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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3535/2022

ATA/1087/2023 du 03.10.2023 sur JTAPI/419/2023 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : ZONE DE VILLAS;PERMIS DE CONSTRUIRE;PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ;POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LCI.59.al3bis
Résumé : Admission du recours du département et confirmation de son refus, suivant le préavis de la commission d’architecture, d’autoriser la construction d’une piscine de 30 m2 en zone 5 au motif qu’elle divise en deux la surface en pleine terre, en violation de l’art. 59 al. 3bis LCI.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3535/2022-LCI ATA/1087/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 octobre 2023

3ème section

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC recourant

contre

A______ et B______ intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 avril 2023 (JTAPI/419/2023)


EN FAIT

A. a. A______ et B______, propriétaires de la parcelle n° 1472 de 606 m2 sise en 5ème zone à bâtir dans la commune d’C______, ont déposé, en mars 2022, auprès du département du territoire (ci-après : le département), une demande d’autorisation de construire, en procédure accélérée, visant la construction d’une piscine enterrée et non chauffée (APA 1______).

Dans la première version du projet, la piscine de 30 m2 était entourée d’un dallage de 32,16 m2, dont un des angles touchait la terrasse de la villa implantée sur la parcelle.

Dans sa deuxième version, déposée en juin 2022 à la suite du premier préavis de la commission d’architecture (ci-après : CA) exposé ci-après, la surface de la piscine était maintenue à 30 m2, mais le dallage l’entourant était réduit à 20,96 m2. Cela avait pour effet de créer une distance de 2,12 m entre le dallage projeté et la terrasse de la villa, laissant ainsi une surface de pleine terre entre eux.

b. Dans le cadre de l’instruction de la demande, la CA a rendu deux préavis, les 20 avril puis 11 juillet 2022, demandant la modification du projet avec la mention « INSTRUCTION À POURSUIVRE » après avoir pris connaissance de la première puis deuxième version du projet. La première fois, elle indiquait que l’implantation de la piscine divisait en deux la surface en pleine terre, ce qui ne la rendait pas qualitative. La seconde fois, elle réitérait son premier préavis car le projet « ne répond[ait] pas aux attentes ».

Vu le préavis « défavorable » de la CA, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a rendu un préavis négatif sur les deux versions du projet, en date des 30 mai et 22 août 2022, le premier mentionnant l’art. 3 et le second l’art. 59 al. 3bis de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

c. Les requérants ont été informés des trois préavis précités rendus entre les 21 avril et 15 août 2022 et invités à modifier leur projet. Après un premier refus, ils ont, le 21 juin 2022, présenté la deuxième version susmentionnée du projet, précisant ne pas souhaiter déplacer l’emplacement de la piscine projetée. Le 15 août 2022, ils ont refusé de modifier le projet et renouvelé, pour la troisième fois, leur argumentation selon laquelle la CA n’était pas compétente pour rendre un préavis puisque leur projet était d’importance mineure, sans demande de dérogation, de sorte que son préavis n’était pas pertinent. Ils persistaient aussi à se plaindre du fait que le préavis défavorable de la DAC ne reposait sur aucune obligation concernant la qualité ou le non-morcellement des surfaces de pleine terre pour leur parcelle.

d. Par décision du 29 septembre 2022, le département a refusé d’octroyer l’autorisation sollicitée, faisant sienne la position de la CA et rappelant la marche à suivre pour la densification de la zone 5 de janvier 2021 ainsi que le but de l’indice de verdure qui quantifiait les effets induits de la construction sur trois éléments naturels (pleine terre, stratégie végétale, eau).

La préservation de la pleine terre reposait sur une base légale, à savoir l’art. 59 al. 3bis LCI. La CA, de par sa composition et ses compétences, disposait d’une expertise et d’une objectivité justifiant sa consultation sur cette thématique. Le projet modifié réduisait le dallage de 32,16 à 20,96 m2, ce qui aurait pour conséquence de supprimer 50,96 m2 de pleine terre, équivalent à 8,4% de la surface de la parcelle (50,96/606), et de baisser le taux de pleine terre à 41,94% (254.27/606.26). En dépit du préavis du 11 juillet 2022 de la CA, les requérants avaient informé, le 15 août 2022, le département ne pas souhaiter modifier leur projet, considérant la position de la CA infondée et avaient demandé le prononcé d’une décision en l’état du dossier. Le projet litigieux impactait « de manière trop conséquente la surface en pleine terre » et ne respectait pas l’art. 59 al. 3bis LCI.

B. a. Par jugement du 19 avril 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a partiellement admis le recours formé par les propriétaires contre cette décision, annulé celle-ci et renvoyé le dossier au département pour nouvelle instruction dans le sens des considérants.

Sous l’angle de l’art. 59 al. 3bis LCI, dont l’application au présent cas n’était pas contestée, la deuxième version du projet litigieux supprimait 50,96 m2 de pleine terre, soit 8,4% de la surface de la parcelle, alors que sa première version en supprimait 62,18 m2, soit 10,26%, de sorte que le taux de pleine terre s’abaissait à 41,94% au lieu de 40,08%. Le département disposait d’une marge d’appréciation pour appréhender chaque cas d’espèce en fonction des circonstances, sur la base des préavis rendus lors de l’instruction de la requête. Dans aucun de ses préavis, la CA ne s’était prononcée sur la question du pourcentage de pleine terre. La modification du projet espaçait le dallage entourant la piscine projetée de 2,12 m de la terrasse de la villa. Cette modification n’avait pas satisfait la CA sans toutefois que celle-ci n’explique ce qu’elle attendait de plus. Contrairement à l’avis du département, qui fondait son refus sur le préavis de la CA, il fallait considérer que ladite modification du projet avait répondu à la demande de la CA et le département ne pouvait se fonder uniquement sur le préavis de la CA pour retenir qu’une surface de pleine terre de 41,94% était insuffisante eu égard à l’art. 59 al. 3bis LCI alors même que la loi ne prévoyait aucun pourcentage. La demande litigieuse ne pouvait dès lors être refusée pour ce motif.

Restait la question de savoir si la piscine projetée, de moins de 50 m2, respectait le « pourcentage » de construction de peu d’importance (ci-après : CDPI), étant précisé que, pour les motifs exposés dans son jugement du 4 avril 2023 (JTAPI/392/2023), une telle piscine devait être prise en considération dans le calcul des CDPI. En effet, dans la mesure où les piscines ne pourraient pas être considérées comme des CDPI, elles seraient nécessairement soumises, en dehors de la zone 5, à la procédure ordinaire de la demande définitive, quand bien même il s’agirait, par exemple, d’un bassin entièrement enterré de 30 m2. Une telle conséquence irait à l’encontre des efforts que le législateur et le département chargé des constructions avaient conjointement faits depuis plus de 30 ans pour simplifier la procédure d’autorisation de construire pour les petits objets. Dès lors, les piscines entraient dans la notion de CDPI si elles remplissaient les conditions de l’art. 3 al. 3 RCI, en particulier la limite de surface fixée à 50 m2. On ne pouvait pas conclure qu’une piscine ne constituerait, par principe, pas une « construction » selon la définition des CDPI donnée à l’art. 3 al. 3 RCI, l’absence de gabarit n’excluant pas la possibilité d’être considérée comme telle. Par ailleurs, alors qu’une piscine d’une surface de plus de 50 m2 devrait être prise en compte dans le calcul des surfaces brutes de plancher (ci-après : SBP), réduisant d’autant les possibilités de construire, tel ne serait pas le cas d’un support pour piscine hors sol de 30 m2 constitué d’un plancher affleurant le terrain, à l’instar de surfaces aménagées au sol et destinées à la circulation et au stationnement des véhicules ainsi qu’au cheminement des piétons, qui ne constituaient pas des CDPI ; l’incidence d’une piscine de plus de 50 m2 et du support de piscine précité était très différente que ce soit notamment en termes de procédure d’autorisation, de réalisation, d’impact sur le sol et/ou le paysage. Admettre une différence de traitement pour une même construction selon qu’elle fasse plus ou moins 50 m2 irait à l’encontre des objectifs d’occupation mesurée de la parcelle visés par le législateur au travers des art. 3 RCI et 59 LCI. En conséquence, le TAPI a annulé le refus litigieux et renvoyé le dossier au département pour nouvelle instruction dans le sens des considérants.

C. a. Par acte expédié le 25 mai 2023, le département a interjeté recours contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation et à la confirmation de sa décision litigieuse.

S’agissant de l’art. 59 al. 3bis LCI, introduisant l’indice de verdure dans la loi, le législateur avait considéré qu’il ne lui revenait pas de fixer un seuil strict dans la loi, mais qu’il était préférable de laisser aux instances compétentes, sur la base de situations concrètes, la possibilité de définir, tant au niveau de sa quantité que de sa qualité, l’indice de verdure qu’il convenait d’accepter. La CA avait demandé, dans son premier préavis, aux requérants de modifier leur projet, dans la mesure où son implantation venait diviser en deux la surface en pleine terre, ce qui ne la rendait pas qualitative. Or, ces derniers n’avaient procédé qu’à une légère réduction de la surface dallée entourant la piscine, sans répondre aux exigences de la CA, contrairement à l’avis du TAPI. L’implantation de la piscine n’ayant pas été modifiée, il apparaissait évident que les attentes de la CA n’avaient pas été prises en considération. En outre, le TAPI n’avait pas critiqué les raisons ayant conduit la CA à revoir cette implantation. Le refus litigieux se fondait sur le préavis émis par la CA, que le département avait suivi, étant précisé que le point contesté concernait la qualité de la pleine terre proposée et non le taux de l’indice de verdure. Par ailleurs, le TAPI n’avait pas tenu compte de l’attitude des requérants qui n’avaient, à aucun moment dans le cadre de l’instruction de leur requête, voulu prendre en compte les critiques formulées par l’instance de préavis spécialisée, se contentant de réduire la surface de dallage proposée, alors que d’autres solutions auraient probablement pu être envisagées avec l’accord de la CA. À cela s’ajoutait la grande liberté d’appréciation qui était reconnue au département dans l’exercice de la compétence que lui conférait l’art. 59 al. 3bis LCI.

Quant à la question des CDPI, il était erroné de considérer que la piscine était une CDPI devant être comptabilisée dans les surfaces de ce type de constructions. Dans son arrêt 1C_494/2022 du 9 mai 2023, le Tribunal fédéral avait confirmé la jurisprudence de la chambre de céans, résultant notamment des ATA/437/2023 et ATA/791/2022, selon laquelle les CDPI se caractérisaient, d’une part, par le fait qu’il s’agissait de construction hors sol, présentant un certain gabarit, autrement dit proposant un certain volume en surface, contrairement au cas des terrasses, des rampes d’accès non couvertes et des piscines. D’autre part, l’habitabilité était un élément décisif pour juger qu’une construction était de peu d’importance au sens de l’art. 3 al. 3 RCI. Dans la présente affaire, outre l’absence de volume extérieur, la piscine ne servait, à l’évidence, pas non plus à l’habitation.

Enfin, l’art. 3 al. 3 RCI visait surtout à garantir une proportion raisonnable entre les parties construites d’une parcelle et celles libres de construction, de manière à assurer l’aération et l’ensoleillement des bâtiments et à aménager un milieu bâti agréable pour l’habitat. Ainsi, s’agissant des piscines, comme aussi des terrasses et des rampes d’accès non couvertes, la problématique des surfaces devait être analysée au niveau de l’indice de verdure, comme cela avait été fait dans le cas d’espèce, le but étant notamment de veiller en 5ème zone à bâtir à préserver les espaces verts, comme le précisait le guide « pour une densification de qualité de la zone 5 sans modification de zone à Genève : Les nouveaux quartiers-jardins XXIe siècle », cité dans l’ATA/437/2023 consid. 5j, avant d’être repris à l’art. 59 al. 3bis LCI. Dès lors, le TAPI ne pouvait pas lui imposer de prendre en compte la surface de la piscine dans le calcul des CDPI au sens de l’art. 3 al. 3 RCI.

b. Les propriétaires ont ensuite conclu au rejet du recours, reprenant l’argumentation du TAPI relative à l’art. 59 al. 3bis LCI.

c. Puis, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le refus du département d’autoriser, vu l’art. 59 al. 3bis LCI, la construction d’une piscine de 30 m2 dans le jardin d’une villa située en zone 5, compte tenu de la position respective de la CA et des requérants. Ces derniers, suivis par le TAPI, ont refusé de prendre en compte le préavis de la CA demandant de modifier leur projet au motif que l’implantation de la piscine divisait en deux la surface en pleine terre.

2.1 Selon l’art. 22 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente (al. 1). Son al. 2 dispose que l’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (let. a) et si le terrain est équipé (let. b). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d’autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).

Selon la définition jurisprudentielle classique, sont soumis à autorisation au sens de l’art. 22 LAT, tous les aménagements durables, créés de la main de l’homme, qui présentent une relation fixe au sol et qui ont une incidence sur son affectation, soit qu’ils modifient sensiblement l’espace extérieur, qu’ils aient un effet sur l’équipement ou qu’ils soient susceptibles de porter atteinte à l’environnement (ATF 113b 314 consid. 2b ; Alexander RUCH in Commentaire pratique LAT : autorisation de construire, protection juridique et procédure, 2020, n. 32 ad art. 22 LAT). L’art. 1 al. 1 LCI prévoit les cas d’assujettissement à autorisation de construire, notamment élever en tout ou partie une installation (let. a), modifier même partiellement le volume, l’implantation ou la destination d’une construction ou installation (let. b), modifier la configuration du terrain (let. d), aménager des voies de circulation ou des places de parcage (let. e). Il existe des exceptions prévues aux al. 2 à 5 de l’art. 1 LCI, comme par exemple pour les constructions de très peu d’importance au sens de l’art. 1 al. 5 LCI, hypothèse non réalisée in casu.

2.2 En l’espèce, aucune partie ne conteste que la construction de la piscine litigieuse est soumise à autorisation, ni qu’elle est conforme à l’affectation de la 5ème zone à bâtir au sens de l’art. 19 al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), soit une zone résidentielle destinée aux villas. La LCI contient les normes cantonales applicables à la procédure d’autorisation de construire, réservant la procédure accélérée dans certains cas énumérés à l’art. 3 al. 7 LCI, comme les travaux projetés en 5ème zone aux conditions des art. 58 ss LCI lorsqu’aucune dérogation n’est sollicitée (let. a), ainsi que celles spécifiques à la 5ème zone (art. 58 ss LCI) sous le chapitre VI.

L’art. 59 LCI régit le rapport des surfaces en 5ème zone à bâtir, en posant le principe, à son al. 1, que la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25% de la surface de la parcelle (phr. 1). Ce principe est assorti de plusieurs exceptions permettant d’augmenter la SBP (définie à l’art. 59 al. 2 LCI) à certaines conditions liées à la performance énergétique du projet de construction (art. 59 al. 1 phr. 2 et 3 LCI), qui peuvent se cumuler à d’autres conditions comme dans les cas de l’art. 59 al. 4, al. 4bis et 4ter LCI, notamment dans les périmètres de densification accrue définis par un plan directeur communal approuvé par le Conseil d’État (art. 59 al. 4 LCI). C’est dans le cadre de cette disposition cantonale relative au rapport des surfaces que se trouve l’art. 59 al. 3bis LCI dont l’application est au cœur du présent litige.

3.             Les parties divergent sur la question de savoir si le refus litigieux est conforme à l’art. 59 al. 3bis LCI. Contrairement au département ayant suivi la position de la CA, dont la compétence avait été contestée par les propriétaires dans le cadre de l’instruction de leur requête, le TAPI s’est écarté du préavis de la CA considérant que la modification apportée par les requérants au projet initial répondait à la demande de la CA et que celle-ci ne s’était pas prononcée sur la question du pourcentage de pleine terre, qui n’avait certes pas été fixé dans la loi.

3.1 Selon l’art. 59 al. 3bis LCI, entré en vigueur le 28 novembre 2020, une surface en pleine terre, à savoir dénuée de toute construction en surface ou en sous-sol et non revêtue, de la parcelle ou du groupe de parcelles considérées par la demande d’autorisation de construire doit être préservée.

3.2 Cette disposition trouve son origine dans un amendement proposé dans le cadre du projet de loi (ci-après : PL) 12'566, déposé en août 2019 par des députés, visant à modifier l’ancien art. 59 al. 4 let. a LCI, dans sa teneur antérieure au 28 novembre 2020, afin de « redonner aux communes un pouvoir qu’elles [avaient] perdu début 2013, dans la densification de la zone villas » à la suite de l’adoption du PL 10'891 intitulé « Préserver la zone de villas », présenté comme une alternative aux projets de déclassements de la zone 5, anciennement dénommée zone « villas » (p. 3 ss, en particulier p. 5 de l’exposé des motifs du PL 12'566 et p. 2 s et 17 s du rapport de la commission parlementaire d’aménagement du 11 août 2020 chargée d’étudier le PL 12'566, ci-après : Rapport PL 12’566-A).

3.2.1 Compte tenu du moratoire, prononcé fin 2019 par le département, sur les autorisations de construire dérogatoires fondées sur l’ancien art. 59 al. 4 LCI et des auditions de différents acteurs concernés par la densification en zone 5 fondée sur cette disposition, la commission parlementaire d’aménagement chargée d’examiner le PL 12’566 s’est orientée vers une nouvelle solution largement acceptée, concrétisée dans l’amendement général présenté par le département permettant, à certaines conditions, l’octroi de telles autorisations dérogatoires dans les périmètres de densification accrue de la zone 5 définis par un plan directeur communal approuvé par le Conseil d’État (p. 14 s du Rapport PL 12’566-A).

Lors du vote de cette commission sur ledit amendement, son président a proposé d’ajouter un al. 3bis à l’art. 59 LCI ayant la teneur suivante : « Une surface en pleine terre, à savoir dénuée de toute construction en surface ou en sous-sol et non revêtue, correspondant au minimum à 40% de la surface de la parcelle ou du groupe de parcelles considérées par la demande d’autorisation de construire doit être préservée » (p. 17 s ibidem). Malgré l’opposition de principe d’un autre député de faire figurer la notion de « pleine terre » à l’art. 59 LCI, ce dernier a, à titre de compromis, proposé la teneur actuelle de l’art. 59 al. 3bis LCI, supprimant la mention des 40%, qui a fait la quasi-unanimité de la commission.

3.2.2 La notion de pleine terre est apparue, pour la première fois, lors des auditions devant cette commission, avec une proposition d’amendement d’une association de propriétaires de villas souhaitant inscrire, à titre de condition des dérogations fondées sur l’art. 59 al. 4 let. a LCI, celle de « préserve[r] au minimum 50% de la parcelle en pleine terre » (p. 7 s du Rapport PL 12’566-A).

Selon la Fédération des associations d’architectes et d’ingénieurs de Genève
(ci-après : FAI), le développement de la zone 5 devait se faire selon des critères qualitatifs et pas seulement des critères quantitatifs. Elle soulignait une différence de philosophie entre le droit cantonal et la LAT, modifiée afin notamment d’éviter le gaspillage du sol par un développement et une organisation plus compacts des constructions, en ces termes : « la loi cantonale cont[enait] des règles quantitatives alors que la loi fédérale introdui[sai]t la notion de paysage ». Il existait, à la fois, de projets de mauvaise qualité et de beaux projets de densification conformes à l’esprit de la zone 5 (p. 4 s ibidem).

Devant la commission, le président du département a également signalé la modification de la LAT entrée en vigueur en 2014, qui orientait le développement urbain selon deux principes, appliqués dans le canton dès 2007 avec le premier projet d’agglomération, à savoir le développement vers l’intérieur et la coordination urbanisation et transports (p. 11 ibidem). Après un panorama sur les stratégies communales relatives à la densification de la zone 5, il a expliqué le processus décisionnel fondé sur les préavis, au sein du département disposant d’un large pouvoir d’appréciation. Si tous les préavis étaient favorables, un refus du projet de construction devait reposer sur des motifs d’intérêt public et il était rare, dans une telle hypothèse, de trouver des motifs d’intérêt public. En revanche, s’il y avait à la fois des avis favorables et d’autres défavorables, une pesée des intérêts visant l’intérêt public devait être effectuée, la question étant de déterminer si une politique publique l’emportait sur une autre et pourquoi. Entre 2014-2019, il y avait eu, après un deuxième tour conduisant à une amélioration du projet, 78% de préavis communaux favorables. Lorsqu’il y avait un préavis défavorable face à des préavis favorables, le préavis défavorable devait être motivé pour l’emporter, ce qui faisait souvent défaut dans les préavis communaux faute de stratégies communales. Le deuxième « préaviseur » était la commission d’architecture (CA) qui était indépendante de l’administration, suivant la volonté du législateur, afin d’apporter de l’objectivité. Elle donnait seulement 0,2% de préavis défavorables vu les nombreuses demandes d’amélioration des projets. Enfin, le président du département a relevé, s’agissant des aspects qualitatifs, une forte imperméabilisation du sol et une disparition des trames paysagères et des couloirs de biodiversité (p. 12 s ibidem).

3.2.3 Lors des débats devant le Grand Conseil (séance du 1er octobre 2020 relative au PL 12’566) au cours desquels l’art. 59 al. 3bis LCI a été adopté, le rapporteur de la majorité a rappelé l’objectif du précédent PL déposé en novembre 2011 tendant à la densification de la zone villas en ces termes : il s’agissait de « densifier, mais pas partout et pas n’importe comment », la commune étant garante du premier aspect et la commission d’architecture du second. Ce deuxième volet restait, avec le nouveau PL, de la compétence de la CA mais le département s’était engagé à édicter des directives dans un avenir proche. Le député, président de la commission d’aménagement, a souligné l’ancrage de la notion de pleine terre désormais dans la loi et précisé que cette base légale permettrait « au département de formuler des exigences au cas par cas lors de l’évaluation des autorisations de construire, pas seulement en cas de dérogation et de densification, mais pour toutes les constructions en zone villas ».

Ont également ressurgi, à travers des avis minoritaires de la commission d’aménagement (p. 83s et 86 ibidem), les deux questions suivantes, toutes deux majoritairement refusées par le parlement. Il s’agissait, d’une part, de biffer le nouvel art. 59 al. 3bis LCI et, d’autre part, de réintroduire le seuil de 40% de pleine terre dans cette norme.

Devant le Grand Conseil, le président du département, évoquant les critères devant présider à l’adoption de secteurs de densification dans les plans directeurs communaux, a indiqué : « Sur cette base, nous allons travailler pour mettre à jour d'ici la fin de l'année une grille des critères de qualité qui permettra de valoriser la question de la pleine terre - elle doit tendre vers les 40%, mais il y a toujours des cas qui requièrent des dérogations. C'est pourquoi il me semblerait faux d'introduire des règles urbanistiques au niveau législatif : elles relèvent de la commission d'architecture, mais aussi des professionnels et des discussions avec les communes. Ce guide qualité exposera donc une démarche que les propriétaires et promoteurs devront suivre et défendre face à la commission d'architecture, qui sera la gardienne du temple de cette notion de qualité ».

3.3 Deux premiers constats doivent ainsi être posés.

3.3.1 D’une part, l’art. 59 al. 3bis LCI pose, à titre de principe, l’obligation de préserver une surface en pleine terre, sans toutefois poser de critères quantitatifs. L’intention du législateur était de se situer autour des 40%, sans toutefois donner à cette valeur un caractère impératif ni absolu. Cela a déjà été relevé par la chambre administrative (ATA/130/2023 du 7 février 2023 consid. 4) et n’est, à raison, pas contesté par le TAPI.

Cette obligation est valable pour toute demande de construction en zone 5, que celle-ci soit associée ou non à un projet de construction exigeant une dérogation fondée sur l’art. 59 LCI, compte tenu de la formulation de l’art. 59 al. 3bis LCI, du fait que cette obligation figure, au sein de la norme régissant le rapport de surface en zone 5, dans un alinéa indépendant et spécifique à la question de la pleine terre ainsi que des travaux préparatoires précités. De plus, conformément à la volonté de son président exprimée devant le parlement, le département a, dans un communiqué de presse du 19 janvier 2021, annoncé, en même temps que la fin du moratoire en « zone villa », les modalités d’application du nouvel art. 59 LCI, disponibles sur son site internet à l’adresse https://www.ge.ch/document/marche-suivre-densification-zone-5-mise-jour-2022, notamment l’exigence relative au « nouvel indice de pleine terre » ou indice de verdure (IVER) qui sera développée plus bas.

3.3.2 D’autre part, les travaux préparatoires susmentionnés mettent en lumière que l’appréciation du respect de l’obligation concernant la préservation de la pleine terre en zone 5 doit aussi se faire sous l’angle qualitatif et que cette appréciation qualitative incombe à la CA, ce qui n’est, à juste titre, pas non plus remis en cause par le TAPI.

Comme le rappellent la FAI et le président du département, le droit cantonal doit respecter les principes posés par la LAT. À ce titre, il y a lieu de rappeler les buts et principes ancrés aux art. 1 et 3 LAT. Parmi les buts, on peut citer celui d’orienter le développement de l’urbanisation vers l’intérieur du milieu bâti, en maintenant une qualité de l’habitat appropriée et celui de créer un milieu bâti compact (art. 1 al. 2 let. abis et b LAT). À titre de principes, le paysage doit être préservé, notamment en veillant à ce que les constructions prises isolément ou dans leur ensemble ainsi que les installations s’intègrent dans le paysage (art. 3 al. 2 ab initio et let. b LAT). Il convient aussi de prendre les mesures propres à assurer une meilleure utilisation dans les zones à bâtir des friches, des surfaces sous-utilisées ou des possibilités de densification des surfaces de l’habitat, ainsi que de ménager dans le milieu bâti de nombreux aires de verdure et espaces plantés d’arbres (art. 3 al. 3 let. abis et e LAT).

Par ailleurs, la CA est, sous certaines réserves non déterminantes in casu, appelée à donner son avis en matière architecturale au département sur les demandes en autorisation de construire (art. 4 al. 1 phr. 2 et al. 3 de la loi sur les commissions d’urbanisme et d’architecture du 24 février 1961 - LCUA - L 1 55), en particulier sur la compatibilité d’un projet avec « le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier » (art. 59 al. 4 LCI). Composée de neuf membres, dont six architectes, choisis hors de l’administration publique (art. 5 al. 1 LCUA), la CA est nommée par le Conseil d’État (art. 6 al. 1 LCUA). Le département soutient ainsi, à raison, que la CA, de par sa composition et ses compétences, dispose d’une expertise et d’une objectivité utiles à l’examen du projet. Enfin, la règle de base régie par l’art. 59 LCI concerne le rapport de surface. Comme le relève le département, à l’instar de l’art. 3 al. 3 RCI, l’art. 59 al. 3bis LCI permet de garantir une proportion raisonnable entre les parties construites d’une parcelle et celles libres de construction, de manière à assurer l’aération et l’ensoleillement des bâtiments et à aménager un milieu bâti agréable pour l’habitat.

3.4 Dès lors, contrairement à l’avis des propriétaires, le préavis de la CA est essentiel à l’application de l’art. 59 al. 3bis LCI, afin d’assurer un rapport de surface conforme à l’art. 59 LCI et à l’intention susmentionnée du législateur cantonal, dans le respect des principes précités posés par le droit fédéral.

À cet égard, l’art. 3 al. 1 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) précise que lorsque, dans l’accomplissement et la coordination de tâches ayant des effets sur l’organisation du territoire (à savoir les activités qui modifient l’utilisation du sol ou l’occupation du territoire ou qui visent à les maintenir en l’état, art. 1 al. 1 OAT), les autorités disposent d’un pouvoir d’appréciation, elles sont tenues de peser les intérêts en présence. Ce faisant, elles déterminent les intérêts concernés (let. a), apprécient ces intérêts notamment en fonction du développement spatial souhaité et des implications qui en résultent (let. b) et fondent leur décision sur cette appréciation, en veillant à prendre en considération, dans la mesure du possible, l’ensemble des intérêts concernés (let. c). Elles exposent leur pondération dans la motivation de leur décision (art. 3 al. 2 OAT). C’est donc en conformité avec le droit fédéral que le président du département soutient devant la commission d’aménagement qu’en cas d’avis favorables et défavorables à un projet, l’autorité compétente procède à une pesée des intérêts et qu’elle doit décider, face à plusieurs intérêts publics, quelle politique publique l’emporte en motivant sa position. Il est ainsi essentiel pour intégrer tous les intérêts publics pertinents dans la pesée des intérêts que le département consulte toutes les instances spécialisées concernées par le projet en cause.

4.             Il reste in casu à examiner le jugement querellé à la lumière du préavis de la CA.

4.1 Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours – que ce soit la chambre de céans ou le TAPI – observent une certaine retenue, lorsqu'il s'agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d'appréciation (ATF 136 I 265 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 5.1). Elles se limitent à examiner si l’autorité administrative ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 5.2 ; ATA/948/2022 du 20 septembre 2022 consid. 4e ; ATA/514/2018 du 29 mai 2018 consid. 4a).

4.1.1 S’agissant du système de la LCI prévoyant des préavis ayant, sauf disposition contraire, un caractère consultatif, la chambre administrative admet, de manière constante, que l'autorité reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur, tout en précisant que, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/665/2023 du 20 juin 2023 consid. 4.8 ; ATA/636/2015 du 16 juin 2015 consid. 7a).

4.1.2 Selon la jurisprudence de la chambre de céans, rappelée dans l’ATA/414/2017 du 11 avril 2017 (consid. 4a), le TAPI, peut, sur la base des art. 19 et 20 LPA, demander toutes précisions écrites à une instance de préavis, au même titre qu'il peut l'entendre en audience de comparution personnelle ou la convoquer à un transport sur place pour qu'elle détaille sa position (ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 ; ATA/363/2015 du 16 juin 2015). Dans l’arrêt ATA/414/2017 précité, la chambre administrative a confirmé la décision du TAPI de solliciter, après l’audition d’un de ses représentants, un préavis complémentaire de l’autorité spécialisée sur l’objet litigieux et de donner aux parties la possibilité de se déterminer sur ce préavis complémentaire, au lieu de renvoyer le dossier au département pour nouvelle décision sur la demande d’autorisation (consid. 4c).

4.2 La directive du département intitulée « Marche à suivre – densification de la zone 5 – modalités d’application du nouvel art. 59 LCI » (ci-après : la directive), mise à jour en novembre 2022, rappelle les effets négatifs de l’augmentation des demandes fondées sur cette disposition, notamment en termes environnementaux (diminution de la pleine terre, atteinte aux écosystèmes, augmentation de la mobilité individuelle, p. 7 de la directive).

Selon la directive (p. 9 ss), toute demande d’autorisation de construire en zone 5 doit être accompagnée d’une notice explicative et démontrer en quoi elle préserve la pleine terre conformément à l’art. 59 al. 3bis LCI. La pleine terre et l’indicateur qualitatif de verdure (ci-après : IQVER) sont des notions essentielles, étant précisé que la pleine terre est l’une de composantes de l’IQVER. Les espaces non bâtis en pleine terre sont considérés selon leur taille et l’implantation du projet comme espaces majeurs ou résiduels. Par espaces majeurs en pleine terre, on entend les espaces d’un seul tenant pouvant par exemple accueillir la plantation d’arbres de première et deuxième grandeur (6 à 12 m). L’IQVER permet de caractériser les effets induits de la construction et d’évaluer la comptabilité des projets avec les objectifs notamment environnementaux. Il caractérise les effets induits de la construction sur les trois éléments naturels suivants : pleine terre, stratégie végétale, eau. Une analyse qualitative de la situation existante est produite, afin de pouvoir ensuite décrire l’IQVER du projet dans ses composantes et incidences qualitatives, conformément au schéma figurant en p. 10 de la directive.

La directive prévoit également les critères d’évaluation des demandes d’autorisations de construire en zone 5 appliqués par la CA qui doit, en vertu du cadre légal, analyser la compatibilité du projet avec « le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier » (p. 14). Parmi ces critères figure l’environnement naturel et paysager, défini par des sous-critères (arborisation, fragmentation des espaces verts, surface de pleine terre, proximité des lieux protégés tels que forêt, cours d’eau, rive du lac).

4.3 Enfin, en application de la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public (cf. art. 19 et 20 LPA), l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10.2.2 ; 2C_84/2012 du 15 décembre 2012 consid. 3.1) ; il leur incombe d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître, respectivement qui relèvent de leur sphère d'influence ; la jurisprudence considère à cet égard que le devoir de collaboration des parties à l'établissement des faits est spécialement élevé s'agissant de faits que celles-ci connaissent mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3 et les références citées). En l'absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d'éléments probants au dossier, l'autorité qui met fin à l'instruction du dossier en considérant qu'un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l'arbitraire ni ne viole les règles régissant le fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_611/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.3 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3c).

La constatation des faits est, en procédure administrative, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 phr. 2 LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 5a ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 2b et les références citées). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3d et les références citées).

4.4 En l’espèce, l’argumentation du TAPI relative à l’art. 59 al. 3bis LCI se focalise sur l’appréciation quantitative de l’obligation posée par cette disposition, sans souligner sa dimension qualitative concrétisée dans la directive du département par l’IQVER, lié à la notion de pleine terre. Or, comme le précise cette directive, tant cette notion de pleine terre que l’IQVER sont des éléments importants qui doivent désormais figurer dans toute demande d’autorisation de construire en zone 5. Ils sont nécessairement pris en compte par la CA, tenue de faire une appréciation quantitative et qualitative du projet de construction, sous le critère « environnement naturel et paysager » précisé par plusieurs sous-critères comme celui de la fragmentation des espaces verts (p. 14 de la directive). C’est ce dernier élément qui fonde la position de la CA, à l’origine du refus litigieux du département.

En effet, la CA motive sa demande de modification du projet par le fait que l’implantation de la piscine litigieuse divise en deux la surface en pleine terre, ce qui ne la rend pas « qualitative ». Ce constat est confirmé par les plans du projet litigieux, où la piscine projetée se situe à l’angle de la parcelle, entre le chemin de Tirelonge et la parcelle adjacente n° 1469, ce qui a pour effet de créer deux zones dénuées de constructions au sein du jardin, séparées par la piscine litigieuse de 30 m2. Or, malgré l’explication de la CA, s’inscrivant dans les objectifs de l’art. 59 al. 3bis LCI précisés par la directive, les propriétaires ont refusé, sur la base de considérations juridiquement erronées, d’envisager un autre emplacement de la piscine projetée, ce qui a conduit au deuxième préavis de la CA, identique au premier, suivi par le département. Dans ces circonstances et vu l’importance de préserver des surfaces de pleine terre, en particulier des espaces d’un seul tenant pouvant accueillir la plantation d’arbre d’une certaine grandeur, à des fins de protection de l’environnement naturel et paysager, le département pouvait, à juste titre et indépendamment de l’impact quantitatif du projet, considérer que la réduction du dallage autour de la piscine, proposée par les requérants, ne répondait pas à la demande de la CA portant sur la question de la fragmentation des espaces verts.

En suivant le préavis de la CA, objectivement fondé tant à la lumière de l’art. 59 al. 3bis LCI que des circonstances concrètes du projet envisagé, le département a exercé son pouvoir d’appréciation de manière conforme à la loi et à la jurisprudence, sans porter d’atteinte inadmissible à la garantie de propriété des requérants. L’intérêt privé à pouvoir user à sa guise de sa parcelle doit être mis en balance avec celui, plus général, à la protection de l’environnement naturel, en particulier sous l’angle de l’imperméabilisation des sols et de la disparition des couloirs de biodiversité, préoccupations rappelées par le président du département devant la commission d’aménagement. Par ailleurs, on ne voit pas quel intérêt public prépondérant aurait permis au département de faire fi du préavis de la CA, étant rappelé que l’appréciation du respect de l’obligation posée par l’art. 59 al. 3bis LCI s’examine non seulement du point de vue quantitatif mais également qualitatif, ce dernier volet ayant été confié à la CA par le législateur cantonal. Le fait que la CA ne se soit, dans ce contexte, pas prononcée sur le pourcentage est in casu sans incidence.

Par conséquent, le recours du département doit être admis, le refus litigieux confirmé et le jugement querellé annulé, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner l’argumentation du TAPI relative aux CDPI.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- doit être mis à la charge solidaire des propriétaires (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 mai 2023 par le département du territoire - OAC contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 avril 2023 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 avril 2023 ;

rétablit la décision du département du territoire - OAC du 29 septembre 2022 refusant à A______ et B______ l’autorisation de construire sollicitée ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au département du territoire - OAC, à A______ et B______, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l’office fédéral du développement territorial.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :