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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1870/2023

ATA/1013/2023 du 18.09.2023 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1870/2023-FPUBL ATA/1013/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 18 septembre 2023

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Thierry ULMANN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé



Vu, EN FAIT, la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) du 2 mai 2023 résiliant, avec effet au 31 août 2023, les rapports de service de A______, né le_____ 1959, au motif que l’importance et la récurrence des manquements constatés dans l’exercice de sa fonction d’enseignant de la culture de formation pré‑professionnelle auprès de B______ (ci-après : B______) constituaient un motif fondé de résiliation ; que, plus particulièrement, la répétition de propos et écrits, tant à l’égard de sa hiérarchie que de ses collègues ou ses élèves dénotait un mode relationnel inadéquat et une communication peu respectueuse des valeurs que devait véhiculer un enseignant ; que l’enseignant avait reçu plusieurs avertissements demeurés sans impact, puisque des problèmes relationnels s’étaient reproduits avec les élèves ou encore, lors du suivi pédagogique mis en place, avec sa hiérarchie et son formateur ; qu’en outre, des lacunes dans l’enseignement avaient été constatées ; qu’enfin, la procédure de reclassement n’avait pas abouti ; que la décision était déclarée exécutoire nonobstant recours ;

vu le recours formé le 2 juin 2023 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice par A______ contre cette décision, dont il a demandé l’annulation ; qu’il a conclu, à titre préalable, à la restitution de l’effet suspensif, à la comparution personnelle des parties, à la production par le DIP du contrat par lequel C______ avait été mandaté pour effectuer son suivi pédagogique et, principalement, à sa réintégration, l’État de Genève étant tenu de lui verser l’intégralité du salaire entre la fin des rapports de service et celle-ci et, subsidiairement en cas de refus de réintégration, l’allocation d’une indemnité de treize mois de traitement brut avec intérêts à 2 % dès le 1er septembre 2023 ;

qu’il avait fait l’objet d’une sanction disciplinaire sous forme de réduction de traitement le 8 octobre 2018, au motif que ses cours n’étaient pas conformes au plan d’études, étaient crus, violents et inutilement répétitifs, que les épreuves n’étaient pas conformes aux évaluations communes et qu’il n’avait pas donné suite aux interpellations de son supérieur hiérarchique ; que par la même occasion, un suivi pédagogique avait été mis en place ; que, toutefois, le mandataire externe engagé par le DIP à cet effet ne semblait pas disposer de la formation nécessaire pour effectuer ledit suivi ; qu’il avait ainsi, sans succès, demandé la suspension de l’instruction jusqu’à ce que la Cour des comptes se prononce sur l’engagement de C______ ; que la majorité des reproches qui lui avaient été adressés lors de l’entretien de service étaient les mêmes qu’en 2018, pour lesquels il avait déjà été sanctionné ; que le bilan de compétences effectué durant la procédure de reclassement avait abouti au constat que son domaine de compétences était l’enseignement ; que cependant la procédure de reclassement avait pris fin sans que des postes d’enseignant lui soient proposés ; que le suivi de C______ avait été perturbateur, celui-ci utilisant son téléphone portable durant les cours à des fins privées et ne s’étant pas rendu à une séance de suivi ; qu’il n’avait pas fait l’objet d’une enquête administrative ni été suspendu et avait continué à bénéficier de la confiance placée en lui ;

que son intérêt privé à demeurer encore en fonction pendant l’année qui précède sa retraite l’emportait sur l’intérêt public à l’exécution immédiate d’une décision disproportionnée ;

que le DIP a conclu au rejet de la requête de restitution d’effet suspensif, réfutant en détail les griefs soulevés par le recourant ; que faire droit à ladite requête revenait à accorder au recourant ce qu’il sollicitait au fond, ce qui n’était pas admissible ;

que, répliquant sur effet suspensif, le recourant a fait valoir que l’autorité intimée ne pouvait revenir sur des faits anciens, de sorte qu’il ne se déterminait pas à cet égard, mais le ferait si la chambre de céans entendait en tenir compte ; qu’ainsi la sanction dont il avait fait l’objet en 2010 ne pouvait être prise en considération dans le présent litige ; qu’en tant qu’il lui était reproché de ne pas avoir donné suite à l’invitation du Dr D______ de se rendre à un rendez-vous médical, il relevait qu’il n’avait jamais reçu ladite invitation ; qu’il encourait un préjudice financier considérable si l’effet suspensif n’était pas restitué ; que son licenciement était intervenu une année après la procédure de reclassement, ce qui démontrait l’absence d’urgence à l’exécution immédiate de celui-ci ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger ;

Considérant, EN DROIT, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de celles‑ci, par une juge ;

qu’aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/688/2022 du 28 juin 2022 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4) ;

qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, spéc. 265) ;

que, par ailleurs, l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; ATA/688/2022 du 28 juin 2022) ;

que la restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/688/2022 précité) ;

que la chambre de céans dispose dans l’octroi de mesures provisionnelles d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 précité consid. 5.5.1 ; ATA/688/2022 précité) ;

que, selon l’art 141 al. 1 de la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP ‑ C 1 10), l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé ; qu’elle motive sa décision et est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé ;

que selon l’art. 141 al. 2 LIP, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) et la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c) ; que si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé, elle ordonne à l’autorité compétente la réintégration (art. 147 al. 1 LIP).

qu’en l'espèce, le recourant fait valoir son intérêt financier important à pouvoir continuer à percevoir son salaire et cotiser au second pilier jusqu’à l’âge de la retraite ;

que, toutefois, si le recourant devait obtenir gain de cause sur la question de l'existence d'un motif fondé de licenciement, sa réintégration serait obligatoirement ordonnée par la chambre de céans (art. 147 al. 1 LIP ; ATA/348/2019 du 2 avril 2019 consid. 7), de sorte que le recourant serait rétabli dans son droit au paiement du salaire qui aurait été dû si les rapports de service n'avaient pas cessé (arrêts du Tribunal fédéral 8C_635/2021 du 13 janvier 2022 consid. 6.3 ; 8C_546/2020 du 25 janvier 2021 consid. 6 ;

que, par ailleurs, de jurisprudence constante de la chambre administrative, l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020) ;

que le recourant ne rend pour le surplus pas vraisemblable qu’il n’aurait pas droit aux indemnités de chômage ni que la cessation du versement de son salaire l’exposerait à un préjudice financier difficilement réparable ;

que l'atteinte à sa réputation professionnelle ne saurait justifier la réintégration à titre provisoire (ATA/113/2020 du 3 mars 2020 ; ATA/663/2018 du 26 juin 2018 consid.4b ; ATA/443/2016 du 26 mai 2016 consid. 6) ;

que le suivi pédagogique réalisé – certes critiqué par le recourant – a mis en exergue des faiblesses de l’enseignement (telles que manque de préparation, de « fil rouge », de plan de séquence), que des élèves se sont plaints, par écrit, de certains termes utilisés durant le cours (« ici, c’est moi le dictateur », « vous êtes des moineaux ») ainsi que de la piètre qualité de celui-ci et que le recourant ne conteste pas ne pas avoir donné son cours le 21 novembre 2019, refusant le présence de C______ à celui-ci ; que ces reproches, comme d’autres, devront faire l’objet d’une analyse par la chambre de céans ; qu’il n’est, en l’état et sans préjudice de l’examen au fond, pas manifeste qu’ils soient tous dépourvus de fondement ;

qu’ainsi, au vu de l’absence de préjudice difficilement réparable, du fait que les chances de succès du recours ne paraissent prima facie pas manifestes et de l’intérêt public à l’exécution immédiate de la décision de licenciement, la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais de la présente décision incidente ;

que la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.-.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais du présent incident ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Thierry ULMANN, avocat du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

 

 

La présidente :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :