour les deux premiers. Quant à l’attestation des TPG, elle faisait état de l’établissement d’une carte de base TPG en juillet 2009 seulement, de sorte que la durée, respectivement la continuité de son séjour en Suisse n’étaient pas établies à satisfaction de droit, à tout le moins avant cette date. Il pouvait au mieux être retenu qu’il avait travaillé entre quelques jours et quelques semaines en moyenne à Genève, en 2007, 2008 puis 2009.

Sous l’angle du cas de rigueur, la continuité de son séjour en Suisse depuis 2007 n’était pas démontrée. Or, la notion d'intégration rattachée à la durée du séjour impliquait que la personne concernée implante véritablement son centre de vie en Suisse et qu'elle ne quitte plus ce pays, hormis pour de courts voyages à l'extérieur. Le requérant n'avait jamais bénéficié d'un quelconque titre de séjour et, depuis le dépôt de sa demande de régularisation, le 8 mars 2018, son séjour se poursuivait au bénéfice d'une simple tolérance. Il ne pouvait dès lors tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse, qui devait en l'occurrence être fortement relativisée, pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d’admission. Arrivé en Suisse à l’âge de 21 ans, il avait vécu la majeure partie de son existence dans son pays d'origine, notamment son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Quand bien même son intégration pouvait être qualifiée de bonne et réussie sous l'angle
socio-professionnel, notamment à la lecture des lettres de soutien et de la pétition produites à l’appui du recours, elle demeurait néanmoins ordinaire et ne correspondait pas au caractère exceptionnel exigé par la jurisprudence.

Ce raisonnement valait a fortiori pour l’épouse du requérant, qui était arrivée à Genève en 2015, n’exerçait pas d’activité professionnelle et n’avait fourni aucune attestation validant ses connaissances de la langue française.

Tout juste âgé de 7 ans, C______ était intégré au sein du système scolaire genevois depuis trois ans. Il ne pouvait toutefois être retenu qu’il aurait acquis des connaissances ou des qualifications spécifiques telles qu'il ne pourrait pas réintégrer un cursus scolaire au Kosovo. Il n’en allait pas différemment pour E______ et D______, âgées respectivement de 4 ans et de moins d’une année, lesquelles, compte tenu de leur très jeune âge, restaient encore rattachées dans une large mesure, par le biais de leurs parents, à leur pays d’origine. Leur intégration au milieu socio-culturel suisse n’était dès lors pas non plus si profonde qu’un retour dans leur patrie constituerait un déracinement complet. L’intérêt supérieur des enfants était de pouvoir vivre durablement auprès de leurs parents, quel que soit l'endroit où ils séjourneront.

Enfin, l'art. 8 CEDH n’était d’aucun secours aux requérants, ces derniers n’ayant pas séjourné légalement en Suisse pendant au moins dix ans, ni ne pouvant se prévaloir d’une forte intégration, au vu en particulier de la condamnation pénale d’A______.

E. a. Par acte du 21 septembre 2023, A______ et B______, agissant pour
eux-mêmes et pour leurs enfants mineurs C______, D______ et E______ ont recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’octroi d’autorisations de séjour en leur faveur.

Préalablement, ils ont requis leur audition ainsi que celle de onze témoins, soit L______, U______, O______, P______, V______, W______, X______, Y______, Z______, AA______ et N______.

Leur droit d’être entendus avait été violé, le TAPI n’ayant pas discuté de la raison pour laquelle il ne s’était pas écarté des faits retenus dans l’ordonnance pénale. Il n’avait pas non plus examiné le grief tiré de l’interdiction du dualisme. La justice pénale avait renoncé à l’expulsion, si bien que le TAPI ne pouvait retenir sa condamnation pénale comme un élément d’appréciation négatif. Le TAPI n’avait pas non plus mentionné quels faits étaient contestés.

Les conditions de l’ « Opération Papyrus » étaient réunies à l’exception de celle de l’absence de condamnation pénale et le TAPI ne pouvait pas retenir la condamnation pénale du recourant comme un obstacle à l’application de l’« Opération Papyrus ». Il ne faisait l’objet d’aucune poursuite et n’avait jamais émargé à l’aide sociale.

Ils remplissaient également les conditions du cas de rigueur. La durée de séjour du recourant était très importante. L’intégration socio-culturelle d’C______ était très avancée et il était déjà entré dans la pré-adolescence. Son suivi logopédique devait être soutenu et sur la durée.

Aucun membre de leur famille vivant au Kosovo n’était en mesure de les accueillir. Cent-cinq personnes avaient signé une pétition en leur faveur, ce qui dépassait en intensité le simple fait de produire quelques lettres de soutien. Le fait d’être mère au foyer d’enfants en bas âge ne pouvait être considéré comme une « absence d’emploi ».

Ils ont notamment produit un tableau de justificatifs de présence du recourant pour les années 2007 à 2023, ainsi qu’une attestation du 31 août 2023, à teneur de laquelle C______ souffrait de difficultés à entrer dans le langage écrit et qu’il devait suivre une prise en charge logopédique, à raison de deux séances hebdomadaires pour deux ans « au moins ».

b. Le 23 octobre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 11 décembre 2023, les recourants ont persisté dans leurs conclusions et sollicité l’audition de la Dre H______.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, y compris sur mesures d’instruction, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Les recourants sollicitent leur audition ainsi que celle de onze témoins.

2.1 Tel qu'il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20  avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).

Le droit d'être entendu n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui‑ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 145 I 167 consid. 4.1) ni celui d'obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3).

2.2 En l'espèce, les recourants ont pu prendre position par écrit et produire les pièces à l'appui de leur position à plusieurs reprises au cours de la procédure, tant devant l'autorité intimée et devant l'instance précédente que devant la chambre de céans. Ils ont en conséquence eu l’occasion de détailler leur situation et ils n’indiquent pas quels éléments précis ils n’auraient pas été en mesure d’expliciter par écrit, notamment en lien avec la durée du séjour du recourant, l’intégration de la famille et les faits retenus par les autorités pénales.

Quant aux auditions de témoins, qui ne feraient que confirmer oralement leurs déclarations écrites, les recourants n’expliquent pas en quoi elles seraient de nature à apporter des éléments utiles à l’issue du litige qui n’auraient pas déjà été mentionnés dans les attestations versées à la procédure. Il n’y a pas non plus lieu de procéder à l’audition de la Dre H______, dont une lettre manuscrite du 10 mars 2023, un certificat médical du 6 décembre 2022 et des notes de consultation figurent au dossier, étant précisé qu’il n’est pas contesté que la médecin connaissait le recourant.

La chambre administrative dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. Il ne sera par conséquent pas donné suite aux demandes d'actes d'instruction.

3.             Les recourants reprochent au TAPI d’avoir insuffisamment motivé sa décision.

3.1 L'art. 29 al. 2 Cst. comprend également le droit d'obtenir une décision motivée (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 129 I 232 consid. 3.2). L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 138 IV 81 consid. 2.2 ; 137 II 266 consid. 3.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée ; la motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 9C_701/2018 du 27 novembre 2018 consid. 5.2).

3.2 Les recourants reprochent au TAPI de n’avoir pas indiqué les raisons pour lesquelles il ne s’était pas écarté des faits retenus dans l’ordonnance pénale. La juridiction précédente a toutefois dûment expliqué que quand bien même le recourant contestait les faits retenus par le juge pénal, il n’en demeurait pas moins que la condamnation était entrée en force, que le recourant avait lui-même admis que les documents produits ne reflétaient pas la réalité et que la Dre H______ avait confirmé que l’attestation produite était un faux. Ainsi, quoi qu’en dise le recourant, on comprend les raisons pour lesquelles l’instance précédente ne s’est par écartée de l’ordonnance pénale. La question de savoir si, c’est à juste titre, que le TAPI en a tenu compte relève du fond et sera examiné ci-après.

Les recourants reprochent également à l’instance précédente de n’avoir pas examiné le grief tiré de l’interdiction du dualisme. Or, contrairement à ce qu’ils prétendent, l’autorité intimée n’avait pas l’obligation de discuter en détail tous ses arguments et pouvait se contenter de n’examiner que les griefs pertinents pour l’issue du litige. Or, dans la mesure où la décision querellée ne se fonde pas exclusivement sur les éléments retenus dans l’ordonnance pénale, la jurisprudence relative à l’interdiction du dualisme (ATF 146 II 321), qui porte sur les motifs de révocation – non pertinents ici – est sans incidence dans la présente cause.

Enfin, les recourants reprochent au TAPI de n’avoir pas examiné leur argument selon lequel les faits allégués, et non contestés par l’OCPM, devaient être considérés comme établis. La décision querellée retient toutefois expressément que la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves. On comprend ainsi comment le juge précédent s’est formé sa conviction en analysant la force probante des preuves produites par les parties. La question de savoir si c’est à juste titre que certains faits n’ont pas été considérés comme établis par l’autorité précédente relève du fond et sera examiné ci-après.

Il suit des éléments qui précèdent que les recourants ont bien compris la teneur de la décision, qu’ils ont contestée en réfutant les éléments qui y figurent. Partant, celle-ci répond aux exigences de motivation déduites de l’art. 29 Cst.

4.             Est litigieux le refus de soumettre le dossier des recourants avec un préavis positif au SEM et leur renvoi de Suisse.

4.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

4.2 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

4.3 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2).

4.4 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

4.5 Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées).

S'agissant de l'intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d). À titre d'exemple, le Tribunal fédéral a notamment retenu en faveur d'un étranger installé depuis plus de onze ans en Suisse qu'il y avait développé des liens particulièrement intenses dans les domaines professionnel (création d'une société à responsabilité limitée, emploi à la délégation permanente de l'Union africaine auprès de l'ONU) et social (cumul de diverses charges auprès de l'Eglise catholique) (arrêt 2C_457/2014 du 3 juin 2014 consid. 4 et les références citées).

La durée totale du séjour constitue un critère important de reconnaissance d'un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d'admettre un cas personnel d'une extrême gravité. En outre, la durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4145/2017 du 10 octobre 2018 consid. 5.1 et les références citées).

Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Cela étant, il ne faut enfin pas perdre de vue qu'il est parfaitement normal qu'une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Aussi, les relations d'amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l'étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3 ; F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3).

Quoi qu'il en soit, le fait de travailler pour ne pas dépendre de l'aide sociale, d'éviter de commettre des actes répréhensibles et de s'efforcer d'apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu de domicile constitue un comportement ordinaire qui peut être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il ne s'agit pas là de circonstances exceptionnelles permettant, à elles seules, de retenir l'existence d'une intégration particulièrement marquée, susceptible de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur (Blaise VUILLE/Claudine SCHENK, L'article 14 alinéa 2 de la loi sur l'asile et la notion d'intégration, in : Cesla AMARELLE [éd.], Pratiques en droit des migrations, L'intégration des étrangers à l'épreuve du droit suisse, 2012, p. 122s).

4.6 Dans un arrêt récent portant également sur un enfant atteint d’autisme et devant être placé en classe spécialisée, la chambre de céans a retenu qu’il existait au Kosovo des offres psychologiques et psychiatriques ainsi que des programmes de thérapie par l’activité, qui amélioraient les capacités motrices, communicatives et sociales. Trois organisations non gouvernementales s’occupaient d’enfants autistes et proposaient des services de prises en charge. Les examens et traitements dans les hôpitaux publics étaient gratuits (ATA/391/2023 du 18 avril 2023 consid. 2.4 ; cf. aussi ATA/1057/2023 du 26 septembre 2023 consid. 3.5).

4.7 Dans l'examen d'un cas de rigueur concernant le renvoi d'une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d'enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d'extrême gravité.

D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du TAF C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l'angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C 3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

4.8 L'« Opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus », avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

4.9 Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA.

4.10 Lorsque le complexe de faits soumis au juge administratif a fait l’objet d’une procédure pénale, le juge administratif est en principe lié par le jugement pénal, notamment lorsque celui-ci a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/783/2022 du 9 août 2022 consid. 3a ; ATA/712/2021 du 6 juillet 2021 consid. 7a). Il convient d’éviter autant que possible que la sécurité du droit soit mise en péril par des jugements opposés, fondés sur les mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2). Le juge administratif peut toutefois s’en écarter lorsque les faits déterminants pour l'autorité administrative n'ont pas été pris en considération par le juge pénal, lorsque des faits nouveaux importants sont survenus entre-temps, lorsque l'appréciation à laquelle le juge pénal s'est livré se heurte clairement aux faits constatés ou encore lorsque le juge pénal ne s'est pas prononcé sur toutes les questions de droit (ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; 136 II 447 consid. 3.1 ; 129 II 312 consid. 2.4).

Si les faits retenus au pénal lient donc en principe l’autorité et le juge administratifs, il en va différemment des questions de droit et de l’appréciation juridique à laquelle s’est livrée le juge pénal (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/783/2022 précité consid. 3a).

5.             En l’espèce, le recourant ne remplissait pas la condition de la durée minimum de dix ans de séjour continu au moment de sa demande de régularisation en mars 2018. Contrairement à ce qu’il prétend, le moment déterminant pour le calcul des dix ans est, selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, le moment du dépôt de la demande de régularisation de séjour et non sa situation au moment de la décision de la chambre de céans. Le recourant fait certes valoir qu’il réside à Genève depuis 2007. Toutefois, les pièces au dossier, en particulier les documents médicaux de la Dre H______ des 6 décembre 2022 et 10 mars 2023 et le
procès-verbal d’audition devant la police du 23 février 2022, attestent tout au plus d’un bref séjour, de quelques semaines en moyenne, en 2007 et 2008. Devant la police, le recourant a admis n’avoir que peu travaillé en 2007 et 2008. La pétition et les lettres de soutien ne suffisent pas à corroborer un séjour ininterrompu durant cette période. S’ajoute à cela que le recourant ne remplit pas la condition de l’absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal). S’agissant d’une condition formelle de régularisation dans le cadre de l’ « Opération Papyrus », le fait qu’il conteste les éléments retenus par le MP n’y change rien.

La recourante serait quant à elle arrivée en Suisse en 2015, de sorte qu’elle ne remplit pas non plus la condition du séjour de cinq ans au minimum requis par l’« Opération Papyrus » pour les familles avec enfants scolarisés, étant précisé que les enfants sont nés en 2016, 2018 et 2022.

C’est partant à bon droit que l’OCPM a retenu que les conditions de l’« Opération Papyrus » n’étaient pas réalisées.

Sous l’angle du cas de rigueur, le recourant peut certes se prévaloir d’un séjour de longue durée. Il ressort en particulier de son extrait de compte AVS de la caisse cantonale genevoise de compensation qu’il a cotisé en Suisse de 2010 à 2020. La durée de son séjour doit toutefois être relativisée puisqu’il s’est intégralement déroulé dans l’illégalité, ou au bénéfice d'une tolérance des autorités depuis le dépôt de sa demande de régularisation.

Si le recourant n’a certes pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes, de tels éléments ne suffisent pas pour retenir l’existence d’une intégration
socio-professionnelle particulièrement réussie. Bien qu’indépendant économiquement, il ne peut se prévaloir d’une ascension professionnelle remarquable au sens de la jurisprudence, ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas. En outre, les connaissances professionnelles acquises en Suisse ne sont pas spécifiques au pays, au point qu’il ne pourrait les utiliser au Kosovo.

Contrairement à ce que fait valoir le recourant, il ne peut être fait abstraction de sa tentative d’induire en erreur l’OCPM, faits pour lesquels il a été condamné par ordonnance pénale entrée en force. Quoi qu’en dise l’intéressé, il ressort de l’ordonnance pénale du 24 février 2022 qu’il a partiellement reconnu les faits, admettant notamment n’avoir travaillé pour la société F______ que « deux à trois semaines » en 2008, puis « deux à trois jours » en 2009, alors que le contrat de travail produit à l’appui de sa demande de régularisation était de durée indéterminée, avec une entrée en fonction le 3 novembre 2008. Dans la mesure où le contrat de travail ne reflète pas la réalité de l’activité effectivement exercée, l’appréciation du MP selon laquelle le contrat de travail n’était pas authentique ne se heurte pas clairement aux faits constatés. Le recourant n’apporte du reste aucun fait nouveau important survenu entre-temps qui laisserait à penser que l’appréciation du MP se heurte clairement aux faits constatés. Quant à l’attestation non datée de la Dre H______, également à l’origine de la condamnation pénale pour faux dans les titres, la chambre de céans relèvera qu’au vu des pièces au dossier il n’est pas remis en cause que le recourant a été reçu en consultation par la Dre H______ en 2007. Est toutefois litigieux le caractère authentique du document produit par le recourant dans le cadre de sa demande de régularisation. Or, sur ce point, aucun élément ne permet de s’écarter de l’appréciation du MP, étant rappelé que l’en-tête figurant dans le document litigieux ne correspondait pas à celui de la médecin, ce que celle-ci a confirmé. Le recourant ne peut ainsi se targuer d’une intégration sociale réussie, n’ayant pas respecté l’ordre public suisse. Comme l’a relevé le TAPI, le recours à la production de faux titres dénote une volonté d’induire les autorités en erreur et de violer les dispositions relatives, notamment, aux conditions d’octroi d’un titre de séjour.

Enfin, il n’a pas invoqué de relations particulièrement intenses avec la Suisse, les seules présences de sa sœur et de son cousin, avec lesquels il « partage les vicissitudes de la vie », ne suffisant pas. Ainsi, et quand bien même son intégration sociale apparaît réussie, comme en témoignent les nombreuses lettres de soutien et la pétition produite contenant près de 100 signatures, les éléments au dossier ne permettent pas de retenir que sa réintégration au Kosovo serait fortement compromise. Même à retenir que le recourant a quitté le Kosovo alors qu’il était âgé de 22 ans, ce qui, comme on l’a vu, n’est pas démontré, force est de constater qu’il y a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Or, ces années apparaissent comme essentielles, puisque c'est précisément pendant cette période que se forge la personnalité, en fonction notamment de l'environnement culturel. À cet égard, il sied de noter que depuis sa demande de régularisation en 2018, il a requis neuf visas de retour pour se rendre au Kosovo. Ainsi, et comme l’a retenu le TAPI, il y a lieu donc lieu d’en déduire qu’il bénéficie encore d'un réseau – familial ou social – au Kosovo, où résident en particulier ses parents et un frère. Le fait que son père, malade, ne soit pas en mesure de l’accueillir ne signifie pas encore qu’il ne puisse être réintégré dans son pays d’origine. Au contraire, il pourra utiliser les connaissances acquises en Suisse en termes de langue et de profession pour trouver une activité lui permettant de subvenir aux besoins de sa famille. Ainsi, en cas de retour au Kosovo, il ne devrait, après une certaine période d’adaptation, pas rencontrer de difficultés insurmontables de réintégration.

Ce constat vaut a fortiori pour la recourante qui ne prétend pas maîtriser le français et n’a jamais travaillé en Suisse. Certes, les grossesses et naissances de ses trois enfants ont limité ses possibilités d’emploi. Il n’en reste pas moins qu’elle ne démontre pas non plus s’être investie d’une quelconque manière dans la vie culturelle ou associative du pays, ni n’établit qu’elle se serait créé des attaches spécialement intenses en Suisse, la seule présence de son cousin, avec qui elle « partage les vicissitudes de la vie » ne suffisant pas. Il faut donc considérer que c'est au Kosovo que l’intéressée a ses principales attaches sociales et culturelles. Rien ne semble ainsi s'opposer à sa réintégration au Kosovo, pays où elle a passé son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte.

Reste à examiner la situation des enfants, étant rappelé que, selon la jurisprudence précitée, celle-ci est un aspect, certes important, de l'examen de la situation de la famille, mais ne constitue pas le seul critère.

Âgé de 7 ans, C______ est scolarisé à Genève depuis plus de trois ans. Il n’est toutefois pas encore entré dans l’adolescence, période déterminante pour la formation de la personnalité. Compte tenu de son âge, il a créé à Genève son cercle d’amis et ses liens sociaux. Il est ainsi indéniable que sa réintégration requerra de sa part un important effort. Cependant, sa situation ne saurait être examinée pour elle seule, mais doit être appréciée au regard de l’ensemble des circonstances l’entourant. Il faut, en particulier, tenir compte du fait qu’en cas de retour au Kosovo, C______ sera accompagné de ses parents et de ses sœurs. Sa famille nucléaire sera ainsi à ses côtés, étant relevé qu’au vu de l’âge d’C______, l’attachement à celle-ci demeure encore important. Enfin, le fait qu’il ne maîtrise qu’imparfaitement la langue albanaise n'apparaît pas un obstacle insurmontable pour un enfant scolarisé dans les degrés primaires, ceux-ci ayant notoirement un fort potentiel d'adaptation.

S’agissant de son état de santé, les recourants ne démontrent pas qu’C______ ne pourrait pas bénéficier d’un suivi logopédique en cas de retour au Kosovo. Conformément à la jurisprudence susmentionnée, on peut au contraire retenir l’existence de structures de prise en charge thérapeutique au Kosovo, de classes spéciales attachées à des écoles classiques et d’écoles spéciales pour les enfants en difficulté, étant rappelé que le fait que la qualité des soins et de l’encadrement ne soit pas aussi bonne qu’en Suisse n’est pas déterminant selon la jurisprudence précitée.

Dans ces conditions, sa réintégration n’apparaît pas gravement compromise.

Sa sœur, D______, âgée de cinq ans, n’est scolarisée que depuis un an. Elle reste ainsi encore attachée dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son processus d’intégration au milieu socio-culturel en Suisse n’est ainsi pas à ce point profond et irréversible qu'un retour au Kosovo constituerait un déracinement complet. Elle pourra compter sur l’aide de ses parents et de ses frère et sœur pour s’adapter à son nouveau mode de vie. Ces considérations valent à plus forte raison pour E______, âgée d’un an et demi, et dont l’intégration sociale n’a pas encore commencé.

Dans ces circonstances, il n’apparaît pas que les difficultés auxquelles les recourants devront faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour eux plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants kosovars retournant dans leur pays. Les recourants ne présentent donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en leur faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est toutefois pas le cas en l’espèce. 

6.             Les recourants invoquent également le droit au respect de leur vie privée.

6.1 Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2). Lorsque l'étranger réside depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2023 du 3 mai 2023
consid. 5.3.5). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

Récemment le Tribunal fédéral a expressément admis que la reconnaissance finale d’un droit à séjourner en Suisse issu du droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 § 1 CEDH pouvait s’imposer même sans séjour légal de dix ans à condition toutefois que le requérant atteste d’une intégration particulièrement réussie (ATF 144 I 266 consid. 3.8 et 3.9 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2022 du 3 mai 2023 consid. 5.3).

6.2 En l'espèce, les recourants n'ont jamais été au bénéfice d'un titre de séjour, si bien que la première hypothèse prévue par la jurisprudence, soit un séjour légal d'au moins dix ans, n'est pas remplie. En outre, comme analysé au considérant précédent, on ne saurait décrire leur intégration comme exceptionnelle ou particulièrement réussie.

Le grief de violation de l'art. 8 CEDH doit dès lors être écarté.

7.             Reste à examiner l’exigibilité du renvoi.

7.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64 let. d al. 1 LEI).

Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de
celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiées et réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, Berne 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du TAF E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

7.2 S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci‑après : CourEDH), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un malade physique ou mental est exceptionnellement susceptible de soulever une question sous l'angle de l'art. 3 CEDH si la maladie atteint un certain degré de gravité et qu'il est suffisamment établi que, en cas de renvoi vers l'État d'origine, la personne malade court un risque sérieux et concret d'être soumise à un traitement interdit par cette disposition (ACEDH N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05, § 29 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2). C'est notamment le cas si sa vie est en danger et que l'État vers lequel elle doit être expulsée n'offre pas de soins médicaux suffisants et qu'aucun membre de sa famille ne peut subvenir à ses besoins vitaux les plus élémentaires (ACEDH N. contre Royaume-Uni précité § 42 ; ATF 137 II 305 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 4.1 ; 2C_1130/2013 du 23 janvier 2015 consid. 3).

Le renvoi d'un étranger malade vers un pays où les moyens de traiter sa maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'État contractant reste compatible avec l'art. 3 CEDH, sauf dans des cas très exceptionnels, en présence de considérations humanitaires impérieuses (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; Emre c. Suisse du 22 mai 2008, req. n° 42034/04, § 89). Dans un arrêt du 13 décembre 2016 (ACEDH Paposhvili c. Belgique, req. n° 41738/10, § 173 ss, not. 183), la Grande Chambre de la CourEDH a clarifié son approche en rapport avec l'éloignement de personnes gravement malades et a précisé qu'à côté des situations de décès imminent, il fallait entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever un problème au regard de l'art. 3 CEDH les cas d'éloignement d'une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou de défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ; ces cas correspondent à un seuil élevé pour l'application de l'art. 3 CEDH dans les affaires relatives à l'éloignement des étrangers gravement malades. La CourEDH a aussi fixé diverses obligations procédurales dans ce cadre (ACEDH Savran c. Danemark du 7 décembre 2021, req. n° 57467/15, § 130).

7.3 En l'espèce, dès lors qu’il a refusé de soumettre le dossier des recourants au SEM en vue de la délivrance d’autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM devait prononcer leur renvoi. Les recourants n’invoquent aucun élément permettant de retenir que leur renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé. S’agissant de la situation d’C______, sans minimiser les difficultés d’apprentissage auxquelles il est confronté, elles ne sont pas d'une gravité telle qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, son état de santé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité. De plus, comme déjà examiné, des possibilités de poursuivre ses traitements existent au Kosovo, quand bien même la qualité de ceux-ci serait inférieure à celle qui prévaut en Suisse.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

8.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

******

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 septembre 2023 par A______ et B______, agissant pour eux-mêmes et pour leurs enfants mineurs C______, D______ et E______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 août 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yann Arnold, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.