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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/184/2024

ATA/379/2024 du 13.03.2024 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/184/2024-FPUBL ATA/379/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 13 mars 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA COHÉSION SOCIALE intimé



Vu le recours interjeté le 15 janvier 2024 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice par A______ contre la décision du Conseiller d’État chargé du département de la cohésion sociale du 27 novembre 2023 résiliant ses rapports de service avec effet au 29 février 2024 ; qu’elle a conclu, à titre préalable, à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans celle relative à la cause 1______ pendante devant le Tribunal fédéral relative à un incident de procédure ; à la tenue d’une audience de comparution personnelle répondant aux réquisits de l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), à l’audition de B______ et à la production de ses certificats médicaux depuis mars 2023 ; qu’à titre principal, elle a conclu à l’annulation de la décision précitée et à sa réintégration ;

Qu’elle était secrétaire auprès du Service de Protection de l’Adulte (ci-après : SPAd) depuis le 1er juillet 1999 et avait toujours donné satisfaction à son employeur ; que le 16 novembre 2022, un regrettable incident s’était produit lors duquel elle avait donné une « légère tape » qui avait frôlé la joue de B______, geste qu’elle regrettait et pour lequel elle s’excusait ; que, convoquée à un entretien de service qui ne précisait pas les faits reprochés, elle avait été surprise par les rappels à l’ordre relatifs à l’enregistrement de son temps de travail et la venue de ses enfants dans les locaux du SPAd ; qu’elle avait alors appris qu’un contrôle informatique avait eu lieu, avec l’accord de la secrétaire générale du département, et porté sur la période de mars 2019 à décembre 2022 ; que ce contrôle était illicite ; qu’il était aberrant de lui imputer la consultation de sites qu’elle ne connaissait pas durant ses horaires de travail ; que les appareils des membres de sa famille étaient tous connectés sur la même adresse IP, de sorte que les consultations de sites et visionnements de vidéos par ceux-ci ne pouvaient lui être imputés ; qu’elle n’avait nullement poursuivi la vente d’œufs pour laquelle elle avait été sanctionnée en 2018 ; que la procédure de reclassement s’était poursuivie malgré son incapacité de travail et avait été faite de manière incomplète, la prise en charge des cours de langue qu’elle sollicitait ayant été refusée et le certificat de travail intermédiaire établi seulement après qu’elle ait insisté se révélant très « maigre » ; qu’enfin, le délai de protection contre les congés n’étant pas échu, les effets de la résiliation ne pouvaient prendre naissance qu’au 24 avril 2024 ;

Que le département avait omis d’investiguer le bien-fondé des allégations de B______ et de procéder à une confrontation entre elles ; que ce défaut constituait une violation de son droit d’être entendue comme le défaut de motivation de la décision querellée ; que les quelques griefs articulés à son encontre, même s’ils étaient fondés, ne pouvaient constituer des motifs suffisants justifiant la résiliation des rapports de service ;

Que la décision querellée avait été déclarée exécutoire au motif que cela était nécessaire pour le bon fonctionnement du service ; qu’étant en incapacité de travail, il n’était pas nécessaire de rendre la décision immédiatement exécutoire ; que, compte tenu des vices dont la procédure était affectée, ses chances de succès étaient bonnes ;

Que le département a conclu au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif ; qu’il était reproché à la recourante d’avoir régulièrement consulté la base de données « CALVIN » à des fins privées, d’avoir passé beaucoup de temps sur Internet et d’avoir accompli des activités privées pendant ses heures de travail (telles que rédiger, imprimer et remettre à son mari restaurateur le menu du jour, consulter des sites de vente en ligne, de voyage, de recherche généalogique, d’hébergement de vidéos, d’avoir visionné un épisode de « C______ » et la vidéo « D______ ») et d’être restée en permanence connectée sur « Google Hangsout », un outil de messagerie instantanée ; que dans le cadre de la procédure de reclassement, un premier entretien avait eu lieu par vidéoconférence le 2 juin 2023 ; que la procédure de reclassement avait été suivie correctement ; que le département a produit tous les certificats que la recourante lui avait remis, relevant que le dernier certificat médical allait jusqu’au 31 janvier 2024 ; que les conditions de restitution de l’effet suspensif n’étaient pas remplies ;

Que dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a contesté la qualification de « gifle » du geste léger qu’elle avait eu à l’encontre de sa collègue ; que certains résultats de l’analyse informatique étaient absurdes ; que les problèmes de pointage concernaient tout le service et non seulement elle-même ; que l’incident rencontré avec B______ était isolé et unique ; qu’elle était appréciée de ses collègues ;

Que sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Que par arrêt du 19 février 2024, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de A______ dans la cause 1______, de sorte que la demande de suspension est devenue sans objet ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par une juge ;

qu’aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2) ;

qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, spéc. 265) ;

que, par ailleurs, l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018) ;

que la restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013  du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 ; ATA/812/2018 du 8 août 2018) ;

que la chambre de céans dispose dans l’octroi de mesures provisionnelles d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 précité consid. 5.5.1 ; ATA/941/2018 précité) ;

qu’en l’espèce, les conclusions sur effet suspensif visent à ce que la recourante obtienne, durant la procédure, ce qu’elle réclame au fond, à savoir sa réintégration ; or, comme évoqué ci-dessus, les mesures provisionnelles ne sauraient anticiper – même partiellement – le jugement au fond ;

que, contrairement à ce que soutient la recourante, le refus de ladite restitution n’est pas de nature à vider l’art. 66 LPA de sa substance, cette disposition servant précisément à guider la juge dans l’examen des conditions d’octroi ou de restitution de l’effet suspensif ;

que, par ailleurs, la recourante ne rend pas vraisemblable qu’elle subirait un dommage difficilement réparable découlant du caractère exécutoire de la décision de licenciement ; qu’en effet, même si son poste était repourvu, la réintégration de la recourante serait obligatoirement ordonnée par la chambre de céans s’il s’avérait qu’il n’existait pas de motif fondé justifiant le licenciement (art. 31 al. 2 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05 ; ATA/348/2019 du 2 avril 2019 consid. 7) ;

qu’il est relevé que, de jurisprudence constante, l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier de la recourante à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et les références citées) ;

qu’en outre et sans préjudice de l’examen au fond, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif, étant relevé que les reproches adressés à la recourante sont importants, celle-ci reconnaissant – bien qu’elle en minimalise la portée – avoir giflé sa collègue ;

que la requête de restitution de l’effet suspensif sera, partant, rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais du présent incident ;

qu’a priori, la valeur litigieuse au sens des art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) est supérieure à CHF 15'000.- .

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal-fédéral 29, 1005 Lausanne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ; communique la présente décision à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de la cohésion sociale.

 

 

La Vice-Présidente :

 

 

F. PAYOT ZEN RUFFINEN

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :