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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1072/2022

ATA/1113/2023 du 10.10.2023 sur JTAPI/1080/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1072/2022-PE ATA/1113/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 octobre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______, agissant en leur nom et en celui de leurs enfants mineurs C______ et D______ recourants
représentés par Me Pierre OCHSNER, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 octobre 2022 (JTAPI/1080/2022)


EN FAIT

A. a. B______, né le ______ 1985, est marié à A______, née le ______ 1988.

b. Sont issus de cette union C______ et D______, nés respectivement le ______ 2010 et le ______ 2018.

c. Tous les membres de la famille sont ressortissants du Kosovo.

B. a. B______ a déposé le 8 mars 2019 une demande d'autorisation de séjour pour lui et les membres de sa famille auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

À l'appui de sa requête, il avait joint divers documents, dont notamment un formulaire M mentionnant qu'il était arrivé en Suisse le 15 mars 2015, une copie de son passeport, une attestation d'assurance AVS, un extrait de son casier judiciaire vierge, une attestation de la société E______SA mentionnant un emploi occupé auprès d'elle du 3 mars 2015 au 28 mars 2017, une copie de son contrat de travail auprès de la même société, ainsi qu'une copie de son certificat de mariage.

b. Sur demande de l'OCPM, il a encore transmis, le 5 novembre 2021, un formulaire M mentionnant une arrivée en Suisse le 15 mars 2016 et une prise d'emploi auprès du F______ Sàrl, copie de son contrat de travail auprès de la même société, une attestation de son logeur ainsi qu'une copie du bail à loyer, différents documents prouvant son séjour depuis mai 2017, une attestation d'absence d'aide financière de l'Hospice général, une attestation de non poursuite, une copie de ses fiches de salaire pour les mois de juillet à septembre 2021, une attestation de niveau A2 en français, une attestation UE/AELE, un formulaire M pour son épouse mentionnant une arrivée en Suisse le 27 décembre 2017, et, s'agissant de cette dernière, une copie de son passeport, une attestation de non poursuite et une attestation UE/AELE, et enfin la copie des passeports de ses enfants et une attestation de scolarité pour l'enfant C______, mentionnant un début de scolarité le 22 janvier 2018.

c. Par décision du 4 mars 2022, l'OCPM a refusé de soumettre leur dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) et a prononcé leur renvoi de Suisse. Ils étaient également tenus de quitter le territoire des États membres de l'Union européenne et des États associés à Schengen, à moins d'être titulaires d'un permis de séjour dans l'un de ces États et d'y être réadmis.

Les conditions d'un cas individuel d'extrême gravité n'étaient pas réalisées. B______ avait successivement mentionné être arrivé en Suisse en mars 2015, puis en mars 2016. À teneur des pièces qu'il avait produites, son séjour n'était démontré que depuis mai 2017. Il était alors âgé de plus de 30 ans, et son épouse de près de 30 ans lors de son arrivée en Suisse. Ils avaient donc vécu toute leur jeunesse et leur adolescence au Kosovo, années qui apparaissaient comme essentielles pour la formation de la personnalité et pour l'intégration sociale et culturelle.

B______ n'avait pas non plus démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, celle-ci devant plutôt être qualifiée d'ordinaire. Il n'avait pas démontré une très longue durée de son séjour en Suisse, ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Par ailleurs, il n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle. Quant aux enfants, ils étaient arrivés en Suisse en 2017 et 2018 et étaient actuellement âgés de 11 et de 3 ans. Ils n'étaient donc pas encore adolescents, de sorte que leur intégration en Suisse n'était pas déterminante, étant relevé que l'un des deux n'était même pas encore scolarisé. Leur réintégration dans leur pays d'origine ne devait donc pas poser de problèmes insurmontables.

C. a. Par acte du 4 avril 2022, A______ et B______, agissant en leur nom et au nom et pour le compte de leurs enfants, ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour pour les membres de la famille. Préalablement, ils demandaient à être tous entendus, à l'exception de l'enfant D______.

Le père de famille était arrivé en Suisse dans le courant de l'année 2015 et avait rapidement trouvé un emploi auprès de la société E______SA, puis d'autres emplois, avant de se stabiliser auprès de l'entreprise F______ SÀRL. Sa femme et son enfant C______ l'avaient rejoint en Suisse le 27 décembre 2017, et C______ avait aussitôt été scolarisé. Le deuxième enfant du couple était né en Suisse et allaient prochainement entrer en garderie d'enfants. La famille était parfaitement intégrée et parlait très bien français. Étaient notamment produites diverses lettres de recommandation. La famille était sans poursuites, ni casier judiciaire, et ne bénéficiait d'aucune aide sociale.

La décision litigieuse procédait d'un établissement manifestement inexact des faits. C______ était scolarisé depuis bientôt cinq ans et l'avait été depuis l'âge de 7 ans, âge auquel il avait commencé à comprendre son entourage et à créer son premier réseau d'amis. Il avait passé en Suisse pratiquement la moitié de sa vie et se sentait stressé à l'idée de devoir retourner dans un pays dans lequel il n'avait pas d'amis. Âgé de 12 ans, il entrait dans l'adolescence, âge charnière permettant à l'enfant de créer sa propre individualité. Un changement majeur, comme le déracinement géographique et social, était susceptible de nuire au développement harmonieux et global de l'enfant. À cela s'ajoutait que sa sœur cadette entrerait bientôt en garderie et poursuivrait ainsi également son intégration.

La décision litigieuse violait également le principe de la proportionnalité, car l'on ne voyait pas à quoi il servait de déraciner une famille avec l'un de ses enfants scolarisé. Enfin, la Convention relative aux droits de l'enfant, du 20 novembre 1989, (CDE - RS 0.107) était violée, car C______ était scolarisé dans une institution publique genevoise, était passé par une classe d'intégration et avait rejoint depuis plus d'une année ses camarades en classe normale. Il se faisait des amis et apprenait de nouvelles choses. Il s'intégrait de plus en plus dans un monde qui était désormais devenu le sien.

b. Le 9 juin 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours, renvoyant aux motifs de la décision attaquée.

c. Par jugement du 17 octobre 2021 (recte : 2022), le TAPI a rejeté le recours.

Le père de famille disait être arrivé en Suisse dans le courant de l'année 2015. Même si un séjour de sept ans – à supposer qu'il fût avéré – correspondait à une durée que l'on pouvait commencer à considérer comme longue, elle ne suffisait pas à considérer que le précité serait dans un cas de rigueur. Son intégration socioprofessionnelle était certes correcte, mais pas exceptionnelle.

Quant à la mère de famille et à ses enfants, ils étaient arrivés en Suisse tout à la fin de l'année 2017, ce qui signifiait que leur séjour était d'un peu moins de quatre ans, soit une durée relativement courte. Leur intégration sociale ne différait pas de celle de B______, hormis en ce qui concernait C______, scolarisé depuis son arrivée en Suisse. Certes, pour ce dernier, dont l'existence était encore assez courte, ces quatre années passées en Suisse, jusqu'au seuil de l'adolescence, étaient significatives. Si certes il entrait dans une période charnière, on ne pouvait pas encore dire que son intégration en Suisse était telle qu'un retour dans son pays d'origine constituerait pour lui un grave déracinement. Il en allait a fortiori de même pour l'enfant D______.

D. a. Par acte déposé le 18 novembre 2022, A______ et B______, agissant en leur nom et au nom et pour le compte de leurs enfants, ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à l'octroi d'une autorisation de séjour pour les membres de la famille et à l'allocation d'une indemnité de procédure. Préalablement, ils demandaient à être tous entendus, à l'exception de l'enfant D______.

Ils reprenaient pour l'essentiel les arguments développés dans leur recours au TAPI. Leur intégration était exceptionnelle quand bien même ils n'étaient pas des techniciens pointus dans un domaine médical ou dans l'ingénierie. L'argumentation du TAPI sur la non-mise à profit des connaissances métier en faveur de la Suisse devait être écartée, car selon les statistiques fédérales bon nombre d'emplois non qualifiés ou d'artisanat étaient occupés par des personnes issues de pays hors Union européenne. Dès lors, l'exercice par le recourant de sa profession de garagiste était une mise à profit de ses connaissances en faveur de la Suisse.

b. Le 24 janvier 2023, l'OCPM a communiqué à la chambre administrative un rapport d'arrestation de la police genevoise du 24 octobre 2022 concernant le recourant. Il lui était reproché d'avoir séjourné illégalement en Suisse et fourni à l'OCPM de fausses fiches de salaire et de faux certificats de travail de l'entreprise E______ SA. Lors de son audition par la police, le recourant avait été assisté d'un interprète en langue albanaise.

c. Le 10 mars 2023, le recourant a indiqué bénéficier de la présomption d'innocence. Le condamner pour avoir séjourné en Suisse de manière illégale alors qu'il s'agissait en l'occurrence d'une condition indispensable pour obtenir un titre de séjour violait le principe nemo tenetur. Quant au faux dans les titres, il avait donné les documents remis par ses anciens employeurs sans les vérifier. Il n'y avait dès lors pas lieu de prendre en compte à son détriment la procédure pénale en cours.

d. Le 14 mars 2023, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 21 avril 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

e. Le 6 avril, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires.

f. Le 17 avril 2023, les recourants ont persisté dans leurs conclusions, et conclu en outre à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu au plan pénal. L'ordonnance pénale avait été transformée en acte d'accusation.

C______ souffrait d'une tumeur aux parties génitales et était suivi par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).

Ils déposaient des pièces nouvelles actualisant leur situation, à savoir un avenant au contrat de travail du père de famille le liant à F______ Sàrl ; une attestation scolaire positive concernant C______, qui était en 8P à G______ ; des extraits actualisés du registre des poursuites, vierges de toute inscription, concernant les deux parents ; un extrait, vierge, du casier judiciaire concernant la mère de famille ; et un avis de sortie concernant C______ et émanant des HUG. Selon ce dernier document, l'enfant avait subi une biopsie testiculaire. Le diagnostic principal était une tumeur sans signes de malignité « stroma testicule droit pôle inférieur ». Le traitement à la sortie consistait en une prise de Paracétamol et d'Ibuprofène, et l'enfant devait s'abstenir de faire du sport pendant un mois.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Les recourants concluent à l'audition des membres de la famille à l'exception de Lijana, demande déjà présentée devant le TAPI qui n'y a pas donné suite.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 146 IV 218 consid. 2.3 ; 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, les recourants ont eu l'occasion d'exposer leurs arguments et de produire des pièces, tant devant le TAPI que devant la chambre de céans. Ils n’expliquent pas en quoi l'audition sollicitée serait de nature à apporter des éléments supplémentaires utiles à l'issue du litige. Pour le surplus, le dossier apparaît complet et permet à la chambre de céans de statuer en connaissance de cause.

Il ne sera donc pas donné suite à leur demande, et un éventuel grief de violation du droit d'être entendu par le TAPI sera en tant que de besoin écarté, pour les mêmes motifs.

3.             Les recourants concluent à la suspension de la présente procédure jusqu'à droit connu dans la procédure pénale actuellement en cours contre le père de famille.

3.1 Selon l’art. 14 al. 1 LPA lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions. Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/444/2023 du 26 avril 2023 consid. 3.1).

3.2 En l'espèce, ainsi qu'il ressort des considérants qui suivent, il peut être fait abstraction de la procédure pénale en cours, si bien qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la suspension de la procédure, celle-ci étant en état d'être jugée.

4.             L’objet du litige est la décision de l’autorité intimée du 4 mars 2022 refusant de transmettre le dossier des recourants au SEM avec un préavis favorable et prononçant leur renvoi de Suisse.

4.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI, et de l'OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019, sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_690/2021 du 18 mars 2022 consid. 4).

4.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

4.3 L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration de l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse [SEM], Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er mars 2023 [ci-après : directives LEI] ch. 5.6).

Selon l'art. 58a al. 1 LEI, pour évaluer l'intégration de l'étranger, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c) et la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

4.4 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance – par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2), sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2.

4.5 L’intégration professionnelle doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6c).

4.6 L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération (ATF 123 II 125 consid. 5b.dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/90/2021 du 26 janvier 2021 consid. 3e).

La question est donc de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/90/2021 précité consid. 3e ; ATA/1162/2020 du 17 novembre 2020
consid. 6b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015
consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

4.7 Dans l'examen d'un cas de rigueur concernant le renvoi d'une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d'enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d'extrême gravité.

D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du TAF C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a).

Sous l'angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE (arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/600/2023 du 6 juin 2023 consid. 2.7).

4.8 En l'espèce, le recourant réside en Suisse depuis 2015, son épouse et leur fils depuis fin 2017 et leur fille depuis sa naissance en novembre 2018. Pour ce qui est du recourant, même si cette période de huit ans – pour autant qu'une arrivée en Suisse en 2015 soit admise – peut être considérée comme assez longue, il convient de fortement la relativiser dans la mesure où ledit séjour a été entièrement effectué dans l'illégalité ou au bénéfice d'une tolérance des autorités de migration. Quant à la durée de séjour totale de la recourante et des enfants des recourants, elle ne dépasse pas six ans et leur séjour s'est aussi déroulé dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance des autorités.

L'intégration professionnelle du recourant peut certes être qualifiée d'assez bonne, puisqu'il travaille depuis plusieurs années pour le même employeur et parle aussi couramment le français quand bien même il a eu besoin d'un interprète devant la police. Cela étant, s'il n'a pas de dettes, n'a jamais recouru à l’aide sociale et n'est en l'état pas condamné pénalement, ces éléments relèvent du comportement que l’on est en droit d’attendre de toute personne séjournant dans le pays (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2 ; ATA/1171/2021 du 2 novembre 2021 consid. 8). La recourante n'est par contre pas insérée professionnellement.

Il n'apparaît en outre pas que les recourants se soient créé des attaches particulièrement étroites avec la Suisse au point de rendre étranger leur pays d'origine. Ils ne prétendent pas s'être investis personnellement, que ce soit dans la vie associative ou dans la culture genevoise. Il ne peut dès lors être retenu qu'ils font preuve d'une intégration sociale exceptionnelle en comparaison avec d'autres étrangers qui travaillent en Suisse depuis plusieurs années (arrêts du TAF F‑6480/2016 du 15 octobre 2018 consid. 8.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.2). On ne peut donc pas retenir une intégration exceptionnelle en Suisse, ceci même sans tenir compte de la procédure pénale actuellement pendante à l'encontre du recourant.

S'agissant de leurs possibilités de réintégration dans leur pays d'origine, les recourants sont nés au Kosovo, dont ils parlent la langue. Ils y ont vécu leur enfance, leur adolescence et une partie de leur vie d'adulte, le recourant étant arrivé en Suisse, dans l'hypothèse la plus favorable pour lui, à l'âge de 30 ans et la recourante de 29 ans. En toute hypothèse, les années que les recourants ont passées en Suisse ne les ont pas rendus étrangers à leur culture d’origine ni à leur langue maternelle. Les recourants sont tous deux jeunes et en bonne santé et, de retour dans leur pays d'origine, ils pourront faire valoir les connaissances linguistiques acquises en Suisse ainsi que, pour le recourant, son expérience professionnelle. À cet égard, il sied de relever qu'il ne s'agit pas de savoir si l'activité que le recourant a exercée s'est faite en faveur ou pour le bien de la Suisse, mais si la profession qu'il aurait apprise ou exercée en Suisse peut ou non être aussi exercée à l'étranger. Or, à l'évidence, l'activité de mécanicien automobile peut s'exercer ailleurs que sur le territoire helvétique, et notamment au Kosovo.

La fille des recourants est certes née à Genève mais n'est âgée que de 4 ans et n'est apparemment pas encore scolarisée, si bien que son attachement est encore fortement lié à celui de ses parents.

Quant au fils des recourants, il est certes, à bientôt treize ans et demi, entré dans l'adolescence et a passé presque six ans à Genève, mais on ne peut retenir que son retour au Kosovo – bien que certainement difficile –, constitue encore pour lui un véritable déracinement. S'agissant de l'opération qu'il a dû subir en raison d'une tumeur, celle-ci n'est pas maligne, et le suivi, a priori terminé, consistait en l'administration de médicaments parmi les plus courants et disponibles sans ordonnance. On ne saurait dès lors retenir que C______ remplit pour ce motif les conditions d'un cas d'extrême gravité.

Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que les difficultés auxquelles les recourants devront faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour eux plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants kosovars retournant dans leur pays. Les recourants ne présentent donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en leur faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

L'autorité intimée était en conséquence fondée à refuser de donner une suite positive à la demande d'autorisation de séjour déposée par les recourants, et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

5.             Reste à examiner la question du renvoi.

5.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/247/2023 du 14 mars 2023 consid. 6.1).

5.2 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

5.3 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé une autorisation de séjour aux recourants, l'intimé devait prononcer leur renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé les concernant. En particulier, comme déjà examiné, la situation médicale du fils des recourants ne remplit pas les conditions jurisprudentielles pour admettre que son renvoi serait inexigible en raison d'une atteinte à la santé.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 novembre 2022 par A______ et B______, agissant en leur nom et en celui de leurs enfants mineurs C______ et D______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de A______ et B______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre OCHSNER, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.