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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2909/2023

ATA/170/2024 du 06.02.2024 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.03.2024, 1C_173/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2909/2023-FPUBL ATA/170/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 février 2024

 

dans la cause

 

A______
représenté par Me Marc LIRONI, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE

 



EN FAIT

A. a. A______, né le ______1984, a été conseiller municipal de la Ville de Genève (ci-après : la ville) dès novembre 2005, député au Grand Conseil de la République et Canton de Genève de mai 2018 à janvier 2020 et chef du groupe PLR. Les Libéraux-Radicaux (ci-après : PLR) dès 2019, année durant laquelle il a été candidat PLR à la mairie de Genève.

b. Il a été engagé le 1er octobre 2014 en qualité d'adjoint administratif au secrétariat général du département de la sécurité et de l'économie, devenu depuis lors le département des institutions et du numérique (ci-après : le département ou DIN), alors dirigé par le conseiller d'État B______, et promu adjoint scientifique 3 à 70 % à compter du 1er octobre 2015. Dès le 1er mai 2018, il a été transféré au service des analyses stratégiques de la police, exerçant les mêmes fonctions.

c. Le 13 décembre 2018, le conseil administratif de la ville a déposé plainte pénale contre inconnu du chef de violation du secret de fonction à la suite de la divulgation dans la presse du rapport d'audit de conformité en lien avec les frais professionnels du personnel de la ville (ci-après : rapport du CFI).

d. Le Procureur général a transmis cette plainte à la brigade des délits contre les personnes de la police (ci-après : BDP) pour complément d'enquête et les trois conseillers municipaux qui avaient retiré leur exemplaire du rapport CFI avant la parution des articles de presse à son sujet ont été entendus le 6 juin 2019. Parmi eux, A______ a notamment indiqué en avoir parlé à des journalistes et autorisé la fouille de ses deux téléphones, dont un iPhone 6S, qui lui ont ensuite été restitués.

e. Le 25 juin 2019, le Procureur général a ordonné l'ouverture d'une instruction pénale contre inconnu pour violation du secret de fonction (art. 320 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), sous la référence P/1______/2018.

f. À teneur du rapport de la BDP du 12 décembre 2019, établi par le sergent-chef C______, le nombre de données contenues dans l'iPhone 6S était important et leur analyse requerrait un certain temps. Deux échanges entre A______ et B______ sur la messagerie THREEMA avaient toutefois pu être mis en exergue et le rapport en concluait que A______ avait transmis des informations tirées du journal de la Police (P2K) à la demande d'un tiers, sans autorisation. La BDP sollicitait en conséquence que des perquisitions soient effectuées au domicile de A______, de sa mère, de son amie intime, à son bureau professionnel et de ses logs informatiques.

g. À réception de ce rapport, le Procureur général a délivré un mandat d'amener ordonnant à la police, soit pour elle la BDP, assistée par l'Inspection générale des services (ci-après : IGS), d'appréhender A______, de procéder à sa fouille et de l'auditionner en qualité de prévenu avant de l'amener devant lui.

h. Il a également chargé la BDP, assistée de l'IGS, d'exécuter quatre ordonnances de perquisition et de séquestre, visant la place de travail du précité et son domicile, le domicile de sa mère et le domicile de son amie intime. Il a également ordonné la mise sous séquestre de ses appareils électroniques et de son compte Bluewin ainsi que la perquisition et l'analyse de leur contenu.

i. En exécution de ces ordres, A______ a été interpellé le 13 décembre 2019 à 7h15 par C______ et fouillé intégralement. Son téléphone portable a été saisi. Les mandats de perquisition et de séquestre de sa place de travail et du domicile de sa mère lui ont été dûment notifiés le même jour.

Par courriel envoyé à 15h11 à C______ le 13 décembre 2019, le capitaine D______, officier au Service de la sécurité de l'information police dûment interpellé, l'a informé que A______ n'avait fait aucune recherche dans le P2K entre le 1er janvier 2018 et le 13 décembre 2019.

Auditionné par la police en qualité de prévenu, de 16h51 à 20h59, en présence de son conseil, A______, a notamment décrit les raisons de son transfert à la Direction stratégique de la police et sa mission, précisant qu'il n'utilisait que les applications Intrapol et Datapol et n'avait jamais ouvert le P2K. Il a été remis en liberté à 21h30, sur ordre du Ministère public.

À teneur du rapport de la BDP du 13 décembre 2019, établi par C______, A______ a été appréhendé à 7h55 à la sortie du domicile de sa mère et conduit dans les locaux de l'IGS, où le mandat d'amener lui a été notifié et où il a été procédé à sa fouille de sécurité. Les perquisitions ordonnées ont été mises en œuvre, tout d'abord sur sa place de travail, puis au domicile de sa mère, à son domicile et enfin à celui de son amie. Du matériel informatique a été saisi sur les trois premiers lieux, pour analyse. Le rapport mentionne qu'à la suite de la perquisition informatique du bureau de A______ et à l'heure du rapport, le prévenu « ne se serait jamais connecté au système P2K de la police depuis sa prise de fonction. Néanmoins, de nombreuses données informatiques ne sont pas disponibles pour l'heure et n'ont pas pu être étudiées ».

j. Les ordinateurs, disques durs externes, clés USB ainsi que le téléphone portable de A______ ont été inventoriés, puis transmis à la brigade de criminalité informatique pour extraction de leurs données.

k. Le téléphone portable de A______ lui a été restitué à fin janvier 2020.

l. A______ a déposé plainte contre C______ et inconnu le 5 mars 2020, des chefs d'abus d'autorité (art. 312 CP), dénonciation calomnieuse
(art. 303 CP), induction de la justice en erreur (art. 304 CP) et violation du secret de fonction (art. 320 CP), laquelle fait l'objet de la procédure P/2______/2020.

m. Le conseil de A______ a informé le secrétaire général adjoint du DIN en charge de la police le 6 mai 2020 de l’état de la P/1______/2018 et du dépôt d’une plainte pénale en raison des faits qui avaient conduit à son arrestation en décembre 2019. Il souhaitait savoir si les frais de procédure et honoraires de son mandant pouvaient être pris en charge, sachant « que cette demande aurait dû être faite il y a quelque temps déjà » mais n’avoir pu le faire en raison de « circonstances professionnelles, politiques et sociales ». Il a transmis à E______, secrétaire générale adjointe en charge de la police, le 11 mai suivant, copie de la plainte de son client, après un entretien téléphonique dont la teneur n’était pas précisée, puis l’a relancée les 13 juillet et 25 août 2020, pour connaître la suite qu’elle entendait réserver à sa requête, sans succès.

n. Par ordonnance du 16 novembre 2020, le Procureur général a classé partiellement la procédure P/1______/2018 s’agissant de la violation du secret de fonction en lien avec les soupçons de transmission d'informations internes à la police à des tiers non autorisés, arrêté à CHF 9'075.40 son indemnisation au titre de dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure
(art. 429 al. 1 let. a du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 - CPP - RS 312.0), refusé de lui allouer une indemnité aux titres de réparation du dommage économique subi et de réparation du tort moral (art. 429 al. 1 let. b et
c CPP) et laissé la moitié des frais de la procédure à la charge de l'État.

n.a. Par arrêt du 24 août 2021 (ACPR/564/2021), la chambre pénale de recours
(ci-après : CPR) a partiellement admis le recours de A______ contre cette ordonnance, lui a alloué une indemnité de CHF 13'718.45 pour ses frais de défense dans la procédure préliminaire, une indemnité de CHF 651.55 à titre de dommage économique (frais médicaux - art. 429 al. 1 let. b CPP), une indemnité de CHF 2'000.- à titre de tort moral (art. 429 al. 1 let. c CPP) et rejeté pour le surplus ses conclusions en indemnisation.

n.b. Le recours de A______ contre cette décision a été rejeté par la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral (arrêt 7B_12/2021 du 11 septembre 2023).

n.c. Le 16 novembre 2020 également, toujours dans la P/1______/2018, le Procureur général a rendu une ordonnance pénale déclarant A______ coupable de violation du secret de fonction en sa qualité de conseiller municipal de la ville, pour avoir transmis le rapport du CFI à la Tribune de Genève le 10 décembre 2018. A______ s'est opposé avec succès à cette ordonnance. Le Tribunal de police l’a acquitté le 14 décembre 2021 (JTDP/1571/2021) et a condamné l'État de Genève à lui verser CHF 12'277.80 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1
let. a CPP), et CHF 2'200.- à titre d'indemnité pour la réparation du tort moral subi (art. 429 al. 1 let. c CPP), les conclusions en indemnisation de A______ étant rejetées pour le surplus (art. 429 CPP) et les frais de la procédure laissés à la charge de l'État (art. 423 al. 1 CPP). Cette décision est définitive.

o. Par ordonnance du 1er novembre 2021 (P/2______/2020), le Ministère public a classé la plainte de A______ contre C______, refusé ses réquisitions de preuves et laissé les frais à la charge de l'État. Par arrêt du 18 mai 2022 (ACPR/359/2022), la CPR a confirmé cette décision. A______ s’est pourvu contre cette décision le 20 juin 2022 au Tribunal fédéral, lequel n’a pas statué à ce jour.

p. Le 17 mars 2023, le conseil de A______ a écrit au conseiller d’État en charge du département, faisant référence à un entretien du 24 février 2022 au cours duquel il avait été « évoqué que la possibilité que les frais de procédure et d’avocat, auxquels était confronté Monsieur A______, soient pris en charge, même partiellement, par l’assurance protection juridique qui couvre les employés de la police ». Il ajoutait qu’auparavant, aucune décision n’avait été prise « ne fût-ce que d’entrée en matière ». Dans sa réponse du 25 avril suivant, le département a dénié à A______ le droit à une prise en charge de ses frais et honoraires, la procédure n’ayant pas été initiée par un tiers, mais par l’État, les faits reprochés n’étant pas en lien avec son activité professionnelle et la requête étant tardive. A______ a contesté cette position et sollicité de recevoir une décision formelle.

q. Le 13 juillet 2023, le département a rendu une décision refusant de prendre en charge les frais et honoraires d’avocat de A______ en lien avec les procédures pénales P/1______/2018 et P/2______/2020. Dans la première procédure pénale, c’était une découverte fortuite qui avait donné lieu à une plainte de l’État, ce qui excluait toute prise en charge. En tout état, les indemnités perçues au pénal en application de l’art. 429 CPP n’étaient pas cumulables avec la prise en charge des frais de procédure et d’honoraires d’avocat et auraient entraîné le rejet de la demande (ATA/1740/2019 consid. 10). S’agissant de la seconde procédure, A______ n’avait pas obtenu l’accord préalable du département et avait agi en tant que justiciable lésé, et non en tant que membre de l’administration cantonale déposant plainte contre un tiers à la suite de pressions subies en lien avec l’exercice de son activité. D’ailleurs, son arrestation était liée à la transmission du rapport CFI à la presse, ce qui n’était nullement en lien avec son activité professionnelle.

r. Le conseil de A______ a écrit à la commandante de la police, le 25 août 2023, « dans le prolongement des différents échanges que vous avez eus avec mon mandant au cours des dernières années », pour confirmer ses démarches et sa position et en conclure que ses frais de défense devaient être pris en charge par l’État.

B. a. Par acte du 14 septembre 2023, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susvisée. Il a conclu préalablement à la production du dossier complet relatif à sa demande de prise en charge des frais de procédure et d’avocat et, cela fait, à l’octroi d’un délai supplémentaire pour compléter ses écritures. Principalement, il sollicitait l’annulation de la décision en cause, la prise en charge de ses frais de procédure et d’avocat ainsi que l'octroi d'une indemnité de procédure. Subsidiairement, il sollicitait le renvoi de la cause au département, soit pour qu’il en reprenne l’instruction, soit pour qu’il rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. Il invoquait une constatation inexacte et incomplète des faits et une violation du droit.

N’ayant commis aucune faute grave ou intentionnelle, il devait être mis au bénéfice de l’art. 14A du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) traitant des frais de procédure et honoraires d’avocat effectifs à la charge d’un membre du personnel. Il avait dûment informé sa hiérarchie du dépôt d’une plainte pénale contre les auteurs des événements du 13 décembre 2019, et de sa volonté de voir ses frais et honoraires d’avocat couverts par l’État. Compte tenu du délai pour déposer plainte, il n’avait pu attendre une réponse formelle à sa requête, qui n’était survenue que trois ans plus tard. Le département n’avait jamais avancé d’élément de temporalité eu égard à sa requête ni rendu de décision de refus d’entrée en matière. Lors des échanges sur ce sujet, aucun élément n’avait été exposé pour faire obstacle à ses prétentions et il s’était toujours conformé aux demandes au département pour le nantir de l’ensemble des éléments nécessaires à son appréciation. Il était en conséquence en droit de penser que sa demande serait agréée.

Techniquement, la procédure n’était pas dirigée contre l’État, mais contre des personnes recherchées individuellement pour avoir abusé de leurs fonctions afin de lui nuire. Il agissait donc contre des individus mus par des velléités personnelles et le département avait fait une application erronée de l’art. 14A al. 2 RPAC et violé cette base légale en rejetant sa demande. C’était d’autant plus choquant que C______ avait bénéficié de la couverture de ses frais de procédure en application de cette disposition. Il ne pouvait pas agir autrement qu’il l’avait fait et toutes les interprétations du département lui étaient contraires ou défavorables, sans justification objective, de sorte que la décision entreprise constituait une double peine, après avoir subi les affres de ceux qui s’en étaient pris à lui. L’appréciation excessive et abusive du pouvoir d’appréciation conféré au département, sans motif valable, devait être corrigée.

b. Dans sa réponse du 18 octobre 2023, le département a conclu au rejet du recours. La procédure P/1______/2018 avait trait à la divulgation d’un rapport d’audit de conformité en lien avec les frais professionnels du personnel de la ville, auquel le recourant avait eu accès en tant que conseiller municipal, et n’était donc nullement en lien avec son activité professionnelle à la police. L’une des conditions d’application de l’art. 14A al. 1 RPAC n’était donc pas réalisée. De cette procédure était issue une découverte fortuite, pouvant déboucher sur une utilisation non professionnelle de données contenues dans les fichiers de police, susceptible de constituer une violation du secret de fonction. L’État ayant dénoncé ces faits, toute prise en charge était exclue (art. 14A al. 1 let. c RPAC). En effet, le recourant n’avait pas fait l’objet, en tant que membre du personnel de l’administration cantonale, d’une dénonciation injustifiée d’un tiers intéressé à exercer une quelconque pression sur lui dans le but d’affaiblir l’action de l’État.

Indépendamment de cela, le recourant eût-il bénéficié d’une prise en charge, sa couverture n’aurait pas été au-delà de l’indemnité déjà accordée par les autorités judiciaires, s’élevant à CHF 13'718.45 (ATA/1740/2019 du 3 décembre 2019 consid. 10). Par ailleurs, la procédure pénale issue de la plainte du recourant contre C______ et autres (P/2______/2020) n’était pas dirigée contre un tiers à la suite de pressions subies dans le cadre de son activité de fonctionnaire, mais procédait du ressenti d’un justiciable s’estimant lésé par les agissements de la police. Ainsi, il reprochait à C______, notamment, de l’avoir dissuadé de prendre un avocat pour son audition, d’avoir été agressif, d’avoir effectué un examen complet de son téléphone et conclu dans son rapport qu’il avait transmis des informations tirées du journal de la police, alors qu’au moment des faits il était en vacances et n’avait pas accès au fichier P2K – ce qui démontrait une volonté de lui nuire –, d’avoir demandé diverses perquisitions, de lui avoir fait subir une fouille ordonnée par le Ministère public, de lui avoir passé les menottes et de l’avoir empêché de fermer la porte des toilettes au domicile de sa mère. Le recourant reprochait aussi aux inspecteurs l’ayant arrêté de lui avoir demandé des informations pouvant incriminer B______, de lui avoir dit qu’il allait rester une nuit en détention avant d’être présenté au Ministère public et d’avoir fourni à la presse des informations sur son arrestation et le contenu de son interrogatoire. Ce faisant, le recourant avait agi contre la police et ses agissements, et ainsi contre l’État, de sorte que deux des conditions de l’art. 14A al. 2 RPAC n’étaient pas réalisées. Partant, le refus du département de prendre en charge ses frais de procédure et ses honoraires d’avocat était justifié.

À titre subsidiaire, le département relevait la tardiveté de la requête du recourant, dont la demande de prise en charge de ses frais était postérieure au dépôt de sa plainte alors qu’elle eût dû être formulée au préalable. En toute hypothèse, si les conditions d’une prise en charge avaient été données, la couverture se serait limitée au dépôt de la plainte, à l’exclusion de toute autre activité. Enfin, la position du département, indépendamment de la date de sa décision formelle, était connue du recourant à la suite d’une conversation téléphonique du 30 mars 2021. Entre ces deux dates, aucune assurance ne lui avait été donnée quant à une quelconque prise en charge de ses frais. En lui demandant des documents le 8 mai 2020, l’État ne visait qu’à examiner sa demande, ce qui n’autorisait aucune déduction. Enfin, la situation du recourant était différente de celle de C______, dont les frais de procédure était pris en charge, ce policier ayant agi ès qualités, chargé d’instruire une procédure pénale sur ordre du Ministère public.

c. Dans sa réplique du 20 novembre 2023, A______ a persisté dans ses conclusions initiales. La réponse de l’État devait être déclarée irrecevable, les faits exposés n’étant qu’un copier-coller de la décision et ne répondant pas au fardeau de la contestation (admis/contesté) de ses allégués. Cela étant, il a déduit de la position de l’intimé que l’État était informé de son intention de déposer une plainte pénale le 5 mars 2020 et que l’enquête dirigée contre lui était concomitante à celle qui visait B______, de sorte que le lien entre ces deux affaires démontrait le caractère illicite de l’enquête qui le concernait. Ce n’était en conséquence pas l’État qui instruisait d’office, mais des « individus aveuglés de faire tomber par tous les moyens, y compris illégaux, le Magistrat en difficulté […] en s’en prenant à l’un de ses proches », lui-même. Au fond, le fait que la décision repose sur un état de fait non conforme à la réalité emportait l’obligation de l’annuler. Le recourant avait initié une procédure contre « des individus qui ont, sous couvert de leur fonction (policier, procureur) utilisé l’appareil étatique pour nuire à un employé de la police parce qu’il était proche d’un Magistrat devenu l’homme à abattre aux yeux de certains ». Par conséquent, la prise en charge demandée respectait les conditions légales. Enfin, continuer à prétendre que l’accord préalable n’avait pas été requis entrait en contradiction avec le rôle joué par la commandante de la police et la hiérarchie du recourant.

d. Le 21 novembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 1 et 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant a, au préalable, sollicité la production par l'employeur de l'intégralité de son dossier. Toutefois, rien ne soutient que la chambre de céans ne serait pas en possession d’un dossier complet, en état d’être jugé, au vu notamment du nombre de pièces produites, de sorte qu'il ne sera pas fait droit à cette requête.

3.             Le recourant se plaint d’une constatation inexacte et incomplète des faits et conteste la recevabilité de la réponse de l’intimé, qui ne répondrait pas au fardeau de la contestation.

3.1 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits
(art. 22 LPA).

3.2 Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Cela ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il leur incombe d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître.

3.3 Contrairement au code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), qui à son art. 222 al. 2 2e phr. oblige les plaideurs à utiliser un tel mode de présentation dans leurs écritures, l'art. 73 LPA ne prévoit aucunement que la partie qui répond au recours doive exposer quels faits allégués dans le recours sont reconnus ou contestés. Plus généralement, la LPA n'impose aucune exigence particulière à laquelle doit satisfaire la réponse au recours (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 922 ad art. 73 LPA).

3.4 En l’espèce, le recourant présente une version large des événements qui ont été mis en évidence par l’instruction de deux procédures pénales, alors que l’intimé se concentre sur les éléments nécessaires à rendre une décision spécifique, aussi le point de vue des parties est-il différent. En réponse, l’autorité intimée a mentionné les éléments factuels à prendre en compte pour rendre la décision qu’il lui incombait de prendre et il ne lui appartenait pas de répondre au spectre large des faits exposés par le recourant. Par conséquent, son exposé des faits est non seulement suffisant, mais ne souffre pas d’inexactitude et les griefs du recourant sont infondés. Quant à la prétendue violation du fardeau de la contestation figurant dans la réponse de l’autorité intimée, elle est inexistante, ladite réponse concentrant ses remarques sur les motifs juridiques qui justifient sa décision, sans avoir à prendre position sur chaque fait exposé, étant rappelé que ni la LPA, ni le droit supérieur n'impose une prise de position sur chaque allégué du recours – mode de faire lourd et inutile en procédure administrative, laquelle est généralement peu formaliste. Ce grief est donc également infondé, la chambre administrative étant en état de statuer.

4.             Le recourant considère avoir droit à la couverture de ses frais et honoraires d’avocat pour les procédures engagées et avoir eu des assurances à ce sujet.

4.1 Selon l’art. 14A al. 1 RPAC, dans sa version en vigueur dès le 1er septembre 2016, les frais de procédure et honoraires d'avocat effectifs à la charge d'un membre du personnel en raison d'une procédure de nature civile, pénale ou administrative initiée contre lui par des tiers pour des faits en relation avec son activité professionnelle sont pris en charge par l'État pour autant que, cumulativement,  le membre du personnel concerné ait obtenu au préalable l'accord du chef du département ou de la personne déléguée par lui quant à ladite prise en charge (let. a), le membre du personnel n'ait pas commis de faute grave et intentionnelle (let. b), la procédure ne soit pas initiée par l'État lui-même (let. c). Selon l’alinéa 2, ces frais sont également couverts lorsqu’ils sont liés à une procédure initiée par un membre du personnel en relation avec son activité professionnelle pour autant que, cumulativement, le membre du personnel concerné ait obtenu au préalable l'accord du chef du département ou de la personne déléguée par lui, quant à la procédure à intenter (let. a), que le membre du personnel n'ait pas commis de faute grave et intentionnelle (let. b), et que la procédure ne soit pas dirigée contre l'État (let. c). Par ailleurs, les frais de procédure et honoraires d'avocat liés à une procédure initiée par un membre du personnel contre un autre membre du personnel ne sont pas pris en charge (al. 3) et la prise en charge des frais de procédure et honoraires d’avocat intervient en principe sous forme d’avances en cours de procédure, sur la base d’une décision du département concerné (al. 4). Selon l’al. 8, la personne bénéficiaire de la prise en charge cède à l'État les dépens qui lui ont été alloués. L'État procède par compensation sur le traitement selon l'art. 40 RPAC. L'État rembourse à la personne bénéficiaire les dépens auxquels cette dernière a été condamnée.

4.2 Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement, garanti par l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 146 II 56 consid.9.1; 145 I 73 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_449/2022 du 3 février 2023 consid. 2.2.1 ; 1C_695/2021 du 4 novembre 2022 consid. 3.1.2).

4.3 Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7). Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_104/2019 du 21 avril 2020 consid. 4.1).

Un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle‑ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.1).

5.             Dans sa teneur actuelle, l’art 14A RPAC ne contient aucune règle visant la prise en charge des frais de défense d’un collaborateur dans le cadre d’une enquête pénale. Au contraire, elle l’exclut lorsque la procédure est initiée par l'État lui-même, ce qui est le cas en l’espèce (ATA/397/2019 du 9 avril 2019 consid. 4).

5.1 La chambre de céans s’est déjà prononcée sur la notion du tiers au sens de
l’art. 14A al. 1 RPAC et constaté qu’un tiers ne peut être qu’une personne non membre de l’administration (ATA/1040/2016 du 13 décembre 2016 consid. 8). Dans un autre cas, la procédure avait été initiée par le service du médecin cantonal et avait été considérée comme initiée par l’État (ATA/1335/2018 du 11 décembre 2018).

5.2 En l’espèce, la situation du recourant ne réalise aucun des motifs permettant la couverture des frais engagés. Pour des raisons qui ont varié, soit initialement en raison de circonstances professionnelles, politiques et sociales, puis à cause de la brièveté du délai pour porter plainte, le recourant n’a pas sollicité l’accord préalable du département pour la couverture de ses frais et honoraires. Pour ce motif déjà, le recours est infondé.

Par ailleurs, le recourant estime à tort que l’affaire ayant abouti à son arrestation aurait été déclenchée par des individus qui lui en voulaient, c’est-à-dire des tiers. Or, c’est l’État qui a engagé la première procédure, et non des tiers, notamment des policiers, à la suite d’une découverte fortuite. Pour ce second motif, le recours est infondé.

De plus, les inspecteurs dont le comportement est critiqué par le recourant ont agi sur ordre du Procureur général, dans l’exercice de leurs fonctions, et pouvaient à ce titre bénéficier légalement de la prise en charge de leurs frais de procédure, de sorte qu’il n’y a pas d’inégalité de traitement entre ce qui a été alloué à l’un d’eux et ce qui a été refusé au recourant. Il sied encore de relever que l’ensemble des éléments à la base des procédures citées ne concerne pas les activités professionnelles du recourant, mais sont la conséquence de l’exercice supposé inadéquat de son activité politique, de sorte que de ce point de vue également, le recours est infondé.

Enfin, sous l’angle du principe de la bonne foi, aucun document produit par le recourant n’a pu laisser à ce dernier l’idée que le département ou la police pourraient envisager de couvrir ses frais de procédure, si bien qu'une violation du principe de la bonne foi des autorités peut être exclue en l'espèce.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours (en lien avec la pièce 11 chargé recourant, soit l'arrêt de la chambre pénale de recours ACPR/564/2021 du 24 août 2021 consid. 4.4), la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2023 par A______ contre la décision du département des institutions et du numériques du
13 juillet 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc LIRONI, avocat du recourant, ainsi qu'au département des institutions et du numérique.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :