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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3009/2022

ATA/328/2024 du 05.03.2024 sur JTAPI/199/2023 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS;LOI FÉDÉRALE SUR LES ÉTRANGERS ET L'INTÉGRATION;RESSORTISSANT ÉTRANGER;AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;SÉJOUR ILLÉGAL;ADOLESCENT;DEVOIR DE COLLABORER;RESPECT DE LA VIE FAMILIALE;RESPECT DE LA VIE PRIVÉE;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.30.al1.letb; LEI.58a.al1; OASA.31.al1; LPA.19; LPA.20; LPA.22; LEI.90; CEDH.8
Résumé : Confirmation du refus d'autorisation de séjour au recourant, ressortissant d'Albanie, du prononcé du renvoi et de son exécution. Absence de cas individuel d'extrême gravité dans la situation du recourant, arrivé en Suisse pendant son adolescence il y a un peu moins de cinq ans et dont l'intégration n'apparaît pas particulièrement poussée. Il ne peut pas se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour obtenir une autorisation de séjour. Renvoi possible, licite et raisonnablement exigible.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3009/2022-PE ATA/328/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 mars 2024

1ère section

 

dans la cause

 

D______ recourant
représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 février 2023 (JTAPI/199/2023)


EN FAIT

A. a. B______, née le ______1984, et son époux, C______, né le ______1974, ont trois enfants, D______, E______ et A______ , nés les ______2004, ______2007 et ______2011. Tous sont ressortissants d'Albanie. Après s'être marié une première fois en 2008 dans son pays, y avoir eu ses enfants et y avoir divorcé en 2011, le couple s'y est remarié en 2018.

b. Après son arrivée en Suisse en juillet 2019, dès la rentrée scolaire 2019-2020, D______ a été scolarisé en filière accueil au sein de l'accueil de l'enseignement secondaire II (ci-après : ACCES). En 2020-2021, il a rejoint une classe d'orientation professionnelle dans le même établissement.

c. Par ordonnance du 21 juillet 2021, les parents étant séparés, le Tribunal de première instance a attribué la garde de D______ et E______ à leur père et celle de leur petit frère A______ à leur mère.

B. a. Le 7 janvier 2020, C______ a sollicité auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) la délivrance d'une autorisation de séjour et de travail dans le cadre de l'« opération Papyrus ».

Il avait de la famille en Albanie, avec laquelle il entretenait un contact régulier.

b. Le 31 juillet 2020, B______ a sollicité auprès de l'OCPM la délivrance d'autorisations de séjour pour cas individuel d'extrême gravité en sa faveur et celle de ses trois enfants.

Elle était venue, avec ses trois enfants, rejoindre son époux à Genève le 6 juillet 2019. Les grands-parents maternels et paternels des enfants se trouvaient en Albanie.

c. Par formulaire reçu par l'OCPM le 7 août 2020, B______ a sollicité pour son fils D______ une autorisation de séjour pour regroupement familial. Il était arrivé en Suisse le 6 juillet 2019.

d. Le 10 juin 2021, C______ a demandé à inclure ses fils D______ et E______ dans sa demande d'autorisation de séjour.

e. Le 30 avril 2022, D______ a atteint l’âge de la majorité, de sorte que son dossier a été instruit séparément.

f. Le 20 mai 2022, l'OCPM a informé D______ de son intention de refuser de soumettre son dossier avec préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) et de prononcer son renvoi de Suisse.

g. Par décision du 26 juillet 2022, l'OCPM a refusé de soumettre le dossier de D______ avec un préavis positif au SEM, a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 15 octobre 2015 (recte : 2022) pour quitter la Suisse et le territoire de l'Union Européenne et des États associés à Schengen.

Il séjournait en Suisse depuis à peine trois ans. Il n'avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, ni qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait des conséquences graves sur sa situation personnelle. Il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité.

S'agissant de la demande de regroupement familial avec son père, ce dernier était dépourvu d'une autorisation de séjour et faisait également l'objet d'une décision de refus d'octroi d'une autorisation de séjour et de renvoi de Suisse, de sorte que la demande était sans objet.

h. Par deux décisions du même jour et du lendemain, l’OCPM a également rejeté les demandes d’autorisations de séjour déposées, d'une part, par son père et son frère E______ et, d'autre part, par sa mère et son frère A______.

C. a. Par acte du 14 septembre 2022, référencé sous cause A/3009/2022, D______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour.

b. Par jugement du 20 février 2023, rendu à l'issue des échanges d'écritures, le TAPI a refusé de joindre les procédures concernant les différents membres de la famille C______ et a rejeté le recours.

Le père de D______ avait formulé sa demande d'autorisation de séjour puis avait demandé l'inclusion de ses enfants dans sa demande après la fin de l'« opération Papyrus ».

D______ se trouvait en Suisse depuis moins de quatre ans, soit une courte durée, ceci sans titre de séjour puis au bénéfice de la tolérance des autorités. Il ne faisait l'objet d'aucune poursuite, ni acte de défaut de biens et n'émargeait pas à l'aide sociale. Arrivé à 15 ans, il avait passé en Suisse une partie de son adolescence, âge déterminant pour la formation de la personnalité. Il ne ressortait pas du dossier qu'il avait terminé sa scolarité avec de bons résultats et qu'il se trouvait à ce point intégré qu'un retour dans son pays d'origine représentait pour lui une rigueur excessive. Sa situation n'était pas constitutive d'un cas de rigueur.

Il ne faisait valoir aucun argument laissant penser que l'exécution de son renvoi serait impossible, illicite ou inexigible.

c. Par deux jugements du même jour dans les causes A/3008/2022 et A/2952/2022, le TAPI a également rejeté les recours des quatre autres membres de la famille C______, confirmant les décisions de l'OCPM des 26 et 27 juillet 2022.

D. a. Par acte du 23 mars 2023, D______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant préalablement à l'octroi d'un délai pour compléter son recours et à la convocation d'une audience de comparution personnelle et principalement à l'annulation du jugement attaqué, à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la condamnation de l'État de Genève aux dépens.

Même s'il vivait en Suisse depuis moins de quatre ans, toute sa famille y résidait. Il y était venu en étant mineur. Les années passées en Suisse pendant sa minorité devaient être prise doublement en considération. Entre le dépôt de la demande et la décision de l'OCPM, il avait atteint sa majorité et avait ensuite été traité comme un adulte, séparément de sa famille. Cela allait à l'encontre de son droit au respect de sa vie privée et familiale.

La motivation sommaire de l'autorité sur le renvoi était insuffisante. Toute la famille était ancrée en Suisse. Au manque de perspectives professionnelles s'ajoutaient les difficultés liées à un retour dans son pays après un séjour important en Suisse. Il avait fait les démarches par volonté de régulariser sa situation et le contraindre à quitter la Suisse revenait à inciter le séjour illégal et dissuader les volontés de régularisation.

b. Le 19 avril 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 22 mai 2023, D______ a persisté dans son recours.

Il devait être maintenu auprès de sa famille et donc suivre le sort de son père.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant sollicite son audition.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).

Le droit d'être entendu n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui‑ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_372/2021 du 26 janvier 2023 consid. 2.3 ; ATA/783/2021 du 27 juillet 2021 consid. 6a et les références).

2.2 En l'espèce, le recourant, qui ne dispose pas du droit d'être entendu oralement, a eu l'occasion de prendre position par écrit et produire les pièces à l'appui de sa position à plusieurs reprises au cours de la procédure, tant devant l'autorité intimée et devant l'instance précédente que devant la chambre de céans.

L'audition du recourant n'apparaît dans ces circonstances pas nécessaire à la résolution du présent litige et la chambre administrative dispose d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause.

Il ne sera par conséquent pas donné suite à la demande de comparution personnelle du recourant.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit du refus de délivrance d'une autorisation de séjour au recourant, du prononcé de son renvoi de Suisse et de l'exécution de celui-ci.

4.             Le recourant conteste le refus d'octroi d'une autorisation de séjour.

4.1 La loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des personnes étrangères dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants d'Albanie.

4.2 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

Pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g ; art. 31 al. 1 OASA).

Pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d ; art. 58a al. 1 LEI).

4.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2).

Ainsi, les critères énumérés par l'art. 31 al. 1 OASA, qui doivent impérativement être respectés, ne sont pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er septembre 2023, n. 5.6.10 ; ATA/179/2024 du 6 février 2024 consid. 3.3).

4.4 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3)

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du TAF 7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Le caractère continu ou non du séjour peut avoir une influence (arrêt du TAF C-5048/2010 du 7 mai 2012 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

4.5 L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/878/2022 du 30 août 2022 consid. 5b).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

4.6 Dans l'examen d'un cas de rigueur concernant le renvoi d'une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d'enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d'extrême gravité. D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du TAF C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l'angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 ; 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du TAF C 3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

4.7 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Le principe d’instruction d’office est toutefois contrebalancé par le devoir des parties de collaborer à leur établissement dans les procédures qu’elles introduisent elles‑mêmes (art. 22 LPA), en particulier d’étayer leurs propres thèses et d’indiquer à l’autorité les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATA/111/2024 du 30 janvier 2024 consid. 3.1).

L'étranger est tenu de collaborer à la constatation des faits et en particulier de fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (art. 90 al. 1 let. a LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_161/2013 du 3 septembre 2013 consid. 2.2.1). Il est tenu de fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s’efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (art. 90 al. 1 let. b LEI).

Selon la jurisprudence, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_787/2016 du 18 janvier 2017 consid. 3.1 et 2C_777/2015 du 26 mai 2016 consid. 3.3, non publié in ATF 142 I 152).

4.8 En l'espèce, le recourant est arrivé en Suisse en juillet 2019, soit il y a un peu moins de cinq ans, soit une période relativement courte au regard de la jurisprudence. Ce séjour a par ailleurs été effectué illégalement la première année, puis au bénéfice de la tolérance des autorités cantonales dans le cadre de sa demande d'autorisation de séjour puis de la procédure de recours.

S'agissant de son intégration à Genève, le recourant y est arrivé alors qu'il avait 15 ans, soit au milieu de la période cruciale de l'adolescence. Il a ensuite vécu la suite de son adolescence et le début de sa vie d'adulte à Genève, étant aujourd'hui âgé de presque 20 ans. Il ressort du dossier qu'il a, à son arrivée en Suisse, rejoint l'établissement de l'enseignement public ACCES, dont la mission consiste à accueillir et préparer l'élève à intégrer soit une formation professionnelle, soit une filière scolaire du 12e degré (présentation d'ACCES, p. 3, disponible sur https://drive.google.com/file/d/1_mc9UPxNaeEJto3KLe1U3eALT4ckyQSf/view, consulté le 21 février 2024). Il a en premier effectué une année en classe d'accueil, destinée aux élève allophones et ayant pour objectif l'apprentissage intensif du français, une mise à niveau des connaissances générales et l'initiation au métier d'élève en Suisse (présentation d'ACCES, p. 5). Il a rejoint, en 2020-2021, une classe d'orientation professionnelle, qui s'adresse aux jeunes allophones n'ayant pas encore acquis le niveau scolaire et l'autonomie exigée pour une entrée dans le monde professionnel et qui leur permet d'améliorer leur niveau scolaire et de découvrir la réalité du monde du travail par des visites ou des stages (présentation d'ACCES, p. 6). Le recourant, assisté d'un avocat, n'a rien allégué concernant son implication dans son cursus à ACCES. Il n'a pas non plus indiqué avoir commencé un autre parcours scolaire ou professionnel avec succès depuis l'année scolaire 2020-2021. Il n'a finalement pas plus allégué avoir tissé des liens amicaux ou affectifs particulièrement étroits en Suisse.

Ainsi, même s'il a passé une partie des années importantes pour la formation de sa personnalité en Suisse, il ne ressort pas du dossier qu'il puisse se prévaloir d'une intégration accrue dans ce pays au point qu'un retour dans son pays d'origine soit constitutif d'un déracinement.

S'agissant de sa réintégration dans son pays d'origine, le recourant, jeune et en bonne santé, a vécu toute son enfance et le début de son adolescence en Albanie, pays dont il parle la langue et dont il connaît les us et coutumes. Il y a de la famille, tant du côté maternel que paternel, et il y retrouvera ses parents et ses deux petits frères, lesquels font également l'objet de décisions de refus de délivrance d'autorisations de séjour et de renvoi de Suisse, confirmés par le TAPI et également ce jour par la chambre de céans dans des arrêts séparés. L'ensemble de la famille est ainsi voué à rentrer dans son pays d'origine.

Dans ces circonstances, il ne ressort pas du dossier que les difficultés auxquelles le recourant devra faire face en cas de retour en Albanie seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des personnes étrangères, en particulier des ressortissants d'Albanie, retournant dans leur pays.

Au vu de ce qui précède, le recourant ne se trouve pas dans une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. S'il est vrai qu'un retour dans son pays d'origine engendrerait certainement pour lui certaines difficultés, il ne se trouve pas dans une situation si rigoureuse que l'on ne saurait exiger son retour en Albanie.

Il ne se justifie dès lors pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en faveur du recourant, de sorte que l'autorité intimée était fondée à refuser de donner une suite positive à sa demande d'autorisation de séjour et l'instance précédente à confirmer ledit refus. Le grief sera écarté.

5.             Le recourant invoque une violation de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

5.1 Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, il doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1).

Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2). Un étranger majeur ne peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à des membres de sa famille résidant en Suisse en raison, par exemple, d'un handicap ou d'une maladie grave (ATF 129 II 11 consid. 2).

5.2 Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2).

Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_459/2019 du 17 mai 2019 consid. 3.1 ; 2C_398/2019 du 1er mai 2019 consid. 3.1 ; 2C_1042/2018 du 26 novembre 2018 consid. 4.1).

5.3 En l'espèce, au-delà du fait que le recourant est majeur et ne démontre pas se trouver dans un état de dépendance au sens où l'entend la jurisprudence par rapport à ses parents, ces derniers et ses frères n'ont aucun droit de résider durablement en Suisse.

Par ailleurs, vu l'analyse effectuée précédemment, le droit à la protection de sa vie privée n'ouvre pas de droit du recourant à une autorisation de séjour.

Le recourant ne peut par conséquent pas se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour obtenir une autorisation de séjour. Le grief sera écarté.

6.             Reste à examiner le renvoi et son exécution.

6.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEI).

6.2 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

6.3 En l'espèce, dès lors que la délivrance d'une autorisation de séjour a été refusée au recourant, c'est à bon droit que l'autorité intimée a prononcé son renvoi de Suisse et que l'instance précédente a confirmé ledit renvoi.

Si le recourant invoque l'inexigibilité du renvoi, il n'invoque aucun élément allant dans le sens d'une telle inexigibilité. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que l'exécution de son renvoi serait impossible, illicite ou inexigible. L'autorité intimée était par conséquent fondée à ordonner l'exécution de son renvoi.

Dans ces circonstances, le recours, mal fondé, sera rejeté.

7.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 mars 2023 par D______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 février 2023 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de D______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre OCHSNER, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.