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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3088/2022

ATA/494/2024 du 16.04.2024 sur JTAPI/506/2023 ( ICC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3088/2022-ICC ATA/494/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 avril 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______, B______et C______ recourantes
représentées par Me Claude BRECHBUHL, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 mai 2023 (JTAPI/506/2023)


EN FAIT

A. a. D______, né en 1930, et A______, née en 1943, se sont mariés en 1971 en France.

b. De leur union sont issues C______, née en 1972, et B______née en 1974.

c. En 1990, les époux AD______ ont acquis en copropriété, pour moitié chacun, un appartement sis à Genève (ci-après : l’immeuble).

d. Par son testament public du 24 avril 2003, instrumenté par Me E______, notaire, D______ a préalablement rappelé que les époux avaient adopté le régime matrimonial de la communauté universelle.

Il a soumis sa succession au droit suisse et a institué son épouse en tant qu'héritière du « maximum de biens » que la loi lui permettait de lui transmettre, tant en pleine propriété qu'en usufruit, y compris l'usufruit de toute la part qui serait dévolue à leurs descendants communs conformément à l'art. 473 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), en lui laissant la faculté de choisir l'une de ces alternatives : 5/8èmes en pleine propriété ou 1/4 en pleine propriété (ou toute autre quotité disponible en pleine propriété admise par la loi ou le Tribunal fédéral) et le solde en usufruit  ou l'usufruit de la totalité de sa succession.

Il a également précisé que le solde de sa succession devrait revenir, à parts égales, à ses deux filles, B______et C______, et a prévu, à titre de règles de partage au sens des art. 608 et 612 CC, que son épouse pourrait demander l’attribution, en pleine et exclusive propriété et en imputation sur sa part des droits qu'il détiendrait dans le bien immobilier qui constituerait leur logement commun au jour de son décès et de tous les meubles meublants et objets mobiles garnissant leur logement commun, en précisant qu’en lieu et place de la propriété, son épouse pourrait, à sa libre discrétion, demander l'attribution de ses biens, en usufruit ou en droit d'habitation.

e. D______ est décédé à Genève le ______ 2020.

B. a. Le 7 mai 2020, par devant Me E______, A______ a déclaré opter pour 5/8èmes, en pleine propriété, de la succession de son défunt époux.

b. À teneur de l’attestation d’héritier établie par Me E______ :

-          « suivant contrat de mariage reçu par Me E______ le 24 avril 2003, les époux AD______ ont confirmé vouloir rester soumis au régime de la communauté de biens universelle du droit français et convenu qu'au décès du premier d'entre eux, la communauté de biens devra se partager par moitié (1/2) entre l'époux survivant et les héritiers de l'époux décédé » ;

-          feu D______ avait laissé pour ses seules héritières légales et réservataires son épouse et ses deux filles et sa succession leur avait été dévolue à raison de, respectivement, 5/8èmes et 3/16èmes.

c. Le 18 août 2021, par le biais de Me E______, A______ et ses deux filles ont requis du registre foncier (ci-après : RF) l’inscription, en copropriété, de leurs parts respectives (5/8èmes et 2 fois 3/16èmes) pour la moitié de l’immeuble qu’elles avaient héritée de feu D______.

d. Par bordereau de droits d’enregistrement du 13 septembre 2021, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé les opérations « mutation immobilière en copropriété » et « partage » portant sur une valeur de CHF 3'656’174.-, instrumentées par l’acte du 18 août 2021. Me E______ était désigné dans ce bordereau comme débiteur des droits dus sur ces opérations, soit CHF 21.- pour la première et CHF 7'678.90 pour la seconde, y compris les centimes additionnels.

C. a. Le 8 octobre 2021, Me E______ a formé réclamation contre ce bordereau, au motif qu’aucun partage n’était intervenu entre les héritières.

b. Par décision du 22 octobre 2021, l'AFC-GE a annulé les droits de partage successoral (CHF 3'656’174.-) et maintenu ceux dus pour la mutation immobilière (CHF 10.- plus les centimes additionnels de CHF 11.-).

Pour le surplus, elle a expliqué qu’en application de la jurisprudence du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 28 juin 2021 (JTAPI/662/2021), elle notifierait directement à A______ les droits d’enregistrement dus au titre de la liquidation du régime matrimonial.

c. Par bordereau de droits d’enregistrement du 21 octobre 2021, l'AFC-GE a taxé l’opération « liquidation du régime matrimonial » portant sur une valeur de CHF 3'656’174.-. A______ y était désignée comme débitrice des droits dus sur cette opération, soit CHF 7'678.90. La « date de l’acte » concerné était celle du « 18 août 2021 ».

D. a. Le 16 novembre 2021, A______ et ses deux filles ont formé conjointement réclamation contre ce bordereau, au motif qu’« à ce stade des formalités relatives à la succession, aucun partage matrimonial ni successoral n’[était] encore intervenu entre les héritières ».

Avant le décès de son mari, A______ était déjà inscrite au RF en tant que copropriétaire de l’immeuble, à raison de 50%. La réquisition soumise à ce registre se bornait à refléter une situation de droit découlant d'une option reconnue par le législateur, et non de la volonté des héritières de procéder au partage anticipé du régime matrimonial et de la succession du défunt. Cette réquisition concernait uniquement le transfert de la part de copropriété du défunt en faveur de ses héritières. Aucun accord n’était intervenu et aucune opération de liquidation du régime matrimonial et de partage n’avait été entreprise entre les héritières, de sorte que la perception des droits de partage était, en l’état, injustifiée.

L'AFC-GE n’avait jamais prélevé de droits de partage au stade de la mutation des droits immobiliers en faveur des héritiers, mais uniquement lors du dépôt de l’acte de partage relatif à la liquidation du régime matrimonial ou de la succession. Les conditions de changements de sa pratique en la matière n’étaient pas réunies, aucun motif sérieux ne justifiant une perception anticipée de ces droits, qui n’étaient dus que lors du dépôt de l’acte de partage.

Enfin, leur situation n’était pas assimilable à celle de l'affaire jugée par le TAPI le 28 juin 2021. En effet, l’acte que Me E______ avait déposé au RF le 18 août 2021 ne comportait aucune attribution pouvant être assimilée à un partage.

b. Par décision du 26 août 2022, l'AFC-GE a rejeté la réclamation.

Le décès d’une personne entraînait la dissolution du mariage et la liquidation du régime matrimonial. La liquidation du régime de la participation aux acquêts était nécessaire pour pouvoir déterminer le patrimoine personnel du de cujus. Ainsi, en l’occurrence, la mutation en hoirie sur la part de copropriété du défunt avait été taxée conformément à l'art. 62 al. 1 let. b de la loi sur les droits d’enregistrement du 9 octobre 1969 (LDE - D 3 30), puisqu'il n'était pas possible de muter un immeuble au nom de l'hoirie sans liquider le régime matrimonial. Peu importait le fait que cet immeuble était détenu en copropriété par les époux, s'il faisait partie de la masse des acquêts. Il appartenait ensuite aux héritiers, conformément à l'art. 67 LDE, de fixer leurs parts sur l'immeuble hérité s’ils ne souhaitaient pas rester en indivision.

E. a. Par acte du 21 septembre 2022, A______ et ses deux filles ont recouru conjointement auprès du TAPI contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que seul un droit fixe de CHF 10.- (plus centimes additionnels) soit perçu sur la mutation immobilière au sens de l’art. 67 LDE.

Reprenant leur argumentation précédente, elles ont notamment ajouté que lorsque les conditions de l'art. 67 LDE étaient réalisées – comme en l'espèce, puisque l'épouse survivante avait simplement fait le choix de recevoir les 5/8èmes des biens dépendant de la succession, la perception des droits de partage étant exclue.

En l'absence d'un partage définitif, l'art. 63 LDE n'était pas applicable. En l'espèce, la réquisition de mutation déposée au RF ne contenait aucune stipulation permettant d'établir la volonté des parties de procéder à une opération de partage ou de liquidation du régime matrimonial entre les héritières. Par conséquent, la perception de droit de partage était, en l'état, contraire au caractère formaliste de la LDE.

b. Le 21 novembre 2022, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Reprenant les considérants d'un jugement du TAPI du 28 juin 2021, elle a relevé qu’en l’espèce, il y avait lieu de distinguer deux opérations, soumises à des dispositions légales distinctes, soit la mutation de l'immeuble au nom de la communauté héréditaire [recte : mutation en copropriété entre héritiers] et la liquidation du régime matrimonial, et non le partage successoral. La première de ces deux opérations avait été taxée conformément à l'art. 67 al. 2 [recte : al. 1] LDE et la seconde en application de l'art. 62 al. 1 let. b LDE.

Pour déterminer quelle était la masse successorale de feu D______, il était logiquement nécessaire de liquider d'abord son régime matrimonial. C’était ainsi A______ qui était débitrice des droits d'enregistrement sur cette liquidation (art. 166 al. 1 LDE), étant précisé que cette opération lui avait profité (art. 163 al. 2 LDE) et qu'elle était tenue de la déclarer à l'enregistrement (art. 138 LDE), ce qu'elle n'avait pas fait. Le fait qu’elle eût été déjà inscrite en tant que copropriétaire de l’immeuble avant le décès de son mari n'y changeait rien. Partant, c'était à juste titre qu’un bordereau de droits d'enregistrement sur la liquidation du régime matrimonial lui avait été notifié sur la base de l'art. 62 al. 1 let. b LDE.

c. Par courrier du 27 mars 2023, le TAPI a demandé à l'AFC-GE de lui transmettre une copie de la déclaration de succession de feu D______ du 19 mai 2021, ainsi que tout document lui ayant permis d’arrêter la valeur de la liquidation du régime matrimonial à CHF 3'656'174.-.

d. Le 3 avril 2023, l'AFC-GE a transmis au TAPI une copie de la déclaration demandée, à teneur de laquelle l’avoir successoral net s'élevait à CHF 1'528’087.-, après une « reprise du conjoint survivant » de CHF 1'528’087.-, au titre de « liquidation du régime matrimonial ».

e. Par jugement du 8 mai 2023, le TAPI a rejeté le recours en tant qu'il était recevable.

C______et B______ne pouvaient se prévaloir d'un intérêt digne de protection pour contester des droits d'enregistrement dus exclusivement, selon la décision attaquée, par leur mère. Elles ne disposaient donc pas de la qualité pour recourir contre cette décision, étant précisé que celle qui les concernait, du 13 septembre 2021, avait été annulée à la suite de leur contestation.

Dans un jugement que l'AFC-GE avait appliqué en l’espèce, le TAPI avait retenu que pour pouvoir requérir du RF l'inscription de mutation en communauté héréditaire d’un immeuble, il fallait tout d'abord déterminer dans quelle mesure celui-ci faisait partie de la masse successorale, ce qui impliquait nécessairement la liquidation préalable du régime matrimonial. Cette conclusion ne permettait toutefois pas de considérer le notaire comme débiteur des droits d’enregistrement sur cette liquidation, dans la mesure où l’acte qu’il avait instrumenté ne portait manifestement pas sur celle-ci, même s’il en tenait compte implicitement. C’était en effet seule l’épouse survivante qui en était débitrice et responsable (art. 166 al. 1 LDE), dès lors que cette opération lui profitait (art. 163 al. 2 LDE) et qu’elle était tenue de la déclarer à l’enregistrement (art. 138 LDE).

Pour qu’une opération parmi celles visées par l’art. 1 al. 1 LDE soit soumise aux droits d’enregistrement, elle ne devait pas nécessairement être stipulée dans un acte notarié, ni du reste dans un quelconque acte formel. En effet, par son expression « toute opération ayant un caractère civil », cette disposition visait non seulement les opérations instrumentées formellement dans un acte écrit, mais également celles qui ne l'étaient pas. Ainsi, il suffisait que ces opérations se réalisent pour qu’elles soient soumises à l’obligation déclarative au sens de l’art. 138 LDE, cette disposition visant tous les actes « et opérations » dont l’enregistrement était obligatoire. Il était dès lors erroné d’affirmer que les droits n'étaient dus que lors du « dépôt de l’acte de partage » relatif à la liquidation du régime matrimonial.

En l'occurrence, la liquidation du régime matrimonial avait bel et bien eu lieu. En effet, comme indiqué dans le testament du 24 avril 2003, les époux AD______ avaient stipulé « qu'au décès du premier d'entre eux, la communauté de biens devra[it] se partager par moitié », comme le prévoyait au demeurant l’art. 241 al. 1 CC. Par ailleurs, la déclaration de succession de feu D______ du 19 mai 2021 ne pouvait être déposée, conformément à l’art. 29 LDS, sans qu’on y indiquât une déduction pour liquidation du régime matrimonial. Elle démontrait que cette liquidation avait eu lieu et qu’elle s’était réalisée par un partage par moitié des biens y relatifs.

Rien ne permettait enfin d’exclure l’application de l’art. 62 al. 1 let. b LDE lorsque, comme en l’espèce, une liquidation du régime matrimonial se réalisait sans qu’il fût nécessaire de partager objectivement les biens y relatifs, parce qu’intervenant entre les membres d’une même famille. La LDE ne prévoyait en effet aucune exonération ou imposition privilégiée pour de telles situations, et un tel avantage ne se justifiait pas non plus sous l’angle du principe de l’égalité de traitement.

F. a. Par acte posté le 6 juin 2023, A______, C______ et B______ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, au constat « qu'il n'exist[ait] dans le dossier aucun document établissant qu'une liquidation du régime matrimonial des époux ou qu'un partage de la succession du défunt auraient été voulus ou seraient intervenus », à la perception d'un unique droit fixe de CHF 10.- et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'« exclusion » de la procédure des filles du défunt ne se justifiait d'aucune manière, ces dernières ayant un intérêt légitime à ce qu'il soit constaté qu'elles n'avaient aucunement consenti à ce qu'un partage des biens de leur père intervienne sans leur accord.

Un des jugements du TAPI que ce dernier citait pour légitimer son raisonnement, daté du 19 décembre 2022, ne pouvait pas être utilisé comme précédent car il faisait l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative.

Le principe de la légalité devait être strictement observé et exigeait une interprétation restrictive des actes et opérations donnant lieu à la perception de droits d'enregistrement. Aucune pièce du dossier n'établissait la volonté de A______ de procéder immédiatement après le décès de son mari à une liquidation du régime matrimonial des époux. Elle n'avait au contraire entrepris aucune démarche en ce sens. La perception de droits d'enregistrement était exclue en l'absence d'acte écrit faisant état de la volonté des parties de procéder à une liquidation du régime matrimonial des époux. Il fallait que les personnes concernées par un partage aient effectivement voulu procéder à des attributions.

Le TAPI ne s'était pas prononcé sur la question du changement de pratique. Il avait appliqué les principes contenus dans son jugement du 28 juin 2021 alors que la situation d'espèce était différente, le bien immobilier concerné étant au seul nom du défunt et une première opération ayant servi à transférer une moitié du bien à l'épouse à titre de liquidation partielle du régime matrimonial, alors que A______ était déjà inscrite comme propriétaire pour moitié.

b. Le 21 juin 2023, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le recours ne contenait aucun argument nouveau susceptible d'influer sur le sort du litige. Le jugement du TAPI du 19 décembre 2022 avait été confirmé par la chambre administrative le 30 mai 2023.

La déclaration de succession du 19 mai 2021 mentionnait un avoir successoral brut de CHF 3'656'174.-, qui s'élevait à CHF 1'528'087.- nets après déduction du même montant pour liquidation du régime matrimonial. Cela démontrait que ladite liquidation avait eu lieu, modifiant le patrimoine du de cujus au jour du décès, et donc la composition de la masse successorale à répartir dans le cadre de la succession. Il appartenait donc à A______ de déclarer cette opération à l'enregistrement en vertu de l'art. 138 LDE, ce qu'elle n'avait pas fait.

c. Par réplique du 20 juillet 2023, les recourantes ont persisté dans leurs conclusions, réitérant leur argumentation au sujet de la nécessité d'une interprétation restrictive des opérations soumises à l'impôt et de l'absence de tout acte écrit en l'occurrence.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA – E 5 10).

2.             L'acte de recours est libellé au nom de A______ et de ses deux filles.

2.1 À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/1254/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3a et les arrêts cités). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/905/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3b et l'arrêt cité).

2.2 Le recourant doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué, qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 143 II 506 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2019 du 19 août 2020 consid. 1.2).

Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 143 II 578 consid. 3.2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_536/2021 consid. 1 ; ATA/303/2023 du 23 mars 2023 consid. 2a). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1). Tel est le cas notamment si le recours vise les motifs de la décision et que, même admis, il n'y aurait pas lieu d'en modifier le dispositif (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1067/2014 du 18 mars 2016 consid. 2.2.2 ; ATA/346/2023 du 4 avril 2023 consid. 3a).

2.3 Cet intérêt doit encore être direct. Selon la jurisprudence, un intérêt seulement indirect à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée n'est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4).

Le recourant doit démontrer que sa situation factuelle ou juridique peut être avantageusement influencée par l’issue du recours (ATA/14/2022 du 11 févier 2022 consid. 5c). Tel n’est pas le cas de celui qui n’est atteint que de manière indirecte, médiate, ou encore « par ricochet » (ATF 135 I 43 consid. 1.4 ; 133 V 239 consid. 6.2 ; ATA/1821/2019 du 17 décembre 2019). Un intérêt seulement indirect à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée n’est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_446/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.3 ; 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1 ; ATA/898/2023 du 22 août 2023 consid. 2.1 ; ATA/868/2022 du 30 août 2022 consid. 4c).

2.4 En l'espèce, le TAPI a indiqué dans les considérants de son jugement que seul le recours interjeté par A______, à savoir la débitrice des droits d'enregistrement litigieux, était recevable. Toutefois, en rejetant dans son dispositif le recours en tant qu'il était recevable, le TAPI est entré en matière sur le recours des trois recourantes et l'a rejeté.

Cela étant, son raisonnement sur l'irrecevabilité du recours en tant que formé par C______et B______ne prête pas le flanc à la critique. En effet, le litige porte sur un impôt dont elles ne sont pas les débitrices. Elles n'ont ainsi qu'un intérêt au mieux indirect – et donc insuffisant – à l'annulation de la décision de taxation (qui porte sur la mise à charge de droits d'enregistrement et non sur une constatation en matière de partage de la succession), si bien que leur recours sera déclaré irrecevable.

Il sera en revanche entré en matière sur le recours de A______, qui est recevable.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit du bordereau de droits d’enregistrement du 21 octobre 2021 pour un montant de CHF 7'678.90 en raison de la liquidation du régime matrimonial.

3.1 Les droits d’enregistrement sont un impôt qui frappe toute pièce, constatation, déclaration, condamnation, convention, transmission, cession et en général toute opération ayant un caractère civil ou judiciaire, dénommées « actes et opérations », soumises soit obligatoirement soit facultativement à la formalité de l’enregistrement ; ils sont perçus par l’administration de l’enregistrement et des droits de succession du canton de Genève (ci-après : administration de l’enregistrement ; art. 1 al. 1 LDE).

Sont notamment soumis obligatoirement à l’enregistrement les actes, écrits et pièces portant partage de successions ouvertes dans le canton de Genève (art. 3 let. f LDE), ainsi que les actes, écrits et pièces portant attribution de biens résultant de changement ou de liquidation d’un régime matrimonial lorsque les époux, ou l’un d’entre eux, sont domiciliés ou résident dans le canton de Genève (art. 3 let. g LDE).

Le transfert au conjoint survivant ou l’inscription à son nom, en propriété, en
nue-propriété ou en usufruit, de droits successoraux autres que ceux que lui attribuent la dévolution légale ou les dispositions testamentaires, est soumis aux dispositions de la LDE (art. 11 al. 4 LDE).

3.2 Selon l’art. 8 LDE, est déterminante pour la fixation des droits la nature réelle des actes et opérations ainsi que celle des stipulations qui y sont contenues (al. 1). Lorsque dans un acte ou une opération quelconque, il existe plusieurs dispositions indépendantes ou ne découlant pas nécessairement les unes des autres, chacune d’elles, selon sa nature, est soumise au droit fixé par la LDE (al. 2). Tout acte ou opération qui ne contient que l’exécution ou la confirmation d’actes ou opérations antérieurement enregistrés, ne supporte qu’un droit fixe de CHF 2.- (al. 3). Il en est de même des actes refaits entre les mêmes parties, à la condition qu’aucun changement ne soit apporté ni à la nature des conventions, ni aux biens qui en font l’objet, ni aux valeurs stipulées (al. 4). Le droit fixe est dû autant de fois qu’il y a de personnes ayant un intérêt distinct qui paraissent dans un acte, sauf si elles agissent en qualité de cohéritiers, de coassociés, de copropriétaires, de colocataires ou de codébiteurs (al. 5). Il appartient à celui qui prétend bénéficier d’une réduction ou d’une exonération de droits de fournir toutes justifications nécessaires et d’en faire état dans l’acte soumis à l’enregistrement (al. 6). Cette déclaration est également obligatoire en cas de nouvelle donation (al. 7). La perception des droits proportionnels et progressifs suit les sommes et valeurs de CHF 10.- en 10.- inclusivement et sans fraction, sans que, dans aucun cas, ce droit puisse être inférieur à CHF 2.- (al. 8). Sous réserve des exceptions prévues par la LDE, les droits d’enregistrement sont définitivement acquis à l’État de Genève et ne peuvent être restitués (al. 9).

À teneur de l’art. 62 al. 1 LDE, sous réserve de l’exception mentionnée à l’art. 6 let. t LDE, est soumis obligatoirement à l’enregistrement au droit de 1‰ et au minimum de CHF 10.- : le partage entre héritiers de biens dépendant d’une succession, quelle que soit leur nature, y compris ceux qui sont soumis au rapport (let. a) ; et le partage des biens matrimoniaux existant au moment du changement ou de la liquidation du régime matrimonial, que ce partage ait lieu après le décès de l’un des conjoints ou de leur vivant (let. b).

L’art. 67 LDE prévoit que l’acte de mutation en copropriété entre héritiers d’immeubles dépendant d’une succession n’est pas soumis au droit de partage, mais à un droit fixe de CHF 10.-, à condition toutefois que l’inscription au RF soit faite conformément aux droits successoraux des héritiers (al. 1). L’acte de mutation en communauté héréditaire, en communauté prolongée ou en communauté en liquidation n’est taxé qu’au même droit fixe (al. 2).

Les biens faisant l’objet du partage successoral, du changement ou de la liquidation du régime matrimonial sont taxés à leur valeur vénale à la date du partage, du changement ou de la liquidation du régime matrimonial, sans tenir compte du passif successoral ou matrimonial ; les biens qui font l’objet d’un rapport sont taxés à la valeur admise pour la perception des droits de succession (art. 63 LDE).

Si la constitution ou le transfert de servitude ne donne pas lieu à perception d’un droit proportionnel, il est perçu un droit fixe de CHF 2.- par propriétaire intéressé ayant un intérêt distinct (art. 47 al. 3 LDE).

3.3 D’après l’art. 138 LDE, les parties sont tenues de faire enregistrer tous les actes et opérations ainsi que les déclarations de transfert et d’autres opérations dont l’enregistrement est obligatoire en application de la LDE (al. 1). Cette obligation incombe solidairement au donateur et au donataire, aux cohéritiers en matière de partage successoral et aux époux dont le régime matrimonial est modifié ou liquidé (al. 2).

3.4 Selon les travaux préparatoires du projet de loi 2'859 sur les droits d'enregistrement (ci-après : PL 2'859), « le partage est une opération qui a pour objet de convertir pour chacun des indivis ou copropriétaires, le droit général ou indivis qu'ils avaient sur la totalité des choses communes, en droit exclusif sur une ou plusieurs choses déterminées (...). Le partage peut avoir lieu notamment entre héritiers, entre époux qui liquident leur régime matrimonial, entre associés, entre membres d'une indivision ou d'une communauté prolongée, entre colégataires, codonataires, entre copropriétaires (art. 646 et 651 CC) ou propriétaires en commun (art. 652 et 654 CCS) » (MGC 1965 II 905).

3.5 Le régime de la participation aux acquêts est dissous au jour du décès d’un époux ou au jour du contrat adoptant un autre régime (art. 204 al. 1 CC). Chaque époux reprend ceux de ses biens qui sont en possession de son conjoint (art. 205 al. 1 CC).

Le régime de la communauté de biens est dissous au jour du décès d’un époux, au jour du contrat adoptant un autre régime ou au jour de la déclaration de faillite d’un époux (art. 236 al. 1 CC). Lorsque la communauté de biens prend fin par le décès d’un époux ou par l’adoption d’un autre régime, elle se partage par moitié entre les époux ou leurs héritiers (art. 241 al. 1 CC).

La dissolution met fin au régime et ouvre la voie à la liquidation de celui-ci. C’est le moment de la dissolution qui est décisif pour déterminer la composition des masses de biens en vue de la liquidation ; les biens qui entrent dans le patrimoine des époux après ce moment, de même que les dettes qui naissent postérieurement à cette date, ne sont en principe pas pris en considération. Lorsqu’elle est nécessaire, l’évaluation de ces biens a au contraire lieu à l’époque de la liquidation du régime (Paul-Henri STEINAUER, in Pascal PICHONNAZ/Bénédict FOËX/Denis PIOTET [éd.], Commentaire romand - Code civil I, 2010, n. 3 ad art. 204).

La liquidation du régime matrimonial doit nécessairement précéder celle de la succession. En effet, les biens laissés par un époux à son décès comprennent ses créances contre le conjoint, en particulier son éventuelle créance de participation au bénéfice de l’union conjugale. De même, les dettes de l’époux décédé comprennent celles envers le conjoint, en particulier ce qu’il doit éventuellement à celui-ci au titre de participation au bénéfice de l’union conjugale. Ces créances, respectivement des dettes, sont établies, avant la liquidation de la succession proprement dite, par la liquidation du régime matrimonial entre les héritiers de l’époux décédé et le conjoint survivant. Cette opération préalable a un caractère matrimonial, et non successoral (Paul-Henri STEINAUER, op. cit., n. 5 ad art. 204).

La liquidation du régime matrimonial de la participation aux acquêts débute avec la dissociation des patrimoines des époux, suivie de la reprise de ses biens propres par chacun des époux, puis de l’établissement du compte d’acquêts de chaque époux, avant de se terminer par la répartition des bénéfices et l’établissement éventuel d’un état final des créances entre époux (art. 205 ss CC) ; pour le régime de la communauté de biens, le mode de partage est prévu aux art. 243 ss CC.

3.6 Selon l’art. 602 CC, s’il y a plusieurs héritiers, tous les droits et obligations compris dans la succession restent indivis jusqu’au partage (al. 1). Les héritiers sont propriétaires et disposent en commun des biens qui dépendent de la succession, sauf les droits de représentation et d’administration réservés par le contrat ou la loi (al. 2). À la demande de l’un des héritiers, l’autorité compétente peut désigner un représentant de la communauté héréditaire jusqu’au moment du partage (al. 3).

D’après l’art. 473 CC, quel que soit l’usage qu’il fait de la quotité disponible, le conjoint ou le partenaire enregistré peut, par disposition pour cause de mort, laisser au survivant l’usufruit de toute la part dévolue à leurs descendants communs (al. 1). Cet usufruit tient lieu du droit de succession attribué par la loi au conjoint ou au partenaire enregistré survivant en concours avec ces descendants. Outre cet usufruit, la quotité disponible est de la moitié de la succession (al. 2).

En acceptant le legs d’usufruit, le conjoint perd le droit de demander sa réserve en propriété. Cet usufruit tient lieu du droit de succession attribué par la loi. Cette acceptation a également comme effet que, lorsque l’usufruit porte sur toute la succession, le conjoint n’a pas la qualité d’héritier, mais uniquement celle de légataire. Dans ce cas, le conjoint n’est pas membre de la communauté héréditaire et ne répond pas des dettes du de cujus (Paul-Henri STEINAUER in Pascal PICHONNAZ/Bénédict FOËX/Denis PIOTET [éd.], Commentaire romand - Code civil II, 2016, n. 9 ad art. 473 CC).

Entre le moment de l’ouverture de la succession et celui du partage, les héritiers forment une communauté héréditaire ou hoirie, dont eux seuls font partie (Jean GUINAND/Martin STETTLER/Audrey LEUBA, Droit des successions, 6e éd., 2005, n. 425).

3.7 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 144 V 313 consid. 6.1 ; 137 IV 180 consid. 3.4).

3.8 Selon le Tribunal fédéral, lorsque le droit fiscal renvoie à des notions de droit civil, la question est de savoir si le sens donné en droit civil est aussi déterminant en droit fiscal ou si le droit fiscal doit préférer une interprétation autonome qui se fonde uniquement sur la réalité économique. La doctrine admet en règle générale que l'on peut s'écarter des définitions de droit civil lorsque des motifs fondés justifient une interprétation autonome (arrêt du Tribunal fédéral 2C_277/2011 du 17 octobre 2011 consid. 4.2.3 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, p. 69). Il faut à chaque fois interpréter la norme fiscale afin de voir si elle entend ou non reprendre la notion correspondante de droit civil. Si, après interprétation de la norme au moyen des méthodes reconnues, on arrive à la conclusion que le droit fiscal renvoie indiscutablement à des institutions créées par le droit civil, le sens de droit civil est alors aussi déterminant en droit fiscal (Xavier OBERSON, op. cit., p. 69). En principe, la loi fiscale lie l'imposition des successions et donations aux transferts et institutions du droit civil ; elle peut s'écarter du droit civil pour donner une définition propre des cas d'imposition mais, en vertu du principe de la légalité de l'impôt, elle doit le dire expressément (Jean-Marc RIVIER, Droit fiscal suisse, Neuchâtel 1998, p. 522).

3.9 Dans un jugement récent du 28 juin 2021 (JTAPI/662/2021) que l'intimée a appliqué à la présente cause pour rendre sa décision sur réclamation, le TAPI a retenu que le décès de l’époux impliquait en soi la dissolution et la liquidation du régime matrimonial. Pour pouvoir requérir du RF l’inscription des opérations instrumentées par l’acte notarié en question intitulé « déclaration de mutation cadastrale et délivrance de legs testamentaire d’un usufruit », lesquelles ne concernaient qu’un élément appartenant à la masse successorale, il fallait tout d’abord déterminer dans quelle mesure l’immeuble en faisait partie, ce qui impliquait nécessairement la liquidation préalable du régime matrimonial. En ces circonstances, seule l’épouse du défunt était débitrice et responsable des droits d’enregistrement sur cette liquidation (art. 163 al. 2 LDE) et elle était tenue de la déclarer à l’enregistrement (art. 138 LDE), ce qu’elle n’avait pas fait. Ce jugement a été confirmé par la chambre de céans dans l'ATA/567/2023 du 30 mai 2023, entré en force.

Dans un autre arrêt (ATA/286/2021 du 2 mars 2021), la chambre de céans a retenu que l’art. 62 al. 1 let. b LDE, se rapportant à la liquidation du régime matrimonial, ne s’appliquait pas au régime de la séparation de biens.

3.10 En l'espèce, il n'y a pas lieu de revenir sur la jurisprudence de l'ATA/567/2023. La recourante et son époux défunt étaient certes mariés sous le régime de la communauté de biens, mais cela ne change rien dans le cas particulier, d'une part car les deux régimes connaissent une dissolution à la mort de l'un des conjoints (et, comme l'a relevé le TAPI, comme indiqué dans le testament du 24 avril 2003, les époux AD______ ont stipulé « qu'au décès du premier d'entre eux, la communauté de biens devra se partager par moitié »), et d'autre part car, s'agissant du bien immobilier concerné, les deux époux étaient chacun inscrit au RF comme propriétaire pour moitié.

En outre, comme relevé par le TAPI, la déclaration de succession de feu D______ du 19 mai 2021 fait état d’un actif successoral brut de CHF 3'656'174.- et, après une « déduction pour liquidation du régime matrimonial » de CHF 1'528'087.-, d’un actif successoral net de CHF 1'528'087.-, ce qui démontre que la détermination du montant des biens respectifs des époux et leur partage sont intervenus avant le dépôt de cette déclaration.

Ainsi, contrairement à ce que prétend la recourante, il ne peut être considéré que l’acte de mutation de la propriété de l’immeuble a été enregistré sans qu’il y ait eu de liquidation du régime matrimonial, le premier n’ayant pu être effectué sans la seconde. Il était donc conforme au droit de taxer, sur la base de l'art. 62 al. 1 let. b LDE, la liquidation dudit régime. Le fait qu'il n'existe aucun acte écrit manifestant la volonté de la recourante de procéder immédiatement après le décès de son mari à une liquidation du régime matrimonial des époux n'est à cet égard pas pertinent, la LDE déployant ses effets, à teneur de son art. 1, à des actes mais aussi à des opérations qui ne sont pas forcément écrites, comme le suggère du reste l'emploi des mots « déclaration » ou « constatation ». Retenir le contraire, comme le souhaiterait la recourante, reviendrait à avantager – sans aucune raison objective – les conjoints survivants ne procédant pas par écrit à une liquidation de leur régime matrimonial.

4.             La recourante prétend faire l'objet d'un changement de pratique inconstitutionnel, du fait que « pendant des dizaines d'années, la mutation des droits immobiliers du défunt aux noms de ses héritiers ne donnait pas lieu à la perception de droits d'enregistrement de partage aussi longtemps qu'une telle opération n'était pas effectivement intervenue, ceci même si les conjoints étaient soumis à un régime de participation aux acquêts, de copropriété ou de communauté de biens », pratique qui avait été « bouleversée par la jurisprudence résultant de l'arrêt [recte : du jugement] JTAPI/6662/2021 ».

4.1 La notion de pratique administrative désigne la répétition constante et régulière dans l'application d'une norme par les autorités administratives. De cette répétition peuvent apparaître, comme en ce qui concerne la jurisprudence, des règles sur la manière d'interpréter la loi ou de faire usage d'une liberté d'appréciation. Elle vise notamment à résoudre de manière uniforme des questions de fait, d'opportunité ou d'efficacité. Cette pratique ne peut être source de droit et ne lie donc pas le juge, mais peut néanmoins avoir indirectement un effet juridique par le biais du principe de l'égalité de traitement (ATA/515/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.1 ; ATA/557/2022 du 24 mai 2022 consid. 11a).

4.2 Pour être compatible avec les art. 8 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), un changement de pratique administrative doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, c'est-à-dire rétablir une pratique conforme au droit, mieux tenir compte des divers intérêts en présence ou d'une connaissance plus approfondie des intentions du législateur, d'un changement de circonstances extérieures, de l'évolution des conceptions juridiques ou des mœurs. Les motifs doivent être d'autant plus sérieux que la pratique suivie jusqu'ici est ancienne. À défaut, elle doit être maintenue (ATF 142 V 112 consid. 4.4 ; 135 I 79 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_44/2021 du 8 août 2021 consid. 6.1).

4.3 Le principe de la bonne foi régit aussi les rapports entre les autorités fiscales et les contribuables ; le droit fiscal est toutefois dominé par le principe de la légalité, de telle sorte que le principe de la bonne foi ne saurait avoir qu'une influence limitée en cette matière (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2). Ainsi, le contribuable ne peut bénéficier d'un traitement dérogeant à la loi que si les conditions prévues par la jurisprudence – qui doivent être interprétées de façon stricte – sont remplies de manière claire et sans équivoque (arrêts du Tribunal fédéral 2C_461/2021 du 19 janvier 2022 consid. 5.1 ; 2C_603/2012 du 10 décembre 2012 consid. 4).

4.4 En l'espèce, dans la mesure où ce n'est pas l'intimée elle-même qui a choisi de changer de pratique, mais où ledit changement provient d'une décision judiciaire, on peut douter que les conditions ci-dessus pour un changement de pratique administrative soient applicables. On ne conçoit en effet pas qu'une autorité administrative puisse conserver sa pratique lorsqu'une autorité judiciaire de recours la censure. Quoi qu'il en soit, la recourante ne démontre pas l'existence de la pratique qu'elle dit avoir prévalu pendant plusieurs décennies. De plus, comme on l'a vu, la décision de taxation litigieuse a appliqué correctement la loi, le principe de légalité devant en l'espèce l'emporter sur le droit au maintien d'une pratique administrative. Enfin, la décision de taxation porte sur l'imposition de la liquidation préalable du régime matrimonial et non sur un partage successoral en tant que tel. Dans ces conditions, on ne saurait y voir un changement de pratique inconstitutionnel.

Le grief sera écarté. Entièrement mal fondé, le recours de A______ sera rejeté.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourantes, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 21 novembre 2023 par C______et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 mai 2023 ;

déclare recevable le recours interjeté le 21 novembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de A______, C______et B______un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Claude BRECHBUHL, avocat des recourantes, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :