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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1534/2023

ATA/200/2024 du 13.02.2024 ( PROF ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1534/2023-PROF ATA/200/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 février 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre


COMMISSION DU BARREAU intimée



EN FAIT

A. A______, né en 1968, est titulaire du brevet d’avocat. Il est inscrit au registre cantonal des avocats et exerce la profession d’avocat en qualité d’indépendant au sein de son étude à Genève depuis 2004.

B. a. Le 2 juillet 2021, A______ a été nommé d’office pour la défense des intérêts de B______ dans le cadre de sa procédure de divorce.

b. Par courrier du 27 juillet 2022, A______ a requis du greffe de l’assistance juridique le relief de sa nomination d’office en raison de la rupture de la relation de confiance avec B______.

La relation avec sa cliente avait commencé à se dégrader à compter du mois de février 2022, dès lors qu’elle empiétait de manière contre-productive sur la gestion de son dossier et remettait en question le travail fourni par les divers intervenants, leur reprochant de commettre une série de « bavures judiciaires » et d’agir dans l’arbitraire. Elle critiquait également son travail, lui reprochant, sur la base d’impressions subjectives, une mauvaise computation des délais impartis par les autorités judiciaires, malgré les explications qui lui étaient données. Le 5 juillet 2022, il avait été interpellé par la juge en charge du divorce de sa cliente à la suite d’un courrier envoyé au tribunal par deux organismes qui accusaient les autorités, les intervenants et les avocats de faire preuve de racisme, de négligences et de fautes professionnelles. Le lendemain, il avait reçu B______ à l’étude, laquelle ne voyait aucun problème à ce courrier, indiquant qu’elle n’en était pas responsable mais admettant avoir mis à disposition son dossier à différents intervenants, dont les auteurs dudit courrier. Il lui avait expliqué qu’un tel procédé était contreproductif pour l’issue de la procédure et pouvait remettre en cause ses capacités parentales, ce qui était contraire à ses intérêts. Vu la gravité des événements, il ne pouvait que constater la rupture des liens de confiance et n’avait d’autre choix que de cesser de défendre les intérêts de sa cliente, à qui il appartiendrait de trouver un nouvel avocat.

Il a notamment annexé à son courrier :

- des échanges de courriels entre B______ et C______, avocat‑stagiaire, du 11 février au 10 mars 2022, du 6 mai 2022, des 22 et 23 juin 2022 au sujet de son dossier et de sa gestion ;

- un courriel d’C______ envoyé le 5 juillet 2022 à B______ l’informant que A______, son maître de stage, réfléchissait à demander le relief de la nomination d’office au sens de l’art. 14 al. 1 let. c du règlement sur l’assistance juridique du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04) en présence d’une rupture du rapport de confiance. Il était ainsi contraire à la stratégie mise en place pour défendre son dossier de faire adresser à la juge en charge de son divorce un courrier comminatoire et menaçant, en prétendant que tous les professionnels seraient négligents, racistes et partiaux. Ce courrier, dont il serait discuté lors de leur rendez‑vous du lendemain, la discréditait et rendait vain le travail effectué jusqu’alors.

c. Le 3 août 2022, le greffe de l’assistance juridique a pris note de la demande de A______, l’invitant à saisir la commission du barreau (ci-après : la commission) pour requérir son aval relatif à l’existence d’un motif légitime d’excuse.

d. Le 5 août 2022, A______, reprenant la teneur de son courrier du 27 juillet 2022, a requis de la commission le relief de sa nomination d’office, précisant qu’il avait préalablement saisi le greffe de l’assistance juridique.

e. Le 8 août 2022, la commission a accusé réception de la requête de A______, lui demandant de lui transmettre le courrier précédemment envoyé au greffe de l’assistance juridique, demande à laquelle A______ a fait droit le 9 août 2022.

f. Le 12 septembre 2022, la commission a accepté de relever A______ de sa nomination d’office pour la défense des intérêts de B______.

g. Le même jour, la commission a informé A______ de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son encontre pour violation des art. 12a et 13 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61) à la suite de son courrier du 27 juillet 2022 adressé au greffe de l’assistance juridique, lui accordant un délai pour se déterminer.

h. Le 24 octobre 2022, A______ a répondu à la commission que le choix de demander le relief directement à l’assistance juridique plutôt que sous l’angle de l’art. 8 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10) avait été dicté par le souhait de la cliente, qui ne voulait plus qu’il s’occupe de son dossier, et de la nécessité d’obtenir rapidement un changement d’avocat, étant donné les différentes échéances judiciaires. Lors de la réunion du 6 juillet 2022 à l’étude, son stagiaire avait expliqué à la cliente que celle-ci devait interpeller l’assistance juridique pour le relever de son mandat. Dans ce contexte, B______, qui ne savait pas comment procéder, avait exigé qu’il écrive immédiatement un tel courrier, lequel expliquait de manière transparente les motifs de l’éventuel changement d’avocat, soit les problèmes relatifs à la relation entre l’avocat et la cliente, le déliant ainsi de son secret professionnel. Il avait fait montre de pragmatisme en saisissant directement le greffe de l’assistance juridique au lieu de devoir se déterminer à plusieurs reprises en cas de saisine préalable de la commission.

Il a versé au dossier un courriel de B______ du 17 août 2022 aux termes duquel elle l’informait, ainsi que son stagiaire, qu’elle n’était pas d’accord qu’un mémoire de réponse soit déposé en son nom au tribunal étant donné l’absence de discussion à ce sujet et des documents lui permettant de se déterminer. Elle se référait en outre à l’entretien du 6 août 2022 durant lequel C______ lui avait indiqué ne pas être capable de préserver ses intérêts et ceux de ses enfants, et ce pour les « propres raisons personnelles » de l’avocat. C______ lui avait indiqué qu’elle ne devait pas s’inquiéter au sujet de la demande de relief de la nomination d’office, qui ne posait aucun problème lorsqu’elle était présentée par l’avocat qui ne souhaitait plus continuer son mandat.

i. Le 8 février 2023, la commission a requis de A______ des explications supplémentaires au sujet du déroulement de la réunion du 6 juillet 2022 avec B______.

j. Le 20 février 2023, A______ a répondu à la commission que lors du rendez-vous du 6 juillet 2022, son stagiaire avait conseillé à la cliente de solliciter elle-même le changement d’avocat auprès de l’assistance juridique, étant précisé que le souhait de mettre fin au mandat émanait des deux parties. Il lui avait en particulier expliqué qu’elle était au bénéfice d’un avocat nommé d’office et qu’elle ne pouvait en changer à sa guise, ce qui rendait nécessaire l’aval de l’assistance juridique à travers une requête motivée de sa part, à laquelle il ne s’opposerait pas. Dès lors que B______ n’était pas familière avec ce type de procédure et ne maîtrisait pas le langage juridique, elle avait exigé de sa part la rédaction d’une lettre à l’assistance juridique qui rapportait la teneur de l’entretien du 6 juillet 2022, ce qui permettait d’anticiper les motifs et les arguments du changement d’avocat. Cette solution avait l’avantage de la célérité et de l’économie de procédure.

k. Par décision du 13 mars 2023, la commission a infligé à A______ un blâme, assorti d’un délai de radiation de cinq ans après son prononcé, pour violation des art. 12 let. a et 13 LLCA.

En demandant directement le relief de sa nomination d’office au greffe de l’assistance juridique, il n’avait pas respecté l’art. 8 LPAv, qui requérait que l’existence d’un motif légitime soit admis par un membre de la commission soumis au secret professionnel. C’était à tort qu’il avait justifié ce choix au regard de l’art. 14 al. 1 let. c RAJ et de l’existence d’une plus grande célérité. Il ne pouvait pas non plus être suivi lorsqu’il affirmait que sa cliente avait exigé la saisine du greffe de l’assistance juridique – ce qu’il n’avait pas mentionné dans son courrier du 27 juillet 2022 –, puisque l’avocat ne pouvait accepter de se voir imposer par son client une démarche contraire à la norme. Dès lors qu’il ne s’était pas conformé à l’art. 8 LPAv, il avait contrevenu à l’art. 12 let. a LLCA.

Dans son courrier du 27 juillet 2022, il avait communiqué à l’assistance juridique des informations couvertes par le secret professionnel, qui concernaient notamment l’attitude générale de sa cliente à l’égard des différentes institutions, de la curatrice des enfants, de la juge en charge de la procédure de divorce ou encore de lui-même. Ces informations étaient susceptibles de dépeindre une personnalité difficile de sa cliente, qui pouvaient remettre en cause ses capacités parentales. Il avait également insisté sur la persistance de celle-ci dans les errements qu’il dénonçait, ce qui était non seulement couvert par le secret professionnel mais pouvait aussi lui porter préjudice. Il avait en outre produit plusieurs documents, essentiellement des échanges avec sa cliente, qui contenaient des informations confidentielles. Ce faisant, il avait violé son secret professionnel et contrevenu à l’art. 13 LLCA.

Ses manquements étaient graves et ne relevaient pas du cas bénin. Il n’avait pas respecté la loi à dessein, ce qui l’avait amené à violer le secret professionnel. Ses justifications n’étaient pas convaincantes et il n’apparaissait pas qu’il eût pris conscience de la gravité de ses agissements au vu des déterminations adressées à la commission. La violation de l’art. 13 LLCA constituait un manquement d’autant plus grave qu’il était évitable. L’absence d’antécédents était prise en considération. Le prononcé d’un blâme était par conséquent suffisant pour le ramener à ses devoirs et l’inciter à se comporter de manière irréprochable à l’avenir.

C. a. Par acte posté le 4 mai 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant principalement à son annulation, subsidiairement au prononcé d’un avertissement et plus subsidiairement au renvoi de la cause à la commission pour nouvelle décision au sens des considérants.

La décision était arbitraire. Il n’avait ni violé l’art. 8 LPAv ni le secret professionnel de l’avocat. Il n’avait ainsi pas unilatéralement mis fin au mandat le liant à sa cliente et, même s’il ne ressortait pas de manière explicite du courrier du 27 juillet 2023, maladroitement rédigé par son stagiaire, que la mandante avait donné son accord avec le procédé suivi, il n’en demeurait pas moins que celle-ci était au courant et avait approuvé et demandé que l’étude s’adresse directement à l’assistance juridique, tout en mentionnant les réelles raisons de la rupture réciproque du lien de confiance. La levée du secret professionnel ressortait d’ailleurs de manière évidente du courriel de la mandante du 17 août 2022, dans lequel elle ne contestait pas la saisine de l’assistance juridique. Il ne pouvait ainsi pas lui être reproché de ne pas avoir préalablement saisi la commission alors qu’il avait été délié du secret professionnel dans la mesure nécessaire afin d’obtenir le relief directement de l’assistance juridique. C’était du reste dans le but de respecter son obligation de diligence vis-à-vis de sa cliente, à savoir un changement rapide d’avocat, que son stagiaire avait conseillé à cette dernière de demander directement le relief à l’assistance juridique. À cela s’ajoutait que la procédure devant la commission était moins rapide que devant l’assistance juridique, en particulier au vu du nombre de jours lui ayant fallu pour rendre sa décision de relief.

La commission avait abusé de son pouvoir d’appréciation dans le choix de la sanction disciplinaire. Dans différents cas dans lesquels la commission avait retenu une violation de l’art. 12 let. a LLCA, elle n’avait jamais prononcé de sanction plus sévère qu’un avertissement, alors même qu’il ressortait de ses décisions que les avocats sanctionnés avaient exposé leurs mandants à des préjudices importants. Il convenait également de tenir compte du fait que la cliente voulait changer d’avocat et que si elle avait effectué en premier la demande, la procédure se serait déroulée de manière identique et uniquement par-devant l’assistance juridique et avec les mêmes informations que celles qui avaient été transmises. La cliente n’avait ainsi subi aucun préjudice et aucune atteinte grave à la dignité de la profession et à l’ordre public n’avait été commise. Par ailleurs, même à admettre l’existence d’une violation du secret professionnel, celle-ci n’était pas grave puisque les informations transmises avaient pour seul but de démontrer la rupture du lien de confiance et qu’elles n’avaient été communiquées qu’à l’assistance juridique, qui agissait dans la confidentialité des renseignements reçus. À cela s’ajoutait qu’en 20 ans de carrière, il n’avait jamais fait l’objet d’une quelconque sanction disciplinaire.

b. Le 30 mai 2023, la commission a conclu au rejet du recours, se référant à sa décision du 13 mars 2023.

c. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 5 juin 2023.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2) Le litige a pour objet le blâme prononcé par la commission à l’encontre du recourant pour violation des art. 12 let. a et 13 LLCA.

3) Le recourant conteste avoir contrevenu aux dispositions susmentionnées.

3.1 L’avocat autorisé à pratiquer doit respecter les règles professionnelles énoncées aux art. 12 et 13 LLCA. Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l’intérêt public, la profession d’avocat, afin d’assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à l’égard des avocats (ATF 135 III 145 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_124/2022 du 26 avril 2022 consid. 4.1.1).

La LLCA définit de manière exhaustive les règles professionnelles auxquelles les avocats sont soumis. Les règles déontologiques conservent toutefois une portée juridique en permettant de préciser ou d’interpréter les règles professionnelles, dans la mesure où elles expriment une opinion largement répandue au plan national (ATF 136 III 296 consid. 2.1). Dans le but d'unifier les règles déontologiques sur tout le territoire de la Confédération, la FÉDÉRATION SUISSE DES AVOCATS a édicté le Code suisse de déontologie (ci-après : CSD ; consultable sur http://www.sav-fsa.ch, entré en vigueur le 1er juillet 2023 et ayant abrogé celui précédemment en vigueur depuis le 1er juillet 2005).

3.2 Aux termes de l’art. 12 let. a LLCA, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence. Cette disposition constitue une clause générale qui permet d’exiger de l’avocat qu’il se comporte correctement dans l’exercice de sa profession et qu’il s’abstienne de tout ce qui pourrait mettre en cause la fiabilité de celle-ci. Le devoir de diligence de l’avocat ne se limite pas aux rapports professionnels de celui-ci avec ses clients, mais comprend aussi les relations avec les confrères et les autorités ainsi qu’avec le public (ATF 144 II 473 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2023 du 26 juin 2023 consid. 7.1). L’art. 12 let. a LLCA suppose l’existence d’un manquement significatif aux devoirs de la profession, qui n’a toutefois pas à atteindre un haut seuil de gravité pour être sanctionné (ATF 148 I 1 consid. 12.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2023 précité consid. 7.1).

À teneur de l’art. 6 CSD, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence, en se conformant à l’ordre juridique. Il s’abstient de tout comportement susceptible de mettre en cause la confiance mise en lui.

3.3 Le secret professionnel est protégé par l’art. 13 al. 1 LLCA. Selon cette disposition, l’avocat est soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l’exercice de sa profession. Cette obligation n’est pas limitée dans le temps et est applicable à l’égard des tiers. Le fait d’être délié du secret professionnel n’oblige pas l’avocat à divulguer des faits qui lui ont été confiés. Le secret professionnel protège non seulement l’intérêt du client, qui doit pouvoir librement se confier afin d’obtenir une appréciation complète de sa situation sans crainte de divulgation des faits ou documents confiés, mais revêt aussi un intérêt public, qui consiste en la protection de l’ordre juridique, au sein duquel l’avocat joue un rôle particulier, et de l’accès à la justice (ATF 145 II 229 consid. 7.1).

En application de l’art. 13 al. 1 LLCA, l’avocat est le titulaire de son secret et il reste maître de celui-ci en toutes circonstances. L’avocat doit toutefois obtenir le consentement de son client, bénéficiaire du secret, pour pouvoir révéler des faits couverts par le secret. En cas de pluralité de mandants, chacun d’eux doit donner son accord. Lorsque l’accord du client ne peut pas être obtenu, l’avocat peut s’adresser à l’autorité compétente en vue d’obtenir la levée du secret professionnel. Une procédure de levée du secret professionnel de l’avocat ne saurait par conséquent avoir lieu que dans la mesure où le client s’oppose à la levée de ce secret ou n’est plus en mesure de donner son consentement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_879/2018 du 16 janvier 2019 consid. 3.1 et les références citées ; voir également l’art. 12 al. 2 et 3 LPAv).

Le secret professionnel ne couvre que l’activité professionnelle spécifique de l’avocat. Entrent dans cette notion la rédaction de projets d’actes juridiques, l’assistance et la représentation d’une personne devant des autorités administratives ou judiciaires ainsi que les conseils juridiques. Sont alors protégés non seulement les documents ou conseils émis par l’avocat lui-même, mais également toutes les informations, faits et documents confiés par le mandant qui présentent un rapport certain avec l’exercice de la profession d’avocat ainsi que les confidences effectuées en raison des compétences professionnelles du mandataire. Cette protection trouve sa raison d’être dans le rapport de confiance particulier liant l’avocat et son client, qui doit pouvoir se fier entièrement à la discrétion de son mandataire (ATF 147 IV 385 consid. 2.2 ; 143 IV 462 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_264/2018 du 28 septembre 2018 consid. 2.1).

3.4 Selon l’art. 8 LPAv, l’avocat nommé d’office ne peut refuser son ministère ou mettre unilatéralement un terme à son mandat sans justifier d’un motif légitime d’excuse, le motif avancé devant être admis par un membre avocat de la commission du barreau, désigné par celle-ci et soumis à cet effet au secret professionnel. Cette disposition a été adoptée afin de préserver le secret professionnel de l’avocat et de lui permettre d’exposer de manière confidentielle les motifs pour lesquels il demande le relief de sa nomination d’office, la situation précédente, dans laquelle l’autorité de nomination devait être consultée dans le cas d’une telle demande, ne s’étant pas révélée satisfaisante de ce point de vue (MGC 2001-2002/ VII D/34 p. 1786s).

L’art. 14 RAJ a trait au changement d’avocat nommé d’office et prévoit que le relief d’une nomination, avec ou sans nomination d’un nouveau conseil juridique, n’est accordé ou ordonné d’office que pour de justes motifs, tels que la rupture de la relation de confiance (al. 1 let. c).

3.5 En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant s’est adressé le 27 juillet 2022 au greffe de l’assistance juridique pour requérir le relief de sa nomination d’office et qu’il a exposé en détail les motifs pour lesquels la relation de confiance avec sa cliente était rompue, produisant plusieurs échanges de courriels avec cette dernière. Ce n’est qu’après y avoir été invité par le greffe de l’assistance juridique qu’il a adressé sa requête à l’autorité intimée, reprenant la teneur de son précédent courrier et y annexant les mêmes pièces.

3.5.1 Le recourant soutient que la saisine directe de l’assistance juridique avait été souhaité par sa mandante et qu’elle était dictée par la nécessité d’obtenir rapidement une demande de relief.

Ce faisant, le recourant perd toutefois de vue que l’art. 14 al. 1 let. c RAJ ne saurait déroger à l’art. 8 LPAv, qui exige de l’avocat qu’il s’adresse à la commission pour être relevé de sa nomination d’office. Il ressort en particulier des travaux préparatoires ayant conduit à l’adoption de la teneur actuelle de l’art. 8 LPAv que cette disposition visait à éviter que l’autorité de nomination ne se prononce sur de telles demandes, ce qui était problématique du point de vue de la confidentialité et du secret professionnel de l’avocat à l’égard des autorités. Le recourant ne pouvait ainsi saisir directement le greffe de l’assistance juridique de sa demande mais devait s’adresser préalablement à la commission, à qui il revenait d’examiner la réalité d’une rupture de la relation de confiance, comme celle-ci l’a fait le 12 septembre 2022 concernant la requête du recourant.

La nécessité alléguée d’obtenir une décision rapidement ne justifiait pas non plus de contourner l’art. 8 LPAv, ce d’autant moins que la demande a été faite durant la période de suspension des délais. Des motifs relevant prétendument de l’économie de procédure ne permettent pas davantage la saisine directe du greffe de l’assistance juridique, sous peine de rendre sans objet l’art. 8 LPAv.

Il ne ressort pas non plus du courrier du recourant du 27 juillet 2022 que sa cliente aurait donné son accord pour qu’il s’adresse directement à l’assistance juridique, pas plus que du courriel de sa cliente du 17 août 2022 comme il le prétend. En tout état de cause, comme l’a relevé l’autorité intimée, l’on ne saurait admettre qu’un avocat se voie imposer par son client une démarche, comme en l’espèce, contraire aux dispositions légales applicables.

C’est dès lors à juste titre que la commission a considéré que le recourant ne s’était pas conformé à l’art. 8 LPAv, contrevenant ainsi à son obligation de diligence au sens de l’art. 12 let. a LLCA.

3.5.2 Le recourant, qui ne conteste pas que les éléments communiqués tombent sous le secret professionnel de l’avocat, prétend que sa cliente l’en aurait relevé, raison pour laquelle il était habilité à saisir directement le greffe de l’assistance juridique.

Il ne ressort toutefois pas du dossier que tel aurait été le cas. En effet, le courrier du recourant du 27 juillet 2022 ne contient pas une telle indication, dès lors qu’il n’évoque pas la volonté de la cliente, mais celle de l’avocat, de mettre un terme au mandat. En outre, la cliente, dans son courriel du 17 août 2022, indique certes qu’elle ne veut pas qu’un mémoire soit déposé en son nom, mais seulement parce qu’aucune discussion n’avait eu lieu à ce sujet. Par ailleurs, dans la suite dudit courriel, la cliente se réfère à un entretien du 6 août 2022 avec le stagiaire du recourant et au relief de la nomination d’office, sans toutefois aborder la question de la levée du secret professionnel, qui ne saurait ainsi, contrairement à ce que soutient le recourant, être déduite de manière implicite du fait d’un changement d’avocat.

C’est par conséquent à juste titre que l’autorité intimée a considéré que le recourant avait contrevenu à l’art. 13 LLCA en exposant de manière détaillée au greffe de l’assistance juridique les motifs pour lesquels il souhaitait être relevé de sa nomination d’office et en annexant à son courrier du 27 juillet 2022 des échanges de courriels avec sa cliente, éléments couverts par le secret professionnel de l’avocat dont il n’avait pas été délié.

4) Le recourant conteste la sanction qui lui a été infligée.

4.1 Selon l’art. 17 al. 1 LLCA, en cas de violation de la LLCA, l’autorité de surveillance peut prononcer des mesures disciplinaires, soit l’avertissement (let. a), le blâme (let. b), une amende de CHF 20'000.- au plus (let. c), l’interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans (let. d) ou l’interdiction définitive de pratiquer (let. e). L’amende peut être cumulée avec une interdiction de pratiquer (art. 17 al. 2 LLCA). Si nécessaire, l’autorité de surveillance peut retirer provisoirement l’autorisation de pratiquer (art. 17 al. 3 LLCA). L’avertissement, le blâme et l’amende sont radiés du registre cinq ans après leur prononcé (art. 20 al. 1 LLCA).

L’avertissement est la sanction prévue la moins grave et est réservée aux cas bénins. Le blâme est destiné à sanctionner des manquements professionnels plus graves et doit apparaître comme suffisant pour ramener l’avocat à ses devoirs et l’inciter à se comporter de manière irréprochable, conformément aux exigences de la profession (ATA/213/2022 du 1er mars 2022 consid. 6a et les références citées).

4.2 La loi reconnaît à l’autorité compétente en matière disciplinaire une marge d’appréciation dans la détermination de la sanction prononcée, que la chambre administrative ne censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/479/2023 du 9 mai 2023 consid. 4.1.2). L’autorité doit néanmoins toujours respecter les principes de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2023 précité consid. 9.1).

L’autorité tiendra notamment compte de la gravité de la faute commise, des mobiles et des antécédents de son auteur, ou encore de la durée de l’activité répréhensible. Elle pourra également prendre en considération, suivant les cas, des éléments plus objectifs extérieurs à la cause, comme l’importance du principe de la règle violée ou l’atteinte portée à la dignité de la profession. Elle devra enfin tenir compte des conséquences que la mesure disciplinaire sera de nature à entraîner pour l’avocat, en particulier sur le plan économique, ainsi que des sanctions ou mesures civiles, pénales ou administratives auxquelles elle peut s’ajouter (ATA/479/2023 précité consid. 4.1.2).

4.3 Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a confirmé le blâme prononcé à l’encontre d’une avocate (sans antécédents) ayant facturé à sa cliente des honoraires non retenus par l’assistance juridique et ayant procédé à une compensation sans l’accord de sa cliente, dont elle connaissait la situation précaire, celle-ci suivant un plan de désendettement (ATA/395/2015 du 28 avril 2015 consid. 6f). Elle a également confirmé le blâme sanctionnant l’avocat (sans antécédents) qui avait omis d’entreprendre les démarches pour que sa cliente, pour qui il avait déjà obtenu l’assistance juridique dans le passé, bénéficie de celle-ci pour une autre procédure, respectivement omis d’en demander l’extension et avait procédé à une brusque compensation de ses honoraires avec des montants recouvrés pour sa cliente (ATA/288/2014 du 29 avril 2014 consid. 5e). Elle a encore confirmé le blâme infligé à l’avocat (sans antécédents) qui s’était exprimé dans le cadre d’une procédure d’arbitrage dans laquelle il avait rappelé chronologiquement les conventions fiduciaires successives résultant de son activité d’avocat sans en avoir préalablement requis l’accord de l’ensemble de ses mandants pour ce faire, en violation de son secret professionnel (ATA/837/2018 du 21 août 2018 consid. 8, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_879/2018 précité consid. 3.3). Plus récemment, elle a confirmé le prononcé d’un blâme dans le cas d’un avocat ayant été condamné pénalement pour diffamation et injure. Elle a considéré que le choix de ladite sanction, compte tenu de la gravité de la faute, des circonstances particulières du cas, soit notamment le fait que les actes reprochés avaient eu lieu dans le cadre de l’exercice de la profession d’avocat, ne constituait ni un excès ni un abus du pouvoir d’appréciation (ATA/812/2021 du 10 août 2021 consid. 15, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_712/2021 du 8 novembre 2022 consid. 8.2).

La chambre administrative a confirmé l’avertissement infligé à un avocat ayant transgressé l’art. 12 let. a LLCA en refusant de retirer la poursuite qu’il avait introduite contre son ancien client alors que ce dernier avait renoncé à la prescription (ATA/820/2016 du 4 octobre 2016 consid. 10, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_1060/2016 du 13 juin 2017 consid. 4.3) ou encore en produisant en justice un moyen de preuve qu’il savait illégal (ATA/1405/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4, confirmé par l’ATF 144 II 473). Elle a également confirmé l’avertissement prononcé à l’encontre d’un avocat qui avait manqué à ses obligations professionnelles en produisant en justice des pièces émanant d’un confrère et protégées par une obligation de confidentialité (ATA/213/2022 du 1er mars 2022 consid. 7, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_209/2022 du 22 novembre 2022 consid. 4.3).

4.4 En l’espèce, au regard des faits qui sont reprochés au recourant, soit d’avoir contrevenu aux art. 12 let. a et 13 LLCA en saisissant directement le greffe de l’assistance juridique de la demande de relief de son mandat d’office et en lui exposant les motifs et pièces pour lesquels il présentait sa demande, la commission pouvait prononcer une sanction à son encontre, ce qui ne prête pas le flanc à la critique dans son principe.

Le recourant conteste la proportionnalité de ladite sanction, au motif que la faute qui lui est reprochée n’aurait pu conduire qu’au prononcé d’un avertissement.

Il ne saurait être suivi. En effet, les manquements reprochés au recourant sont graves, en particulier compte tenu de l’importance du secret professionnel dans le métier d’avocat, dès lors qu’il touche directement à la confiance qu’un client est en droit d’attendre de son avocat, ainsi qu’à la mise en œuvre de la justice. Par ailleurs, le client, les autorités, de même que le public en général sont en droit d’attendre de l’avocat qu’il respecte les règles applicables, en particulier celles encadrant l’exercice de son activité professionnelle, qu’il ne pouvait ignorer et enfreindre à dessein.

À cela s’ajoute que, même s’il n’a pas fait l’objet d’autres sanctions disciplinaires, le recourant n’a eu de cesse de minimiser ses agissements, en particulier en reportant la faute sur son stagiaire, ce qui démontre non seulement une absence de prise de conscience de sa part, mais également une certaine désinvolture à l’égard des règles de la profession, instituées afin de préserver la confiance du public à l’égard des avocats.

Au vu de ces éléments, c’est à juste titre que l’autorité intimée a retenu que la faute du recourant était grave et qu’elle justifiait le prononcé d’un blâme à son encontre, et non pas d’un simple avertissement, en l’absence de cas bénin, ce qui est conforme à la jurisprudence susmentionnée. Dans ce cadre, le recourant ne peut rien tirer des affaires dans lesquelles seul un avertissement a été infligé à un avocat, dès lors que la jurisprudence qu’il mentionne dans son recours concernait la violation d’une seule disposition, en l’occurrence l’art. 12 let. a LLCA, et non pas également de l’art. 13 LLCA comme dans la présente cause.

La durée du délai de radiation est en outre conforme à l’art. 20 al. 1 LLCA.

Par conséquent, la sanction infligée, à savoir le blâme, apparaît justifiée tant dans son principe que dans le choix de la mesure disciplinaire, l’autorité intimée n’ayant ainsi pas abusé de son pouvoir d’appréciation.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mai 2023 par A______ contre la décision de la commission du barreau du 13 mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu’à la commission du barreau.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

J. BALZLI

 

 

la présidente siégeant :

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.


Genève, le 

 

 


la greffière :