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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1566/2020

ATA/721/2020 du 04.08.2020 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1566/2020-FORMA ATA/721/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 août 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES



EN FAIT

1) Le 9 mars 2020, Monsieur A______, né le ______ 1971, a déposé auprès du service des bourses et prêts d'études (ci-après : SBPE) une demande de prestations en vue de suivre une formation auprès de la Haute école pédagogique du canton de Vaud (ci-après : HEP), allant du 20 janvier 2020 au 31 juillet 2023.

2) Le SBPE a rejeté cette demande par décision du 12 mars 2020, confirmée sur réclamation le 12 mai 2020.

Étant âgé de plus de 35 ans, M. A______ ne remplissait pas les conditions donnant droit à une aide financière.

3) Par acte expédié le 2 juin 2020 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), M. A______ a recouru contre la décision du 12 mai 2020.

Il était enseignant depuis plusieurs années, mais n'avait pas les moyens de financer la formation pédagogique. Il s'était formé jusqu'au doctorat, mais cela ne l'habilitait pas sur le plan pédagogique. Il était père de trois enfants mineurs et son épouse ne gagnait que CHF 753.- par mois. Il travaillait sur appel comme enseignant remplaçant dans les écoles primaires. Son salaire mensuel moyen s'élevait à CHF 200.-. Il n'arrivait pas à assumer le loyer et les primes d'assurance-maladie et avait honte de s'adresser à l'Hospice général. L'obtention d'une bourse favoriserait son insertion professionnelle et lui permettrait d'accéder à tous les emplois comme enseignant titulaire.

Il a produit, notamment, son curriculum vitae, une demande d'admission tardive, non datée et non signée, auprès de l'Université de Fribourg pour un master en didactique des langues étrangères pour le semestre d'automne 2020, un diplôme de « Executive MBA francophone », un « diplôme de bachelier de l'enseignement du second degré », une attestation de l'Université de Genève portant sur le fait qu'il avait participé au programme du « Certificat en gestion quantitative de portefeuille » et le certificat y relatif, le certificat de la Fédération mondiale des associations pour les Nations Unies attestant du fait qu'il avait suivi avec succès le « Seminar of the United Nations Commission on Human Rights ».

Il ressort des documents produits que M. A______ a suivi de nombreuses formations et obtenu divers diplômes, y compris le « certificat de formation pédagogique » dispensé par la HEP.

4) Le SBPE a conclu au rejet du recours.

M. A______ avait requis des prestations en mars 2020 pour une formation ayant commencé en janvier 2020. Avec son recours, il avait produit une demande d'admission tardive présentée pour le semestre d'automne 2020. La décision du SBPE concernait l'année scolaire 2019-2020, qui allait du 1er septembre 2019 au 31 août 2020. N'ayant pas été en formation pendant cette période, l'intéressé ne pouvait prétendre à des prestations.

Par ailleurs, M. A______ avait suivi de nombreuses formations de 1996 à 2020. Il ne pouvait donc faire valoir un report d'études lié à une période consacrée à sa famille. En outre, compte tenu de sa formation, des diplômes obtenus et de son expérience professionnelle, l'administré était en mesure de trouver un emploi. Il ne démontrait pas qu'il aurait réalisé de nombreuses recherches d'emploi.

5) Dans sa réplique, le recourant a précisé qu'il suivait une formation pédagogique qui « passait par validation des acquis d'expérience ». Il était déjà enseignant en économie et en droit. N'ayant cependant pas les qualifications professionnelles nécessaires, il multipliait les missions temporaires depuis vingt ans. Vu son expérience professionnelle, il n'avait pas besoin d'une admission auprès de la HEP. Il suffisait qu'il s'acquitte de la finance d'inscription et se présente devant un jury qui déciderait des matières ou modules qu'il devrait suivre. Il avait postulé récemment comme collaborateur scientifique avec expérience pédagogique, mais avait essuyé un refus. Il s'agissait d'un poste au SBPE. En 2020, il avait postulé à plus de cent postes dans les cantons de Fribourg, Lausanne et Genève. Les réponses négatives mentionnaient toutes que son « profil » était bon, mais qu'un candidat disposant d'une formation pédagogique avait été choisi.

6) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/821/2018 du 14 août 2018 consid. 2 ; ATA/1243/2017 du 29 août 2017 consid. 2a). Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/821/2018 précité).

c. En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision du SBPE du 12 mai 2020. L'on comprend toutefois de son acte de recours qu'il conteste le fait de ne pas pouvoir être mis au bénéfice d'une bourse ou d'un prêt d'études. Le recours est ainsi recevable.

3) Le litige porte sur la conformité au droit du refus du SBPE d'octroyer une bourse ou un prêt d'études au recourant.

a. La loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009
(LBPE - C 1 20) règle l'octroi d'aides financières aux personnes en formation.

L'octroi de telles aides doit encourager et faciliter l'accès à la formation, permettre le libre choix de la formation et de l'établissement de formation, encourager la mobilité, favoriser l'égalité des chances de formation, soutenir les personnes en formation en les aidant à faire face à leurs besoins (art. 2 LBPE).

Les aides financières sont accordées sous forme de bourses, de prêts ou de remboursement de taxes (art. 5 al. 1 LBPE). Les premières sont des prestations uniques ou périodiques non remboursables, qui permettent aux bénéficiaires d'entreprendre, de poursuivre ou de terminer une formation (art. 4 al. 1 LBPE). Les secondes sont définies comme des prestations uniques ou périodiques, qui doivent être remboursées à la fin de la formation ou en cas d'interruption ou d'échec de la formation (art. 4 al. 2 LBPE).

b. À teneur de l'art. 17 LBPE, une personne âgée de plus de 35 ans révolus au début de la formation ne peut pas bénéficier d'une bourse ou d'un prêt sauf si : a) la formation entreprise sert à l'insertion ou à la réinsertion après une période consacrée à la famille ou après une période consacrée à l'assistance des proches ; b) de justes motifs liés à la personne en formation entravent considérablement la poursuite de l'activité professionnelle actuelle.

L'art. 7 du règlement d'application de la loi sur les bourses et prêts d'études du 2 mai 2012 (RBPE - C 1 20.01) précise que les justes motifs au sens de l'art. 17 let. b LPBE sont en particulier des problèmes médicaux ou des changements structurels sur le marché du travail.

c. Les demandes de bourses ou de prêts doivent être déposées au plus tard six mois après le début de l'année scolaire ou académique. Les aides financières ne sont octroyées que pour l'année de formation en cours (art. 13 LBPE).

4) a. En l'espèce, le recourant a déposé en mars 2020 une demande de bourse ou de prêt d'études indiquant qu'il envisageait d'entreprendre une formation auprès de la HEP du canton de Vaud ayant débuté le 20 janvier 2020.

Or, selon son curriculum vitae, il a suivi une formation de 2016 à 2018 aboutissant au « Certificat formation pédagogique, HEP Vaud ». Le recourant n'expose pas pour quel motif il devrait suivre une nouvelle formation pédagogique auprès du même établissement. Par ailleurs, il a produit avec son recours une demande d'admission tardive pour le semestre d'automne 2020 auprès de l'Université de Fribourg en vue de l'acquisition d'un master en didactique des langues étrangères.

Ainsi, ni la date du début de la formation ni le lieu de celle-ci ne sont établis. Ces éléments justifient déjà en eux le refus de prester du SBPE.

b. Né en 1971, le recourant est âgé de 49 ans. L'une des conditions de l'art. 17 LBPE qui s'appliquent aux personnes âgées de plus de 35 ans révolus au début de la formation doit par conséquent être remplie pour qu'il puisse bénéficier d'une bourse ou d'un prêt d'études.

Le recourant est, certes, père de famille. Il ne résulte toutefois ni de sa réclamation, ni de son recours qu'il aurait consacré une période de sa vie à sa famille ou à l'assistance d'un proche. Faute de preuve, la formation que le recourant souhaite entreprendre ne sert donc pas à l'insertion ou à la réinsertion après une telle période de soutien.

Le recourant ne fait état d'aucun problème médical, de sorte qu'un juste motif de ce type entravant la poursuite de son activité professionnelle est exclu. Le recourant ne fait pas non plus valoir un changement structurel sur le marché du travail. Pour le surplus, il ne fait valoir aucun autre juste motif lié à sa personne et entravant considérablement la possibilité d'exercer une activité professionnelle. Il n'apparaît, au demeurant, pas d'emblée qu'il ne pourrait valoriser les nombreuses formations suivies ainsi que l'expérience professionnelle acquise.

Partant, ni la condition de l'art. 17 let. a LBPE, ni celle de l'art. 17 let.  b LBPE n'est remplie. Pour ce motif également, le refus de prester est fondé.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

5) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu et vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 juin 2020 par Monsieur A______ contre la décision du Service des bourses et prêts d'études du 12 mai 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :