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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2149/2023

ATA/1336/2023 du 12.12.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;RÉSILIATION;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION DE LA DÉCISION;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;COMPORTEMENT;MOTIF;POUVOIR D'APPRÉCIATION;PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.5.al2; Cst.29.al2; LPA.61.al1; LPAC.31.al1; LPAC.32.al6; LPAC.32.al7; LPAC.1.al1.lete; LEPM.7.lete; RPAC.21; LPAC.22; LPAC.20.al3; LPAC.21.al3; RPAC.46
Résumé : Examen de la conformité au droit de la résiliation des rapports de service pour motif fondé. Pas de violation du droit d'être entendu du recourant, tant dans le cadre de la procédure ayant abouti au licenciement du recourant que sous l'aspect de son droit à une décision motivée. L'attitude générale inappropriée du recourant est propre à rompre le lien de confiance avec l'employeur et justifie la résiliation de ses rapports de service. Reclassement inenvisageable. Respect de la proportionnalité. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2149/2023-FPUBL ATA/1336/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 décembre 2023

 

dans la cause

 

A______
représenté par le syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs (SIT), soit pour lui B______, mandataire recourant

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE intimés
représentés par Mes Anne MEIER et Amel BENKARA, avocates



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1981, a effectué sous le statut d'auxiliaire plusieurs missions ponctuelles au cours de la période 2000-2009, à 100%, d'abord comme aide hospitalier, puis comme transporteur, principalement au sein de la Centrale des Transports des Hôpitaux universitaires de Genève (ci‑après : HUG ou l'employeur).

Plusieurs attestations énonçaient que A______ avait effectué l'ensemble des tâches inhérentes à sa fonction à l'entière satisfaction de l'employeur.

b. Par contrat à durée indéterminée du 28 mai 2009, A______ a été engagé en qualité d'employé à 100% pour la fonction de transporteur au sein du Secteur des transports des HUG à compter du 1er juin 2009.

B. a. Selon un entretien d'évaluation et de développement des compétences (ci-après : EEDC) du 20 avril 2011 :

« A______ sait adapter son rythme de travail à l'activité, mais attention au stress occasionné toutefois » ;

« Malgré une bonne volonté évidente, A______ connaît des fluctuations de motivation et ne doit pas oublier ses devoirs » ;

« A______ s'est bien intégré dans l'équipe et apprécié de ses collègues. Ses sautes d'humeur le rendent toutefois sujet à des tensions au sein de l'équipe » ;

« A______ doit faire des progrès rapides dans la gestion du stress. Certaines situations mettent à défaut sa résistance nerveuse et entraînent une communication et un comportement inadaptés [...] ».

Des objectifs à atteindre dans un délai de six mois lui ont été fixés : il devait adapter son comportement en toutes circonstances, à savoir qu'il serait sensibilisé à son organisation personnelle et sur les conséquences de son stress sur les patients, cet objectif devant être évalué sur le nombre d'incidents.

b. Par courrier du 23 juin 2011, la hiérarchie de A______ a prolongé d'une année sa période probatoire, soit au 1er juin 2012, en raison de ses prestations professionnelles jugées peu satisfaisantes.

c. Par courrier du 30 avril 2012, la période probatoire de A______ a été prolongée une seconde fois, soit au 1er juin 2013, en raison du transfert du secteur des transports patients de la direction des opérations au département d'exploitation au 1er janvier 2012.

d. Le 1er mars 2012, il a obtenu, au terme d'un nouvel EEDC, une évaluation globale bonne (moyenne). Il n'avait pas atteint l'objectif fixé, à savoir qu'il n'avait pas toujours un comportement adapté surtout quand il se sentait pris en défaut ou quand il était en retard. Il lui était fixé l'objectif immédiat d'« avoir un meilleur esprit d'équipe, savoir se maîtriser en toutes circonstances, ne plus avoir d'incident avec les patients ou les collaborateurs des HUG, appliquer la charte des chauffeurs ».

Par courrier du 20 mars 2012, A______ a formulé des observations à l'encontre dudit EEDC. Il ne partageait pas les appréciations de sa hiérarchie concernant la qualité de ses rapports avec celle-ci et ses collègues. Son intégration au groupe ainsi que dans l'ensemble du service était bonne. Il s'était consacré pleinement au bon fonctionnement du service lors de la grève qu'avait connue l'institution en décembre 2011.

e. Lors d'un EEDC du 12 mars 2013, l'évaluation globale de A______ a été jugée bonne (moyenne). L'objectif « adapter son comportement en toutes circonstances » n'avait pas été atteint. Concernant le critère « comportement, coopération, communication, information », il n'avait pas toujours adapté son attitude aux situations rencontrées, et faisait preuve de désinvolture quand le personnel soignant ou ses collègues lui faisaient des remarques.

C. a. Par arrêté du 22 avril 2013, A______ a été nommé fonctionnaire des HUG à partir du 1er juin 2013 à la fonction de transporteur/brancardier pour un taux d'activité de 100%.

b. Par courriel du 19 octobre 2015, C______, chef de service, a établi que A______ n'était pas présent à son poste de travail à 7h00 tel que planifié. Contacté, ce dernier avait indiqué être en congé. Après consultation du formulaire de demande de congé, il s'était avéré que le congé était prévu un autre jour.

c. Par courrier du 5 mars 2016 à A______, D______, directeur du département d'exploitation, a donné suite à une analyse du secteur «  transport patients » effectuée au cours de l'année 2015, ainsi qu'aux remarques des responsables hiérarchiques de la manière suivante : A______ devait améliorer un certain nombre d'éléments qui généraient une importante insatisfaction de sa part, à savoir utiliser les équipements de transport (trottinette) à bon escient et ne pas effectuer de déplacement de complaisance, prendre soin de son matériel (téléphone, lits, trottinette), gérer ses interactions avec ses collègues et les patients avec plus de calme et de respect (réf. incidents 1______, 2______, 3______, 4______, 5______ et 6______).

d. Lors de l'EEDC du 8 juin 2016, il a été souligné que A______ s'était bien amélioré mais devait poursuivre ses efforts, selon l'objectif fixé « savoir se maîtriser en toutes circonstances ». Sur le critère « comportement, coopération, communication, information », il rencontrait parfois des difficultés avec ses collègues et certains collaborateurs des autres services qui entraînaient une communication et un comportement inadaptés. Il devait apprendre à mieux se maîtriser en cas de conflit et avoir une meilleure gestion de son stress.

e. Le 30 mai 2019, A______ a fait l'objet d'une évaluation dans le cadre du bilan biannuel portant sur la période du 30 mai 2017 au 30 mai 2019.

Il avait exprimé, dans le cadre de son auto-évaluation, une satisfaction complète, non sans formuler quelques réserves relatives à de possibles améliorations : il avait rencontré des problèmes de connexion au iTransport dans certaines zones et lors de la prise de service ; il eut été plus agréable d'avoir deux transporteurs lors d'un transport avec un lit afin de ménager la charge de travail ; la hiérarchie changeait trop souvent ; la communication entre les différents services pouvait être améliorée.

Il était attribué à A______ une notation globale de 3 sur 4. Il avait obtenu une notation de 3 sur 5 en rapport avec les « connaissances professionnelles », la « qualité des prestations » et le « volume des prestations ». Selon E______, ancien responsable de la régulation hospitalière, il possédait toutes les connaissances professionnelles lui permettant de dispenser des missions de transports patients avec la plus grande assurance ; il dispensait des missions de transports patients avec qualité ; le volume des prestations était en nette amélioration et il prenait en compte les remarques qui lui étaient faites. Pour les critères « anticipation des conséquences & responsabilité », « polyvalence & gestion des priorités », « empathie & aptitude à la remise en question » « capacité de résolution de problèmes & orientation vers les solutions », les notations globales étaient successivement du niveau 1, du niveau 2 et du niveau 1 sur 5. À titre de commentaires, A______ devait entretenir des relations plus étroites avec la régulation et devait progresser surtout durant le weekend en équipe réduite où la solidarité était le maître-mot ; il proposait toujours son aide durant des périodes difficiles et acceptait même d'adapter ses horaires en fonction des besoins du service ; il devait toutefois rester vigilant à accepter les missions qui lui étaient proposées dans les temps afin de diminuer le nombre de missions réaffectées qui pouvaient nuire à l'activité du service et de ses collègues, l'organisation du service ne lui permettait pas de gérer les priorités du service.

Pour ce qui était de la rubrique « empathie & aptitude à la remise en question », elle était évaluée à 2 sur 5 : « Les derniers changements de A______ montrent qu'il est capable de se remettre en question. Il doit persévérer dans cette voie et je l'encourage. Il entretient une attitude empathique avec les patients mais doit rester vigilant pour ne pas se faire rattraper par l'image qu'il pouvait parfois renvoyer ». Enfin, la rubrique « orientation clients & authenticité », portait la note de 2 sur 5. À cet égard, il était indiqué « A______ entretient de bonnes relations avec les patients. Il est attentionné. [Il] doit avoir le même comportement avec nos partenaires et lors de ses déplacements dans les couloirs ».

f. Par courriel du 17 septembre 2020 adressé aux supérieurs hiérarchiques de A______, F______, adjointe de la responsable des soins à l'Hôpital G______ au sein duquel celui-ci avait effectué un remplacement en 2020 dans l'équipe des transporteurs, a rapporté que cette mission de remplacement avait nécessité à plusieurs reprises des entretiens pour non-respect des consignes données, refus d'aller chercher un lit pour un patient, le fait de cogner les lits sur le matériel se trouvant dans les couloirs ou de faire un rappel sur les temps de pause.

g. Suite au courriel de F______, A______ a eu un entretien, le 22 septembre 2020 avec E______ et H______, ancienne responsable des ressources humaines de la direction des opérations, dont le compte rendu a été adressé à l'intéressé par courriel du 9 octobre 2020. Il lui était en particulier reproché d'avoir causé régulièrement les réattributions des missions notamment aux blocs, de rester assis et de regarder son portable privé en attendant que le transfert d'un patient soit fait par les soignants. A______ avait fait preuve d'une attitude inadaptée et d'un manque de professionnalisme, ce qui nuisait à toute l'équipe et pouvait se « véhiculer » dans l'institution. Il était attendu que des mesures correctives sur son comportement et attitude soient apportées. Il était encouragé à lire plus régulièrement ses courriels afin de se tenir informé.

h. Le 15 mars 2021, s’est tenue une séance de débriefing. Outre un problème de communication rencontré le jour même avec les réceptionnistes lors d'une mission concernant un patient en policlinique, A______ n'avait pas effectué six missions qui lui avaient été attribuées. Il avait contesté ces reproches en soutenant ne pas se souvenir avoir accepté une mission sans l'effectuer. Il s'était plaint également de la défaillance du logiciel en affirmant qu'il ne pouvait pas faire du bon travail avec de mauvais outils.

À l'issue de la séance, il lui avait été rappelé les règles régissant la réattribution des missions et le déclenchement des pauses. Il avait été décidé d'un accompagnement suivi des points de situation par le chef d'équipe.

i. Lors d'une mission de transport du 2 juin 2021, A______ a refusé de prendre le sac en papier d'une patiente en chaise roulante. Selon le témoignage de l'infirmier présent, il paraissait stressé et était fermé à toute discussion provoquant des pleurs chez la patiente très affectée par la situation. Il avait interrompu la mission en la confiant à un collègue sans concertation avec la hiérarchie. Lors de l'entretien qui a suivi avec O______, il avait contesté ces faits en affirmant avoir été « professionnel et correct » et ne pas comprendre les reproches émis à son encontre. Le chef d'équipe lui avait rappelé les procédures et l'attitude à tenir en présence d'un patient. L’incident avait fait l’objet d’un courriel le 29 juillet 2021.

j. Le 18 juin 2021, A______ a décliné une mission urgente pour la pédiatrie au prétexte qu'il devait prendre sa pause.

Le 22 juin 2021, il n'a pas effectué une mission qui lui avait été confiée arguant qu'il n'avait pas entendu arriver la mission sur son téléphone ni même l'appel de relance.

Ces faits avaient fait l'objet d'une discussion le 23 juin 2021 entre A______ et J______, cheffe d'équipe, au cours de laquelle celle-ci lui avait fait un rappel des procédures.

k. Le 19 juillet 2021, A______ a pris en charge un patient pour la destination indiquée par la régulation. S'étant rendu compte une fois à destination que celle-ci n'était pas exacte et estimant avoir été mal reçu par l'infirmière de service, il avait réattribué la mission sans accord de la régulation. Son supérieur hiérarchique lui avait rappelé que son attitude était inadéquate et portait préjudice tant au patient qu’au service.

l. Dans la matinée du 23 juillet 2021, A______ a décliné deux fois des tournées de prélèvement. Questionné ultérieurement, il avait expliqué avoir certainement eu une raison valable pour agir ainsi même s'il ne s'en souvenait plus. Il s'en était suivi un rappel des règles de fonctionnement du service relatives à une mission obligatoire. Il s'était engagé à respecter la consigne. Cet incident avait été rapporté par courriel du 29 juillet 2021.

m. Le 3 septembre 2021, A______ a retardé l'exécution d'une mission de quinze minutes. Sans contester ce manquement, il avait expliqué avoir décidé de gérer son temps afin de ne pas être victime de fatigue ou de stress, faire son travail et qu'il se situait dans la moyenne des transports à effectuer. Il avait précisé qu'il avait parlé à E______ du stress qu'il subissait en recevant « trop de missions les unes derrière les autres ». Par courriel du même jour, A______ avait contesté l'incident en invoquant un malentendu. Son supérieur hiérarchique lui avait demandé de respecter les règles de fonctionnement en vigueur en précisant qu'il ne pouvait les modifier de sa propre initiative.

n. Le 25 octobre 2021, une mission de tournée des biberons à la pédiatrie a été réattribuée à A______. Arguant qu'il ne maîtrisait pas le chariot réfrigéré motorisé, il ne l'avait pas acceptée, de sorte qu'elle avait été confiée à un autre collègue. Il avait été formé deux fois à propos du fonctionnement du chariot depuis sa mise en production. Cet incident avait été abordé lors d’une entrevue le 28 octobre 2021.

o. Le 28 octobre 2021, A______ a, dès sa prise de service, refusé une mission de transport pour le bloc opératoire en saisissant le code relatif à une pause de cinq minutes. Lors de l'entretien qui avait suivi cet incident, il avait indiqué que la pause n'avait pas de conséquence sur l'activité du service et que les patients n'étaient en tous les cas pas prêts. Il lui avait été demandé de respecter les règles de fonctionnement en vigueur, ce qu'il s'était engagé à faire.

p. Le 1er novembre 2021, lors d'une rencontre avec I______, nouveau responsable des transports patients, A______ a exprimé une démotivation croissante liée notamment à la surcharge de travail et une mauvaise répartition des missions entre les collaborateurs. Pour remédier à cette situation, A______ avait indiqué avoir pris le parti de se ménager et avoir réduit sciemment son rythme de travail. Un suivi serait mis en place avec la hiérarchie.

q. Le 4 février 2022, A______ a refusé de prendre en charge un patient tant que le lit ne serait pas changé, estimant qu'il était défectueux. Il avait formulé des reproches et crié dans le couloir. Suite à cet incident, I______ avait eu un échange avec l’intéressé au cours duquel il était apparu qu'un incident similaire s'était déjà produit. A______ avait présenté ses excuses et assuré vouloir changer de comportement dans de telles situations.

r. Lors d'un colloque du 24 février 2022 auquel A______ a participé sans y être convié, il lui avait été demandé en vain de parafer le procès-verbal. I______ avait dû intervenir pour qu'il s'exécute.

s. Le 11 mars 2022, parmi les missions qui lui ont été attribuées, A______ en a refusé une dizaine, y compris deux missions prioritaires du laboratoire d’immunohématologie transfusionnelle (ci-après : LIHT) pour le transport de poches de sang devant être acceptées immédiatement.

t. Le 16 mars 2022, il n'a pas accepté immédiatement une mission prioritaire LIHT, laquelle avait subi un retard préjudiciable.

u. Le 22 mars 2022, s’est tenu un entretien face à la répétition des incidents mettant en cause A______. I______ avait relevé que grâce au suivi mis en place à la suite de l’entretien du 1er novembre 2021, la situation s'était nettement améliorée les mois suivant, si bien que A______ affichait une bonne humeur. Il avait évoqué les derniers incidents et rappelé que des comportements problématiques similaires avaient été constatés depuis plusieurs années malgré les rappels du respect des procédures et des consignes avant d'attirer son attention sur leur impact direct sur l'équipe, sur les services partenaires et sur les patients. Il avait averti qu'en cas de récidive, A______ s'exposerait à des sanctions disciplinaires.

v. Lors d'un point de situation du 22 avril 2022, la hiérarchie de A______ a constaté une amélioration de son comportement sur un mois et a pointé ses changements d'humeur susceptibles d'avoir un impact sur le fonctionnement et la bonne entente de l'équipe.

w. Le 12 août 2022, J______ a décrit les faits suivants :

A______ avait acheminé un patient en chaise au bâtiment de l'ophtalmologie. Elle lui avait attribué une seconde mission pour le transport d'un nouveau patient depuis l'ancienne maternité, située à proximité dudit bâtiment. Contrairement à la consigne, il était retourné à la salle de pause sans signaler la fin de sa première mission. Ayant essayé de le contacter par téléphone sans succès, elle avait dû se déplacer en salle de pause pour lui demander de suivre la procédure prévue pour la fin de mission. Il s'était exécuté sans pour autant accepter la seconde mission. Elle avait été contrainte de se déplacer, une deuxième fois, dans la salle de pause pour lui réitérer l'attribution de cette seconde mission. Il avait répondu qu'il y avait d'autres collègues disponibles, avant d'accepter la mission, non sans manifester son mécontentement à haute voix. Ayant réalisé que A______ était toujours dans la salle, elle y était retournée une troisième fois pour lui demander d'honorer la mission. De retour de la mission, il s'était plaint d'être traité en esclave et avait dit que sa hiérarchie était « nulle » et que les HUG étaient « catastrophiques ».

x. Le 17 août 2022, de retour de congé, A______ s'était introduit dans le bureau de J______ sans donner les raisons de sa présence. À sa demande, il en était sorti, puis y était retourné pour l'informer qu'il n'allait pas bien avant de formuler une nouvelle fois des critiques à l'égard de sa hiérarchie. Il avait passé le reste de la journée sur lieu de travail sans effectuer de missions.

y. Le 18 août 2022, ayant de nouveau fait irruption dans le bureau de J______, il a exigé la remise de son cahier des charges.

z. Le 18 août 2022, A______ s'est présenté en état de surexcitation au bureau de K______, responsable des ressources humaines, puis y est entré sans être convié à le faire en réclamant son cahier des charges. Celle-ci avait tenté de le calmer, en vain. Agité et haussant le ton, A______ avait indiqué qu'il avait été baladé de part et d'autre par la hiérarchie. K______ l'avait rendu attentif à son attitude intrusive.

aa. Le 6 octobre 2022, A______ a, dès sa prise de service, exprimé à voix haute et de manière appuyée son mécontentement à l'égard de l'organisation et de la hiérarchie, en présence de ses collègues. Alors qu'il devait achever son service à 14h30, il a quitté son poste de travail à 8h30 sans en informer préalablement sa hiérarchie.

bb. Le 7 octobre 2022, A______ a pris son service avec 50 minutes de retard sans en avertir préalablement sa hiérarchie. Cet incident ainsi que celui du 6 octobre 2022 ont fait l'objet d’un courriel du 7 octobre 2022 et d'un rappel des consignes par L______, chef d'équipe.

D. a. Le 18 novembre 2022, s'est tenu un entretien de service, en présence de A______, son mandataire M______, de I______ et de K______. Il se rapportait notamment au non-respect des consignes, à ses refus de prise en charge de missions, à ses absences non annoncées ainsi qu'à ses comportements inadéquats (en lien notamment avec les art. 21, 22, 24 du statut du personnel des HUG du 16 décembre 1999 [ci-après : le statut]).

I______ a récapitulé de manière circonstanciée l'ensemble des faits reprochés à A______, en particulier ceux survenus depuis juillet 2020. Ils avaient été consignés lors de 18 entretiens, dans treize communications et avaient été constatés par neuf cadres hiérarchiques différents. Il en ressortait en particulier que l'attitude générale de l’intéressé était considérée comme grave et inadmissible tant envers sa hiérarchie, ses collègues et le personnel des HUG, qu'envers les patients et portait atteinte directement à l'image de l'institution. En dépit de la menace de sanctions disciplinaires formulée dans un courriel du 22 mars 2022, les dysfonctionnements et les comportements inadaptés persistaient. Ceux-ci constituaient des violations des art. 21, 22, 24 du statut. La répétition de ces actes et leur gravité croissante semblaient démontrer que A______ n'avait pas conscience de la situation, malgré de nombreuses remises à l'ordre. Il semblait banaliser son attitude, sans capacité de se remettre en question. Cela altérait la confiance que l'institution lui avait accordée. En conséquence, les manquements reprochés étaient susceptibles d'entraîner des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'à la résiliation des rapports de service.

b. Par courriel du 8 décembre 2022, A______ a exposé qu'il travaillait au service des transports des HUG depuis 17 ans où ses qualités professionnelles étaient reconnues. Toutes ses évaluations étaient toujours notées comme « bonnes » ; la dernière, datant du 30 mai 2019, avait fait l'objet d'une notation globale de 3 et notée aussi « bonne ».

Il constatait que, depuis trois ans, sa hiérarchie avait décidé d'acter les reproches à son encontre par messagerie électronique, ce qui l’avait privé de l'opportunité d'y répondre dans la mesure où il n'avait pas le temps de consulter celle-ci pendant son travail. Aussi, il avait découvert lors de l'entretien de service que la hiérarchie lui écrivait un courriel pour le moindre incident, sans jamais tenir compte de ses remarques.

Les conditions de travail dans le service transports patients étaient déplorables : les brancardiers étaient soumis à une surveillance de la part de leur hiérarchie. Celle-ci pratiquait une attribution arbitraire des transports entre les brancardiers. Ces derniers connaissaient par ailleurs de nombreux problèmes liés au fonctionnement du système e-transport. Les HUG maintenaient un nombre important de lits défaillants, détériorant ainsi la santé des transporteurs. Il dénonçait aussi, entre autres, un manque d'effectif, une augmentation du rythme de travail, la non-protection de la santé du personnel, des brancardiers mal reçus dans les services, un non-respect des règles sur les plannings, des missions très rapprochées, le manque d'écoute des problèmes rencontrés par le personnel, des transferts de tâches d'autres services vers les brancardiers, etc. Ces mauvaises conditions de travail étaient à l'origine d'un taux d'absence maladie ou accident très élevés dépassant 20%.

Il contestait enfin tous les manquements qui lui étaient reprochés : il n'avait jamais refusé de travail, a fortiori une mission LIHT, puisqu'il était conscient qu'elle était prioritaire. Il n'avait pas non plus manqué le travail sans l'annoncer à la hiérarchie. Quant à son comportement inadéquat, cela relevait d'un jugement de valeur qui portait atteinte à sa personnalité. Certes, il avait un fort caractère et « disait les choses » quand il y avait des problèmes. En revanche, il les disait avec respect.

c. Par courriel du 3 février 2023, un nouvel incident a été signalé par N______, chef d'équipe brancardiers. Lors d'une mission de transport patient, A______ avait contacté la régulation devant le patient au sujet d'un lit « défectueux » pour demander du renfort, en précisant qu'à défaut de ce dernier, il annulerait le transport. La régulation avait répondu favorablement à sa demande, de sorte que le transport avait pu être effectué. Une fois la mission terminée, il était allé à la rencontre du régulateur pour lui dire, en hurlant, qu'il abandonnerait le patient la prochaine fois si un renfort ne lui était pas apporté immédiatement.

E. a. Par décision du 21 février 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, les HUG ont résilié les rapports de service avec A______ pour le 31 mai 2023, pour motif fondé suite à la rupture des rapports de confiance en lien avec son attitude et son comportement considérés comme graves et inadmissibles à l'égard de l'institution, de ses supérieurs hiérarchiques, collègues, partenaires et patients. Il était dispensé de son obligation de travailler. Son traitement était maintenu.

b. Par courrier du 3 mai 2023, A______ a requis qu'il soit procédé à son reclassement. Le 24 mai 2023, les HUG ont répondu que, compte tenu de la gravité des faits ayant motivé la résiliation des rapports de service, l'affectation à un autre poste serait improductive en raison du risque de reproduire les mêmes effets.

c. Par courrier du 23 mai 2023 faisant suite à l'arrêt de travail de A______ du 22 février au 15 mars 2023, les HUG ont annulé et remplacé leur décision du 21 février 2023 pour une nouvelle décision de résiliation de service pour motif fondé avec effet au 31 août 2023. Cette nouvelle décision était déclarée exécutoire nonobstant recours. A______ était dispensé de son obligation de travailler. Son traitement était maintenu.

d. Compte tenu des arrêts de travail du 22 février 2023, du 22 mars 2023, du 31 mai 2023, l'employeur a, par courrier du 15 août 2023, reporté la fin des rapports de service concernant A______ au 30 septembre 2023.

F. a. Par acte expédié le 26 juin 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a interjeté recours contre la décision de résiliation des rapports de service. Il a conclu à la restitution de l’effet suspensif et, préalablement, à l'octroi d'un délai convenable pour compléter l'acte de recours, à la production par l'employeur de l'intégralité de son dossier et, cela fait, à la production d'une écriture complémentaire accompagnée des offres de preuve, à la comparution personnelle des parties et l'audition de témoins. Principalement, il a conclu à l'annulation de la décision de licenciement du 23 mai 2023 et à ce que sa réintégration soit ordonnée dès le 1er septembre 2023 (recte : le 1er octobre 2023). En cas de refus, les HUG devaient être condamnés à lui verser une indemnité correspondant à douze mois de son dernier salaire brut, 13e salaire inclus, plus intérêts à 5 % l'an dès le 1er septembre 2023 (recte : le 1er octobre 2023).

Son droit d'être entendu n'avait pas été respecté dans la mesure où la décision n'indiquait pas le motif justifiant la résiliation des rapports de service. Il était étonnant que l'employeur puisse résilier les rapports de service pour motif fondé alors qu'il ressortait de l'entretien de service que c'était la voie de la révocation qui avait été retenue (art. 16 al. 1 let. c 5 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4  décembre 1997 (LPAC - B 5 05). Celle-ci sanctionnant une violation grave ou continue des devoirs de service, les faits qui lui étaient reprochés ne revêtaient pas une certaine gravité. Il avait été licencié après 17 ans de « bons et loyaux » services, sans avoir, préalablement, fait l'objet d'un avertissement formel ni d'une sanction disciplinaire. Les HUG n'avaient procédé à aucun reclassement et le principe de proportionnalité avait été violé.

b. Le 18 juillet 2023, A______ a complété son recours, persistant dans ses conclusions.

c. Par décision du 17 août 2023, la chambre administrative a, après avoir recueilli les déterminations des HUG et que le recourant a renoncé à répliquer, rejeté la requête d'effet suspensif et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

d. Le 31 août 2023, les HUG ont conclu au rejet du recours.

e. Le 2 octobre 2023, A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Aucun des arrêts genevois cités par les HUG à l'appui de leurs conclusions ne concernait des licenciements rendus en l'absence de procédure de reclassement.

Le refus de reclassement était disproportionné au vu de la chronologie des faits. A______ se voyait reprocher d'avoir soulevé des problèmes structurels et d'avoir demandé la mise en place de changements jamais intervenus. Sa capacité à abattre un gros volume de travail avait été exploitée par les HUG qui n'avaient jamais formulé de blâme à son encontre sur les aspects interpersonnels érigés comme motifs de licenciement et d'absence de reclassement. Il ne comprenait pas que ce soit précisément au moment où sa capacité de travail était atteinte que, d'un coup, sa manière d'être revendicateur avait pu rendre le travail impossible à poursuivre. Il déplorait au surplus que jamais aucune de ses remarques n'ait été prise en compte et le regrettait, dans la mesure où il était désormais atteint durablement dans sa santé. Cette manière de procéder était disproportionnée et arbitraire.

f. Le 23 octobre 2023, les HUG ont dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

g. Le 24 octobre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

h. Les arguments des parties et la teneur des pièces de la procédure seront pour le surplus repris ci-dessous dans la mesure utile au traitement du litige.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a & art. 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 31 al. 1 et 32 al. 6 et 7 LPAC).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du 23 mai 2023 des HUG résiliant les rapports de service du recourant pour le 30 septembre 2023, pour motif fondé.

3.             Le recourant a, au préalable, sollicité la production par l'employeur de l'intégralité de son dossier, la comparution personnelle des parties ainsi que l'audition de témoins.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que la juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; 141 III 28 consid. 3.2.4). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

3.2 En l'espèce, il ressort du dossier qu'une copie du dossier personnel produit par les intimés a été transmise au recourant le 3 août 2023, de sorte qu'il a pu en prendre connaissance et, partant, prendre position en connaissance de cause dans ses différentes écritures ultérieures. Il apparaît ainsi qu'il a été fait droit à sa requête.

En ce qui concerne la comparution personnelle des parties, outre le fait que le recourant ne dispose d’aucun droit à être entendu oralement, il a déjà eu l’occasion de s’exprimer largement sur tous les éléments du dossier, en particulier lors des différents entretiens avec ses supérieurs hiérarchiques, y compris l'entretien de service, au sujet des manquements qui lui étaient reprochés et a été en mesure, à plusieurs reprises, de faire valoir son point de vue par écrit, tant durant la procédure non contentieuse que devant la chambre de céans.

Le recourant ne donne aucune précision sur les témoins qu’il souhaite faire entendre ni même les faits pertinents sur lesquels ils devraient être auditionnés.

La chambre de céans est ainsi en possession d’un dossier complet, en état d’être jugé au vu notamment du nombre de pièces produites. Il s'ensuit qu'il ne sera pas fait droit aux demandes d'actes d'instruction complémentaires.

4.             Dans un grief d'ordre formel, le recourant se plaint de la violation de son droit d'être entendu sur deux points : outre le défaut de motivation de la décision de licenciement, il n’aurait pas été valablement entendu préalablement à la prise de cette décision.

4.1 Selon lui, la décision entreprise n'indiquerait pas le motif justifiant la résiliation des rapports de service. De plus, il ressortirait du compte-rendu de l'entretien de service du 18 novembre 2022 que ce serait la voie de la révocation qui aurait été retenue (art. 16 al. 1 let. c 5°LPAC). Celle-ci sanctionnant une violation grave ou continue des devoirs de service, les faits qui lui étaient reprochés ne revêtiraient pas une certaine gravité justifiant une révocation.

4.1.1 La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a également déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 4.1 ; 8C_743/2020 du 30 juin 2021 consid. 5.2.2 ; Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 531 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 143 III 65 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_463/2019 du 10 juin 2020 consid. 4.5 ; 2C_458/2020 du 6 octobre 2020 consid. 4.1 ; ATA/936/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références citées).

4.1.2 En l’espèce, la décision querellée fait expressément référence à la rupture des rapports de confiance en raison de l'attitude du recourant ainsi que de son comportement, considérés comme graves et inadmissibles à l'égard de l'institution, de ses supérieurs hiérarchiques, de ses collègues, des partenaires et des patients. Elle renvoie également aux faits reprochés lors de l'entretien de service du 18 novembre 2022 au cours duquel son attention a été attirée sur le fait que son comportement pourrait conduire à la résiliation des rapports de service. Dans ces conditions, le recourant a pu saisir les motifs de la décision de résiliation des rapports de service et recourir contre elle en connaissance de cause, par un acte de recours dûment motivé. Que le supérieur hiérarchique ait évoqué ou même envisagé des sanctions disciplinaires avant de procéder finalement au licenciement pour motif fondé est sans conséquence dans la mesure où le contenu de la décision querellée permettait au recourant de comprendre qu'il s'agissait d'un licenciement, étant précisé que l'employeur est dans tous les cas libre de choisir une mesure administrative ou une sanction disciplinaire.

4.2 Le recourant reproche à l’autorité intimée d’avoir décidé, à partir de 2020, de lui communiquer les reproches principalement par voie de messagerie électronique, à laquelle il n’avait pas accès notamment à cause de la surcharge de travail.

4.2.1 En matière de rapports de travail de droit public, la jurisprudence admet que des occasions relativement informelles de s'exprimer avant le licenciement peuvent remplir les exigences du droit constitutionnel d'être entendu, pour autant que la personne concernée ait compris qu'une telle mesure pouvait entrer en ligne de compte à son encontre (ATF 144 I 11 consid. 5.3 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_176/2022 du 21 septembre 2022 consid. 4.1). La personne concernée ne doit pas seulement connaître les faits qui lui sont reprochés, mais doit également savoir qu'une décision allant dans une certaine direction est envisagée à son égard (arrêt du Tribunal fédéral 8C_158/2009 du 2 septembre 2009 consid. 5.2, non publié aux ATF 136 I 39, et les arrêts cités).

4.2.2 En l’espèce, les courriels concernés ne contenaient pour l'essentiel que des comptes rendus de divers entretiens ou constataient des incidents impliquant le recourant dont les points de vue y étaient par ailleurs repris. Le 9 octobre 2020, la hiérarchie a encouragé le recourant à lire plus régulièrement ses courriels afin de se tenir informé. Pour le surplus, il n'a ni contesté cette manière de procéder ni même démontré qu'il avait été empêché de répondre aux faits relatés dans les courriels. Au contraire, le recourant a pu par courriel du 3 septembre 2021 contester un incident dont il avait reçu le compte rendu par courriel du même jour. Il avait, de surcroît, à disposition, de son propre aveu, deux ordinateurs en libre accès dans la salle de pause. En tout état, il a pu, à la suite de l'entretien de service du 18 novembre 2022, s'exprimer par écrit, à de nombreuses occasions, notamment pendant la phase contentieuse, sur les faits qui lui sont reprochés.

Au vu de ce qui précède, il n'y a pas de violation du droit d'être entendu du recourant. Le grief sera par conséquent écarté.

5.             Le recourant conteste le bien-fondé de la décision de résiliation de ses rapports de service.

5.1 En tant que membre du personnel des HUG, le recourant est soumis au statut en application de l'art. 1 al. 1 let. e LPAC et de l'art. 7 let. e de la loi sur les établissements publics médicaux du 19 septembre 1980 (LEPM - K 2 05). Il est aussi soumis à la LPAC, au règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), à la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15), ainsi qu'au règlement d'application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01).

5.2 Les devoirs des membres du personnel des HUG sont énoncés dans le titre III du statut. Ces derniers sont tenus au respect de l'intérêt de l'établissement et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 du statut). Selon l'art. 21 du statut, qui reprend en substance la teneur de l'art. 21 RPAC, les membres du personnel se doivent notamment, par leur attitude, d'entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés ; de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a)  ; de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (let. c). Ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 du statut).

5.3 La LPAC prévoit que lorsque les rapports de service ont duré plus d’une année, le délai de résiliation est de trois mois pour la fin d’un mois (art. 20 al. 3 LPAC). Ils peuvent être résiliés pour motif fondé (art. 21 al. 3 LPAC). Il y a motif fondé, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (art. 22 let. a LPAC), de l'inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 let. b LPAC) ou de la disparition durable d'un motif d'engagement (art. 22  let. c LPAC).

L'élargissement des motifs de résiliation des rapports de service, lors de la modification de la LPAC entrée en vigueur le 31 mai 2007, n'implique plus de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration. L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1219/2022 du 6 décembre 2022 consid. 4c et les références citées).

La notion de motifs fondés doit être concrétisée, dans chaque situation, à la lumière des circonstances du cas d’espèce (ATA/892/2016 du 25 octobre 2016 consid. 5a). L’employeur jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour juger si les manquements d’un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de retenir comme justes motifs de résiliation des rapports de service toutes les circonstances qui, d'après les règles de la bonne foi, font admettre que l'autorité qui nomme ne peut plus continuer ces rapports, mentionnant comme exemple de causes de cessation de l'emploi tenant à l'intérêt du service le fait que, par sa seule présence, le fonctionnaire perturbe la marche du service, notamment en cas de conflit de personnalités au sein d'un même service (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.1 et l'arrêt cité). De plus, selon une jurisprudence constante, le fait de ne pas pouvoir s'intégrer à une équipe ou de présenter des défauts de comportement ou de caractère tels que toute collaboration est difficile ou impossible est de nature à fonder la résiliation des rapports de travail, quelles que soient les qualités professionnelles de l'intéressé (ATA/421/2021 du 20 avril 2021 consid. 3d et les arrêts cités). Tel a également été jugé comme étant le cas des difficultés relationnelles répétées avec les collègues et la hiérarchie, émaillées d’incidents et d’emportements, mis en évidence par les évaluations successives et ayant fait l’objet d’entretiens, de rappels et d’accompagnements (ATA/1521/2019 du 15 octobre 2019 consid. 6 et 7). Des manquements comportementaux récurrents vis-à-vis de la hiérarchie et des collègues, malgré de nombreux rappels à l’ordre et des changements de secteur ont aussi été jugés constitutifs d’un motif fondé de résiliation, malgré la constance et la qualité des prestations depuis le début des relations de travail (ATA/1042/2016 du 13 décembre 2016 consid. 10 et 11). Le fait de minimiser à plusieurs reprises l’importance de manquements pouvait contribuer à rompre le lien de confiance (ATA/634/2016 du 26 juillet 2016 consid. 6). La chambre de céans a en outre considéré que les difficultés comportementales, en particulier au niveau de l'impulsivité et des rapports avec les collègues, auxquelles s'ajoutent les comportements problématiques récurrents, notamment en lien avec la planification du travail par rapport l'équipe, le refus de transport des patients et des consignes des supérieurs hiérarchiques, justifiaient la résiliation des rapports de service pour motif fondé (ATA/506/2022 du 17 mai 2022 consid. 6c).

Le Tribunal fédéral a confirmé que le licenciement pour motif fondé au sens des art. 21 al. 3 et 22 let. b LPAC est une mesure administrative dont le but est de permettre la résiliation des rapports de service lorsque leur continuation n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration. Elle ne suppose pas l'existence d'une violation fautive des devoirs de service par le fonctionnaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 aout 2020 consid. 4.2 et les arrêts cités), raison pour laquelle elle n'est pas soumise à l'ouverture d'une enquête administrative préalable, au contraire de la révocation disciplinaire (art. 27 al. 2 LPAC ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_244/2014 du 17 mars 2015 consid. 5.2). Il faut que le comportement de l'employé – dont les manquements sont aussi reconnaissables pour des tiers – perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 précité consid. 4.1 et 4.2).

5.4 En l'espèce, il n'est pas contesté que les HUG ont procédé en date du 23 mai 2023 à la résiliation des rapports de service les liant au recourant pour le 31 août 2023, puis, au 30 septembre 2023, soit dans le respect du délai prévu à l'art. 20 al. 3 LPAC.

Il est reproché au recourant une attitude et un comportement considérés comme graves et inadmissibles à l'égard de l'institution, de ses supérieurs hiérarchiques, de ses collègues, des partenaires et des patients. Ces motifs sont contestés.

Il ressort des premiers EEDC, soit ceux du 20 avril 2011, du 1er mars 2012 et du 12 mars 2013 que les problèmes de communication et de comportement inadaptés du recourant sont apparus dès sa période probatoire. Celle-ci a été prolongée d'une année pour prestations professionnelles peu satisfaisantes avant une nouvelle prolongation de même durée pour raison de transfert du service transports au département d'exploitation des HUG. Il a finalement été nommé fonctionnaire le 1er juin 2013 à la suite d'une évaluation globale jugée bonne (moyenne) lors des EEDC du 1er mars 2012 et du 12 mars 2013, lesquels retenaient cependant que l'objectif fixé d'avoir une communication et un comportement adaptés en toutes circonstances n'avait pas été atteint.

Lors de l'EEDC fait en 2016, le recourant avait obtenu une évaluation globale qualifiée de « bonne » avec une réserve sur le critère « comportement, coopération, communication, information » dont l'objectif fixé n'avait été que partiellement atteint : il rencontrait des difficultés avec ses collègues et certains collaborateurs des autres services qui entraînaient une communication et un comportement inadaptés. Il devait apprendre à mieux se maîtriser en cas de conflit et avoir une meilleure gestion de son stress, notamment lors de conflits avec ses collègues ou d'autres collaborateurs des HUG.

La situation du recourant a connu des améliorations telles qu'elles ressortent d'un rapport intitulé « bilan biannuel » couvrant la période du 30 mai 2017 au 30 mai 2019 dans lequel il avait reçu une notation globale de 3 sur 4. Cette bonne évaluation était cependant assortie de réserves relatives à ses relations avec ses collègues, les patients et les partenaires des HUG. S'agissant en particulier du critère « empathie & l'aptitude à la remise en question », il était évalué à 2 sur 5 par son responsable. Une note de 2 sur 5 lui était attribuée pour la rubrique « orientation clients & authenticité ».

Le recourant a été à l'origine de nombreux incidents, qui se sont produits à partir de mai 2020. Lors de deux missions de remplacement effectuées en mai 2020 et de mi‑juillet 2020 jusqu'à mi-septembre 2020 à l'Hôpital G______, il a provoqué régulièrement des réattributions des missions et notamment une mission au bloc. Il a lui-même reconnu que, lors d'une mission de transfert aux blocs, il était assis et regardait son téléphone portable privé dans l'attente que le transfert du patient soit effectué par les soignants. S’il conteste certains de ces nombreux incidents, il a admis en avoir causé un certain nombre, à l’instar, notamment, d’avoir interrompu la prise en charge d'une patiente en chaise roulante le 2 juin 2021 à cause d’un sac en papier provoquant des pleurs chez cette dernière, d'avoir décliné une mission urgente pour la pédiatrie le 18 juin 2021 au motif qu’il devait prendre sa pause, d’avoir refusé un transport pour le bloc opératoire le 28 novembre 2021 pour prendre une pause de cinq minutes, d'avoir refusé de prendre en charge un patient en raison d'un lit défectueux en formulant des reproches et en criant dans le couloir, d’avoir refusé plusieurs missions prioritaires LIHT les 11 et 16 mars 2022 ou d'avoir tenu le 12 août 2022 des propos désobligeants envers la hiérarchie.

Pris dans leur ensemble, les nombreux incidents, décrits de manière circonstanciée, fondés sur différents témoignages, émanant de différents supérieurs hiérarchiques, impliquant non seulement les collègues du recourant mais aussi sa hiérarchie et surtout les patients, sont des comportements inadéquats, contraires aux obligations du recourant.

Même l'entretien de service du 18 novembre 2022 n'a pas détourné le recourant de sa conduite problématique : ainsi, le 3 février 2023, il a menacé d'annuler une mission de transport devant un patient si le lit prétendument défectueux n'était pas immédiatement remplacé. De retour de ladite mission, il est allé à la rencontre du régulateur hurlant qu'il abandonnerait le patient la prochaine fois si le renfort n'était pas immédiatement envoyé.

Le recourant a eu tendance à minimiser, voire à banaliser ses manquements et n’a pas pris conscience de la gravité de ses agissements. Confronté à ses refus récurrents des missions, y compris des missions prioritaires, il a affirmé, le 22 mars 2022, ne pas en avoir conscience avant de déclarer que « tout allait bien » et que « le volume et la qualité de son travail étaient bons ». Le 16 mars 2022, une mission de transport prioritaire non acceptée immédiatement par le recourant a subi un retard préjudiciable. À la suite de l'incident du 2 juin 2021 qui a vu son attitude provoquer chez une patiente des pleurs et une interruption de la mission de sa part, il a affirmé avoir été « professionnel et correct » et ne pas comprendre les reproches à son encontre.

Au demeurant, la plupart des incidents avec le recourant ont donné lieu à des rappels de règles et de procédures et des remises à l'ordre, sans que ceux-ci ne parviennent cependant à infléchir ses agissements problématiques. En dépit des objectifs qui lui ont été fixés, des engagements qui ont été pris par lui-même ou des accompagnements suivis des points de situation qui ont été mis en place, les effets escomptés sur son comportement ne se sont pas réalisés, à tout le moins, durablement. Tous ces éléments ainsi que l'obstination du recourant à contester toute responsabilité de sa part démontrent une absence de remise en question.

Certains agissements ont révélé la volonté du recourant d'agir en dehors du cadre des règles de fonctionnement du service et de l'équipe. Il a ainsi sciemment retardé l'exécution d'une mission de transport de quinze minutes le 21 septembre 2021, le justifiant par son souci de gérer son temps afin de ne pas être victime de fatigue ou stress, sans qu'un tel aménagement du temps n'ait été validé par sa hiérarchie. Il indiquait également le 1er novembre 2021 avoir pris le parti de se ménager et avoir réduit sciemment son rythme de travail sans avoir préalablement obtenu l'accord de sa hiérarchie.

Enfin, le recourant s'est souvent montré irrespectueux à l'égard de ses collègues, de sa hiérarchie et des patients dans le cadre de l'exercice de ses fonctions en hurlant contre un collègue régulateur le 3 février 2023, en tenant le 12 août 2022 des propos désobligeants et critiques envers la hiérarchie et l'institution, en criant dans le couloir le 4 février 2022 ou en provoquant des pleurs chez une patiente le 2 juin 2021.

Le recourant excipe les conditions de travail qualifiées de « déplorables » ainsi que son caractère revendicateur pour contester les manquements qui lui sont reprochés. Une étude de la pénibilité de l'activité des brancardiers menée en 2018 par les HUG a mis en lumière plusieurs facteurs de pénibilité : un taux d'absentéisme élevé et relativement constant, des aspects techniques problématiques ainsi que les questions organisationnelles au sein de l'institution. À cela s'ajoutait un manque d'écoute et de reconnaissance du métier de la part de l'institution. Cette pénibilité s'est traduite essentiellement par l'intensification de la charge de travail. Face à cette situation, l'employeur a mis en place, à tout le moins selon l'étude susmentionnée, des solutions visant à faciliter le travail des brancardiers, à l'instar de l'introduction de l'application « iTransport », du poste de régulateurs ou des tracteurs de lit.

Selon toute vraisemblance, le problème de sous-effectif a perduré : en 2023, le taux d'absentéisme a été estimé de l'ordre de 18,6 % dans la presse locale, dans un article de la Tribune de Genève du 28 mars 2023. Quand bien même la chambre de céans n'entend pas minimiser les conditions de travail difficiles du recourant et qu'il peut être suivi lorsqu'il a indiqué le 3 septembre 2021 subir du stress en raison de la surcharge du travail ou lorsqu'il a évoqué le 22 mars 2022 des défaillances de l'application « iTransport » pouvant être à l'origine de certaines missions attribuées, mais non effectuées, lesdites conditions de travail ne sauraient à elles seules justifier les comportements qui lui sont reprochés.

Par ses manquements récurrents, le recourant a, au contraire, perturbé le bon fonctionnement du service et, ce faisant, contribué à la péjoration des conditions de travail. En effet, dès sa période probatoire et tout au long de son parcours professionnel, le recourant a fréquemment rencontré des problèmes de gestion de stress et de maîtrise de soi. Les invitations répétées de ses supérieurs hiérarchiques à travailler sur cet aspect de son comportement sont restées vaines.

En tout état, rien ne saurait justifier certaines attitudes inadéquates, notamment le fait de provoquer des pleurs chez une patiente, les cris dans le couloir, les hurlements à l'égard d'un collègue, le non-respect des consignes de la hiérarchie, des propos désobligeants et critiques adressés à la hiérarchie parfois devant les collègues ou le fait de s'introduire sans y être invité dans les bureaux de supérieurs hiérarchiques.

Quant au caractère revendicateur du recourant, même à retenir qu’il aurait eu des raisons de dénoncer d’éventuelles mauvaises conditions de travail, la manière de s'y prendre était inadéquate. Il a en effet eu l’occasion de formuler ses réserves lors de l'entretien tenu dans le cadre du bilan biannuel de 2019 ainsi qu'en lien avec la défaillance du logiciel d'attribution des missions lors de l'entretien du 15 mars 2021. Il a par la suite manifesté ses mécontentements par des cris, des hurlements, des critiques à voix haute de la hiérarchie devant les collègues. Contrarié, il a refusé ou interrompu la prise en charge de patients le 2 juin 2021 respectivement le 19 juillet 2021 ou tenu des propos irrespectueux à l'égard de la hiérarchie et de l'institution le 12 août 2022. Contrairement à ce qu'il allègue et au vu de ces faits, le prétendu caractère revendicateur s'est traduit davantage par une certaine impulsivité de sa part que par une réelle volonté de porter de manière respectueuse certaines revendications à la connaissance de sa hiérarchie.

Il est utile de rappeler à cet égard que les HUG ont, de leur propre initiative, engagé une étude sur la pénibilité de l'activité des brancardiers, dans le cadre de laquelle leurs revendications ont été recueillies et prises en compte. L'on peut également retenir que lors d'une rencontre tenue le 1er novembre 2021, le recourant a exprimé à son responsable sa démotivation croissante liée à la surcharge de travail et la répartition des missions entre transporteurs, ce qui a conduit ce dernier à mettre en place un suivi qui a permis une nette amélioration de la situation qui n'a toutefois pas été durable.

Dans ces conditions, le recourant ne saurait se dédouaner de toute responsabilité à l'égard de ses agissements en invoquant les mauvaises conditions de travail et, encore moins son caractère revendicateur.

Au vu de ce qui précède, la conduite du recourant était propre à rompre les rapports de confiance avec son employeur. C'est à bon droit que les HUG ont résilié les rapports de service en lien avec son attitude et son comportement, considérés comme graves et inadmissibles à l'égard de l'institution, de ses supérieurs hiérarchiques, de ses collègues, des partenaires et des patients dans les divers services fréquentés.

Partant, le grief est mal fondé.

6.             Le recourant reproche aux HUG de ne pas avoir procédé à son reclassement.

6.1 Préalablement à la décision de résiliation, l'autorité compétente est tenue de proposer au fonctionnaire qu'elle entend licencier des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé (art. 21 al. 3 LPAC). 

6.2 À teneur de l’art. 46 RPAC, lorsque les éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d'entretiens de service, un reclassement selon l'art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). L’intéressé bénéficie d’un délai de dix jours ouvrables pour accepter ou refuser la proposition de reclassement (al. 4). En cas de reclassement, un délai n'excédant pas six mois est fixé pour permettre à l'intéressé d'assumer sa nouvelle fonction (al. 5). En cas de refus, d’échec ou d'absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6). Le service des ressources humaines du département, agissant d’entente avec l’office du personnel de l’État, est l’organe responsable (al. 7).

6.3 L’art. 48A du statut a la même teneur.

6.4 Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise (arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2 ; ATA/130/2022 du 8 février 2022 consid. 6b). La loi n’impose toutefois pas à l’État une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui (ATA/361/2022 du 5 avril 2022 consid. 7b). En outre, l’obligation de l’État de rechercher un autre emploi correspondant aux capacités du membre du personnel se double, corrélativement, d’une obligation de l’employé, non seulement de ne pas faire obstacle aux démarches entreprises par l’administration, mais de participer activement à son reclassement (ATA/361/2022 précité consid. 7b).

L’État a l’obligation préalable d’aider l’employé et de tenter un reclassement, avant de prononcer la résiliation des rapports de service : il s’agit tout d’abord de proposer des mesures dont l’objectif est d’aider l’intéressé à retrouver ou maintenir son « employabilité », soit sa capacité à conserver ou obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans une autre fonction, à son niveau hiérarchique ou à un autre niveau. Avant qu’une résiliation ne puisse intervenir, différentes mesures peuvent être envisagées et prendre de multiples formes, comme le certificat de travail intermédiaire, un bilan de compétences, un stage d’évaluation, des conseils en orientation, des mesures de formation et d’évolution professionnelles, un accompagnement personnalisé, voire un « outplacement ». Il s’agit ensuite de rechercher si une solution alternative de reclassement au sein de l’établissement peut être trouvée (ATA/78/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4a).

Récemment, le Tribunal fédéral a rappelé qu’il n’existait pas d’obligation pour l’État d’appliquer dans chaque cas l’intégralité des mesures possibles et imaginables, l’autorité disposant d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer et choisir les mesures qui lui semblaient les plus appropriées afin d’atteindre l’objectif de reclassement. L’intéressé peut faire des suggestions mais n’a pas de droit quant au choix des mesures entreprises. Le principe du reclassement, qui concrétise le principe de la proportionnalité, signifie que l’employeur est tenu d’épuiser les possibilités appropriées et raisonnables pour réincorporer l’employé dans le processus de travail et non de lui retrouver coûte que coûte une place de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 6.2).

6.5 Selon la jurisprudence fédérale, lorsqu’un reclassement revient en fin de compte à reporter dans un autre service des problèmes de comportement reprochés au recourant, il paraît illusoire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_839/2014 du 5 mai 2015 consid. 7.1). L’employeur se doit non seulement de protéger ses intérêts financiers, mais principalement ceux des patients qu’il accueille et auxquels il doit offrir toutes les garanties quant au personnel avec qui ils entrent en contact (ATA/1143/2018 du 30 octobre 2018 consid. 9b).

Toutefois, seules les circonstances particulières, dûment établies à satisfaction de droit, peuvent justifier une exception au principe légal du reclassement et faire primer l’intérêt public et privé de nombreux employés de l’État sur l’intérêt privé, pourtant important, de la personne licenciée (ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 9c ; ATA/1579/2019 du 29 octobre 2019 consid. 12h).

La jurisprudence genevoise connaît une casuistique où la chambre administrative a admis l'absence de procédure de reclassement (ATA/1345/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3i et les arrêts cités). L’absence de procédure de reclassement a été admise dans le cas d’une gérante sociale qui avait eu de très importants problèmes de communication et de comportement, durant une période de sept ans, avec l’ensemble des catégories d’interlocuteurs, tant internes qu’externes, à son institution (ATA/1576/2019 du 29 octobre 2019 consid. 14). Elle l’a également été compte tenu de l’attitude générale inappropriée d’une autre employée sur son lieu de travail, insuffisamment respectueuse de la sphère personnelle d’autrui, et de comportements inappropriés à l’égard de certaines collaboratrices, ce qui avait conduit au prononcé d’un avertissement et à la fixation d’objectifs qui n’avaient pas été réalisés, si bien que la continuation des rapports de service a été jugée incompatible avec le bon fonctionnement du département intimé (ATA/674/2017 du 20 juin 2017 consid. 19).

6.6 En l'espèce, les difficultés comportementales du recourant ont été identifiées dès son engagement en juin 2009 et consignées dans les EEDC du 20 avril 2011, du 1er mars 2012 et du 12 mars 2013. Elles ont perduré même après sa nomination comme fonctionnaire à partir du 1er juin 2013, l'EEDC de 2016 et le bilan biannuel de 2019 ont émis des réserves sur les problèmes de communication et de comportements inadéquats qui mettaient à mal les relations du recourant avec ses collègues, sa hiérarchie et les patients. Malgré quelques améliorations très limitées, la série d'incidents, survenus dès mai 2020, à intervalle réguliers, impliquant les collègues, les supérieurs hiérarchiques et les patients, a mis en lumière une dégradation inexorable du comportement du recourant au fil du temps. En particulier, la propension de celui-ci à ne pas se remettre en question et, surtout, à reporter ses manquements sur ses collègues et sa hiérarchie ainsi que ses problèmes de communication tendent à démontrer ses difficultés à s'intégrer dans une équipe.

Dans la même optique, son impulsivité liée notamment à ses changements d'humeur est susceptible de créer des tensions avec ses collègues et sa hiérarchie. Ainsi, outre un collègue régulateur visé par des hurlements pour cause de mécontentement, le recourant s'en est pris à sa hiérarchie et aux HUG qu'il a traités respectivement de « nulle » et de « catastrophiques ». De manière générale, l'attitude générale inappropriée du recourant l'a placé en porte-à-faux avec tous les supérieurs hiérarchiques sous la responsabilité desquels il a travaillé depuis le début de son activité aux HUG comme le rapportent les nombreux entretiens susmentionnés.

Ponctué d'incidents récurrents, un tel parcours professionnel laisse penser qu'un reclassement de l'intéressé sera vain et ne servirait qu'à reporter ses problèmes comportementaux dans un autre service. L'expérience de la mission de remplacement de quelques semaines à l'Hôpital G______, pour laquelle la responsable avait produit un rapport très critique sur le comportement inadéquat du recourant, est à cet égard éloquente. Dans ces conditions, l’appréciation des HUG, selon laquelle le comportement du recourant et la rupture définitive du lien de confiance pouvaient justifier une exception au principe légal du reclassement et que l'intérêt public et privé de nombreux employés de l'État, voire de tiers et de l’institution primait l'intérêt privé, pourtant important, du recourant, ne prête pas le flanc à la critique.

Le grief est par conséquent écarté.

7.             Le recourant invoque une violation du principe de proportionnalité.

7.1 Le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 ; ATA/932/2018 du 11 septembre 2018 consid. 6).

7.2 En l’espèce, le licenciement est apte à atteindre le but d’intérêt public à employer dans les établissements publics médicaux du personnel respectueux de l’institution, des collègues et des tiers, de même que de ses obligations, ainsi que de protection de la patientèle. La mesure est nécessaire pour atteindre cet objectif et proportionnée au sens étroit compte tenu, notamment, de ce qui précède, de la fréquence des incidents, de leur gravité et de l’absence de remise en question du recourant dont le comportement a irrémédiablement rompu le lien de confiance avec les HUG.

Pour le surplus et contrairement aux prétentions au recourant, comme rappelé plus haut, le licenciement pour motif fondé de l'art. 21 al. 3 LPAC constitue une mesure administrative ayant une existence propre et ne requiert ni une faute pouvant justifier une sanction disciplinaire telle qu'un blâme, ni un avertissement formel, préalablement à son prononcé.

Le grief sera par conséquent écarté.

Au vu des considérants qui précèdent, il n’y a pas lieu d’examiner les conclusions du recourant tendant à sa réintégration.

8.             Vu l'issue du litige, un émolument de procédure de CHF 1'500.-, y compris celui de la décision relative à l'effet suspensif, sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Les HUG disposant d'un service juridique, aucune indemnité ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/605/2021 du 8 juin 2021 et les références citées).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 juin 2023 par A______ contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève du 23 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 1'500.-;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à B______, mandataire du recourant, ainsi qu'à Mes Anne MEIER et Amel BENKARA, avocates des Hôpitaux universitaires de Genève.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Cédric-Laurent MICHEL, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :