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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4092/2023

ATA/404/2024 du 20.03.2024 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4092/2023-EXPLOI ATA/404/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 mars 2024

2ème section

 

dans la cause

 

ASSOCIATION A______ recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé

 



EN FAIT

A. a. Selon son site internet (www.associationA______.ch), l’association A______ (ci-après : l’association), qui a son siège au chemin du B______ ______ à C______, a pour but « d’organiser et d’encadrer des activités de réinsertion. Le public visé est composé de personnes fragilisées souffrant d’un isolement au sein de la société et qui nécessitent d’un point de vue socioculturel des conditions d’aide, et de sécurité. Il s’agit plus précisément de proposer un encadrement professionnel ou des stages d’évaluation pour les aider à se réinsérer ».

b. Elle propose des stages d’évaluation organisés de manière à mettre le bénéficiaire au plus près de la réalité des exigences du monde du travail (respect des horaires, réalisation de tâches, compréhension de directives, etc.) comprenant des entretiens d’évaluation. Elle propose également des activités de réinsertion devant permettre au bénéficiaire de reprendre pied dans la société et le monde du travail, qui s’effectue à temps partiel à raison de 20 h par semaine.

c. Elle a conclu le 10 janvier 2017 avec l’Hospice général (ci-après : l’hospice) une convention de collaboration par laquelle elle se déclarait disposée à occuper des bénéficiaires de prestations d’aide financière et à leur offrir une activité complémentaire aux prestations de l’hospice, sans contrepartie financière, et s’engageait à ne pas employer de bénéficiaires de l’aide en lieu et place de personnel fixe, temporaire, en congé maladie, accident, maternité ou en vacances.

B. a. Le 9 août 2022, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci‑après : OCIRT ou l'office) a informé l’association qu'il procédait à un contrôle systématique du respect du salaire minimum genevois. Il l’a invitée à produire un certain nombre de documents, à savoir la liste de l'ensemble de son personnel (avec pour chaque employé le nom, le prénom, la date de naissance, la fonction, la date d’engagement et le cas échéant de fin des rapports de travail, le taux d’activité et la durée des rapports hebdomadaires de travail), les contrats de travail, les fiches de salaire des mois de novembre 2020 à août 2022, les registres horaires de moins de novembre 2020 à août 2022, les attestations de salaires AVS pour les années 2020 et 2021, le mode de calcul des salaires annuels, ainsi que tout autre renseignement utile en lien avec le système de rémunération. D______ était chargée de la conduite du contrôle.

b. Le 6 octobre 2022, l’OCIRT a constaté ne pas avoir reçu de réponse à son courrier du 9 août 2022 et a imparti à l’association un nouveau délai au 21 octobre 2022 pour produire la documentation réclamée.

c. Le 10 octobre 2022, l’association a répondu qu’elle transmettait le dossier demandé.

E______ avait quitté l’association début avril 2022.

Pour les autres personnes, l’association était dans un travail à la demande sans obligation d’exécution. C’était un travail effectué à la demande de l’employeur sans que le travailleur soit obligé de l’effectuer. Chaque travailleur était « considéré comme un nouveau contrat de travail ».

Était jointe une copie de l’attestation des salaires 2020 adressée le 26 février 2021 à l’office cantonal des assurances sociales, comportant huit employés, dont F______, président de l’association.

d. L’OCIRT a établi deux rapports consécutifs à l’audition de E______ les 23 mai et 15 novembre 2022.

Celle-ci avait entamé auprès de l’association un stage de trois mois en novembre 2018 via l’hospice. Une prolongation de trois mois de ce stage jusqu’en avril 2019 avait été validée par l’hospice. Elle s’occupait de l’administration et de la comptabilité et travaillait du lundi au vendredi de 09h00 à 14h00. Le matin, elle allait chercher le courrier rue G______ et arrivait vers 09h00 à l’association. Quelques fois par mois, elle gardait la fille de F______ pendant quelques heures à son domicile. Elle recevait CHF 300.- par mois en plus de l’aide sociale versée par l’hospice. Mi-2019, son contrat de stagiaire avait été prolongé de six mois pour qu’elle puisse bénéficier de la validation des acquis, par un contrat qui n’avait pas été signé par l’hospice.

Dès le 12 février 2020, elle avait travaillé pour H______ SA (ci-après : H______), une entreprise d’électricité dont le directeur était I______, 12 h par semaine. L’association facturait son travail à H______ CHF 30.- de l’heure, soit CHF 1'600.- par mois. Elle travaillait par ailleurs à l’association 21 h par semaine en moyenne. L’association la rémunérait pour ces deux activités CHF 300.- par mois. Elle n’avait pas de fiches de salaire et F______ lui donnait copie d’une quittance.

Dès le mois d’août 2020, elle avait travaillé sur appel comme interprète à J______. Lorsqu’elle était appelée, elle rattrapait ses heures de travail pour l’association à un autre moment.

Du 11 novembre 2020 au 10 août 2021, l’association avait bénéficié d’une allocation de retour en emploi (ci-après : ARE) pour elle à hauteur de 16 h par semaine, soit 40% d’activité, avec un salaire mensuel brut de CHF 1'846.-. Elle percevait ce montant tout en continuant de travailler pour H______ et l’association. Elle était formée environ 4 h par semaine par une comptable chez H______. Dès novembre 2020, F______ lui avait remis des fiches de salaire.

Début 2021, à la suite du départ d’une stagiaire, K______, de l’association, elle avait eu plus de travail.

Le 28 janvier 2022, elle avait démissionné de son travail auprès de I______ car les conditions de travail étaient difficiles, ce dernier criant et lui reprochant d’être une incapable non qualifiée. Elle était la seule employée administrative et s’occupait du secrétariat, de la comptabilité et parfois des ventes au magasin.

Elle avait été en incapacité de travail du 28 janvier au 10 avril 2022.

Par message du 1er février 2022, F______ lui avait conseillé de faire au moins les traductions.

Le 8 avril 2022, l’association, sous la signature de L______, lui avait signifié son licenciement immédiat au motif qu’elle avait continué à travailler pour J______ pendant son incapacité.

Elle avait perçu un salaire brut de CHF 5'062.38 du 1er janvier au 30 avril 2022.

Pendant qu’elle travaillait au service de l’association, elle avait constaté que de nombreux stagiaires et sans-papiers étaient employés pour faire des travaux de nettoyage, de déménagement et de jardinage à Genève et parfois en France voisine. Ils effectuaient notamment des tâches dans le jardin de I______. Les stagiaires percevaient CHF 300.- par mois et les sans-papiers CHF 200.- par semaine. Ils passaient le matin à l’atelier au B______ ______ avant de partir pour les chantiers. Il n’y avait pas de fiches de salaire mais des quittances.

Elle avait produit différents documents, dont une attestation de travail, une convention de stage, un contrat de travail de durée indéterminée à 40%, une lettre de licenciement et des fiches de salaire.

e. Le 13 décembre 2022, l’OCIRT a adressé à l’association un avertissement et donné un délai pour faire valoir son droit d’être entendu avant le prononcé d’une sanction administrative.

Le 10 octobre 2022, elle n’avait transmis qu’une partie de la documentation requise. Les documents relatifs aux heures de travail n’étaient pas des registres mais des récapitulatifs effectués a posteriori et non signés par les travailleurs. Les fiches de salaire des employés « à la demande » ne mentionnaient pas le nombre des heures de travail, alors que les horaires variaient de semaine en semaine et de jour en jour.

Il n’était pas en mesure de contrôler si elle respectait le salaire minimum cantonal. Il avait pris contact avec E______ et K______. Il résumait les déclarations de la première. La seconde avait indiqué avoir travaillé 20 h par semaine à des tâches de comptabilité et de secrétariat avec l’aide du comptable M______. Elle avait également effectué des livraisons et géré la comptabilisation des quittances et montants donnés aux employés étudiants ou stagiaires. Les étudiants effectuaient des tâches de nettoyage, de jardinage et de déménagement et étaient payés CHF 250.- par mois.

Il constatait que le salaire minimum n’était pas respecté pour E______. Pour les employés engagés « à la demande sans obligation d’exécution », les documents transmis n’étaient pas signés par les travailleurs, ce qui empêchait de contrôler le respect du salaire minimum.

Les indemnités dues pour les vacances n’avaient pas été payées pour ces derniers, en infraction avec la législation.

Un délai au 3 févier 2023 lui était imparti pour procéder au rattrapage des différences salariales dues à E______, procéder aux rattrapages dus pour les vacances des employés « à la demande », fournir la preuve de l’entier des rattrapages demandés, fournir l’attestation des salaires déclarés à l’AVS de l’ensemble du personnel pour l’année 2022, fournir la liste de l’ensemble du personnel depuis novembre 2022. Dans le même délai, elle pouvait fournir ses observations et exercer son droit d’être entendue. Elle pourrait faire l’objet de sanctions prévues par la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05), notamment le refus de délivrer l’attestation de l’art. 25 LIRT pour une durée de 3 mois à 5 ans, une amende administrative de CHF 60'000.- au plus, l’exclusion de tous les marchés publics pour une période de 5 ans au plus, ces sanctions pouvant être cumulées.

f. Le 19 janvier 2023, l’association a demandé la prolongation d’au moins un mois du délai imparti pour produire les pièces.

La version présentée par E______ s’écartait tellement de la réalité qu’ils se voyaient confrontés à une surcharge de travail, le temps de réunir tous leurs moyens de preuves.

E______ avait saisi le Tribunal des prud’hommes d’une demande pour le moins fantaisiste, à laquelle ils devaient répondre. Ils joignaient sa requête en conciliation du 21 septembre 2022.

Soucieux de rétablir une situation conforme au droit, ils produisaient également la copie des premiers versements représentant 15% des rattrapages salariaux auxquels l’association était tenue de procéder en raison des vacances dues aux salariés « à la demande ».

g. Le 7 février 2023, l’OCIRT a informé E______ qu’il procédait au contrôle du respect par son employeur du salaire minimum et lui avait demandé le 13 décembre 2022 de verser un rattrapage salarial brut de CHF 21'923.85, duquel la part employée des charges sociales devait être déduite. Cette demande ne portait que sur le salaire minimum, les suppléments pour heures supplémentaires, le paiement du salaire durant le délai de congé, le travail dominical et les jours fériés n’étant pas de sa compétence.

h. Le 3 mars 2023, l’association s’est déterminée.

Elle sollicitait une ultime prolongation à fin septembre 2023 pour procéder au paiement du solde relatif au rattrapages salariaux. Elle avait procédé à de nouveaux versements à hauteur de 15% des montants dus. Elle recourrait probablement contre un éventuel refus.

Elle contestait les faits tels que présentés par E______. Celle-ci avait bénéficié de conventions de stage pour la période de novembre 2018 à l’été 2019. L’association avait ensuite signé avec elle une convention prévoyant une rémunération de CHF 300.-, montant qui n’affecterait pas l’aide de l’hospice, convention dont l’hospice avait été informé. En septembre 2019, une nouvelle convention de stage de six mois avait été signée entre l’association et E______, prévoyant elle aussi une gratification de CHF 300.- par mois. Cette convention indiquait par erreur un taux d’activité de 40% alors que les parties avaient en vue 50%. Les relations entre E______ et l’hospice s’étaient par la suite tendues. Le 11 octobre 2019, l’hospice avait dans un courrier à E______ laissé entendre qu’il avait mis un terme à ses relations avec l’association. Les causes de cette rupture étaient en réalité imputables à l’hospice. Le 15 octobre 2019, F______ avait informé l’hospice que la convention de partenariat produirait ses effets jusqu’au 10 janvier 2020. Le 24 octobre 2019, E______ avait accepté de s’occuper de la fille de F______ pendant une heure. Elle lui avait rendu le même service à bien plaire quatre mois plus tard. E______ avait présenté à la Cité des métiers un projet de certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) d’employée de commerce. L’hospice considérait pour sa part qu’elle ne pouvait plus rester dans l’association après la fin du contrat de collaboration. F______ avait pris contact avec l’hospice pour obtenir une ARE. La convention de stage conclue en septembre 2019 avait pris fin le 1er mars 2020. Le 3 mars 2020, E______ avait postulé auprès de J______, faisant valoir les 50 h de travail opératif qu’elle avait pu effectuer grâce à l’aide désintéressée de l’association et dont celle-ci avait attesté. Le 1er juillet 2020, E______ avait conclu avec l’association une nouvelle convention de stage qui n’était autre que la « poursuite du stage [de trois mois] dans l’attente de [son] engagement […] via une ARE et poursuite du suivi des validations d’acquis pour le CFC d’employée de commerce », pour un taux d’activité de 50% et une rémunération de CHF 300.-. Dès mars ou avril 2020, E______ avait commencé à effectuer des traductions pour J______. Le 11 septembre 2020, J______ lui avait offert un engagement dès le 1er janvier 2020 avec des conditions salariales encore meilleures. Le 25 septembre 2020, elle avait conclu avec l’association un contrat de travail en qualité d’aide de bureau, sous condition suspensive de l’obtention d’une ARE, au taux de 40% pour un salaire de CHF 1'846.- brut dès le 26 octobre 2020. Elle avait commencé à travailler le 16 novembre 2020, date de l’obtention de l’ARE. Elle n’avait jamais travaillé plus qu’à 40% depuis 2019. Elle travaillait dans les bureaux de I______ 12 h par semaine. Elle ne travaillait aucunement pour l’association 21 h par semaine comme elle l’avait affirmé. Elle pouvait affecter 4 h par semaine comme bon lui semblait, mais elle n’avait pratiquement jamais passé de temps à l’association après novembre 2020, étant donné son autre emploi à J______. L’ARE avait pris fin le 9 août 2021. L’association avait interpellé E______ le 23 janvier 2022 au sujet de retards dans la tenue de sa comptabilité. Le 26 janvier 2022, E______ avait informé F______ qu’elle arrêtait de travailler pour I______. Le 28 janvier 2022, elle avait informé F______ qu’elle arrêtait de travailler et « se mettait à l’assurance ». L’association avait ensuite reçu un certificat médical. À fin mars 2022, F______ avait appris qu’elle travaillait pour J______, laquelle devait produire tout le dossier la concernant. Le 10 avril 2022, l’assurance perte de gain avait cessé ses versements après que son médecin conseil eût considéré qu’elle serait apte à travailler dès cette date, et le 11 avril 2022, l’association avait résilié avec effet immédiat les rapports de travail pour faute grave. E______ avait ensuite contesté toute faute, puis chargé un syndicat d’agir en paiement pour elle à hauteur de CHF 107'000.- environ.

L’association avait effectué de nouveaux paiements et demandait un délai pour compléter sa détermination.

i. Le 31 mars 2023, l’association a complété ses observations.

Le Tribunal des prud’hommes avait prolongé au 17 avril 2023 le délai imparti à E______ pour s’acquitter de l’avance de frais de CHF 1'070.-.

L’OCIRT lui avait demandé un plan de paiement des arriérés pour pouvoir lui accorder un délai.

Elle produisait une centaine de fiches de salaire, la preuve de divers rendez-vous de E______ avec J______ pour effectuer des traductions, étant précisé que la production de son dossier à J______ prouverait que les traductions effectuées étaient légion, une copie de la lettre de licenciement, la liste du personnel depuis novembre 2022.

Elle avait versé une nouvelle tranche de 15% des rattrapages, qu’elle documentait.

Elle sollicitait un nouveau délai d’un mois pour compléter ses observations.

Elle reprenait et étoffait pour le surplus ses allégations et explications, reprenant de nombreux éléments issus de la procédure prud’homale.

j. Le 27 avril 2023, l’association a requis de l’OCIRT une ultime prolongation du délai au 26 mai 2023 pour parfaire ses écritures et produire toutes pièces complémentaires. Toute son attention était consacrée au mémoire réponse qu’elle devait adresser au Tribunal des prud’hommes jusqu’au 15 mai 2023.

k. Le 28 avril 2023, l’association a adressé à l’OCIRT la documentation attestant des paiements de rattrapages effectués avant le 1er mai 2023.

l. Le 26 mai 2023, l’association a indiqué à l’OCIRT que, son ultime requête en prolongation étant restée sans réponse, elle avait été contrainte de privilégier ses autres activités quotidiennes, bien qu’elle souhaitât participer à l’administration de toutes les preuves pertinentes et se défendre.

Elle demandait à l’OCIRT de lui confirmer par courriel qu’un ultime délai au 30 juin 2023 lui était accordé pour présenter, notamment, des faits récents.

Elle produisait la demande en paiement de E______ du 9 février 2023 et sa réponse du 15 mai 2023.

m. Le 6 juin 2023, l’association, indiquant que sa dernière requête de prolongation de délai était restée sans réponse, a réitéré sa demande à l’OCIRT que lui soit accordé un ultime délai au 14 juillet 2023 pour présenter, notamment, des faits récents.

n. Le 30 juin 2023, l’association, faisant valoir que sa dernière requête de prolongation de délai était restée sans réponse, a renouvelé sa demande à l’OCIRT que lui soit accordé un ultime délai au 21 juillet 2023 pour présenter, notamment, des faits récents.

Le fait de ne pas obtenir de réponse l’obligeait à chaque fois à demander de repousser l’échéance pour des raisons organisationnelles.

o. Le 4 juillet 2023, l’association a documenté les paiements (6e tranche) effectués le 30 juin 2023, démontrant qu’elle continuait à tenir ses engagements.

p. Le 6 juillet 2023, l’OCIRT a réclamé à J______ les éléments du dossier de E______ relatifs à son travail d’interprète de novembre 2020 à avril 2022.

q. Le 28 juillet 2023, l’association a produit la preuve des paiements (7e tranche) effectués le même jour.

r. Le 19 septembre 2023, J______ a communiqué à l’OCIRT un tableau récapitulatif des heures d’interprétariat de E______ de novembre 2020 à avril 2022, totalisant 539 h, soit une moyenne de 29.94 h par mois, étant précisé qu’aucune heure n’avait été effectuée en novembre 2020.

s. Le 4 octobre 2023, l’OCIRT a accusé réception des courriers et déterminations de l’association.

Elle prenait bonne note des rattrapages effectués pour un total brut de CHF 14'984.88.

Les relevés du temps de travail de janvier à mars 2023 de N______ et O______ ne mentionnaient toujours pas les coordonnées temporelles des horaires effectués mais uniquement le nombres des heures travaillées dans la journée.

Aucun document n’appuyait la contestation des heures effectuées par E______ pour la période de novembre 2020 à avril 2022.

Ses affirmations selon lesquelles E______ n’avait pour ainsi dire jamais passé de temps à l’association depuis novembre 2020 étaient contredites par le contrat de travail du 25 septembre 2020 qui mentionnait une durée du travail hebdomadaire de 16 h et par l’attestation de travail du 16 février 2021 qui décrivait E______ comme une collaboratrice capable de prendre en charge avec une discrétion exemplaire les dossiers de l’association. Des échanges de messages, notamment des 28 novembre et 7 décembre 2020 mentionnaient des heures supplémentaires à l’association.

Il ressortait d’autres messages, par exemple du 25 janvier 2021, que quand E______ faisait une interprétation pour J______, elle en informait l’association et compensait ensuite ses heures. Selon les informations transmises par J______, E______ effectuait des interprétations variant entre 21.5 h en décembre 2020 et 44 h en juin 2021, pour une moyenne mensuelle de 31.39 h en décembre 2020 et janvier 2022. La moyenne de 7 h d’interprétation par semaine ne permettait pas de démontrer qu’elle ne pouvait travailler 33 h par semaine au service de l’association.

K______ avait indiqué travailler 4 h par jour à l’association et avoir pour collègue administrative E______ depuis 2019. À son départ fin septembre 2020, elle n’avait pas été remplacée.

En l’absence de production de relevés horaires et faute pour l’association d’avoir étayé ses allégations sur la durée du travail, l’OCIRT retenait les allégations précises et circonstanciées de E______, étayées notamment par les informations de sa collègue et par les échanges de messages. L’OCIRT retenait une durée du travail hebdomadaire pour E______ de 33 h par semaine, dont une partie dans l’entreprise H______ de I______ de novembre 2020 à janvier 2022.

L’association était invitée à corriger avant le 3 novembre 2023, dernier délai, les salaires de E______ selon le bordereau de rattrapage annexé, qui mentionnait un rattrapage brut total de CHF 20'279.35, et à documenter la mise en conformité, notamment en produisant les relevés des heures du mois d’octobre 2023 contresignés par les travailleurs et mentionnant les heures de début et de fin du travail ainsi que les pauses dès 30’, ainsi que la preuve du versement de l’entier des rattrapages dus à E______.

t. Le 6 octobre 2023, l’association a indiqué à l’OCIRT qu’elle se conformerait au délai au 3 novembre 2023 pour acheminer les pièces et renseignements complémentaires réclamés.

En revanche, comme elle concluait au déboutement total des prétentions de E______ devant le Tribunal des prud’hommes, elle considérait les sommes réclamées par l’OCIRT comme indues.

Toutefois, comme elle avait « le couteau sous la gorge », puisqu’elle était menacée de sanctions, elle allait « bourse délier » mais sans aucune reconnaissance de responsabilité et en se réservant d’agir en répétition, pour peu que la justice prud’homale accueille au moins en partie ses conclusions.

Ses moyens financiers étant limités, elle verserait CHF 1'000.- par mois à partir du 30 octobre 2023.

Elle attendait de connaître son accord et le compte sur lequel s’acquitter de ce que, « sachant très bien la réalité des faits, [elle vivait] comme un pur racket ».

u. Le 23 octobre 2023, l’association s’est plainte de n’avoir pas reçu de réponse de l’OCIRT, malgré l’urgence.

Sans nouvelles de sa part au 27 octobre 2023, elle saisirait son autorité de tutelle pour déni de justice.

v. Le 24 octobre 2023, l’OCIRT a adressé à l’association un ultime avertissement avant le prononcé d’une sanction administrative.

Des plans de paiement échelonnés étaient accordés de manière exceptionnelle et pour une durée de 12 mois au plus. L’association était priée de réduire sa proposition à une durée de 12 mois et d’augmenter le versement mensuel à CHF 1'690.- brut par mois. Ces montants devaient être versés à son ancienne employée E______. L’OCIRT ne pouvait servir d’intermédiaire.

L’OCIRT attendait pour le 17 novembre 2023 « dernier délai » les documents réclamés, soit les relevés des heures du mois d’octobre 2023 contresignés par les travailleurs et mentionnant les heures de début et de fin du travail ainsi que les pauses dès 30’ et la preuve du premier versement de CHF 1'690.- brut à E______.

L’association était invitée à produire chaque mois la preuve du paiement.

w. Le 27 octobre 2023, l’association a demandé à l’OCIRT la récusation d’D______, l’invalidation de l’intégralité de la procédure conduite « sous la houlette » de cette dernière, et à ce que l’instruction reprenne ab initio.

Son courrier du 24 octobre 2023 manquait singulièrement de tout sens de la proportionnalité, ne faisait preuve d’aucune compréhension quant à la situation financière modeste dans laquelle elle se trouvait, ne tenait aucun compte de ses efforts en matière de participation à l’administration des preuves et à l’échéancier de remboursement fidèlement observé jusque-là.

Ses droits étaient gravement mis en danger par : (a) son parti pris manifeste ; (b) la foi unilatérale et inconditionnelle qu’elle accordait au témoignage de K______, sans l’avoir confrontée à elle ; (c) le crédit illimité dont jouissait E______, sans la moindre confrontation ; (d) son argument, exact dans son principe mais fallacieux dans la conclusion qu’il en tirait, que la procédure prud’homale ni visait pas les mêmes fins ; (e) ce formalisme excessif, consistant à traiter avec des œillères le dossier, quand bien même la LIRT poursuivait ses objectifs propres en matière de politique économique qui ne pouvaient en rien être mis sur le même plan que le droit privé du travail ; (f) le fait que l’OCIRT ne pouvait parvenir à une conclusion différente du Tribunal des prud’hommes que dans la mesure où son appréciation des preuves se faisait conformément aux garanties constitutionnelles et des droits des parties ; (g) le fait que son impartialité n’était plus crédible dès lors qu’elle violait gravement le principe de proportionnalité en réclamant près du double par mois de ce dont l’OCIRT s’était auparavant satisfait et ne justifiait ses prétentions financières par aucune disposition légale.

x. Le 1er novembre 2023, l’association s’est plainte à l’OCIRT de ce qu’D______ l’avait appelée la veille en compagnie d’une juriste.

Elle ne souhaitait pas de contacts informels et contestait la présentation qui lui avait été faite de ses droits et obligations. Elle n’avait jamais soutenu que la procédure devant l’OCIRT dépendait de l’issue de la procédure prud’homale. Elle s’était contentée d’exprimer une évidence, à savoir que l’appréciation des preuves ne saurait être différente au sein de l’OCIRT, car il n’était qu’une émanation parmi tant d’autres de l’État, et son activité devait donc se soumettre aux principes constitutionnels évoqués dans sa requête de récusation.

La manière subreptice dont il avait essayé à tout prix de la rallier à ses vues intransigeantes concourait elle aussi à donner à l’ensemble des circonstances l’apparence d’une prévention.

y. Par décision du 20 novembre 2023, l’OCIRT a rejeté la demande de récusation.

Les reproches traduisaient des impressions purement individuelles et subjectives. L’ensemble des pièces du dossier ne laissait transparaître aucun début d’indice d’une volonté de l’inspectrice du travail de prendre un quelconque parti. Les impressions exprimées par l’association étaient contestées par l’inspectrice du travail. Celle-ci avait accordé à l’association, qui l’avait utilisé sans restriction, le droit d’être entendue. Ses démarches s’inscrivaient dans l’exercice normal de sa fonction et démontraient qu’elle avait pris toutes les mesures nécessaires pour objectiver la situation, sans excès ni abus de sa part, ni prévention contre l’entreprise.

C. a. Par acte remis à la poste le 4 décembre 2023, l’association a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation, au constat que la procédure est nulle ab initio et à ce que l’OCIRT soit invité à désigner une remplaçante à D______. Préalablement, des mesures provisionnelles devaient être prononcées déclarant la décision exécutoire nonobstant recours, l’association devait être autorisée à compléter son recours, l’OCIRT devait produire l’intégralité de son dossier, E______ l’intégralité de ses déclarations d’impôts des années 2019, 2020, 2021 et 2022 et les avis de taxation y relatifs et les parties devaient être entendues, ainsi que des témoins, notamment I______, P______ et les organes dirigeants de J______.

L’OCIRT avait refusé, sans explication et en violation du principe de proportionnalité, toute consignation en ses mains du rattrapage en faveur de E______, si bien que si elles lui étaient versées, les sommes se fondraient dans son patrimoine. Il avait refusé à l’association d’être confrontée à sa dénonciatrice et à K______ et lui avait refusé l’accès à l’intégralité du dossier, notamment à la dénonciation. Il avait refusé la récusation d’D______ au motif spécieux et fallacieux que l’association aurait pu faire valoir sans restriction son droit d’être entendue, et n’avait vu dans les reproches de l’association que des impressions subjectives. L’OCIRT s’écharnait à lui refuser un plan de remboursement réaliste, en adéquation avec ses ressources. L’OCIRT refusait d’expliquer ce qui se passerait si E______ devait perdre son procès prud’homal.

b. Le 18 décembre 2023, l’association a complété son recours.

L’hospice devait être appelé en cause. Les témoins Q______, R______, S______, T______, M______, U______, V______, W______, X______, Y______, Z______ et AA______ devaient être entendus. L’intégralité de la cause prud’homale C/1______/2022 devait être apportée à la procédure. Elle devait être relevée de tout rattrapage, à défaut être admise à la verser en mains de l’hospice et non celles de E______.

Les sommes fantaisistes réclamées par E______ devant le Tribunal des prud’hommes avaient trait à des faits s’étant produits alors qu’elle était intégralement assistée par l’hospice, ce qu’elle s’était bien gardée de révéler. On pouvait douter qu’elle ait fait preuve de plus de transparence et d’honnêteté à l’égard de l’OCIRT.

L’autoritarisme d’D______ impliquerait que le législateur aurait donné primauté absolue à la LIRT, sans qu’un seul argument fondé sur la jurisprudence, les travaux préparatoires ou la doctrine n’ait été invoqué par celle-ci pour tenter de fonder ses façons d’instruire autocratiques et arbitraires et sans que l’hospice ait le moindre mot à dire.

L’hospice savait tout de la situation de E______ et sa situation juridique serait affectée par la procédure, si bien qu’il devait être appelé en cause.

L’OCIRT prétendait que la confrontation avec K______ et E______ n’aurait pu lui être accordée, au nom d’une « soi-disant » pratique que la chambre administrative aurait « paraît-il » confirmée dans de précédentes affaires mais dont les « sources jurisprudentielles » n’avaient jamais été données par l’OCIRT.

L’association se plaignait d’un « autoritarisme qui est accru en assénant que dame D______ présente comme autant de vérités d’évangile, sans que jamais le moindre arrêt du TF ou de la chambre de céans ne soit cité à l’appui telles manières de faire qui ne respectent pas le droit à la preuve de la recourante ».

L’association n’avait bénéficié que des apports de son fondateur F______. Elle ne percevait aucune subvention de l’hospice ni d’aucune collectivité publique. Ses moyens étaient modestes. Si elle devait reverser 100% des honoraires qu’elle percevait des clients chez qui elle plaçait des personnes en voie de réinsertion, elle ne pourrait survivre. E______ en était parfaitement consciente.

L’aide de l’hospice couvrait tous les besoins de E______. Cette dernière était tenue de reverser à l’hospice le produit de toute activité rémunératrice supérieur à CHF 300.-.

c. Le 11 janvier 2024, l’OCIRT a conclu au rejet du recours, se référant à sa décision.

d. Le 29 février 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

L’OCIRT continuait à fuir le débat. Il ne s’était pas déterminé de façon topique à propos des allégués 1 à 37 de son recours.

D______ avait commis une inégalité de traitement entre elle et J______, alors que les pièces versées par cette dernière ne permettaient pas plus de démontrer la durée du travail de E______. C’était d’autant plus choquant qu’elle avait elle-même réclamé à l’OCIRT les documents relatifs à l’activité de E______ auprès de J______. D______ s’était bien gardée d’ouvrir une procédure du même type contre J______, se montrant « fort avec les faibles, faible avec les forts ».

D______ avait opiniâtrement refusé d’organiser une confrontation, sans invoquer aucune motivation juridique.

D______ avait été excessivement complaisante, n’exigeant pas que E______ signe sa dénonciation du 22 mai 2022.

Les motifs d’une récusation étaient réalisés. Le parti pris d’D______ s’était matérialisé en plusieurs circonstances au cours des vingt et un derniers mois. Elle avait renoncé à faire signer la dénonciation de E______ et accepté que celle-ci vienne avec une écrivaine publique, une certaine AB______.

Elle osait espérer que l’OCIRT ferait enfin l’effort dans sa réplique de s’expliquer sur les faits de la cause. À défaut, les parties devraient être entendues.

e. Le 1er mars 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante conclut préalablement à la comparution personnelle de parties, à l’audition de témoins, à la production du dossier complet de l’OCIRT, de documents fiscaux de E______ et de la procédure prud’homale C/1______/2022, et enfin à l’appel en cause de l’hospice.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressée d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 L’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure, la décision leur devient dans ce cas opposable (art. 71 al. 1 LPA).

2.3 En l’espèce, les parties ont pu faire valoir par écrit leurs arguments et produire toutes pièces utiles à l’appui de leurs conclusions. Les auditions et les pièces réclamées par la recourante semblent devoir éclairer non pas la demande de récusation et les reproches de prévention adressés à D______ mais le bien-fondé des rattrapages exigés par l’OCIRT et des prétentions civiles de E______. L’appel téléphonique est postérieur à la demande de récusation, et il sera vu plus loin qu’il ne peut être vu comme un indice de partialité. Le dossier est complet et en état d’être jugé et il ne sera pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction de la recourante.

La recourante ne démontre pas que la situation juridique de l’hospice serait susceptible d’être affectée par l’issue de la demande de récusation, si bien que l’appel en cause de cette dernière ne sera pas ordonné.

3.             L'objet du litige consiste à déterminer si l'intimé était fondé à rejeter la demande de récusation visant D______ et à maintenir à son dossier les actes d'instruction auxquels elle a procédé.

3.1 En vertu de l'art. 15 al. 1 let. d LPA, les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se récuser s'il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité.

La demande de récusation doit être formée sans délai (art. 15 al. 3 LPA).

3.2 L’art. 29 al. 1 Cst. prévoit que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. La jurisprudence a tiré de cette disposition un droit à ce que l’autorité administrative qui statue le fasse dans une composition correcte et impartiale (ATF 142 I 172 consid. 3.2 et les références citées).

Selon la jurisprudence, le droit à une composition correcte et impartiale permet notamment d’exiger la récusation des membres d’une autorité administrative dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur leur indépendance ou leur impartialité. Il tend à éviter que des circonstances extérieures à l’affaire ne puissent influencer une décision en faveur ou au détriment de la personne concernée. La récusation peut s’imposer même si une prévention effective du membre de l’autorité visée n’est pas établie, car une disposition interne de sa part ne peut pas être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Cependant, seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération, les impressions purement individuelles d’une des personnes impliquées n’étant pas décisives (ATF 131 I 24 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_629/2015 du 1er décembre 2015 consid. 3.1 ; ATA/200/2022 du 22 février 2022 consid. 5b et l'arrêt cité).

3.3 De manière générale, les dispositions sur la récusation sont moins sévères pour les membres des autorités administratives que pour les autorités judiciaires. Contrairement à l'art. 30 al. 1 Cst., l'art. 29 al. 1 Cst. n'impose pas l'indépendance et l'impartialité comme maxime d'organisation. En règle générale, les prises de positions qui s'inscrivent dans l'exercice normal des fonctions gouvernementales, administratives ou de gestion, ou dans les attributions normales de l'autorité partie à la procédure, ne permettent pas, dès lors que l'autorité s'exprime avec la réserve nécessaire, de conclure à l'apparence de la partialité et ne sauraient justifier une récusation, au risque sinon de vider de son sens la procédure administrative (ATF 140 I 326 consid. 5.2 ; 137 II 431 consid. 5.2 ; 125 I 119 consid. 3f). Une autorité, ou l'un de ses membres, a en revanche le devoir de se récuser lorsqu'elle dispose d'un intérêt personnel dans l'affaire à traiter, qu'elle manifeste expressément son antipathie envers l'une des parties ou s'est forgée une opinion inébranlable avant même d'avoir pris connaissance de tous les faits pertinents de la cause (arrêt du Tribunal fédéral 8C_358/2022 du 12 avril 2023 consid. 4.2.2 ; 1C_228/2018 du 18 juillet 2019 consid. 6.1).

La notion de récusation des membres d’une autorité administrative doit être comprise dans un sens fonctionnel et englobe ainsi toutes les personnes agissant pour le compte de l’autorité et directement impliquées dans le processus décisionnel (ATA/107/2018 du 6 février 2018 consid. 3d).

3.4 Découlant de l'art. 29 Cst., la garantie d'impartialité d'une autorité administrative ne se confond pas avec celle d'un tribunal (art. 30 Cst.), dans la mesure où la première n'impose pas l'indépendance et l'impartialité comme maxime d'organisation d'autorités gouvernementales, administratives ou de gestion (ATF 125 I 209 consid. 8a ; 125 I 119 ; ATA/266/2021 du 2 mars 2021 consid. 5a ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 2011, p. 242 ch. 2.2.5.2). Il y a toutefois équivalence de motifs de récusation entre instances administratives et judiciaires lorsqu'existe un motif de prévention, supposé ou avéré, qui commande d'écarter une personne déterminée de la procédure en raison de sa partialité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_389/2009 du 19 janvier 2010 consid. 2 ; ATA/1089/2020 du 3 novembre 2020 consid. 6a).

Les soupçons de prévention peuvent être fondés sur un comportement ou sur des éléments extérieurs, de nature fonctionnelle ou organisationnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_171/2007 du 19 octobre 2007 consid. 5.1 ; Florence AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 2014, n. 33 ad art. 34 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

3.5 Les art. 15 et 15A LPA sont calqués sur les art. 47 ss du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272 ; ATA/987/2019 du 4 juin 2019 consid. 2b ; ATA/578/2013 du 3 septembre 2013 consid. 7c, avec référence au MGC 2008-2009/VIII A 10995), ces derniers, tout comme les art. 56 ss du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), avec lesquels ils sont harmonisés, étant copiés, à l'exception de quelques points mineurs, sur les art. 34 ss LTF, si bien que la doctrine, et la jurisprudence rendue à leur sujet, valent en principe de manière analogique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006 6841 ss, spéc. 6887 ad art. 45 [devenu l'art. 47 CPC] ; Message du Conseil fédéral sur l'unification de la procédure pénale, FF 2005 1125 s.).

3.6 Selon la jurisprudence relative à la récusation de juges dans le cadre de l'application des art. 15A al. 1 let. f LPA – correspondant à l'art. 34 al. 1 let. e LTF – et applicable à tout le moins par analogie à la récusation des membres des autorités administratives (ATA/1089/2020 précité consid. 6c), d'éventuelles erreurs de procédure ou d'appréciation commises par une ou un juge ne suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de prévention (ATF 116 Ia 14 consid. 5b ; ATA/237/2017 du 28 février 2017 consid. 5c). Seules des fautes particulièrement graves et répétées pourraient avoir cette conséquence ; même si elles paraissent contestables, des mesures inhérentes à l'exercice normal de la charge de la ou du juge ne permettent pas de suspecter celui-ci de partialité (ATF 141 IV 178 ; 113 Ia 407 consid. 2 ; 111 Ia 259 consid. 3b/aa). Une partie est en revanche fondée à dénoncer une apparence de prévention lorsque, par des déclarations avant ou pendant le procès, la ou le juge révèle une opinion qu'il a déjà acquise sur l'issue à donner au litige (ATF 125 I 119 consid. 3a).

D'après la jurisprudence, une faute de procédure – voire une fausse application du droit matériel – ne suffit pas à elle seule pour donner une apparence de prévention. Il n'en va autrement que si le membre d'une autorité administrative ou judiciaire a commis des erreurs grossières ou répétées constituant une grave violation des devoirs de sa charge. Une personne qui exerce la puissance publique est nécessairement amenée à devoir trancher des questions controversées ou des questions qui dépendent largement de son appréciation. Même si elle prend dans l'exercice normal de sa charge une décision qui se révèle erronée, il n'y a pas lieu de redouter une attitude partiale de sa part à l'avenir. Par ailleurs, la procédure de récusation ne saurait être utilisée pour faire corriger des fautes – formelles ou matérielles – prétendument commises par une personne détentrice de la puissance publique ; de tels griefs doivent être soulevés dans le cadre du recours portant sur le fond de l'affaire (ATF 115 Ia 400 consid. 3b et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_358/2022 précité consid. 4.2.3 ; 2C_110/2019 du 9 décembre 2019 consid. 5.2).

Le Tribunal fédéral a encore rappelé que la procédure de récusation n'a pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure. Même dans ce cadre, seules des circonstances exceptionnelles permettent de justifier une récusation, lorsque, par son attitude et ses déclarations précédentes, la magistrate ou le magistrat a clairement fait apparaître qu'elle ou il ne sera pas capable de revoir sa position et de reprendre la cause en faisant abstraction des opinions précédemment émises (ATF 138 IV 142 consid. 2.3). D'autres motifs doivent donc exister pour admettre que la ou le juge ne serait plus en mesure d'adopter une autre position, de sorte que le procès ne demeure plus ouvert (ATF 133 I 1 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_755/2008 du 7 janvier 2009 consid. 3.2 in SJ 2009 I 233).

La partie qui sollicite la récusation doit rendre vraisemblables les faits qui motivent sa demande. La partie doit se prévaloir de faits, ce qui exclut les critiques générales ou les simples soupçons ne se fondant sur aucun élément tangible (arrêt du Tribunal fédéral 8C_648/2012 du 29 novembre 2012 consid. 2). Si la partie n'a pas à prouver les éléments qu'elle invoque, elle doit tout de même faire état, à l'appui de sa demande, d'un contexte qui permet de tenir pour plausible le motif de récusation allégué (arrêt du Tribunal fédéral 2C_171/2007 du 19 octobre 2007 consid. 4.2.2). Une motivation aux termes de laquelle le requérant se contente de présenter une demande de récusation sans autre explication est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 2F_19/2013 du 4 octobre 2013 consid. 2 ; ATA/1020/2022 du 11 octobre 2022 consid. 5a).

3.7 La récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, sous peine de déchéance (ATF 138 I 1 consid. 2.2). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder ce moyen en réserve pour ne l’invoquer qu’en cas d’issue défavorable ou lorsque l’intéressé se serait rendu compte que l’instruction ne suivait pas le cours désiré (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_278/2017 du 17 août 2017 consid. 3.1).

4.             En l’espèce, la recourante reproche à l’inspectrice du travail : d’avoir refusé, sans explication et en violation du principe de proportionnalité, toute consignation en ses mains du rattrapage en faveur de E______ et exigé des rattrapages mensuels plus élevés ; d’avoir refusé à l’association d’être confrontée à sa dénonciatrice et à K______ ; de lui avoir refusé l’accès à l’intégralité du dossier, notamment à la dénonciation ; de lui refuser un plan de remboursement réaliste, en adéquation avec ses ressources ; de refuser d’expliquer ce qui se passerait si E______ devait perdre son procès prud’homal ; de traiter différemment J______ ; de s’être montrée complaisante avec E______ et K______ ; d’avoir renoncé à faire signer sa déclaration à E______.

Selon la pratique constante de l’OCIRT, la régularisation de la situation, et en particulier l’apurement du rattrapage en cas de violation du salaire minimum, permet à l’administré d’éviter ou de mitiger la mesure administrative envisagée à son encontre (ATA/217/2024 du 14 février 2024 ; ATA/92/2024 du 26 janvier 2024 ; ATA/1335/2023 du 12 décembre 2023). L’inspectrice du travail a expliqué à la recourante que la pratique de l’OCIRT ne permettait pas d’étendre sur plus d’un an le fractionnement du rattrapage, et que l’OCIRT ne pouvait accepter la consignation. Le facteur des ressources de la recourante a été pris en compte par l’entrée en matière sur sa demande de fractionnement – étant observé que la recourante n’établit ni n’allègue qu’elle aurait produit sa comptabilité, ni d’ailleurs ses statuts s’agissant de son financement et notamment des cotisations, pour établir sa vulnérabilité financière. On ne saurait voir dans l’application et le rappel de la pratique par l’inspectrice du travail, s’agissant notamment d’accorder des facilités de rattrapage, aucun signe objectif de prévention.

Le droit à la confrontation avec les personnes entendues par l’OCIRT dans le cadre de l’instruction de soupçons de violation du salaire minimum par l’autorité et au stade de l’enquête conduite par celle-ci n’a jusqu’ici pas été reconnu et il a été observé qu’une éventuelle violation d’un tel droit serait guérie lors de l’examen du fond par la chambre de céans après que la recourante aurait eu accès aux procès‑verbaux (ATA/92/2024 et ATA/1335/2023 précités ; ATA/1268/2023 du 24 novembre 2023 ; ATA/1151/2020 du 17 novembre 2020 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_34/2021 du 30 mai 2022 consid. 4.2.2 et 1C_534/2010 du 1er mars 2011). On ne saurait donc voir dans l’absence de confrontation au stade des enquêtes de l’OCIRT aucun indice objectif de prévention – étant observé que la recourante n’établit pas avoir demandé la confrontation à l’OCIRT et essuyé un refus, et n’indique pas à quelles autres parties du dossier l’accès lui aurait été refusé.

La procédure en soupçons de violation du salaire minimum sur laquelle porte la demande de récusation est dirigée contre la recourante et non J______. Il s’ensuit que le reproche d’inégalité de traitement semble, prima facie, tomber à faux, et que l’absence de mise en cause de J______ par l’intimé ne saurait en tout cas être vu comme l’indice d’une prévention de l’inspectrice du travail.

L’inspectrice du travail a exposé de façon objective et détaillée pour quels motifs elle avait retenu les déclarations de E______ et K______. Sa détermination n’apparaît empreinte d’aucune apparence de prévention et le fait de n’avoir pas fait signer la déclaration de E______, à supposer qu’il s’agisse d’une informalité, ne trahit aucune complaisance.

Il ressort de ce qui précède que les actes et l’attitude de l’inspectrice du travail, qu’ils soient pris isolément ou ensemble, ne manifestent pas la moindre apparence objective de prévention, mais correspondent au contraire à la conduite ordinaire d’un dossier de soupçons de violation du salaire minimum.

L’appel téléphonique dont se plaint par ailleurs la recourante est postérieur à sa demande de récusation. Il n’a rien d’inusuel dans le cadre des relations entre l’administration et l’administré. Il avait en l’espèce pour objectif, selon les explications de la recourante elle-même, de lui expliciter le cadre et les enjeux de la procédure administrative après qu’elle eut abondamment déployé son argumentation par écrit durant plus d’une année depuis l’ouverture de la procédure le 9 août 2022. Il ne dénote aucun parti pris.

Les griefs soulevés par la recourante semblent en définitive concerner d’abord le bien-fondé ou la légalité des actes de l’intimé et des mesures qu’il indique qu’il pourrait être amené à prendre au terme de son enquête. La recourante pourra le cas échéant les invoquer à nouveau lors de l’examen du fond d’une éventuelle mesure.

Au vu de ce qui précède, aucune apparence de partialité ne peut être retenue à l’encontre de l'inspectrice du travail dans la manière dont elle a géré le dossier qui lui était confié, comme l’a, à juste titre, retenu l'intimé. L'OCIRT était ainsi en droit de maintenir les actes d'instruction auxquels cette inspectrice avait procédé.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

Vu l’issue de la procédure, les conclusions sur effet suspensif ont perdu leur objet.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 décembre 2023 par l’ASSOCIATION A______ contre le la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 20 novembre 2023 ;

 

au fond :

le rejette ;

met à la charge de l’ASSOCIATION A______ un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l’ASSOCIATION A______ ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

 

Le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :