Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2334/2023

ATA/1252/2023 du 21.11.2023 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : PLAN D'AFFECTATION CANTONAL;PROTECTION DE LA NATURE ET DU PAYSAGE;OPPOSITION(PROCÉDURE);GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ
Normes : LAT.33; Cst.26.al1; LPMNS.38; LPMNS.39
Résumé : Rejet du recours d’un propriétaire contre le plan de site adopté par le Conseil d’État concernant le village de Dardagny. La nouvelle aire d’implantation pour construction nouvelle prévue par le plan de site querellé sur la parcelle du recourant, sise en zone 4B protégée, est une restriction admissible à la garantie de propriété. Il s’agit en particulier d’une mesure nécessaire à la réalisation de l’intérêt public poursuivi, découlant des trois planifications directrices de rang fédéral, cantonal et communal, consistant à protéger le patrimoine historique bâti et naturel du village.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2334/2023-AMENAG ATA/1252/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 novembre 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

CONSEIL D'ÉTAT intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ est propriétaire de la parcelle n° 1'114 d’une surface de 7'298 m2, située dans le village et la commune de B______, en zone 4B protégée. Il y exploite un domaine viticole sis au ______, route C______.

b. Sept bâtiments sont regroupés au nord de sa parcelle, autour d’une cour, en face à face. D’un côté, situé à la limite nord de la parcelle, sont accolées deux habitations de 124 m2 et 158 m2, jouxtant chacune un autre bâtiment, dont une cave viticole d’une surface un peu plus grande que 277 m2. En face de celle-ci et en bordure de la zone agricole, se trouve un garage privé de 47 m2. De l’autre côté de la cour, en face des habitations, s’élèvent deux autres bâtiments, l’un de 268 m2 comprenant un logement et l’autre de 228 m2 abritant un dépôt servant de caveau et de cellier à l’exploitation viticole.

c. Cette parcelle entoure la parcelle voisine n° 1'115 et forme avec celle-ci un rectangle bordant, à l’est et au sud-est, la zone agricole. Le reste de ce périmètre rectangulaire situé au sud-est est libre de construction.

La parcelle voisine n° 1'115 appartient à une tierce personne. Elle est également située en zone 4B protégée et abrite un bâtiment d’habitation. Celui-ci se trouve proche du dépôt accolé à l’habitation précitée de 268 m2, au sud-est de celui-ci. Ces deux habitations sont séparées par une voie d’accès rejoignant la route C______ depuis les quatre logements et l’exploitation viticole susmentionnés.

d. Au sud de la parcelle n° 1'114, se trouvent deux autres parcelles situées en zone 4B protégée. Il s’agit, d’une part, de la parcelle n° 637 appartenant à un tiers, s’étendant jusqu’à la route C______ sur une surface totale de 4'147 m2 et comprenant plusieurs bâtiments dont deux hangars accolés de 195 m2 et 83 m2. Ceux-ci se trouvent proches de la parcelle n° 1'114, à peu près à mi-chemin sur la voie d’accès précitée entre les bâtiments susmentionnés de A______ et la route C______. D’autre part, la parcelle n° 1’109 de 1'051 m2, comprenant une habitation et un garage privé, se trouve entre la parcelle n° 1'114 et la parcelle n° 1’108 de 2'483 m2 bordant la route C______ et comprenant entre autres un bâtiment d’habitation avec deux logements. Un chemin passant devant celle-ci relie la parcelle n° 1'109 à ladite route. Ces deux parcelles appartiennent à deux autres propriétaires.

B. a. Toutes ces parcelles figurent dans l’inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse (ci-après : ISOS). La fiche ISOS concernant B______ est constituée de différentes parties. Les deux groupes de bâtiments sis sur la parcelle n° 1'114, à l’exclusion du garage privé, ainsi que ceux de la parcelle n° 1'108 sont visés par la partie n° 3. Il en va de même des bâtiments de la parcelle n° 637 hormis les deux hangars précités. Ceux-ci, le garage privé de la parcelle n° 1'114 ainsi que les habitations des parcelles n° 1'115 et n° 1'109 relèvent en revanche de la partie n° 4 de la fiche ISOS relative à B______. Ces deux habitations sont spécialement identifiées sous la rubrique 4.1 intitulée « Bâti récent » relative à des « villas et maisons individuelles » du XXe siècle.

La partie n° 3 concerne la composante historique méridionale de B______ décrite ainsi : « noyau villageois formé de deux groupements agricoles,
XVIIe-XIXe s., séparés par un pré, implantation du bâti en ordre contigu formant de courtes rangées entrecoupées de jardins et cours de travail ». Un objectif de sauvegarde A y est attribué. Un « pré isolé », situé le long de la route C______, est spécialement identifié par une forme carrée (élément n° 3.1 de la fiche ISOS), au pied du chemin conduisant aux habitations sises sur les parcelles n° 1'114 et n° 1’115. Ce pré est décrit comme un « espace vierge de construction marquant l’articulation entre les deux parties de la composante agricole et viticole ». Selon le descriptif ISOS de cette partie n° 3, deux noyaux agro-viticoles, à l’origine clairement définis, sont actuellement quasiment réunis, la subtile distinction entre les deux se résumant à un « modeste pré (3.1), indispensable à la compréhension du site ».

La partie n° 4 porte sur les terres cultivables, avec un objectif de sauvegarde A de l’état existant en tant qu’espace agricole ou libre. Elle couvre une grande surface englobant, outre l’intégralité des parcelles n° 1'115 et n° 1’109, la parcelle n° 1'114 libre de constructions, y compris le garage privé et la surface située entre la cave viticole de A______ et l’habitation voisine, ainsi qu’une bonne partie de la parcelle n° 637, y compris les deux hangars susmentionnés. La partie n° 4 est composée de vergers et jardins à proximité du tissu bâti cédant peu à peu la place à des champs jusqu’à la forêt du vallon de E______, avec quelques maisons individuelles identifiées sous le n° 4.1. Celles-ci ponctuent les abords immédiats du bâti historique et « viennent légèrement perturber l’articulation entre fermes et territoire ». La partie n° 4 revêt une signification importante pour deux motifs : d’une part « la fonction de vestibule que vignes et champs – indissociables de l’histoire et de la physionomie caractéristique du village – confèrent au bâti historique » et d’autre part le « rôle d’arrière-plan que ces espaces proposent ».

En sus d’une liste des mesures de protection existantes, comprenant entre autres le plan directeur cantonal et les plans d’affectation, la fiche ISOS propose les recommandations suivantes. La lisibilité des étapes du développement du village doit être préservée. À cette fin, il convient d’accorder « la plus haute priorité de conservation » aux espaces libres délimitant les parties de site historiques. Il est recommandé de faire preuve de « pondération lors de toute future intervention » et « d’enrayer la propagation d’un bâti qui vient peu à peu masquer totalement la vue vers le vignoble depuis les noyaux historiques ». Le lien « intime » qu’entretient B______ avec les terrains agricoles et les vignes le ceinturant est « fragile ». La « symbiose » entre le bâti et ces espaces environnants doit être préservée au mieux, notamment pour les terres cultivables visées sous la partie n° 4.

C. a. Après l’adoption du plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn) en septembre 2013 et son approbation fédérale en avril 2015, le Grand Conseil a adopté sa première mise à jour en avril 2019, approuvée en janvier 2021 par la Confédération. Le village de B______ est concerné par les fiches A06 et A15 du schéma directeur cantonal du PDCn.

La fiche A06 vise à permettre une évolution raisonnable et un développement mesuré des villages dans l’espace rural, dans le respect de leur identité historique, architecturale et spatiale. À titre d’effets attendus, on compte la préservation de la substance historique bâtie et non bâtie des villages ainsi que la limitation de l’urbanisation dispersée. Dans les zones à bâtir existantes des villages, il est recommandé d’exclure la construction de villas et de prévoir une densité modérée. Dans les zones 4B protégées, les nouvelles constructions doivent être réalisées de manière à respecter le caractère architectural des anciens bâtiments, l’échelle du village et le site environnant. Le maintien des espaces non bâtis tels que cours ou jardins fait également partie des objectifs de protection. Parmi les mesures de mise en œuvre, la fiche A06 promeut la prise en compte du paysage des villages, notamment au travers du traitement des coutures entre l’espace construit, les jardins et l’espace rural, en favorisant la végétation indigène et en mettant en place une politique active de préverdissement. Le canton est notamment invité à élaborer et adopter des mesures de protection du patrimoine bâti et non bâti dans les cas prévus par la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), tandis que les communes peuvent faire usage de leur droit d’initiative pour proposer entre autres des plans de site.

La fiche A15 a pour but de préserver et de mettre en valeur le patrimoine, en le considérant comme un élément majeur de l’aménagement du territoire et en prenant notamment en compte l’inventaire fédéral ISOS. Elle invite les communes à intégrer, dans leur plan directeur, les éléments relevant du patrimoine bâti et naturel ainsi que les mesures de protection et à préciser les conditions de préservation après analyse de la situation.

D. a. Le conseil municipal de la commune de B______ a adopté, le 17 septembre 2012, un plan directeur communal et plan directeur des chemins pour piétons
(ci-après : PDCom), approuvé le 30 janvier 2013 par le Conseil d’État. Le chapitre 3 du PDCom concerne le village de B______.

Selon le bilan tiré de l’évolution de ce village, les réalisations des vingt dernières années n’ont pas suivi les implantations esquissées dans le plan de site de 1981, ce qui dénote une relative inadéquation de ce document. Certains éléments ne répondent plus de manière satisfaisante aux principes actuels d’aménagement, tel qu’un indice d’utilisation du sol faible favorisant la construction de villas, ce qui n’était pas conforme à la zone 4B protégée. Quelques mises à jour et réorientations du plan de site et de son règlement datant de près de trente ans sont nécessaires (chapitre 3.4.2).

Du point de vue historique, deux « couloirs verts » non bâtis, ouverts sur la campagne, séparaient au début du XIXe siècle les trois entités villageoises composant le village de B______ (chapitre 3.5.1). Au début du XXe siècle, ces trois entités se rapprochaient avec quelques constructions s’intercalant dans les « couloirs verts ». Le village avait continué à évoluer avec une atténuation progressive des espaces verts libres de constructions entre les entités bâties. Le PDCom a fixé plusieurs objectifs, notamment préserver et mettre en valeur les « césures vertes » afin de maintenir la lisibilité des trois entités historiques du village, privilégier son développement dans la longueur (axe nord/sud) et éviter le développement d’une deuxième frange de constructions, créant des entités déconnectées de l’espace-rue et portant atteinte à la lisibilité du village « en crête » (chapitre 3.5.1).

Parmi les mesures de mise en œuvre du PDCom, figure, pour le village de B______, la révision du plan de site de 1981 avec la marche à suivre. Cette révision doit tenir compte des objectifs de la planification cantonale, modifier l’indice d’utilisation du sol minimum, renforcer la lisibilité des « césures vertes » et redéfinir le périmètre du plan de site en intégrant les extensions envisagées, le potentiel à bâtir, les implantations des futures constructions et leur relation à l’espace public (chapitre 11).

E. a. En septembre 2013, la commune de B______ a informé le Conseiller d’État en charge du département du territoire (ci-après : le département) de sa volonté de procéder à la révision du plan de site du village de B______ adopté en 1981 ainsi que des diverses démarches déjà entreprises dans ce sens, dont celle de solliciter un mandataire externe spécialisé pour réaliser un avant-projet du plan de site. Elle a demandé au département de formellement initier la procédure de révision du plan de site de B______.

b. De concert avec la commune et le canton, le mandataire externe a présenté en avril 2018, sous la forme d’un rapport explicatif, un projet de plan de site concernant le village de B______.

c. Lors de l’instruction du projet, quatre versions du plan de site, incluant la légende et le règlement y relatifs, ont été élaborées d’octobre 2016 à avril 2019, par le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) de l’office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS) du département et soumises aux préavis des autres services.

Dans ce cadre, l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) a rendu un préavis favorable sous conditions en mai 2019 après avoir demandé, à trois reprises, des modifications du projet entre décembre 2016 et mars 2019. La commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a rendu un premier préavis favorable sous conditions en mars 2017, puis un second préavis favorable avec souhaits en juin 2018. La direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : PDCR) a préavisé positivement le projet en octobre 2016, relevant sa conformité aux objectifs de la fiche A06 du PDCn et le fait qu’il visait une meilleure utilisation des zones à bâtir existantes.

d. Le projet de plan de site concernant le village de B______ a fait l’objet d’une enquête publique entre les 31 octobre et 30 novembre 2019.

Dans ses observations adressées le 24 novembre 2019 au département, A______ s’est plaint du caractère inconstructible prévu par le projet « pour la plus grande partie de ses parcelles » alors en zone constructible, ce qui lui causait une perte financière considérable eu égard notamment à son projet de valorisation en vue de sa retraite. Il s’opposait aussi au cheminement piétonnier prévu par le projet par sa cour occupée, à des fins professionnelles, par ses ouvriers et les engins viticoles exigeant des mesures de sécurité élevées. La cour constituait également un endroit de vie privée pour les occupants des habitations et les employés du domaine.

e. Lors de sa séance du 7 septembre 2020, le conseil municipal de B______ a rendu un préavis négatif au projet de plan de site et invité le département à répondre de manière détaillée aux dix observations émises lors de l’enquête publique, dont celles de A______.

f. Dans une lettre de mars 2021 adressée à la commune, A______ a demandé une modification du projet du plan de site, soumis à enquête publique, en ce sens que l’aire d’implantation pour nouvelle construction devait être prévue au sud-est de sa parcelle en continuité des chemins existants et non au nord de celle-ci en bordure de la zone agricole, dans la cour, entre le garage privé et l’habitation voisine, car cela était incompatible avec son exploitation viticole. Il rappelait l’avoir déjà sollicité dans un courrier de décembre 2017. Il avait alors aussi critiqué une ancienne version du projet envisageant cette aire sur un bâtiment existant, qui aurait impliqué la destruction du caveau et du cellier, option écartée dès la deuxième version du projet élaborée en avril 2018.

g. Après une entrevue de A______ avec le SMS en janvier 2022, l’OPS l’a informé, le 13 juillet 2022, de la suppression du cheminement piétonnier au nord de sa parcelle et de l’ouverture prochaine de la procédure d’opposition. Concernant ses remarques sur les faibles potentiels à bâtir, il lui signalait que le plan de site était un outil de protection visant à protéger le cadre architectural du village de B______ inscrit à l’inventaire fédéral ISOS. Les aires d’implantations des constructions nouvelles devaient respecter les qualités spatiales du site, avec des parties denses renfermant un bâti contigu et des échappées visuelles sur le territoire. Le potentiel à bâtir sur sa parcelle avait néanmoins été agrandi dans le respect de ces principes.

h. Le projet de plan de site a ensuite fait l’objet d’une procédure d’opposition entre les 17 novembre et 17 décembre 2022.

L’aire d’implantation pour construction nouvelle sur la parcelle de A______ avait été agrandie et orientée différemment. Passant de 260 m2 à 312 m2 environ, elle ne jouxtait plus, au nord-est et de manière perpendiculaire, la limite de sa propriété avec la zone agricole mais elle se situait dans le prolongement de l’habitation voisine, entre celle-ci et son garage privé, principalement sur sa parcelle avec un léger débordement sur la parcelle n° 1'115.

i. A______ a, le 6 décembre 2022, fait opposition audit projet en ce qu’il affectait sa parcelle. L’aire d’implantation proposée pour une nouvelle construction était située dans la cour de son domaine viticole qui était un lieu d’exploitation. Elle empiétait la parcelle n° 1'115 dont il n’était pas propriétaire. Elle sacrifiait plusieurs « grands végétaux », de sorte qu’il supposait que l’OCAN refuserait de les abattre même si le SMS les jugeait de moindre importance, appréciation qui lui semblait arbitraire. Le projet litigieux avait pour effet de rendre « totalement impossible un quelconque développement sur [sa] parcelle ». Il souhaitait, comme il l’avait déjà exprimé sans avoir été entendu, que l’aire d’implantation soit située « à l’est de sa parcelle » pour ne pas prétériter l’exploitation de son domaine viticole et éviter de « sacrifi[er] les grands végétaux ». Cela respectait la césure verte et la vue à préserver. L’aire d’implantation souhaitée restait dans l’alignement d’éléments bâtis existants.

Il joignait un document mentionnant l’emplacement de l’aire d’implantation qu’il souhaitait, situé au sud-est de sa parcelle, hors de la césure verte projetée par le plan litigieux, en bordure de son terrain, jouxtant la zone agricole et la parcelle n° 1’109 sise en zone 4B protégée et disposant d’un accès à la route C______ à travers la parcelle n° 1’108.

j. Par arrêté n° 1______ du 7 juin 2023, publié le 9 juin 2023 dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève, le Conseil d’État a approuvé le plan de site n° 2______ du village de B______ et son règlement, abrogeant et remplaçant le précédent plan de site de septembre 1981.

k. Par arrêté n° 3______ du 7 juin 2023, le Conseil d’État a également statué sur l’opposition formée par A______ au projet du plan de site précité, en la rejetant.

Compte tenu de l’importance patrimoniale du village de B______ reconnue dans l’inventaire fédéral ISOS, dans les fiches A06 et A15 du schéma directeur cantonal du PDCn et dans le recensement architectural du canton (RAC-2018), le plan de site de 1981 devait être révisé en profondeur pour se conformer aux exigences juridiques actuelles et assurer une meilleure préservation du village et de ses abords. Cette révision constituait en outre une des mesures prioritaires du programme de mise en œuvre du PDCom.

Datant de plus de quarante ans et élaboré peu après l’adoption de la LPMNS, le plan de site de 1981 et son règlement n’étaient, dans une large mesure, plus adéquats ni suffisants pour prévenir une altération des qualités bâties, paysagères et spatiales du site. Parmi les éléments qu’ils ne prenaient pas suffisamment en compte, figuraient un indice d’utilisation du sol trop faible (0.25) et le fait d’exploiter la plupart des espaces disponibles pour admettre de nouvelles constructions, sans précaution particulière liée à la morphologie du site, ce qui entraînait une protection très insuffisante de ses qualités historiques, spatiales et paysagères. Les implantations et les secteurs de non bâtir n’étaient pas suffisamment définis et l’accès aux nouveaux bâtiments n’était pas indiqué.

Le projet de plan de site avait été élaboré, de concert entre l’OPS et la commune qui avait financé les premières études et sollicité une étude de plan de site, prenant la forme d’un rapport explicatif dès 2016. Son objectif était de préserver et de mettre en valeur les caractéristiques patrimoniales et paysagères du village, de redéfinir les périmètres des espaces bâtis et non bâtis et de requalifier l’espace public au
nord-est du village, tout en permettant une croissance modérée et en préservant à la fois le caractère villageois de B______ et son dynamisme économique. Après le préavis défavorable de la commune, l’OPS a donné suite à la demande de celle-ci d’entendre les propriétaires ayant fait des observations. Il a procédé à certaines modifications du projet de plan lorsqu’elles pouvaient être apportées sans aller à fins contraires des objectifs de protection poursuivis par le plan.

Dans une argumentation détaillée plus bas, l’autorité intimée a indiqué les raisons pour lesquelles la solution préconisée par A______ de prévoir l’aire d’implantation de nouvelles constructions au sud de la parcelle et non au nord près des autres bâtiments sis sur celle-ci comme le préconisait le projet, ne pouvait être suivie. Concernant la supposition de l’intéressé relative à l’abattage de grands végétaux, l’autorité intimée rappelait le préavis favorable de l’OCAN désignant les arbres identifiés par le propriétaire comme étant des végétaux de moindre importance pouvant être supprimés sans incidence notable sur la nature et le paysage. L’OCAN ne s’opposait donc pas, sur le principe, à l’abattage desdits arbres en cas d’un projet de construction à l’endroit prévu par le projet litigieux sur la parcelle n° 1'114. Ce dernier répondait à l’exigence de la base légale et à un intérêt public de protection du patrimoine.

Il s’agissait aussi d’une mesure conforme au principe de proportionnalité. En particulier, l’intérêt public à la protection des monuments prévalait en principe sur l’intérêt privé lié à une utilisation financière optimale de la parcelle. Consciente de la situation économique des agriculteurs continuellement confrontés à adapter leurs stratégies agricoles pour maintenir la viabilité de leurs exploitations, l’autorité intimée ne voyait pas en quoi le projet litigieux mettait en péril l’exploitation de l’opposant. Celle-ci pourrait continuer à se déployer dans la partie de la cour qui resterait intacte en cas de construction ou dans la partie libre de construction au sud de la parcelle. La création d’une aire d’implantation d’une construction nouvelle ne l’obligeait en outre pas à utiliser entièrement ladite aire s’il préférait garder l’entière disposition de sa cour. L’aire d’implantation prolongée sur la parcelle voisine n° 1'115 était proposée dans l’intérêt des propriétaires afin d’éviter les contraintes légales liées au respect des distances aux limites de propriétés. L’empiètement de ladite aire n’empêchait pas l’opposant d’utiliser la surface à bâtir se situant sur sa parcelle s’il lui était impossible de s’entendre avec la propriétaire de la parcelle voisine n° 1'115. Dans un tel cas, l’octroi d’une autorisation de construire pourrait être subordonné à l’établissement d’un plan d’ensemble selon l’art. 7 al. 2 du règlement du plan de site. Enfin, la parcelle n° 1'114 était déjà fortement valorisée, avec sept bâtiments différents dont trois de logements y étant déjà construits. Ainsi, les objectifs d’intérêt public poursuivis par la mesure de protection, notamment en lien avec le maintien de la césure verte et de la vue à préserver ainsi que la préservation du caractère villageois en évitant les constructions en second front, étaient prépondérants aux intérêts privés, limités, de l’opposant.

F. a. Par lettre expédiée le 5 juillet 2023, A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours « contre l’arrêté 3______ du 7 juin 2023 » concernant le village de B______ et sa parcelle n° 1'114 et s’y est « oppos[é] » en reprenant, pour l’essentiel, les arguments de son opposition de décembre 2022. Il proposait « un rendez-vous sur place » pour éviter « une future procédure juridique ».

Il se prévalait d’une violation de sa garantie de propriété sans développer de motivation spécifique, hormis l’impossibilité de la valoriser en raison du plan de site litigieux. Il se plaignait de l’absence de concertation au sujet du tracé des « césures et autres voies vertes » sur sa propriété. Il invoquait des « problèmes fonctionnels », sans autre précision, qui résulteraient de « décisions prises de manière unilatérale par des personnes sans compétence avec le fonctionnement du monde viticole et agricole » et critiquait les appréciations de l’autorité intimée liées à la viabilité d’une exploitation viticole et à un projet architectural n’existant pas. Il s’opposait à l’aire d’implantation prévue par le plan litigieux sur sa parcelle et renouvelait sa demande de la déplacer « à l’est de [sa] parcelle », soulignant que cet emplacement ne remettrait pas en cause la « césure ou voie verte » projetée et que les véhicules privés pourraient « parfaitement être stationnés en sous-sol ou hors de ladite césure ». Sa propriété privée n’avait enfin pas pour vocation de « devenir un parc public avec sentier de randonnée ».

b. Après interpellation par la chambre de céans quant aux exigences légales de l’acte de recours, l’intéressé, agissant en personne, a indiqué ne pas être juriste ni professionnel de l’immobilier. Il a produit des documents et demandé « si nécessaire une entrevue avec l’instance [compétente] ». Il a par la suite envoyé d’autres pièces en lien avec la cause.

c. L’autorité intimée a conclu au rejet du recours et de la demande de transport sur place ainsi qu’à la confirmation des arrêtés du 7 juin 2023 approuvant le plan de site litigieux et statuant sur l’opposition du recourant. Elle s’est rapportée à justice quant à la recevabilité du recours.

d. Le recourant n’ayant pas répliqué dans le délai indiqué, les parties ont été informées le 28 septembre 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours du propriétaire de la parcelle n° 1'114 comprise dans le périmètre du plan de site litigieux et ayant fait opposition à ce dernier, est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 60 al. 1 let. a et b et art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 35 al. 1, 2 et 4 et art. 13 al. 1 let. c de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30, par renvoi de l’art. 40 al. 9 LPMNS).

2.             L’autorité intimée met en doute la recevabilité du recours au motif que le mémoire du recourant ne conclut pas formellement à l’annulation de l’arrêté du 7 juin 2023 approuvant le plan de site litigieux, se contentant de s’opposer à l’arrêté du même jour rejetant son opposition. Elle admet néanmoins qu’il est possible de déduire de l’écriture du recourant qu’il souhaite l’annulation dudit plan ou sa modification en tant qu’il porte sur les mesures de protection prévues sur sa parcelle.

2.1 Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. Il contient également l’exposé des motifs, ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d’irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions de la personne recourante. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est pas en soi un motif d'irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins de la personne recourante. Une requête en annulation d'une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où la personne recourante a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu'elle ne développe pas d'effets juridiques (ATA/721/2020 du 4 août 2020 consid. 2b).

2.2 Selon l’art. 40 al. 9 LPMNS, le recours « contre l’adoption du plan » de site est régi par l’art. 35 LaLAT, intitulé recours « contre les plans d’affectation du sol ». Constitue un tel plan, le plan de site visé par l’art. 13 al. 1 let. c LaLAT et les art. 38 ss LPMNS, ce qui a déjà été admis par le Tribunal fédéral (arrêts 1P.28/2004 du 12 octobre 2004 consid. 1 ; 1P.801/1999 du 16 mars 2000 consid. 2a). L’art. 35 al. 1 LaLAT dispose que les « décisions par lesquelles (…) le Conseil d’État adopte les plans d’affectation du sol visés aux articles 12 et 13, alinéa 1, lettres a à f et i, de la présente loi peuvent faire l’objet d’un recours à la chambre administrative ».

Selon la jurisprudence de la chambre administrative relative à l’art. 35 al. 1 LaLAT, le fait de procéder à l’adoption d’un plan d’affectation par la prise de deux décisions intimement liées, à savoir l’arrêté d’adoption formel du plan, dépourvu de motivation, et les arrêtés rejetant les oppositions, ne peut pas limiter la portée de l’art. 35 al. 1 LaLAT pour les administrés. Ceux-ci peuvent recourir indifféremment soit contre l'arrêté d'adoption après sa publication – à condition toutefois que l'arrêté statuant sur leur opposition ait été rendu – soit directement contre ce dernier et conclure clairement à l'annulation totale ou partielle de l'arrêté entrepris et du plan d’affectation litigieux. La lecture formaliste de l’art. 35 al. 1 LaLAT conduirait à une violation du principe de l'interdiction du formalisme excessif et serait contraire à l'esprit de la loi (ATA/664/2014 du 26 août 2014 consid. 3). Cette jurisprudence applicable au plan localisé de quartier (ATA/1444/2017 du 31 octobre 2017 consid. 1b ; ATA/170/2015 17 février 2015 consid. 2) s’applique aussi au plan de site qui est également un plan d’affectation soumis à l’art. 35 al. 1 LaLAT, ce que l’autorité intimée ne conteste d’ailleurs pas.

2.3 En l'espèce, le propriétaire a recouru contre l’arrêté du Conseil d’État rejetant son opposition au projet du plan de site n° 2______ concernant le village de B______. Il manifeste clairement, dans son acte de recours, son désaccord avec ce plan de site en tant qu’il affecte sa parcelle, plus particulièrement l’aire d’implantation pour construction nouvelle qui y est projetée, ce qui est confirmé par les documents qu’il produit dans la procédure.

Le recours est donc recevable.

3.             Le recourant souhaite un « rendez-vous sur place » destiné à éviter une « future procédure juridique » et si nécessaire « une entrevue » avec la chambre de céans.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; ATA/385/2023 du 18 avril 2023 consid. 2a). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_734/2021 du 26 janvier 2023 consid. 3.1).

Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_90/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.1.2 ; ATA/385/2023 du 18 avril 2023 consid. 2a ; ATA/907/2021 du 6 septembre 2021 consid. 4a).

3.2 En l’espèce, la chambre de céans dispose de toutes les données utiles, notamment cartographiques et photographiques, liées à la parcelle litigieuse, accessibles sur le site d’information du territoire genevois (SITG) ou disponibles dans le dossier des parties, telles que les préavis pertinents, les différentes versions du projet litigieux et les prises de position du recourant pendant la procédure d’élaboration du plan de site en cause.

En outre, par courrier du 7 juillet 2023, la chambre administrative a attiré l’attention du recourant, qui n’est pas représenté par un avocat, sur les éléments nécessaires au recours conformément à l’art. 65 LPA, notamment un exposé des motifs et l’indication des moyens de preuve. Le recourant a, à la suite de ce courrier, espéré « obtenir, si nécessaire, une entrevue » avec l’instance compétente, sans toutefois indiquer les raisons de cette demande. Il n’étaye pas non plus ses allégations, selon lesquelles l’emplacement querellé prétériterait et mettrait en péril le fonctionnement de son activité viticole, alors que lui incombe un devoir de collaboration des parties (art. 22 LPA), spécialement élevé s’agissant de l’établissement des faits qu’il connaît mieux que quiconque (ATA/1087/2023 du 3 octobre 2023 consid. 4.3 et les références citées).

Dans ces circonstances, on ne voit pas en quoi un transport sur place, destiné à visiter les lieux ou une comparution personnelle du recourant, destinée à l’entendre, pallierait l’absence de pièces ou d’autres éléments tangibles visant à démontrer l’impact négatif de l’emplacement litigieux sur son activité viticole, étant au surplus précisé que les questions de convenance personnelle, pouvant être subjectivement importantes, ne sont pas nécessairement déterminantes. On ne voit pas non plus quel autre élément pertinent pour l’issue du litige pourrait être établi à travers ces mesures. Dès lors et compte tenu des motifs développés ci-après, la chambre de céans renonce aux actes d’instruction sollicités par le recourant.

4.             Avant d’examiner les griefs du recourant, il convient de rappeler qu’en matière de recours contre les plans d’affectation, le pouvoir d’examen de la chambre administrative est limité aux faits et au droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, à l’exclusion de l’opportunité (art. 61 al. 2 LPA et 35 al. 5 LaLAT), en conformité avec les art. 33 al. 2 et al. 3 let. b de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700).

4.1 À teneur de l’art. 33 al. 2 LAT, le droit cantonal prévoit au moins une voie de recours contre les décisions et les plans d’affectation fondés sur la LAT et sur les dispositions cantonales et fédérales d’exécution. Le droit cantonal doit prévoir une autorité de recours au moins ayant un libre pouvoir d’examen (art. 33 al. 3 let. b LAT).

4.2 Selon le Tribunal fédéral, ce libre examen ne se réduit pas à un contrôle complet de la constatation des faits et de l'application du droit ; il comporte aussi un contrôle de l'opportunité. L'autorité de recours doit vérifier que la planification contestée devant elle soit juste et adéquate. Elle doit garder à l’esprit qu’elle est une instance de recours et non de planification. Elle doit exercer son contrôle avec retenue sur des points concernant principalement des intérêts locaux, tandis que la prise en considération adéquate d'intérêts d'ordre supérieur, dont la sauvegarde incombe au canton, doit être imposée par un contrôle strict. Il convient aussi, en procédure de recours, de tenir compte de la marge d’appréciation reconnue aux autorités de planification en vertu de l’art. 2 al. 3 LAT (ATF 127 II 238 consid. 3b/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_17/2008 du 13 août 2008 consid. 2.4.1).

L’« autorité de recours » au sens de l'art. 33 al. 3 let. b LAT ne doit pas nécessairement être une autorité de juridiction administrative chargée par le droit cantonal de statuer sur des recours stricto sensu. Une autorité compétente pour statuer sur des oppositions, par exemple un gouvernement cantonal, peut également satisfaire aux exigences du droit fédéral (ATF 127 II 238 consid. 3b/bb ; 112 Ib 164 consid. 4 c/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_17/2008 précité consid. 2.4.1). Il suffit que les recours ou oppositions soient tranchés par l’autorité chargée d’approuver le plan (ATF 112 Ib 164 consid. 4 c/bb ; 108 Ib 479 consid. 3c ; 108 Ia 33 consid. 1a). Il peut également s’agir du parlement cantonal comme cela a déjà été admis dans deux affaires genevoises concernant des plans d’affectation, que ceux-ci soient généraux comme les plans de zones, ou spéciaux comme les plans d’alignement ou de quartier (ATF 111 Ib 9 consid. 2b et 3 ; 108 Ib 479 consid. 3b et 3c).

4.3 Concernant le pouvoir d’examen limité, en vertu de l’art. 61 al. 2 LPA, de l’ancien tribunal administratif saisi d’un recours contre un plan d’affectation, le Tribunal fédéral a distingué l’examen libre en fait et en droit au sens de l’art. 110 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) de l’appréciation de l’opportunité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_417/2009 du 21 janvier 2010 consid. 2.3).

4.3.1 L'examen libre des faits au sens de l'art. 110 LTF permet au juge d'analyser les preuves sans aucune restriction, afin de déterminer si l'existence ou l'inexistence d'un fait est établie. Il implique notamment que des faits et moyens de preuve nouveaux peuvent être présentés. Quant à l'application d'office du droit, elle signifie que le juge détermine lui-même les règles de droit applicable et décide comment les interpréter, sans être lié par l'argumentation juridique des parties ni par celle de l'autorité précédente.

L'examen libre en fait et en droit au sens de l'art. 110 LTF se distingue de l'appréciation de l'opportunité. En effet, dans le premier cas, le juge est chargé de revoir la constatation des faits et de déterminer si l'acte contesté est conforme au droit, alors que dans le second cas il peut en principe opter pour une autre solution équivalente s'il la juge préférable, même si la solution qui lui est soumise est conforme au droit. Il s'ensuit que l'examen en opportunité donne en règle générale une plus grande latitude de jugement que le libre examen en fait et en droit. Par conséquent, la restriction de l'art. 61 al. 2 LPA, qui interdit en principe les juridictions administratives d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée, n'empêche aucunement ces juridictions d'examiner librement les faits et d'appliquer le droit d'office au sens de l'art. 110 LTF.

4.3.2 En matière d'aménagement du territoire, le Tribunal fédéral précise que l'autorité cantonale de recours prévue par l'art. 33 al. 3 let. b LAT doit, dans le cadre du contrôle de l'opportunité, préserver la liberté d'appréciation de l'organe compétent pour adopter le plan. Dès lors, si la mesure d'aménagement est appropriée, elle doit être confirmée par l'autorité de recours, qui ne saurait lui substituer une autre solution également convenable (ATF 127 II 238 consid. 3b/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_417/2009 précité consid. 2.3).

5.             Le recourant invoque une absence de concertation au sujet du tracé des « césures et autres voies vertes » sur sa propriété. Or, il ne conteste pas que le plan de site litigieux a fait l’objet d’une enquête publique et d’une procédure d’opposition conformément à l’art. 40 LPMNS, auxquelles il a participé en émettant ses critiques sur le projet dudit plan. Il a en outre été personnellement entendu par le SMS en janvier 2022. Ses observations ont été prises en compte sur deux points. Le tracé du cheminement piétonnier traversant sa cour a été supprimé du projet litigieux et le potentiel à bâtir sur sa parcelle, agrandi. Il n’a pas émis de grief sur le tracé de la césure verte s’étendant sur une partie au sud de sa parcelle, étant précisé qu’il en tient lui-même compte dans sa proposition d’aire d’implantation pour nouvelle construction faite dans son opposition. Par ailleurs, sa critique, émise en décembre 2017, sur la première aire d’implantation, initialement projetée sur l’emplacement du bâtiment n° 213, a été également prise en compte puisque les versions du projet litigieux élaborées depuis avril 2018 conservent le bâtiment n° 213 abritant le caveau et le cellier du recourant. Ce bâtiment ainsi que la cave viticole située dans le bâtiment n° 208 sont spécialement identifiés dans le plan litigieux comme ayant une « affectation agricole et viticole existante » et soumis à une réglementation particulière destinée à préserver la tradition agricole et viticole du village et à pérenniser les activités existantes. Ce grief est donc rejeté.

6.             Le recourant se plaint d’une violation de sa garantie de propriété en raison du refus de l’autorité intimée de prévoir l’aire d’implantation de construction nouvelle au sud de sa parcelle en bordure de la zone agricole, hors de l’emprise de la césure verte projetée. Il estime que l’aire d’implantation projetée au nord de sa parcelle, proche des autres bâtiments, n’est pas réaliste compte tenu de l’usage de la cour nécessaire à son activité viticole, du prolongement de ladite aire litigieux sur la parcelle voisine dont il n’est pas propriétaire ainsi que de la présence de végétaux. Cela entravait une valorisation de sa parcelle destinée à assurer sa retraite et lui causait un préjudice important.

6.1 La garantie de la propriété est ancrée à l’art. 26 al. 1 Cst.. Elle n’est toutefois pas absolue. Comme tout droit fondamental, elle peut être restreinte aux conditions posées à l’art. 36 Cst. La restriction doit reposer sur une base légale (al. 1), être justifiée par un intérêt public (al. 2) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3).

6.2 En l’espèce, le plan de site litigieux est un plan d’affectation spécial déployant des effets contraignants sur les particuliers (art. 14 et 21 al. 1 LAT ; ATA/438/2014 du 17 juin 2014 consid. 6d). Il délimite les aires d’implantation de constructions nouvelles et fixe la réglementation y relative, notamment à l’art. 7 du règlement dudit plan dont l’al. 1 prévoit que des constructions nouvelles ne peuvent être réalisées que dans l’aire prévue à cet effet et dans le respect des principes architecturaux mentionnés à l’art. 3 dudit règlement. Dès lors, il constitue une restriction au droit de propriété du recourant qui se plaint d’être entravé dans son droit en raison de l’emplacement pour nouvelle construction projeté sur sa parcelle. Il convient ainsi de vérifier si les trois conditions précitées de restriction à la garantie de propriété sont en l’espèce réunies.

7.             Le plan de site litigieux trouve son fondement légal aux art. 38 ss LPMNS, ce qui n’est pas contesté. Le Tribunal fédéral a déjà estimé que cette législation remplit l’exigence de la base légale au sens de l’art. 36 al. 1 Cst. dans le cadre d’un autre plan de site genevois (arrêt du Tribunal fédéral 1P.28/2004 du 12 octobre 2004 consid. 2.1).

7.1 La LPMNS poursuit plusieurs objectifs énumérés à son art. 1, dont celui de préserver l’aspect caractéristique du paysage et des localités, les immeubles et les sites dignes d’intérêt ainsi que les beautés naturelles (let. b). Son chapitre V (art. 35 à 41 LPMNS) traite de la nature et des sites. Sont protégés, conformément à la LPMNS, les sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (art. 35 al. 1 LPMNS). L’art. 35 al. 2 LPMNS dispose que constituent notamment des sites, au sens de l’alinéa premier : a) des paysages caractéristiques, tels que rives, coteaux, points de vue ; b) les ensembles bâtis qui méritent d’être protégés pour eux-mêmes ou en raison de leur situation privilégiée.

Approuvé par le Conseil d’État et assorti d’un règlement, le plan de site litigieux contient plusieurs des mesures énumérées à l’art. 38 al. 2 LPMNS, notamment les mesures propres à assurer la sauvegarde ou l’amélioration des lieux, telles que : maintien de bâtiments existants, alignement aux abords de lisières de bois et forêts ou de cours d’eau ; angles de vue, arborisation (let. a), les conditions relatives aux constructions, installations et exploitations de toute nature (implantation, gabarit, volume, aspect, destination ; let. b) et les cheminements ouverts au public ainsi que les voies d’accès à un site ou à un point de vue (let. c). Il remplit donc l’exigence de la base légale.

7.2 Il convient ici de préciser que, comme cela découle des faits susmentionnés, le projet litigieux a été élaboré de manière conforme à l’art. 39 al. 1 LPMNS. Cette disposition prévoit que le projet de plan de site est élaboré par le département de sa propre initiative ou sur demande du Conseil d’État, du Grand Conseil ou d’une commune ; il est mis au point par le département dans le respect de la demande et en collaboration avec la commune et la CMNS, sur la base d’un avant-projet étudié par le département, la commune ou des particuliers.

De jurisprudence constante, si la consultation de la CMNS est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l’appréciation qu’est amenée à effectuer l’autorité de recours (ATA/1024/2019 du 19 juin 2019 et les arrêts cités). La CMNS se compose pour une large part de spécialistes, dont notamment des membres d’associations d’importance cantonale, poursuivant par pur idéal des buts de protection du patrimoine (art. 46 al. 2 LPMNS). À ce titre, son préavis est important (ATA/1439/2019 du 1er octobre 2019 consid. 3b). En outre, selon une jurisprudence bien établie, la chambre administrative observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/135/2022 du 1er mars 2022 consid. 9h ; ATA/1049/2018 du 9 octobre 2018 consid. 3 et les arrêts cités).

7.3 En l’espèce, le recourant invoque le « sacrifice de plusieurs grands végétaux » pour s’opposer à l’aire d’implantation de construction nouvelle projetée par le plan sur sa parcelle. Or, cet argument ne peut être retenu. En effet, le plan litigieux répertorie les trois types de végétaux suivants, clairement signalés dans sa légende : les « arbres majeurs, cordons boisés et structure bocagère devant être impérativement conservés », les « arbres intéressants » et la « végétation de moindre importance pouvant être supprimée sans incidence notable sur la nature et le paysage », en sus d’autres éléments naturels tels que les vignes ou les vergers. Les trois « végétaux » affectés par l’aire d’implantation litigieuse sur la parcelle du recourant tombent dans la troisième catégorie susmentionnée, c’est-à-dire ceux considérés de moindre importance qui peuvent être supprimés, régie par l’art. 8 al. 2 du règlement du plan de site litigieux. Ainsi, sur ce point, l’autorité intimée ne fait pas une appréciation arbitraire mais rappelle la réglementation prévue par le plan litigieux. De plus, celui-ci a été préavisé favorablement non seulement par l’OCAN mais également par la CMNS. L’abattage de ces végétaux pourra donc intervenir sur ladite aire d’implantation de construction nouvelle, sans risque d’opposition de l’OCAN comme le suppose à tort le recourant.

8.             Les restrictions au droit de propriété ordonnées pour protéger les monuments et sites naturels ou bâtis sont en principe d’intérêt public (ATF 135 I 176 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P_44/2004 du 12 octobre 2004 consid. 2.2.1).

Conformément aux fiches A06 et A15 du schéma directeur du PDCn, à l’inventaire ISOS et au PDCom, le plan de site litigieux a pour but de protéger le caractère viticole, agricole et architectural du village de B______ et de permettre son développement dans le respect de ses constructions et de son site environnant, comme l’indique l’art. 1 de son règlement qui fait un renvoi exprès à l’inventaire ISOS. Il concrétise les objectifs du PDCom concernant le village de B______, qui requiert sa révision afin notamment de renforcer la lisibilité des césures vertes et celle des trois entités historiques du village ainsi que de privilégier son développement dans la longueur (axe nord/sud) et d’éviter une deuxième frange de constructions.

L’art. 3 du règlement traite des principes architecturaux et paysagers qui doivent être préservés, comme par exemple les structures paysagères traditionnelles (art. 3 al. 2 4ème point du règlement du plan de site litigieux). Selon l’art. 8 al. 1 dudit règlement, les éléments paysagers et naturels caractéristiques du site doivent être préservés et, si possible, renforcés par de nouvelles plantations. Par ailleurs, le plan indique des césures vertes qui doivent rester libres de toute construction, y compris de peu d’importance (art. 8 al. 9 du règlement). Les aires libres de constructions identifiées par le plan doivent le rester, sous certaines réserves (art. 9 du règlement). Les cônes de vues, indiquant les ouvertures sur la campagne environnante, doivent être maintenus, y compris au sein de la zone agricole (art. 10 al. 1 du règlement).

Cette réglementation poursuit entre autres des objectifs de protection du patrimoine naturel du village de B______ et répond aux objectifs de sauvegarde du patrimoine bâti et naturel découlant de l’inventaire ISOS, en particulier par l’identification d’espaces libres de constructions séparant les deux parties bâties agro-viticoles et la préservation des terres cultivables existantes décrites dans la partie n° 4 de la fiche ISOS. Le plan litigieux vise donc un intérêt public et remplit l’exigences de l’art. 36 al. 2 Cst., ce que le recourant ne conteste d’ailleurs pas. À cela s’ajoute que parmi les buts et principes visés par les art. 1 et 3 LAT figurent celui d’orienter le développement de l’urbanisation vers l’intérieur du milieu bâti (art. 1 al. 2 let. abis LAT), de créer un milieu bâti compact (art. 1 al. 2 let. b LAT) et de préserver le paysage, notamment en réservant à l’agriculture suffisamment de bonnes terres cultivables et en conservant les sites naturels (art. 3 al. 2 let. a et c LAT), en sus du principe constitutionnel de séparation des zones bâties et non à bâtir.

9.             Il reste à examiner si le plan litigieux, dont l’aire d’implantation pour nouvelle construction est contestée par le recourant, est conforme au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.).

9.1 Le principe de la proportionnalité exige qu’une mesure restrictive soit propre à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 5.4 et les arrêts cités).

9.1.1 Selon la jurisprudence fédérale, la décision attaquée doit se prononcer, de façon complète, sur les motifs d'intérêt public invoqués pour justifier l'atteinte au droit de propriété et prendre en considération, de manière adéquate, les intérêts privés dans la pesée des intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 1C_221/2022 du 24 juillet 2023 consid. 3.1). Le Tribunal fédéral s’impose une certaine retenue lorsqu’il s’agit de trancher de pures questions d’appréciation ou de tenir compte de circonstances locales, dont les autorités cantonales ont une meilleure connaissance que lui, notamment en matière de protection des monuments ou des sites (arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 précité consid. 5.1 et les arrêts cités). Une décision est notamment contraire au droit lorsque l'autorité méconnaît l'importance des intérêts dans un cas concret (ATF 145 II 70 consid. 3.2 ; 132 II 408 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_575/2019 du 1er mars 2022 consid. 9.1).

La liberté d’appréciation résultant de l’art. 2 al. 3 LAT n’est pas totale. L'autorité de planification doit se conformer aux buts et aux principes d'aménagement du territoire tels qu'ils résultent de la Constitution (art. 75 Cst.) et de la loi (art. 1 et 3 LAT) ; elle doit également prendre en considération les exigences découlant des autres dispositions du droit fédéral, notamment en matière de protection de l'environnement au sens large. Les autorités sont tenues, en vertu de l’art. 3 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1), de procéder à une pesée complète des intérêts lors de l’approbation du plan d’affectation, y compris d’une planification d’affectation spéciale. Ce faisant, elles déterminent les intérêts concernés, apprécient ces intérêts notamment en fonction du développement spatial souhaité et des implications qui en résultent ; elles fondent leur décision sur cette appréciation, en veillant à prendre en considération tous les intérêts déterminants, publics ou privés, ainsi que les principes généraux de planification et les éléments concrets du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 1C_575/2019 précité consid. 9.1 et les références citées).

9.1.2 S’agissant du principe de la proportionnalité au sens étroit, une mesure de protection est incompatible avec la Constitution si elle produit des effets insupportables pour le propriétaire ou ne lui assure pas un rendement acceptable. Savoir ce qu'il en est dépend notamment de l'appréciation des conséquences financières de la mesure critiquée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 précité consid. 5.4.3 et les arrêts cités). Il revient à la partie recourante de démontrer que les effets de la mesure litigieuse lui seraient insupportables ou ne lui assureraient pas un rendement acceptable de l’immeuble, ce qui découle de l’arrêt fédéral précité.

Dans une ancienne affaire genevoise relative au classement d’un cinéma, le Tribunal fédéral a précisé qu’outre les conséquences financières de la mesure litigieuse, il convenait de tenir compte de son caractère nécessaire dans l’examen de la proportionnalité au sens étroit : plus un bâtiment était digne d’être conservé, moins les exigences de rentabilité devaient être prises en compte. L’intérêt public prévaut, en principe, sur l'intérêt privé lié à une utilisation financière optimale du bâtiment (ATF 126 I 219 consid. 2c). Par ailleurs, s’agissant de mesures de conservation ou de protection du patrimoine bâti, le Tribunal fédéral a déjà jugé que si le propriétaire pouvait continuer, en dépit de la mesure restrictive, de faire de son immeuble un usage conforme à la destination de celui-ci et économiquement rationnel, le rendement qu'il pourrait en retirer après reconstruction ou transformation, s'il n'était pas soumis à la mesure en cause, n'entrait pas en considération (arrêt du Tribunal fédéral 1C_571/2008 du 19 mars 2009 consid. 4.1.1 et les arrêts cités).

9.2 En l’espèce, le fait de fixer les aires d’implantation pour construction nouvelle – dont celle du recourant – dans le plan litigieux permet d’identifier, de manière contraignante, les futures zones bâties et de les concevoir de manière globale à l’échelle du village. Il s’agit ainsi d’une mesure propre à atteindre les objectifs de protection du patrimoine bâti et naturel du village de B______, tels qu’ils découlent de l’inventaire ISOS, des fiches précitées du PDCn et du PDCom, décrits plus haut. L’exigence de l’aptitude de la mesure litigieuse est donc réalisée.

9.3 Il convient ensuite d’examiner si l’aire litigieuse d’implantation pour construction nouvelle, telle que prévue dans le plan querellé, est nécessaire à l’intérêt public de protection précité. En effet, le recourant avance, dans son opposition de décembre 2022, une alternative à l’emplacement querellé, situé au sud de sa parcelle, en zone constructible 4B protégée, hors de la césure verte et à proximité des hangars précités de la parcelle n° 637 et de l’habitation de la parcelle n° 1'109, qui dispose d’une voie d’accès sur la route C______.

9.3.1 Dans l’arrêté rejetant l’opposition de l’intéressé, le Conseil d’État développe les raisons privilégiant l’emplacement querellé par rapport à celui suggéré par le recourant, quant à l’aire d’implantation pour construction nouvelle sur sa parcelle. Outre la « haute priorité de conservation » attribuée par la partie n° 4 de la fiche ISOS aux espaces libres délimitant les parties de sites historiques, le but de la césure verte prolongeant le pré visé dans ladite fiche ISOS et la protection de la principale vue donnant de la route C______ vers les terres cultivées à l’est du village, le Conseil d’État souligne que l’aire litigieuse est implantée hors des lieux dignes de protection, dans un cadre déjà bâti et est desservie par un accès existant et direct.

Or, tel n’est pas le cas de l’emplacement proposé par le recourant pour les raisons suivantes. La création d’une desserte suffisante permettant le passage fréquent de véhicules pour accéder au sud de la parcelle n° 1'114 empiéterait sur la césure verte et la vue à préserver à l’est de cette parcelle, ce qui dénaturerait ces composantes paysagères. Par ailleurs, une éventuelle construction située à cet endroit serait isolée du bâti préexistant et serait contraire au principe de développer dans le bâti existant pour éviter un effet de mitage susceptible d’altérer la morphologie villageoise. L’aire suggérée par le recourant ne serait ainsi pas « adéquate ». Elle contreviendrait aussi à l’objectif de sauvegarde attribué par l’inventaire ISOS à la partie de site 4, dont fait partie le sud de la parcelle n° 1’114, à savoir la sauvegarde de l’état existant en tant qu’espace agricole ou libre.

Enfin, le Conseil d’État appuie sa position par les arguments suivants. Il ne voit pas en quoi l’exploitation du recourant serait mise en péril par le plan litigieux. L’aire querellée n’oblige pas l’intéressé à l’utiliser entièrement s’il « préf[ère] garder l’entière disposition de sa cour ». L’autorité intimée ne voit pas en quoi l’exploitation viticole ne pourrait avoir lieu dans la partie de la cour restant intacte en cas de construction ou dans la zone demeurée libre de construction, au sud de la parcelle. Le prolongement sur la parcelle voisine n° 1’115 a été proposé dans l’intérêt des propriétaires afin d’éviter les contraintes légales liées au respect des distances aux limites de propriété (art. 21 LCI). En cas d’absence d’accord avec la propriétaire voisine, il pourrait construire sur sa parcelle, la délivrance de l’autorisation de construire pouvant être subordonnée à l’établissement d’un plan d’ensemble selon l’art. 7 al. 2 du règlement du plan litigieux. La parcelle n° 1’114 était au surplus déjà fortement valorisée, avec sept bâtiments différents dont trois manifestement de logements, y étant déjà construits.

9.3.2 Le principal argument du recourant pour s’opposer à la position du Conseil d’État a trait à l’usage de l’emplacement litigieux qui serait nécessaire à son activité viticole, notamment pour garer les engins agricoles.

À ce sujet, il convient de relever le préavis de la CMNS du 29 mars 2017, favorable sous conditions à la première version du projet litigieux, établie en août 2016 et soumise aux instances spécialisées. Dans le dernier paragraphe de ce document, la CMNS souligne ce qui suit : « Les aires d’implantation de constructions nouvelles, qui constituent d’importants seconds rangs derrière les grands ensembles viticoles de la partie sud de la route C______, entre la césure verte et le chemin D______, semblent dommageables au tissu des grandes fermes existantes et de leur ouverture sur le vallon de E______. Occuper ces espaces avec des immeubles, d’une part, pose le problème de leur accès à travers les cours desdites fermes et, d’autre part, enlève à l’activité viticole des espaces de hangars et d’entreposage des véhicules et outils de travail. Le village de B______ étant particulièrement actif – pas encore transformé en village de seule résidence – cette option devrait être abandonnée ». Cela a eu pour conséquence que les trois aires d’implantation de constructions futures ont été notablement réduites dès la seconde version du projet litigieux, établie en avril 2018 et intitulée « enquête technique 2 », dans le périmètre situé, au sud de la parcelle du recourant, entre, d’une part, la zone agricole et la route C______ et, d’autre part, entre la césure verte affectant la parcelle du recourant et le chemin D______.

Dans son préavis suivant du 13 avril 2018, favorable avec souhaits, la CMNS prend connaissance du projet dans sa version intitulée « enquête technique 2 » et souligne que : « Afin de ne pas porter atteinte aux exploitations viti-vinicoles existantes et de maintenir les césures vertes, les aires d’implantation des constructions nouvelles ont été réduites et en particulier, dans les cours ». Elle conclut être « favorable au projet soumis en consultation avec des aires d’implantation redéfinies et des précisions dans le règlement ». Les aires d’implantation de constructions nouvelles définies dans la version dite « enquête technique 2 » ont été maintenues dans le plan adopté, objet du présent recours. Cela démontre que, dans la deuxième frange de constructions, sise entre la césure verte en cause et le chemin D______, le plan litigieux a trouvé un équilibre entre les intérêts liés aux exploitations viticoles et ceux des aires d’implantation pour construction nouvelle dans le respect du caractère architectural et paysager du site.

Cette approche n’a pas été suivie pour la parcelle du recourant puisque les différentes versions du projet litigieux ont toujours conçu l’aire d’implantation pour construction nouvelle au nord de sa parcelle, malgré son souhait, exprimé en décembre 2017 déjà, de préserver un potentiel à bâtir au sud de celle-ci hors de la césure verte, option prévue dans l’ancien plan de site de 1981. Après avoir renouvelé cette volonté dans le cadre de l’enquête publique, le recourant a eu une entrevue avec le SMS en janvier 2022, après laquelle une lettre de l’OPS lui signalait que le plan de site était un outil de protection et que les aires d’implantation des constructions nouvelles devaient respecter les qualités spatiales du site, avec des parties denses renfermant un bâti contigu et des échappées visuelles sur le territoire.

9.3.3 En l’espèce, la chambre administrative observe la volonté des autorités de planification, suivie par le Conseil d’État, de maintenir libres de constructions les espaces naturels proches des habitations existantes comme le sud de la parcelle du recourant. Ce choix de développement territorial pour le village de B______ répond aux objectifs de protection du patrimoine bâti et naturel énoncés dans l’inventaire ISOS, dans les fiches A06 et A15 du PDCn et dans les objectifs du PDCom. Le recourant ne prétend d’ailleurs plus que le plan litigieux ne respecterait pas ces derniers, contrairement à sa lettre de décembre 2017. Il s’agit d’une conception qui est non seulement conforme aux documents de planification directrice précités, mais également aux buts et principes de la législation fédérale de l’aménagement du territoire, notamment le développement des constructions vers l’intérieur du milieu bâti (art. 1 al. 2 let. abis LAT) et la préservation du paysage (art. 3 al. 2 let. c LAT).

Certes, une construction à l’emplacement suggéré par le recourant au sud de sa parcelle ne serait pas isolée vu, d’une part, la proximité de l’habitation de la parcelle n° 1'109 et du bâtiment agricole sis dans la zone agricole à proximité et, d’autre part, les aires d’implantation pour construction nouvelle prévues au sud de ces bâtiments et de sa parcelle, entre la césure verte et le chemin D______. Toutefois, une telle option pour la parcelle du recourant impliquerait de prévoir une voie d’accès à la route C______ sur les terrains des propriétaires voisins, compte tenu de la césure verte et de la vue à préserver sur sa parcelle, alors qu’il existe déjà un accès direct pour l’emplacement projeté par le plan litigieux au nord de sa parcelle. Par ailleurs, l’emplacement de l’aire prévue pour construction nouvelle au nord de la parcelle du recourant se trouve à proximité immédiate d’un bâti plus dense que celui bordant le périmètre au sud de sa parcelle.

À cela s’ajoutent les considérations de protection de l’inventaire ISOS, reprises par la fiche A15 du PDCn, le PDCom et le plan litigieux. Les deux emplacements en cause sont situés dans la partie n° 4 de l’inventaire ISOS relative aux terres cultivables, prévoyant un objectif de sauvegarde A de l’état existant en tant qu’espace agricole ou libre. Selon l’ISOS, les maisons des parcelles nos 1'115 et 1'109, expressément signalées, ponctuent les abords immédiats du bâti historique et « viennent légèrement perturber l’articulation entre fermes et territoire ». La « plus haute priorité de conservation » doit être accordée aux espaces libres délimitant les parties de site historiques, selon l’ISOS qui recommande « d’enrayer la propagation du bâti qui vient peu à peu masquer totalement la vue vers le vignoble depuis les noyaux historiques » et de préserver la « symbiose » entre le bâti et les espaces environnants. La préservation du site environnant est reprise dans le PDCn, notamment dans la fiche A06 pour les nouvelles constructions en zone 4B protégée. Cette fiche insiste sur la protection du paysage, notamment aux « coutures » entre l’espace construit et l’espace rural. En outre, le PDCom souligne que, si quelques constructions s’intercalaient, au début du XXe siècle, dans les « couloirs verts », le village a continué à se développer avec une atténuation progressive des espaces verts libres de constructions entre ses trois entités bâties. Il fixe, parmi ses objectifs, la mise en valeur des « césures vertes » pour maintenir la lisibilité des trois entités historiques du village et le développement de celui-ci dans la longueur (axe nord/sud) en évitant le développement d’une deuxième frange de construction.

Dans ces circonstances, la chambre de céans constate que l’aire d’emplacement pour construction nouvelle prévu dans le plan litigieux répond de manière plus adéquate aux impératifs de protection du paysage, nécessaire à la préservation de la séparation des trois entités historiques du village, conformément aux lignes directrices du PDCn et du PCom, aux recommandations de l’inventaire ISOS et aux buts et principes du droit fédéral de l’aménagement du territoire. De plus, le choix de l’emplacement approprié dans ce type de situation relève du pouvoir en opportunité et de l’exercice de la libre appréciation des autorités planificatrices conformément à l’art. 2 al. 3 LAT et à la jurisprudence fédérale susmentionnée. Il ne revient pas à la chambre de céans de s’y immiscer, sous réserve du respect du droit applicable. Partant, l’aire d’implantation litigieuse pour nouvelle construction est une mesure nécessaire à l’intérêt public poursuivi par le plan de site querellé, qui serait moins bien préservé par l’emplacement proposé par le recourant.

9.4 Il convient enfin d’examiner si le but d’intérêt public poursuivi par l’emplacement litigieux, à savoir la préservation de l’espace naturel délimitant les entités bâties du village et la lisibilité de ses trois parties historiques dans le respect du site naturel environnant, se trouve dans un rapport raisonnable avec l’intérêt privé compromis, invoqué par le recourant, consistant à continuer de bénéficier de la même surface dans sa cour à des fins d’exploitation viticole, essentiellement pour garer ses engins agricoles.

Malgré les inconvénients pouvant découler d’un réajustement de l’espace actuellement disponible dans sa cour en cas de nouvelle construction à l’emplacement litigieux, le recourant ne démontre pas subir des préjudices financiers ou pratiques insurmontables, ni la mise en péril de son exploitation viticole. Par ailleurs, l’emplacement litigieux couvre, outre la partie de la parcelle voisine, un espace couvert par des végétaux, qui n’est pas utilisé à des fins agricoles. La parcelle du recourant accueille en outre, en sus des bâtiments viticoles, trois logements, ce qui permet d’admettre une valorisation de sa parcelle comme le relève le Conseil d’État. Le léger débordement sur la parcelle voisine n’affecte pas, comme le souligne l’autorité intimée, sa faculté de construire sur son terrain. En revanche, la protection des trois parties historiques du village et du paysage environnant serait effritée et réduite si l’emplacement suggéré par le recourant était retenu. Cela aurait pour conséquence d’aggraver la situation existante constatée dans le PDCom, selon laquelle le village a évolué avec une atténuation progressive des espaces verts libres de constructions entre les entités bâties, étant précisé que le bilan tiré par le PDCom souligne que les réalisations des vingt dernières années n’ont pas suivi les implantations esquissées dans le plan de site de 1981, ce qui dénote une relative inadéquation de ce dernier.

Par conséquent et eu égard à la nécessité de protection du patrimoine bâti et naturel du village de B______, poursuivie in casu par les autorités conformément aux planifications directrices susmentionnées de rang fédéral, cantonal et communal, l’intérêt privé compromis du recourant se trouve dans un rapport raisonnable avec l’intérêt public visé par l’aire litigieuse d’implantation pour nouvelle construction, sans que l’essence de sa garantie de propriété ne soit touchée. Le Conseil d’État n’a ainsi pas violé le principe de proportionnalité en rejetant l’opposition du recourant et en adoptant le plan de site litigieux. La restriction en découlant sur sa garantie de propriété est donc juridiquement admissible, en vertu de l’art. 36 Cst.

Le recours est dès lors rejeté.

10.         Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 juillet 2023 par A______ contre les arrêtés du Conseil d’État du 7 juin 2023 approuvant le plan de site n° 2______ - Village de B______ et statuant sur l’opposition formée par A______ contre le projet dudit plan de site ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, au Conseil d'État, à l’office fédéral du développement territorial ainsi que, pour information, à la commune de B______.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY,
Cédric-Laurent MICHEL, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :