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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/129/2015

ATA/395/2015 du 28.04.2015 ( PROF ) , REJETE

Descripteurs : AVOCAT ; ASSISTANCE JUDICIAIRE ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; DILIGENCE ; MESURE DISCIPLINAIRE ; RÉPRIMANDE ; COMPENSATION DE CRÉANCES
Normes : LLCA.12.leta ; LLCA.12.let.i ; LLCA.17 ; LLCA.20 ; Cst.29.al3 ; Code suisse de déontologie.17 ; LPav.14 ; LPav.43.al.1 ; LPav.48 ; RPav.9.al5
Résumé : Rejet du recours d'une avocate contre un blâme prononcé à son encontre par la commission du barreau. Violation des devoirs de diligence et d'information de l'avocat. La recourante a conservé, sans l'accord de sa cliente, un montant trop-perçu par l'assistance juridique, prétendant avoir le droit de compenser cette somme avec les nombreuses heures de travail accomplies sans rémunération. Ce faisant, elle a cherché à facturer à sa cliente des honoraires non retenus par l'assistance juridique alors qu'elle n'avait pas contesté la décision de cette autorité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/129/2015-PROF ATA/395/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 avril 2015

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

COMMISSION DU BARREAU



EN FAIT

1) Madame A______ exerce la profession d'avocate et est inscrite au barreau de Genève depuis 1976.

2) Entre 2007 et 2010, Mme A______ a assisté Madame B______ dans le cadre de diverses procédures en matière de droit de la famille.

3) Mme B______ a plaidé dans ces procédures au bénéfice de l'assistance juridique. Celle-ci lui a notamment été octroyée moyennant versement mensuel d'une somme de CHF 30.-.

4) Après son divorce, Mme B______ a suivi, avec l'aide de l'Hospice général (ci-après : l’hospice), un plan de désendettement.

5) Dans ce cadre, elle a découvert, grâce à l'aide de son assistante sociale, qu'elle avait remboursé l'assistance juridique au-delà de ses obligations et que ce service devait lui restituer la somme de CHF 672.-, ce qui lui a été confirmé par décision du 23 août 2013.

6) Par courrier du 28 septembre 2013, Mme A______ a prié les services financiers du Pouvoir judiciaire d'effectuer le versement de CHF 672.- sur son compte bancaire, en précisant que ledit montant serait transmis à sa cliente.

7) Comme Mme A______ n'avait pas reversé à sa cliente le montant qui lui était dû, l'hospice, par courrier daté du 28 janvier 2013 (sic ; recte : 28 janvier 2014), a invité l'intéressée à s'exécuter et transmis à cette fin les coordonnées bancaires de Mme B______.

8) Mme A______ a répondu à l'hospice par courrier du 12 février 2014.

Elle avait défendu Mme B______ dans diverses démarches non couvertes par l'assistance juridique, et pour lesquelles elle n'avait pas été payée. Par ailleurs, l'assistance juridique avait réduit son décompte de 94.75 à 50 heures d'activité, lui faisant ainsi perdre CHF 7'693.-. Sa perte en temps de travail non payé s'élevait à plusieurs dizaines de milliers de francs. Il lui avait donc paru légitime de demander à Mme B______ son accord pour conserver le montant de CHF 672.-. Sa cliente lui avait donné son accord et cette affaire était donc close.

9) En date du 20 mars 2014, Mme B______ a dénoncé Mme A______ à la commission du barreau (ci-après: la commission) en raison de ces faits.

Elle n'avait jamais donné son accord pour que son avocate garde la somme de CHF 672.-. Cette dernière était venue la trouver sur son lieu de travail pour lui dire qu'elle ne voulait pas lui rendre cette somme dès lors qu'elle avait travaillé bien au-delà de ce qui lui avait été versé par l'assistance juridique. Mme B______ souhaitait que ce montant lui soit rendu afin de l'aider dans son plan de désendettement.

10) Invitée à se déterminer par courriers de la commission des 10 avril et 16 mai 2014, Mme A______ a répondu le 26 mai 2014.

Elle contestait s'être rendue sur le lieu de travail de sa cliente en vue d'obtenir son accord pour conserver la somme de CHF 672.-. Elle avait obtenu son accord oral pour la compensation lors d'une conversation téléphonique ou d'une rencontre dans la rue. Elle reconnaissait avoir opéré, « manifestement à tort », une compensation, « d'ailleurs bien mince », entre le montant de CHF 672.- et le « nombre incalculable d'heures » de son temps consacré à cette dame, cela sans faire de facture, mais avec son accord. Vu la réaction de sa cliente, elle avait adressé à cette dernière une note d'honoraires de CHF 11'512.60 (soit CHF 12'184.60, sous déduction d'un acompte de CHF 672.-), relative aux activités et aux heures de travail non prises en charge par l'assistance juridique. Cette note d'honoraires portait la mention « payable à 30 jours ».

11) Par courrier du 4 juin 2014, Mme B______ a informé la commission qu'elle avait reçu la facture de CHF 11'512.60 susmentionnée. Elle sollicitait l'aide de la commission dans la mesure où, en tant que bénéficiaire de l'assistance sociale, il lui était impossible d'honorer ce genre de factures.

12) En date du 23 juin 2014, la commission a décidé de l'ouverture formelle d'une instruction disciplinaire, ce dont Mme A______ a été informée par courrier du 30 juin 2014. Un délai au 21 juillet 2014, puis au 31 août 2014, lui a été imparti pour transmettre ses éventuelles observations complémentaires.

13) Mme A______ a répondu le 18 août 2014. Elle se référait aux explications contenues dans son courrier du 10 avril 2014 et ne voyait pas ce qui pouvait lui être reproché. Par ailleurs, elle ne s'opposait pas à ce que la juridiction ad hoc taxe sa note d'honoraires. Le litige dénoncé par son ancienne cliente était pour elle une « non-affaire ».

14) Par décision du 8 décembre 2014, la commission a prononcé un blâme à l'encontre de Mme A______.

Elle avait violé son devoir d'information en n'ayant jamais orienté sa cliente sur les coûts prévisibles de son intervention. Elle ne lui avait pas indiqué qu'elle entendait lui facturer non seulement un certain nombre de démarches qui n'étaient pas, selon elle, prises en charge par l'assistance juridique, mais également les heures de travail soumises à l'assistance juridique, mais non retenues par ce service.

Mme A______ avait également violé son obligation de soin et diligence en n'incitant pas sa cliente à solliciter une extension de l'assistance juridique pour les démarches complémentaires figurant sur sa note d'honoraires du 26 mai 2014, alors même qu'elle savait que Mme B______ remplissait les conditions d'octroi de cette aide sociale.

De plus, la brusque compensation opérée par Mme A______ était d'autant moins admissible étant donné la situation économique précaire de sa cliente. Elle avait ainsi privé cette dernière des moyens qui lui étaient nécessaires pour son entretien.

Enfin, la facturation d'honoraires non retenus par l'assistance juridique - décision contre laquelle l'avocate n'avait pas recouru - constituait une violation des devoirs professionnels qui méritait d'être sanctionnée disciplinairement.

Ces manquements étaient particulièrement graves dès lors qu'ils avaient été commis au détriment d'une cliente dans le besoin, qui était au bénéfice de l'assistance juridique et bénéficiait d'une aide sociale dans le cadre d'un plan de désendettement. Les fautes disciplinaires commises étaient de nature à entamer la confiance dont il était essentiel que les avocats jouissent auprès des justiciables, notamment dans le rôle social qu'ils étaient appelés à jouer dans le cadre de l'assistance juridique. À sa décharge, Mme A______ n'avait pas d'antécédent disciplinaire.

15) Le 14 janvier 2015, Mme A______ a formé recours à l'encontre de la décision de la commission auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Sa cliente lui avait donné son accord pour conserver la somme de CHF 672.-, sauf erreur lors d'un entretien téléphonique. Sa parole valait tout autant que celle de sa cliente, aussi il n'y avait pas de raison de la mettre en doute. Étant donné leur relation de confiance de longue date, elle ne lui avait pas remis de facture.

Lorsque la commission lui avait demandé de se déterminer sur la dénonciation de sa cliente, elle avait pensé expliquer la raison de sa demande de conserver le montant de CHF 672.- en émettant la facture de CHF 11'512.60. Elle n'avait jamais eu l'intention de se faire payer le montant indiqué, ce qui était évident au vu de la situation économique précaire de sa cliente. Cette facture avait été rédigée à titre explicatif et démonstratif, afin de faire comprendre aux personnes impliquées qu'elle avait travaillé de nombreuses heures sans avoir été payée et qu'elle compensait ces heures avec la somme reçue en retour des services financiers. Le fait d'oublier la mention « pour mémoire » ne pouvait valoir un blâme, car l'intention de se faire payer la somme indiquée faisait totalement défaut.

16) Dans sa détermination du 26 janvier 2015, la commission a persisté dans les termes de sa décision et conclu au rejet du recours.

L'accord dont se prévalait la recourante ne ressortait aucunement du dossier. De surcroît, la théorie de la facture rédigée « à titre explicatif et démonstratif » était très peu convaincante et développée pour la première fois devant l'autorité de recours.

17) Le 28 janvier 2015, la commission a transmis à la chambre administrative son dossier.

18) Les parties ont été informées, le 29 janvier 2015, que la cause serait gardée à juger après le 13 février 2015. Aucune observation complémentaire n'a été adressée à la chambre administrative dans l'intervalle.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige concerne une sanction disciplinaire infligée à une avocate sur la base de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61). La commission reproche à la recourante d’avoir contrevenu à ses obligations de diligence et d'information en facturant des honoraires non retenus par l'assistance juridique, en n’encourageant pas sa cliente à solliciter l’assistance juridique pour certaines des démarches effectuées, et en procédant à une compensation sans l'accord préalable de sa cliente, privant ainsi cette dernière des moyens qui lui étaient nécessaires pour son entretien.

3. L’avocat autorisé à pratiquer doit respecter les règles professionnelles énoncées à l’art. 12 LLCA. Ce dernier définit exhaustivement les règles professionnelles applicables aux avocats (ATF 136 III 296 consid. 2.1 ; 131 I 223 consid. 3.4 ; 130 II 270 consid. 3.1 ; ATA/132/2014 du 4 mars 2014). Il n’y a plus de place pour une règlementation cantonale divergente (ATF 130 II 270 consid. 3.1).

Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l’intérêt public, la profession d’avocat, afin d’assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à l’égard des avocats (ATF 135 III 145 consid. 6.1).

4. a. Aux termes de l’art. 12 let. a LLCA, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence. Cette disposition constitue une clause générale, visant le soin et la diligence de l’avocat dans l’exercice de son activité professionnelle. L'obligation de diligence imposée à l'art. 12 let. a LLCA est directement déduite de l'art. 398 al. 2 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) ; elle interdit à l'avocat d'entreprendre des actes qui pourraient nuire aux intérêts de son client (Walter FELLMANN, Kommentar zum Anwaltsgesetz, 2011, n. 25 ad art. 12 LLCA).

Selon l’art. 29 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l’assistance judiciaire gratuite. Le droit à l'assistance judiciaire est un droit fondamental mixte car il est à la fois un droit de nature sociale et une garantie de procédure (François BOHNET/Vincent MARTENET, Droit de la profession d’avocat, 2009, n. 1673, p. 689).

Lorsque l'avocat travaille au bénéfice de l'assistance judiciaire, il commet une faute professionnelle s'il facture des honoraires à ses clients. Il importe peu à cet égard que l'indemnité de l'État ne couvre pas la totalité des honoraires qu'il aurait normalement facturés (Benoît CHAPPUIS, La profession d’avocat, Tome I, 2013, p. 57). Par conséquent, un avocat dont le client a obtenu l'assistance judiciaire et qui, malgré cela, ne donne pas suite aux requêtes de celui-ci tendant au remboursement des avances de frais versées, viole ses devoirs au sens de l'art. 12 let. a LLCA (arrêt du Tribunal fédéral 2C_452/2011 du 25 août 2011 consid. 5.1).

b. Aux termes de l’art. 12 let. i LLCA, l’avocat doit informer son client des modalités de facturation et le renseigner périodiquement, ou à sa demande, sur le montant des honoraires dus.

Dans la mesure où le client est susceptible de satisfaire aux exigences de l’assistance juridique ou d’une assurance de protection juridique, il appartient à l’avocat de l’en informer, sans l’en dissuader ou l’inciter à lui confier un mandat onéreux (Michel VALTICOS, in Michel VALTICOS/Christian REISER/Benoît CHAPPUIS [éd.], Commentaire romand - Loi sur les avocats, 2010, n. 23 ad art. 12 LLCA). Cette obligation ressort également du code suisse de déontologie, adopté par la Fédération suisse des avocats le 10 juin 2005 : l’avocat fait en sorte que le justiciable dans le besoin puisse bénéficier de l’assistance judiciaire. Il en informe son client (art. 17 al. 1 dudit code). Par ailleurs, sauf réglementation légale contraire, l'avocat ne peut demander aucun honoraire en sus de celui que fixe l'autorité (art. 17 al. 3 dudit code).

c. La LLCA ne contient aucune disposition limitant expressément la faculté de l’avocat d’exercer un droit de rétention sur les biens qu’il détient pour le compte de son client, question qui relève donc essentiellement du droit civil. S’il est reconnu sur le plan civil, le droit de compenser n’est pas absolu et, selon les circonstances, son exercice peut constituer une violation de la règle générale du devoir de diligence de l’art. 12 let. a LLCA. Doctrine et jurisprudence s’accordent en effet à refuser à l’avocat le droit de compenser lorsque, de sa connaissance de la situation patrimoniale de son mandant, il doit déduire que la compensation qu’il exercerait priverait celui-ci des moyens qui lui sont nécessaires pour son entretien ou celui de sa famille. La faculté de compenser ses honoraires avec la dette de l’avocat envers le client est en outre liée à son devoir d’information sur les modalités de facturation et de paiement de ses honoraires, tel que prescrit par
l’art. 12 let. i LLCA. Il doit en tout cas s’en ouvrir clairement à ses clients en début de mandat et non procéder à une brusque compensation au terme de ce dernier, au risque de mettre ses clients dans une situation financière difficile (Benoît CHAPPUIS, op. cit., p. 60-61 ; Michel VALTICOS, in op. cit., n. 270 et 271 ad art. 12 LLCA ; SJ 2007 II 285-286 ; ATA/288/2014 du 29 avril 2014).

5. La chambre administrative examine librement si le comportement incriminé contrevient à l’art. 12 let. a et i LLCA (art. 67 LPA ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.318/2006 du 27 juillet 2007 consid. 12.1 ; ATA/288/2014 du 29 avril 2014 ; ATA/132/2014 du 4 mars 2014).

En l'espèce, la recourante a refusé de reverser à sa cliente un montant de CHF 672.- qui avait été trop perçu par l'assistance juridique. Elle prétend avoir le droit de compenser cette somme avec les nombreuses heures de travail qu'elle a accomplies dans ce dossier sans être rémunérée. La recourante a ainsi procédé à une compensation sans l'accord de sa cliente, et alors qu'elle savait que ce procédé, au vu de la situation économique de cette dernière, la priverait des moyens qui lui étaient nécessaires pour son entretien. Ce fait est manifestement constitutif d'une violation du devoir de diligence et d'information de l'avocat. Le fait que la recourante ait prétendument obtenu l’accord de sa cliente pour conserver cette somme paraît très peu vraisemblable, dans la mesure où cela ne ressort ni du courrier qu'elle a adressé à l'assistance juridique, ni des faits de la cause, sa cliente l'ayant dénoncée au motif qu’elle souhaitait récupérer cet argent.

Même si sa cliente lui avait effectivement donné son accord, le comportement de l'avocate contreviendrait à l'art. 12 let. a et i LLCA. En effet, en conservant le montant trop-perçu par l'assistance juridique au lieu de le restituer à sa cliente, la recourante a cherché à être rémunérée au-delà de ce qui avait été retenu par l'assistance juridique, et ce au détriment de sa cliente, dont la situation économique était très précaire, et sans contester la décision de cette autorité. Elle a également omis d'encourager sa cliente à solliciter l'assistance juridique pour des démarches qui auraient pu être prises en charge par ladite autorité, et a cherché par la suite à se voir rémunérer - certes partiellement - pour cette activité en conservant la somme reçue de l'assistance juridique. Ces faits constituent donc une faute professionnelle, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral
ci-dessus mentionnée.

Après que sa cliente a contesté - à juste titre - sa manière de faire en la dénonçant à la commission, l'avocate a émis une note de frais et honoraires d'un montant de CHF 11'512.60. Elle prétend dans son recours que cette démarche avait pour seul but de démontrer qu'elle avait travaillé de nombreuses heures sans être rémunérée et que la compensation à laquelle elle avait procédé était dès lors légitime. Cette affirmation ne peut être retenue. Premièrement, ladite facture porte uniquement la mention « payable à 30 jours », sans aucune autre indication permettant de comprendre qu'elle aurait été émise à titre informatif. Après réception de cette facture, la cliente a d'ailleurs sollicité l'aide de la commission, car il lui était impossible de verser cette somme. Ensuite, la recourante a fait valoir cet argument pour la première fois devant la chambre administrative. Enfin, dans ses dernières observations adressées à la commission, la recourante a indiqué n'avoir pas d'objection à ce que sa note d'honoraires soit taxée par la juridiction ad hoc. Cette proposition est pour le moins en contradiction avec le prétendu caractère explicatif et démonstratif de ladite note.

En dernier lieu, il ne ressort pas du dossier que la recourante ait restitué la somme de CHF 672.- à sa cliente, ce bien qu'elle ait reconnu dans ses écritures devant la commission avoir effectué cette compensation à tort.

Au vu de tout ce qui précède, la recourante a manifestement violé les devoirs de diligence et d'information de l'avocat (art. 12 let. a et i LLCA).

6. a. En cas de violation de la LLCA, l’autorité de surveillance peut prononcer des mesures disciplinaires, soit l’avertissement, le blâme, une amende de CHF 20’000.- au plus, l’interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans ou l’interdiction définitive de pratiquer. L’amende peut être cumulée avec une interdiction de pratiquer. Si nécessaire, l’autorité de surveillance peut retirer provisoirement l’autorisation de pratiquer (art. 17 LLCA).

b. Selon l’art. 14 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv – E 6 10), la commission exerce les compétences dévolues à l’autorité de surveillance des avocats par la LLCA, ainsi que celles qui lui sont attribuées par le droit cantonal. Elle statue sur tout manquement aux devoirs professionnels et peut, si un tel manquement est constaté et suivant la gravité du cas, prononcer les sanctions énoncées à l’art. 17 LLCA (art. 43 al. 1 LPAv).

c. Pour déterminer la sanction, l’autorité doit, en application du principe de la proportionnalité, tenir compte tant des éléments objectifs, telle l’atteinte objectivement portée à l’intérêt public, que de facteurs subjectifs. Elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre administrative ne censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/174/2013 du 19 mars 2013 ; ATA/127/2011 du 1er mars 2011 ; ATA/6/2009 du 13 janvier 2009 ; ATA/570/2003 du 23 juillet 2003).

d. L’avertissement est la sanction prévue la moins grave et est réservée aux cas bénins. Le blâme est destiné à sanctionner des manquements professionnels plus graves et doit apparaître comme suffisant pour ramener l’avocat à ses devoirs et l’inciter à se comporter de manière irréprochable, conformément aux exigences de la profession (Alain BAUER/Philippe BAUER, in Michel VALTICOS/Christian REISER/Benoît CHAPPUIS [éd.], Commentaire romand - Loi sur les avocats, 2010, n. 58 à 62 ad art. 17 LLCA). L’avertissement, le blâme et l’amende sont radiés du registre cinq ans après leur prononcé (art. 20 LLCA).

e. Un émolument de CHF 100.- à CHF 5’000.- ainsi que les frais de procédure, en tout ou partie, peuvent être mis à la charge de l’avocat lorsqu’une sanction disciplinaire est prononcée à son encontre (art. 9 al. 5 du règlement d’application de la loi sur la profession d’avocat du 7 décembre 2010 - RPAv - E 6 10.01).

f. Dans le cas d’espèce et comme l’a retenu à juste titre la commission, les manquements professionnels qui peuvent être reprochés à la recourante sont graves et dépassent largement le cas bénin susceptible d’un simple avertissement.

En facturant à sa cliente des honoraires non retenus par l'assistance juridique, et en procédant à une compensation sans l'accord de sa cliente alors qu'elle était parfaitement consciente de la situation précaire de cette dernière, la recourante a gravement violé ses devoirs de diligence et d'information et porté atteinte à la confiance qui doit pouvoir être placée en l’avocat. Ces manquements sont d'autant plus graves que par son comportement, la recourante a privé sa cliente des moyens qui lui étaient nécessaires pour son entretien alors que celle-ci suivait un plan de désendettement. Enfin, au vu des arguments développés dans ses diverses écritures ainsi que de son obstination à conserver la somme de CHF 672.-, et malgré l’engagement pris vis-à-vis de l’assistance juridique de restituer ledit montant et ses écritures à la commission dans lesquelles elle reconnaissait avoir eu tort de retenir le montant concerné, la recourante ne semble pas avoir pris conscience de sa faute.

À sa décharge, la recourante n’a pas d’antécédent.

Compte tenu de cela, la commission n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en infligeant un blâme à la recourante. Sa décision échappe à toute critique, étant relevé que la durée du délai de radiation est conforme à l’art. 20 LLCA.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de
CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 janvier 2015 par Madame A______ contre la décision de la commission du barreau du 8 décembre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à la commission du barreau.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot
Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :