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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1649/2022

ATA/1010/2023 du 14.09.2023 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 17.10.2023, rendu le 09.04.2024, REJETE, 2C_577/2023
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1649/2022-EXPLOI ATA/1010/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 septembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ SÀRL recourante
représentée par Me Astyanax PECA, avocat

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ Sàrl (ci-après : A______) est une société inscrite au registre du commerce du canton de Vaud depuis le 26 juillet 2018, dont le siège est à Lausanne. Elle a pour but la gestion et l'exploitation de crèches privées, d'écoles primaires, d'écoles de sport, de fitness, de petits commerces et pop-up stores (magasins éphémères), l'organisation de tous types d'événements (anniversaires, conférences, etc.), ainsi que tous conseils et services dans ces domaines. B______ en est la gérante et C______ la directrice.

b. La société exploite une crèche privée dans le canton de Genève, pour laquelle le service d’autorisation et de surveillance de l’accueil de jour (ci-après : SASAJ), rattaché au département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci‑après : DIP), a délivré à C______ une autorisation de diriger dès le 14 mai 2018 la structure d’accueil de la petite enfance A______ (ci-après : la crèche) au D______.

Cette autorisation a été régulièrement renouvelée les 1er janvier, 1er mars et 3 novembre 2019, ainsi que le 20 juillet 2021, le SASAJ ayant accepté l’augmentation de la capacité d’accueil de la structure jusqu’à 55 enfants simultanément.

B. a. Le 30 avril 2019, le SASAJ a adressé « aux titulaires des autorisations d’exploiter une structure de la petite enfance et à leur employeur » un courrier ayant pour objet la « mise en application des usages de la petite enfance » (ci-après : UPE). Suite « au courrier du 15 novembre 2018 et à la séance du 1er mars dernier », les entités non signataires d’une convention collective de travail (ci-après : CCT) étaient invitées à s’annoncer sans délai auprès de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci‑après : OCIRT) dans le cadre de leur mise en conformité aux exigences légales, soit pour procéder à l’analyse des conditions en vigueur au sein de la structure en vue de signer, d’ici la fin de l’année 2019, un engagement à respecter les usages. La surveillance formelle par le SASAJ serait effective dès le 1er janvier 2020.

b. Le 28 octobre 2019, A______ s’est adressée à l’OCIRT, se référant au courrier précité. Dès lors qu’elle remplissait toutes les conditions légales et réglementaires d’une crèche privée telles qu’elles lui avaient été imposées à sa création, elle refusait de signer les UPE. La contraindre à les respecter ne reposait pas sur une base légale et violait les principes de la liberté économique, de la bonne foi et de l’égalité de traitement.

c. Le 13 décembre 2019, l’OCIRT a indiqué que seul le SASAJ était en mesure de se déterminer quant à la position de A______. Le respect des conditions de travail en usage était depuis longtemps une condition pour que le SASAJ autorise l’exploitation d’une institution de la petite enfance. Les usages n’avaient toutefois pu être déterminés et, par conséquent, mis en œuvre que récemment, de sorte qu’il appartenait au SASAJ de vérifier à l’avenir que les institutions remplissaient cette condition. Dans le cas où leurs conditions de travail ne relevaient ni d’un statut de droit public, ni de la soumission à une CCT, elles devaient produire une attestation de l’OCIRT, organe d’exécution et de contrôle du respect des usages, confirmant qu’elles avaient signé un engagement à les respecter. Une période d’adaptation avait été convenue en raison des difficultés que pouvaient représenter le nouveau système pour certaines institutions, leur offrant la possibilité de faire évaluer par l’OCIRT leur conformité aux usages. Aucun contrôle proprement dit ne serait effectué jusqu’à fin 2019 et le SASAJ n’exigerait pas d’attestation durant cette période. Dès 2020, la production d’une attestation serait toutefois exigible et les institutions devraient être signataires de l’engagement à respecter les usages auprès de l’OCIRT. Dans le cas où des violations des usages étaient révélées par les contrôles, il serait procédé à une demande de mise en conformité dans un certain délai pouvant être prolongé pour autant que l’institution concernée soit de bonne volonté et fasse état de raisons objectives à l’origine de sa situation, en l’occurrence la mise en œuvre législative modifiant les exigences à remplir. L’OCIRT n’avait cependant aucune prise sur la manière dont le SASAJ allait considérer une éventuelle non-conformité aux usages.

d. Le 27 juillet 2020, l’OCIRT a informé A______ de l’entrée en vigueur le 1er septembre 2020 des usages petite enfance (ci-après : UPE 2020), avec des modifications portant notamment sur les catégories professionnelles et les salaires. Dans la mesure où la structure d’accueil était active dans la petite enfance, elle était soumise aux usages de ce secteur et devait procéder aux ajustements qui s’imposaient afin de respecter les conditions de travail et de salaires en usage.

e. Le 1er septembre 2020, A______ a informé l’OCIRT qu’elle refusait de se soumettre aux UPE 2020, qui avaient été unilatéralement établis. Les lui imposer violait des principes juridiques fondamentaux. Les services compétents étaient invités à rendre une décision sujette à recours. La crèche avait dû, à son ouverture, respecter de nombreux critères, dont certains figuraient dans les UPE. S’agissant notamment des salaires, il n’avait jamais été question pour un établissement privé de devoir appliquer les tarifs du secteur public. Si tel devait être le cas, son budget et son existence seraient remis en question.

f. Le 2 novembre 2020, l’OCIRT a accordé à A______ un délai au 30 novembre 2020 pour retourner les « formulaires d’engagement à respecter les UPE » complétés et signés, ainsi que divers documents.

g. Le 27 novembre 2020, A______ a transmis l’ensemble des documents requis, ainsi que les formulaires précités, signés par C______.

h. Le 4 février 2021, l’OCIRT a informé A______ de la modification des grilles de salaires de référence applicables dès novembre 2020 pour les aides, respectivement janvier 2021 pour tous les employés, compte tenu du fait que les UPE étaient édictés sur la base de la CCT petite enfance de la Ville de Genève, ainsi que de l’institution du salaire minimum dans le canton de Genève.

i. Le 12 mars 2021, l’OCIRT a informé A______ de ce qu’il communiquait au SASAJ le refus de la crèche de s’engager à respecter les UPE. Dans la mesure où C______ disposait, à teneur du registre du commerce vaudois, de la signature collective à deux, elle ne pouvait pas valablement engager seule l’entreprise. Après examen des documents transmis, il apparaissait à première vue que la crèche ne se conformait pas aux usages de son secteur notamment sur neuf points liés aux conditions de travail et prestations sociales.

j. Parallèlement à la demande de mise en conformité aux UPE, l’OCIRT a initié, le 15 mars 2021, une procédure de contrôle du respect du salaire minimum et demandé à la crèche de fournir les fiches de salaire de l’ensemble du personnel pour les mois de novembre 2020 et janvier 2021, le mode d’enregistrement du temps de travail du personnel, ainsi que le mode de calcul des salaires annuels et tout autre renseignement en lien avec le système de rémunération.

k. Après avoir reçu un courrier d’avertissement et été invitée à faire valoir son droit d’être entendue avant le prononcé d’une sanction administrative, A______ a donné suite, le 28 septembre 2021, à la demande de pièces de l’OCIRT dans le cadre du contrôle portant sur le respect du salaire minimum.

l. Suite à des échanges de courriers et courriels entre la crèche et l’OCIRT, qui demandait des compléments d’information, deux points restaient en suspens au début de l’année 2022, concernant, d’une part, les justificatifs de stage de deux employées, E______ et F______ ainsi que, d’autre part, les preuves du versement d’un treizième salaire et du taux d’activité d’un employé, G______.

m. Le 9 mars 2022, l’OCIRT a adressé à A______ un ultime avertissement, l’invitant à exercer son droit d’être entendue avant le prononcé d’une sanction administrative, assorti d’un délai au 22 mars 2022 pour régulariser sa situation et se mettre en conformité aux UPE sur les points relevés, ainsi que pour retourner les formulaires d’engagement à respecter les usages dûment complétés et signés par une personne pouvant valablement engager l’entreprise. La crèche devait également procéder aux rattrapages et se mettre en conformité au salaire minimum, et fournir les compléments d’information et de documentation concernant F______ et G______.

Les infractions constatées aux conditions de travail en usage persistaient. Des infractions au salaire minimum, dont les montants étaient rappelés, avaient également été relevées. À défaut de justificatifs, E______ et F______ devaient être considérées comme des aides occupant un premier emploi et non des stagiaires au sens des exceptions au salaire minimum, de sorte que leur rémunération devait être conforme à celui-ci. Les documents requis concernant G______ n’avaient toujours pas été produits, de sorte que l’existence du versement d’un treizième salaire effectivement versé en 2020 et 2021 ne pouvait être retenue. Enfin, il avait été constaté que la rémunération de plusieurs employés de la crèche, de même que celle du personnel rémunéré à l’heure, n’était pas conforme au salaire minimum en 2020 et 2021, de sorte que des rattrapages devaient être effectués pour toutes les personnes concernées.

n. Le 22 mars 2022, A______ a confirmé son refus de signer les engagements à respecter les UPE, estimant que ceux-ci violaient de manière crasse les principes de la liberté du commerce et de l’industrie, de la bonne foi de l’administration ainsi que de l’égalité de traitement.

E______ et F______ n’avaient jamais figuré sur la liste du personnel de la crèche, ce qu’avait confirmé le SASAJ suite à des contrôles, ce dernier n’ayant jamais émis de remarque quant à l’engagement de stagiaires ou à la nécessité de les intégrer au personnel et de les rémunérer comme des salariées. Les intéressées n’avaient pas déployé d’activité réelle, efficace et monnayable pour la crèche, celle-ci ayant simplement rendu service à deux jeunes femmes souhaitant acquérir une expérience professionnelle. Pour « clôturer le débat », elle était néanmoins prête à appliquer à ces personnes le tarif d’une apprentie de 1ère année.

o. Par décision du 14 avril 2022, l’OCIRT a refusé de délivrer à A______ l’attestation visée à l’art. 25 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) pour une durée de deux ans dès de la notification de la décision, lui a infligé une amende administrative de CHF 17'600.- et l’a exclue de tous marchés publics futurs pour une période de deux ans dès le lendemain de l’entrée en force de la décision. Le refus de délivrer l’attestation précitée était exécutoire nonobstant recours.

Ne faisant pas partie d’une collectivité publique ni n’étant soumise à une convention collective de travail, la crèche était tenue de respecter les UPE. Or, dans le cadre de son contrôle, l’OCIRT avait constaté des infractions, lesquelles persistaient vu le refus de A______ de procéder à la régularisation de sa situation, en particulier en matière de :

-          durée hebdomadaire de travail de 42 heures, au lieu de 39 ou 40 heures selon les UPE 2020 ;

-          niveau des salaires en fonction de l’expérience professionnelle ;

-          absence d’octroi de l’annuité ;

-          absence de treizième salaire ;

-          droit annuel aux vacances de cinq semaines, au lieu de sept semaines pour le personnel éducatif selon les UPE 2020 ;

-          couverture assurance maladie de 730 jours à 80% du salaire, au lieu du droit au traitement plein pendant 720 jours selon les UPE 2020 ;

-          répartition de la prime d’assurance perte de gain et maladie (ci-après : APGM) à 50% entre l’employeur et l’employé, au lieu d’une prise en charge à raison de deux tiers par l’employeur et un tiers par l’employé selon les UPE 2020 ;

-          prime de l’assurance accident non professionnel (ci-après : AANP) entièrement à la charge de l’employé, au lieu d’un plafonnement 0.1% de la prime pour le personnel au bénéfice d’un engagement de durée indéterminée selon les UPE 2020 ;

-          couverture assurance maternité de 140 jours à 80% du salaire au lieu du droit au traitement plein pendant 140 jours selon les UPE 2020.

Par ailleurs, le contrôle avait révélé que A______ n’avait pas respecté le salaire minimum à l’égard de E______, engagée comme stagiaire alors qu’elle ne remplissait pas les conditions requises pour être valablement considérée comme telle. La crèche n’avait pas non plus respecté le salaire minimum à l’égard de six de ses employés ainsi que du personnel rémunéré à l’heure ; bien qu’elle avait affirmé s’être mise en conformité pour ces personnes et avoir procédé aux rattrapages, elle n’avait fourni aucun élément permettant de conclure que les corrections nécessaires avaient été effectuées.

Ainsi, la crèche ne s’était pas engagée valablement à respecter les usages, ni mise en conformité malgré les demandes de l’office. Elle n’avait pas respecté son obligation de collaborer en ne fournissant pas une partie des renseignements et documents sollicités nécessaires au contrôle, concernant en particulier la situation de F______ et G______. Elle n’avait pas respecté les dispositions relatives au salaire minimum à l’égard de plusieurs membres de son personnel et n’avait pas démontré avoir rectifié la situation. Il se justifiait, dans ces circonstances, de prononcer à l’encontre de A______ des sanctions administratives ainsi qu’une amende administrative, dont le montant tenait compte de la gravité des infractions, soit le refus de se conformer aux UPE, leur violation sur plusieurs points et la violation de l’obligation de renseigner, empêchant l’OCIRT de procéder au contrôle complet de la crèche et de vérifier le respect du salaire minimum.

Le nom de l’entreprise figurerait par ailleurs sur la liste publiquement accessible de celles ayant été sanctionnées par l’OCIRT. La sanction pouvait être réduite, voire levée, en cas de demande formelle de reconsidération et si la crèche acceptait de se soumettre au contrôle et démontrer que les usages avaient été respectés durant la période correspondant aux créances non prescrites.

C. a. Le 20 avril 2022, A______ a déposé auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) une requête de mesures provisionnelles urgentes visant à la restitution de l’effet suspensif concernant le refus de délivrance de l'attestation déclaré exécutoire nonobstant recours, dans l’attente du dépôt d’un recours sur le fond.

b. Par arrêt du 26 avril 2022, la chambre administrative a déclaré irrecevable la requête en restitution de l'effet suspensif dès lors que, n’ayant pas été saisie d’un recours, elle était incompétente pour ordonner les mesures requises. Par ailleurs, le refus de délivrer une attestation constituant une décision négative, elle ne pouvait par essence pas faire l'objet d'une restitution de l'effet suspensif.

D. a. Le 19 mai 2022, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre la décision du 14 avril 2022, concluant à son annulation.

Elle avait rencontré à plusieurs reprises les responsables du SASAJ en vue de la création et de l’ouverture de la crèche. Ce service avait alors exigé qu’elle se conforme à un très grand nombre d’obligations, en particulier financières et concernant par exemple l’aménagement des locaux, la structure, la formation du personnel ou encore le programme pédagogique. Son projet, ainsi que le règlement du personnel de la crèche, avaient été soumis au SASAJ et validé par ses soins, ce dernier ayant confirmé que toutes les exigences étaient remplies en lui délivrant l’autorisation d’exploiter.

La décision attaquée violait sa liberté économique, dès lors que lui imposer les conditions salariales des UPE – alors qu’elle ne bénéficiait pas des subventions octroyées aux crèches publiques et que ses tarifs étaient plafonnés par l’État – créait une distorsion de concurrence entre elle et les institutions de droit public, ne contribuait pas à la mise en place et au maintien d’un régime de concurrence sain et loyal, et violait la politique en matière de concurrence. Par ailleurs, l’importance des coûts supplémentaires engendrés par les UPE, de l’ordre de 20% en particulier des charges de personnel, l’empêcherait de continuer d’exploiter la crèche. Enfin, le système d’application automatique des UPE, susceptibles de changer chaque année, empêchait la prévisibilité de son budget.

Elle avait été volontairement trompée et induite en erreur par les services étatiques, qui avaient agi contrairement au principe de la bonne foi. Le SASAJ ne l’avait jamais informée, pendant la procédure d’autorisation d’exploiter en 2018, que des usages étaient en cours d’élaboration et seraient prochainement imposés aux crèches privées. Elle avait au contraire dû se conformer à de multiples exigences, notamment financières, pour exploiter sa crèche. Si elle avait alors eu connaissance de l’application automatique des UPE, elle aurait renoncé à son projet. Elle n’avait pas été conviée à la « séance du 1er mars 2019 » à laquelle se référait le courrier du 30 avril 2019, pas plus que ne lui avait été adressé le « courrier du 15 novembre 2018 ».

La disposition légale visant à lui imposer l’application des UPE était, de par sa nature, arbitraire et n’était pas nécessaire pour permettre aux crèches privées de mieux remplir leur mandat, consistant à accueillir et s’occuper des enfants en bas âge. Ce d’autant moins qu’elle appliquait à ses employés à tous le moins les salaires minimaux et que ceux-ci étaient traités d’une manière adéquate, telle que définie par l’État lui-même.

La Constitution genevoise était également violée, dès lors qu’en exigeant des crèches privées qu’elles appliquent automatiquement les conditions salariales prévues par les UPE, la création et l’exploitation de structures d’accueil de jour privées n’était nullement encouragée.

S’agissant enfin des salaires minimaux et de la rémunération des stagiaires, elle avait démontré s’être conformée aux exigences de l’OCIRT et toutes les pièces utiles lui avaient été communiquées avant qu’il ne rende sa décision, à l’exception de certaines preuves de paiements intervenus entre fin mars et mi-avril 2022. Elle ne pouvait pas être contrainte de rémunérer ses stagiaires comme des employés, dès lors que cela rendrait les coûts insupportables et diminuerait les chances pour la jeunesse de bénéficier d’une expérience professionnelle dans le privé avant d’entrer dans la vie active. En l’occurrence, ses deux stagiaires visées par la décision litigieuse n’avaient déployé au sein de la crèche aucune activité réelle et effective. Le DIP lui-même avait attesté qu’elles ne faisaient pas partie de l’effectif lors de ses pointages des mois de juillet 2019 et décembre 2021 ; l’OCIRT ne pouvait pas prétendre que ce constat n’était valable que pour les deux mois concernés et non pour toute la période entre les deux pointages.

D’une manière générale, l’application automatique des usages compromettait l’existence des crèches privées, dans un canton souffrant de pénurie de places d’accueil pour la petite enfance. La problématique avait d’ailleurs été relayée par la presse, qui avait relevé à juste titre que l’OCIRT et le SASAJ « se renvo[yaient] la balle ». C’était dans ce contexte qu’une motion avait été déposée auprès du Grand Conseil pour demander la suspension sans délai de l’obligation d’appliquer les UPE aux crèches privées.

Des réquisitions de production de pièces ainsi qu’une liste de témoins étaient jointes au recours, de même que des extraits d’ordres de paiements du 29 mars 2022 et les décompte de salaire du mois de mars 2022 des employés dont la situation était visée par la décision attaquée.

b. Le 30 mai 2022, la recourante a produit un bordereau de pièces et une liste de témoins actualisée, concernant un courrier adressé par la directrice de trois crèches privées à la commission du Grand Conseil en charge du traitement de la motion M 2789, l’interpellant sur la problématique de l’application des UPE et sollicitant son audition.

c. L’OCIRT a répondu au recours le 7 juillet 2022, concluant à son rejet et à la confirmation de sa décision du 14 avril 2022.

Il avait été mandaté pour la constatation des UPE et avait établi, en 2018, les documents reflétant les conditions de travail et prestations sociales en usage dans le secteur. Ceux-ci avaient été élaborés et étaient entrés en vigueur le 1er novembre 2018, puis mis à jour en 2019 et 2020, soit après que l’autorisation d’exploiter la crèche eût été délivrée à la recourante le 14 mai 2018. Contrairement à ce que celle‑ci alléguait, le nom de l’adjointe de direction figurait à côté de la mention « crèche A______ » sur la liste des personnes inscrites à la séance d’information du 1er mars 2019 sur la mise en place du nouveau dispositif. La crèche avait par ailleurs reçu tous les courriers relatifs à l’application des usages.

Le DIP et ses services, qui étaient compétents pour autoriser et surveiller les structures d’accueil préscolaire, avaient la maîtrise du « principe » de l’application des UPE. S’agissant de « l’application des UPE en tant que telle », soit le contrôle de leur respect et le prononcé de sanctions en cas d’infractions, cette compétence était exercée par l’OCIRT, celui-ci ne disposant toutefois pas de marge de manœuvre pour ce faire. Dès lors, les griefs de la recourante fondés sur le principe même de l’application des UPE, lequel était ancré dans la loi, étaient infondés. Elle ne pouvait notamment pas tirer de droits des dispositions qu’elle invoquait concernant la politique en matière de concurrence ou relatives à l’encouragement de la création et de l’exploitation de structures d’accueil de jour privées. Son grief en lien avec l’interdiction de l’arbitraire était infondé ; d’une part, elle était forclose pour contester la constitutionnalité de la loi elle-même et, d’autre part, les dispositions légales imposant l’observation des UPE avaient pour but la protection des travailleurs, répondant à des motifs sérieux et objectifs.

Il n’y avait pas d’inégalité de traitement entre concurrents économiques s’agissant de l’application des UPE, dès lors que toutes les structures genevoises d’accueil de la petite enfance, publiques ou privées, subventionnées ou non, devaient les respecter. Si les griefs de la recourante semblaient résider dans l’octroi de subventions à certaines crèches, l’OCIRT n’était pas compétent pour juger des critères d’octroi de ces aides, ni pour les accorder. Toutefois, même à considérer que la liberté économique de la recourante pouvait être restreinte par l’octroi de ces subventions, l’État se conformait aux principes généraux régissant toute activité administrative et les conditions de restriction des droits fondamentaux étaient remplies.

L’introduction des UPE ne relevait pas d’une décision de l’administration, mais était ancrée dans une nouvelle loi. Or, le principe de la bonne foi ne faisait en principe pas obstacle à une modification législative et aucune assurance particulière quant au maintien de la législation n’avait été donnée aux institutions au bénéfice d’une autorisation d’exploiter avant son entrée en vigueur. Outre que le grief de la recourante semblait dirigé contre le SASAJ, la chronologie des faits démontrait qu’un régime transitoire avait été mis en place et que l’introduction des usages avait été effectuée à un rythme permettant aux administrés de procéder aux ajustements nécessaires. La crèche avait ainsi disposé de plus d’une année dès l’entrée en vigueur des UPE avant que la surveillance formelle ne soit effective. L’attente que pouvait susciter le dépôt d’une motion auprès du Grand Conseil n’était pas protégée par le principe de la confiance. En invoquant une possible modification législative, la recourante reconnaissait que la situation actuelle trouvait son origine dans la loi.

S’agissant du respect des salaires minimaux, c’était à raison qu’il avait exigé des preuves que les rattrapages salariaux exigés avaient été effectués, que la crèche n’était pas parvenue à apporter dans le délai imparti. Les pièces produites au stade du recours l’étaient tardivement et ne constituaient pas des preuves que les ordres de paiement avaient été exécutés. Enfin, E______ et F______ ne pouvaient pas être considérées comme des stagiaires et devaient être traitées comme des travailleuses soumises au salaire minimum. Durant les deux périodes précises lors desquelles le DIP avait procédé à un contrôle, les précitées n’étaient pas employées de la crèche ; elles ne l’étaient pas encore lors du premier contrôle en juillet 2019 et ne l’étaient plus lors du second en décembre 2021.

d. Le 11 août 2022, la recourante a sollicité la suspension de l’instruction de son recours, vu la proposition de motion M 2789 « Pour mettre fin à l’étranglement des crèches privées », déposée le 20 septembre 2021 auprès du Grand Conseil et traitée par la commission de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et du sport. Cette motion visait notamment à suspendre sans délai l’application obligatoire, pour les structures de la petite enfance non-subventionnées, des UPE 2020 établis par l’OCIRT.

e. Invité à se déterminer, l’OCIRT s’est opposé, le 2 septembre 2022, à la demande de suspension.

La décision querellée ne portait pas uniquement sur la violation des UPE, mais également et principalement sur la violation du salaire minimum genevois et le refus de la crèche de s’y conformer pour deux collaboratrices considérées à tort comme des stagiaires. Le contrôle opéré concernant le salaire minimum n’avait abouti, en mars 2022, qu’à une mise en conformité partielle de la recourante, cette dernière ayant, d’une part, contesté la qualification du statut de E______ et F______ et refusé d’effectuer les rattrapages pour ces deux collaboratrices engagées comme stagiaires sans motif valable et n’ayant, d’autre part, pas fourni la preuve de l’entier des rattrapages demandés. Indépendamment du sort réservé par le Grand Conseil aux UPE et à leur application, demeurait ainsi l’aspect du non-respect du salaire minimum.

f. Le 13 septembre 2022, la juge déléguée a prolongé une ultime fois au 16 septembre 2022 le délai pour répliquer et indiqué que la cause serait ensuite gardée à juger tant sur la demande de suspension que sur le fond.

g. Le 15 septembre 2022, la recourante a répliqué et persisté dans ses conclusions et son argumentation.

L’OCIRT ne pouvait pas prétendre n’être qu’un organe d’exécution dont l’activité de contrôle n’était pas tenue au respect des principes juridiques mis en cause, notamment de la libre concurrence, de la liberté économique, de la confiance ou encore de la bonne foi.

Il n’existait pas d’intérêt public prépondérant à ce que les travailleurs de la petite enfance, fonctionnaire ou employé d’entités privées, soient rémunérés de manière identique alors même que le canton de Genève connaissait un salaire minimum. L’application des UPE n’était pas proportionnée, dès lors que l’État subventionnait les entités publiques et que les coûts salariaux engendrés pour les crèches privées étaient exorbitants. Le principe de la neutralité concurrentielle n’était ainsi pas respecté, ce d’autant moins que l’intimé était un organe étatique agissant comme un exécutant d’un concurrent direct.

Elle avait transmis à l’OCIRT tous les documents nécessaires attestant de ses paiements effectués en faveur des salariés visés par le contrôle. Il n’était pas acceptable que l’intimé, en alléguant que les fiches de salaires établies par la crèche n’étaient pas suffisantes, parte du principe qu’elle se rendait potentiellement coupable de faux dans les titres et mentait à dessein. De même, il n’était pas admissible de prétendre qu’elle violait volontairement le statut de ses stagiaires pour en profiter.

Elle restait dans l’attente d’une décision incidente sujette à recours sur sa requête de suspension. S’agissant de la position de l’intimé à ce sujet, les questions du respect du salaire minimum et du statut des stagiaires étaient très accessoires par rapport à la question principale du présent litige, soit l’application automatique des usages aux crèches privées.

h. Le 19 septembre 2022, la juge déléguée a confirmé aux parties que la cause était gardée à juger, y compris sur la demande de suspension.

i. Le 12 décembre 2022, la recourante, dans une écriture spontanée, a exposé que la disposition imposant l’application des UPE violait le principe de la force dérogatoire du droit fédéral et que les dispositions de la loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr – RS 822.11), ne laissant plus de compétence aux cantons notamment pour subordonner l’octroi d’une autorisation au respect d’une CCT, en empêchaient l’application. De même, une application élargie des dispositions de la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02) devait lui permettre de s’activer dans le canton de Genève puisqu’elle remplissait, par l’entremise du groupe auquel elle appartenait, toutes les exigences d’exploitation du canton de Vaud.

j. Le 11 janvier 2023, l’OCIRT a précisé que les UPE ne faisaient que refléter les conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève et n’ajoutaient rien en matière de santé et de sécurité au travail, de sorte qu’ils ne contredisaient pas la loi fédérale. Par ailleurs, l’obligation pour la recourante de respecter les usages genevois ne pouvait pas être considérée comme une barrière à sa mobilité sur le marché suisse. Elle ne pouvait prétendre que l’autorisation accordée dans le canton de Vaud à une société fille du groupe devrait habiliter une autre société fille du groupe à offrir ses services dans un autre canton sans y demander d’autorisation.

k. Le 3 février 2023, la recourante a estimé que l’argumentation de l’OCIRT était fausse et inadéquate.

l. Le 6 juillet 2023, la recourante a relevé la nouvelle teneur de la loi genevoise « entrée en vigueur le 1er juillet 2023 », selon laquelle le respect des UPE ne constituait désormais plus une condition pour la délivrance et le maintien de l’autorisation d’exploiter.

m. Sur ce, la cause est restée gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante a déposé à l’appui de son recours des réquisitions de production de pièces, ainsi que deux listes de témoins.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que la juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; 141 III 28 consid. 3.2.4).

2.2 En l’espèce, une partie des pièces requises a été produite à l’appui des écritures de l’intimé. Par ailleurs, la recourante n’explique pas sur quels éléments pourrait porter l’audition de témoins, ni dans quelle mesure celle-ci pourrait avoir une influence sur l’issue du litige. Ainsi, le dossier en mains de la chambre de céans contient toutes les pièces lui permettant de trancher le litige en connaissance de cause et il ne sera pas donné suite aux demandes d’instruction de la recourante.

3.             La recourante sollicite la suspension de la procédure, tandis que l’intimé s’y oppose.

3.1 Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA). L'art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/1493/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3b et l'arrêt cité).

3.2 En l’espèce, le motif pour lequel la recourante sollicite la suspension de l’instruction de son recours, à savoir le dépôt au Grand Conseil de la motion M 2789 et son traitement par la commission compétente, ne constitue pas une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité au sens de la disposition précitée, de sorte qu’elle ne s’applique pas. Par ailleurs, une suspension au sens de l'art. 78 LPA n'est pas envisageable, faute d'accord des parties en ce sens ou de réalisation de l'une des autres hypothèses de cette disposition.

Il n’y a en conséquence pas lieu de prononcer la suspension de la présente procédure.

4.             Le présent litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’intimé sanctionnant la recourante sur la base du constat de plusieurs infractions, soit le refus de se conformer aux UPE, la violation de ces usages sur plusieurs points, le non-respect des dispositions relatives au salaire minimum, ainsi que la violation de son obligation de renseigner.

5.             Selon un principe général de droit intertemporel, rappelé dans l’arrêt 2C_339/2021 du Tribunal fédéral du 4 mai 2022 (consid. 4.1), les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci (ATF 146 V 364 consid. 7.1 ; 140 V 41 consid. 6.3.1). L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) des lois fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 147 V 156 consid. 7.2.1).

En l’occurrence, la décision attaquée porte sur des faits constatés entre l’entrée en vigueur des UPE 2020 et du salaire minimum, soit le 1er septembre, respectivement 1er novembre 2020 et la fin du mois de mars 2022 après les derniers échanges intervenus entre les parties, avant que la décision ne soit rendue.

6.             D’une manière générale, les usages devant être respectés dans les différents secteurs d’activités, de même que le respect du salaire minimum genevois sont régis par la LIRT et son règlement d’application, dans leur teneur en vigueur au moment des faits.

6.1 Aux termes de l’art. 23 LIRT, l’OCIRT est l'autorité compétente chargée d'établir les documents qui reflètent les conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève, sur la base des directives émises par le conseil de surveillance (al. 1). Pour constater les usages, l’office se base notamment sur les conventions collectives de travail, les contrats-types de travail, les résultats de données recueillies ou d’enquêtes menées auprès des entreprises, les travaux de l’observatoire dont son calculateur des salaires ainsi que sur les statistiques disponibles en la matière (al. 2). Les usages ne peuvent en aucun cas prévoir un salaire minimum inférieur à celui fixé à l'art. 39K (al. 2bis). Sauf exception reconnue par le conseil de surveillance, les conventions collectives de travail qui ont fait l'objet d'une décision d'extension sont réputées constituer les usages du secteur concerné. L'al. 2bis est réservé (al. 3). L'office met ces informations à disposition du public intéressé par tout moyen approprié, notamment par le biais de l’Internet (al. 4).

6.2 Selon l’art. 25 al. 1 LIRT, dans sa teneur en vigueur au moment des faits, toute entreprise soumise au respect des usages, en vertu d'une disposition légale, réglementaire ou conventionnelle, doit en principe signer auprès de l'office un engagement de respecter les usages. L'office délivre à l'entreprise l'attestation correspondante, d'une durée limitée. L’al. 2 précise que l'engagement vaut pour l'ensemble du personnel concerné et prend effet au jour de sa signature.

6.3 À teneur de l’art. 26 LIRT, le département est compétent pour contrôler le respect des usages au sein des entreprises concernées. Cette compétence est exercée par l’OCIRT, sous réserve de l’al. 2. L’inspection paritaire a également la faculté d’effectuer de tels contrôles (al. 1). Dans les secteurs couverts par une convention collective de travail étendue, le département peut déléguer aux associations contractantes le contrôle du respect des usages, par le biais d'un contrat de prestations (al. 2).

6.4 Selon l’art. 26A LIRT, dans sa teneur en vigueur au moment des faits, les entreprises en infraction aux usages font l’objet des sanctions prévues à l’art. 45 (al. 1). L’art. 45 al. 1 let. a, est applicable lorsqu’une entreprise conteste les usages que l’office entend lui appliquer (al. 2).

6.5 Aux termes de l’art. 40 du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 (RIRT - J 1 05.01), dans sa teneur en vigueur au moment des faits, l'OCIRT délivre l'attestation du respect des usages sur demande de l'entreprise (al. 1). Il peut surseoir à la délivrance de l'attestation, si, au moment où l'attestation est demandée, l'office dispose d'indices laissant présumer que l'entreprise ne respecte pas les usages. Dans ce cas, l'attestation n'est délivrée qu'au terme du contrôle permettant à l'OCIRT de constater que l'entreprise respecte les usages applicables à son secteur d'activité (al. 2). La durée de validité de l'attestation délivrée par l'OCIRT est de trois mois, sous réserve de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles prévoyant une durée inférieure (al. 3).

6.6 Selon l’art. 42 RIRT, dans sa teneur en vigueur au moment des faits, dans le cadre du contrôle du respect des usages, l'employeur est tenu de donner accès à ses locaux à l'OCIRT ou à la commission paritaire chargée du contrôle par délégation (al. 1). Il tient à leur disposition ou fournit à leur demande toutes pièces utiles à l'établissement du respect des usages (al. 2). Les pièces considérées comme utiles sont détaillées à l’al. 3, et comprennent notamment le règlement et l'organigramme de l'entreprise, les contrats de travail, les horaires effectifs détaillés (durée du travail, début et fin du travail, pauses, jours de congé, vacances), les attestations de salaire détaillées et les décomptes de cotisations sociales.

6.7 Selon l’art. 42 al. 4 RIRT, dans sa teneur en vigueur au moment des faits, l'OCIRT refuse de délivrer l'attestation du respect des usages à l'employeur qui enfreint son obligation de collaborer et ne fournit pas les renseignements ou pièces dans le délai imparti ; il procède conformément à l’art. 42A RIRT. Ce dernier prévoit qu’en cas d'infraction aux usages ou de refus de renseigner au sens de l’art. 42 al. 4 RIRT, l'OCIRT notifie à l'entreprise un avertissement et lui accorde un délai pour se mettre en conformité (al. 1). Si le contrevenant ne donne pas suite dans les délais, l’OCIRT prononce les sanctions prévues à l'art. 45 al. 1 LIRT (al. 2).

6.8 Depuis le 31 octobre 2020, à la suite de l’adoption le 27 septembre 2020 de l’initiative populaire législative cantonale n° 173 « 23 frs, c'est un minimum! », la LIRT – outre son but originel de définir le rôle et les compétences en matière de prévention des risques professionnels et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, de relations du travail et de paix sociale, de conditions de travail et de prestations sociales en usage à Genève, de collecte de données relativement aux entreprises et de main-d’œuvre étrangère (art. 1 al. 1 LIRT), de travailleurs détachés (art. 1 al. 2 LIRT) et de travail au noir (art. 1 al. 3 LIRT) – institue un salaire minimum afin de combattre la pauvreté, de favoriser l’intégration sociale et de contribuer ainsi au respect de la dignité humaine et définit les rôles et les compétences pour la mise en œuvre de ce salaire minimal (art. 1 al. 4 LIRT).

Le salaire minimum est réglé au chapitre IVB de la LIRT. Les relations de travail des travailleurs accomplissant habituellement leur travail dans le canton y sont soumises (art. 39I LIRT), mais non les contrats d’apprentissage, les contrats de stage et les contrats conclus avec des jeunes gens de moins de 18 ans (art. 39J LIRT).

Le salaire minimum est de CHF 23.- par heure (art. 39 K al. 1 LIRT), et il est indexé chaque année sur la base de l’indice des prix à la consommation, mais uniquement en cas de hausse (art. 39K al. 3 LIRT). L’OCIRT est chargé de l’application des dispositions sur le salaire minimum (art. 2 al. 1 LIRT).

6.9 Par arrêté relatif au salaire minimum légal pour 2020 et 2021 du 28 octobre 2020 (ArSML – J 1 05.03), le Conseil d’État a arrêté le salaire horaire minimum à CHF 23.- dès le 1er novembre 2020, à CHF 23.14 dès le 1er janvier 2021 (art. 1 al. 1 ArSML) et à CHF 23.27 dès le 1er janvier 2022 (ArSML du 3 novembre 2021).

6.10 Aux termes de l’art. 39J let. b LIRT, les dispositions sur le salaire minimum ne sont pas applicables aux contrats de stage s'inscrivant dans une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation cantonale ou fédérale. Le Conseil de surveillance du marché de l'emploi statue en cas de litige relatif à l'admission d'une exception au sens de la présente lettre.

L’art. 56E al. 1 RIRT précise que les contrats de stage au sens de la disposition précitée sont les stages : d'orientation entre deux formations (let. a) ; ou de réinsertion professionnelle, respectivement sociale, régis par le droit fédéral ou cantonal (let. b) ; ou de réinsertion professionnelle, respectivement sociale, organisés par les communes, sous réserve de l'approbation unanime du conseil de surveillance (let. c) ; ou prévus dans un cursus de formation (let. d) ; ou validés par un institut de formation (let. e).

6.11 Selon l’art. 39N LIRT, l'office peut prononcer une amende administrative de CHF 30'000.- au plus lorsqu'un employeur ne respecte pas le salaire minimum prévu à l'art. 39K. Ce montant de l'amende administrative peut être doublé en cas de récidive (al. 1). L'office peut également mettre les frais de contrôle à la charge de l'employeur (al. 2).

6.12 À teneur de l’art. 45 al. 1 LIRT, lorsqu'une entreprise visée par l'art. 25 ne respecte pas les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage ou le salaire minimum prévu à l'art. 39K, l'OCIRT peut prononcer : (a) une décision de refus de délivrance de l'attestation visée à l'art. 25 pour une durée de trois mois à cinq ans ; la décision est immédiatement exécutoire ; (b) une amende administrative de CHF 60'000.- au plus ; (c) l'exclusion de tous marchés publics pour une période de cinq ans au plus. Selon l’al. 2, les mesures et sanctions visées à l’al. 1 sont infligées en tenant compte de la gravité et de la fréquence de l’infraction ainsi que des circonstances dans lesquelles elle a été commise. Elles peuvent être cumulées.

7.             Le principe et l’application des usages au secteur de la petite enfance sont régis par la loi sur l’accueil préscolaire du 12 septembre 2019 (LAPr – J 6 28).

7.1 À teneur de l’art. 1 LAPr, celle-ci s’applique à toutes les structures d’accueil soumises à surveillance autorisées à exercer une activité conformément à la législation fédérale et cantonale sur le placement d’enfants hors du milieu familial (al. 1), ainsi qu’à l’accueil familial de jour et aux structures qui en assurent la coordination (al.2).

7.2 Selon l’art. 3 let. a LAPr, sont des structures d’accueil préscolaire, les institutions qui accueillent collectivement les enfants d’âge préscolaire, dites à prestations élargies, celles qui sont ouvertes au moins 45 heures par semaine, avec repas de midi et une ouverture annuelle sur au moins 45 semaines (ch.1), le cas échéant à prestations restreintes, lorsqu’elles ne remplissent pas les trois conditions cumulatives précitées (ch.2).

7.3 Aux termes de l’art. 30 al. 1 LAPr, le département en charge de l’instruction publique autorise et surveille les structures d’accueil préscolaire sur tout le territoire cantonal en application des dispositions fédérales et cantonales relatives aux mineurs placés hors du foyer familial.

7.4 Selon l’art. 30 al. 2 let. f LAPr, dans sa teneur en vigueur au moment des faits, la délivrance et le maintien de l’autorisation d’exploitation d’une structure d’accueil préscolaire sont subordonnés notamment au respect par l’exploitant d’une convention collective de travail pour le personnel de la petite enfance ou du statut du personnel de la collectivité publique dont la structure fait partie, ou des conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève, au sens de la LIRT.

7.5 Une motion M 2789 « Pour mettre fin à l’étranglement des crèches privées », a été déposée le 20 septembre 2021 auprès du Grand Conseil et traitée par la commission de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et du sport. Cette motion, visant notamment à suspendre sans délai l’application obligatoire, pour les structures de la petite enfance non-subventionnées, des UPE 2020 établis par l’OCIRT a été votée par le Grand Conseil le 14 octobre 2022 et invite le Conseil d’État à procéder à toute modification législative ou réglementaire nécessaire à favoriser le maintien et la création de structures de la petite enfance non subventionnées.

Parallèlement à cette motion, un projet de loi PL 13184 modifiant la LAPr « Pour permettre aux crèches non subventionnées d’offrir une alternative aux familles » a été déposé au Grand Conseil le 26 septembre 2022. Sa teneur est la suivante :

« Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève décrète ce qui suit :

Art. 1 Modification

La loi sur l’accueil préscolaire du 12 septembre 2019 (LAPr – J 6 28) est modifiée comme suit :

Art. 30, al. 2, lettre f (nouvelle teneur)

2 La délivrance et le maintien de l’autorisation d’exploitation d’une structure d’accueil préscolaire sont subordonnés :

f) au respect par l’exploitant d’une convention collective de travail pour le personnel de la petite enfance ou du statut du personnel de la collectivité publique dont la structure fait partie, ou à défaut du salaire minimum prévu à l’article 39K de la loi sur l'inspection et les relations du travail, du 12 mars 2004 ;

Art. 2 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur au lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle. »

Ce projet de loi a été adopté le 23 juin 2023 et la modification de l’art. 30 al. 2 let. f LAPr entrera en vigueur, sous réserve de l’aboutissement d’un référendum, au plus tôt le 16 septembre 2023, étant précisé que le cadre légal actuel reste applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de cette modification.

8.             En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante est une structure d’accueil préscolaire privée, non subventionnée, qui n’est pas soumise à une CCT ni membre d’une collectivité publique. Il y a en conséquence lieu de considérer qu’elle est tenue, conformément à la législation en vigueur, soit les dispositions de la LIRT et l’art. 30 al. 2 let. f LAPr, au respect des usages. Elle a ainsi été informée par l’intimé de l’entrée en vigueur des UPE 2020 et de la nécessité de procéder aux ajustements qui s’imposaient afin de respecter les conditions de travail et de salaires en usage. Elle a par ailleurs été invitée à signer l’engagement à respecter les usages. Elle n’a toutefois pas valablement signé cet engagement, manifestant son opposition à ce que les UPE 2020 lui soient appliqués ainsi que son refus de s’y conformer, et maintenant sa position au fil des échanges qu’elle a eus tant avec l’OCIRT qu’avec le SASAJ.

Dans ce contexte, l’intimé a procédé à un contrôle du respect des usages sur la base de plusieurs documents remis par la recourante. Relevant un certain nombre d’infractions aux UPE 2020, l’intimé a invité la crèche à procéder à la régularisation de sa situation et à sa mise en conformité sur les points concernés. Cette dernière a toutefois persisté dans son refus, ce qui a conduit l’intimé à rendre la décision litigieuse, retenant à son encontre neuf infractions aux UPE 2020 en matière de durée hebdomadaire de travail ; niveau des salaires en fonction de l’expérience professionnelle ; absence d’octroi de l’annuité ; absence de treizième salaire ; droit annuel aux vacances ; couverture assurance-maladie ; répartition de la prime APMG ; prise en charge de la prime AANP ; couverture assurance maternité.

La recourante ne conteste pas ne pas respecter les conditions de travail et prestations sociales en usage sur les points précités.

Parallèlement au contrôle du respect des usages, l’OCIRT a initié une procédure de contrôle du respect du salaire minimum et demandé à la recourante de produire, dans ce cadre un certain nombre de pièces liées à la rémunération de son personnel. À l’issue de ce contrôle, l’intimé a constaté que la crèche n’appliquait pas une rémunération conforme aux dispositions en matière de salaire minimum à l’égard de six membres de son personnel, ainsi que du personnel rémunéré à l’heure. Un rattrapage portant sur les années 2020 et 2021 devait être effectué pour chacune des personnes concernées. La recourante ne conteste pas ce qui précède, ni les montants retenus par l’OCIRT. Toutefois, à la date de la décision litigieuse, elle n’avait pas démontré avoir procédé aux versements.

L’intimé retient par ailleurs qu’une employée, considérée comme stagiaire par la crèche, devait être considérée comme aide et rémunérée conformément au salaire minimum genevois, ce qui n’avait pas été le cas, de sorte qu’un rattrapage en sa faveur devrait être effectué. La recourante soutient que la personne concernée aurait été stagiaire ne faisant pas partie de l’effectif, ce que confirmeraient deux contrôles opérés par le SASAJ, et que celle-ci n’aurait pas déployé d’activité réelle et effective au sein de la crèche, de sorte qu’elle n’avait pas à être rémunérée au salaire minimum. Il ressort toutefois du dossier, en particulier du contrat de travail du 20 août 2020, que l’intéressée a été engagée du 24 août 2020 au 31 mai 2021 en qualité de « stagiaire ». La recourante n’est toutefois pas parvenue à démontrer dans quelle mesure le « stage » s’inscrirait dans le cadre d’une formation scolaire ou professionnelle au sens de l’art. 39J let. b LIRT et réaliserait les conditions d’exception à l’application du salaire minimum énumérées à l’art. 56E al. 1 RIRT. Par ailleurs, le SASAJ a effectué deux pointages du personnel de la crèche en juillet 2019 et décembre 2021, soit hors de la période d’emploi de la personne concernée, de sorte qu’il n’est pas possible d’en déduire que ce service aurait validé sa qualité de stagiaire. Partant, c’est à juste titre que l’intimé a constaté l’infraction, considérant qu’elle devait être rémunérée au salaire minimum et que la recourante doit procéder au rattrapage.

Il est également reproché à la recourante de n’avoir pas fourni les renseignements et documents demandés nécessaires au contrôle concernant la rémunération et le taux d’activité d’un employé, ainsi que la durée des rapports de travail et le statut d’une employée, considérée comme stagiaire par la crèche.

La recourante ne conteste ni son assujettissement à l’obligation d’informer, ni avoir reçu les demandes successives de l’OCIRT, ni ne pas y avoir pas donné suite avant que ne soit rendue la décision attaquée, se limitant à reprocher à l’intimé d’avoir statué avec célérité. C’est ainsi conformément à la loi que l’intimé a retenu qu’elle avait violé son obligation de collaborer.

La recourante a finalement transmis des documents, relatifs notamment aux versements des sommes liées aux rattrapages qu’elle devait effectuer. Ce n’est toutefois que dans le cadre de son recours devant la chambre de céans qu’elle l’a fait. De jurisprudence constante, elle ne saurait en tirer argument, l’infraction de violation de l’obligation de collaborer ayant été consommée (ATA/930/2019 du 21 mai 2019 consid. 6 ; ATA/553/2018 du 5 juin 2018 consid. 4). L’intimé relève à raison que la collaboration des entreprises est essentielle pour l’application de la loi, dès lors que les renseignements et les pièces fournis par les employeurs sont seuls à même de permettre d’effectuer des contrôles et notamment la vérification que les conditions de travail, de rémunération et d’assurance sont respectées.

Compte tenu de ce qui précède, l’intimé a prononcé à l’encontre de la recourante les sanctions et une amende administratives telles que prévues à l’art. 45 al. 1 LIRT et conformément à cette disposition.

9.             Si la recourante ne conteste pas, en tant que telles, les infractions relevées par l’intimé dans le cadre de son contrôle lié au respect des UPE, elle remet en cause le principe et l’application de l’art. 30 al. 2 let. f LAPr dans sa teneur au moment des faits, la contraignant, en tant que crèche privée, au respect des UPE en matière de conditions de travail et de prestations sociales.

9.1 De jurisprudence constante, la chambre administrative est habilitée à revoir, à titre préjudiciel et à l’occasion de l’examen d’un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral (ATA/675/2021 du 29 juin 2021 consid. 6 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3e éd., 2012, p. 345 ss n. 2.7.3). Cette compétence découle du principe de la primauté du droit fédéral sur le droit des cantons, ancré à l’art. 49 Cst. (ATF 138 I 410 consid. 3.1 ; ATA/397/2021 du 13 avril 2021 consid. 6). D’une manière générale, les lois cantonales ne doivent rien contenir de contraire à la Cst., aux lois et ordonnances du droit fédéral (ATF 145 IV 10 consid. 2.1 ; ATA/1299/2020 du 15 décembre 2020 consid. 4a ; Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/ Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 4e éd., 2021, p. 33 ss n. 1982 ss). Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonale des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Toutefois, dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (ATA/1367/2019 du 10 septembre 2019 consid. 6b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., p. 352 ss n. 2.7.4.2).

La juridiction constitutionnelle suisse consacre de façon générale le système diffus de contrôle de constitutionnalité. Toute autorité chargée de l’application des normes doit examiner si celles-ci sont conformes au droit supérieur et, si tel n’est pas le cas, refuser de les mettre en œuvre. Cette obligation est désignée par l’expression « contrôle préjudiciel général » (Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, op. cit., p. 733 n. 1982). Le contrôle préjudiciel général s’exerce également sur les actes législatifs cantonaux, en tout cas dans la mesure où leur conformité au droit fédéral et au droit international est en cause. Cette conclusion s’impose en vertu du principe de la primauté du droit fédéral sur le droit cantonal (art. 49 al. 1 Cst. ; Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, op. cit., p. 736 n. 1991).

9.2 Selon l’art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l’activité de l’État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l’exigence de la base légale. Le premier signifie que l’autorité doit respecter l’ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l’autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action devant avoir un fondement dans une loi (ATA/43/2022 du 18 janvier 2022 consid. 5 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., p. 621s, 624 et 650 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 448, 467 ss et 476 ss).

10.         La recourante se plaint d’une violation des principes de la liberté économique et de l’ordre économique.

10.1 L'art. 27 Cst. garantit la liberté économique, qui comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique privée et son libre exercice et protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu (ATF 135 I 130 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 4.1 ; 2C_32/2015 du 28 mai 2015 consid. 5.1).

Une restriction à cette liberté est admissible, aux conditions de l’art. 36 Cst. Toute restriction doit ainsi se fonder sur une base légale (al. 1), être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3). Sous l’angle de l’intérêt public, sont autorisées les mesures de police, les mesures de politique sociale ainsi que les mesures dictées par la réalisation d’autres intérêts publics (ATF 125 I 322 consid. 3a). Sont en revanche prohibées les mesures de politique économique ou de protection d’une profession qui entravent la libre concurrence en vue de favoriser certaines branches professionnelles ou certaines formes d’exploitation (art. 94 al. 1 Cst. ; ATF 140 I 218 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_138/2015 précité consid. 4.1).

De plus, pour être conforme au principe de la proportionnalité, une restriction à un droit fondamental doit être apte à atteindre le but visé, lequel ne peut pas être obtenu par une mesure moins incisive ; il faut en outre qu’il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_138/2015 précité consid. 4.1).

La liberté économique comprend également le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique. Selon ce principe, déduit des art. 27 et 94 Cst., sont prohibées les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique (ATF 143 II 598 consid. 5.1; 143 I 37 consid. 8.2). On entend par concurrents directs les membres de la même branche économique qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins. L'égalité de traitement entre concurrents directs n'est pas absolue et autorise des différences, à condition que celles-ci reposent sur une base légale, qu'elles répondent à des critères objectifs, soient proportionnées et résultent du système lui-même ; il est seulement exigé que les inégalités ainsi instaurées soient réduites au minimum nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public poursuivi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1149/2018 du 10 mars 2020 consid. 5.2 et les références).

10.2 En l’espèce, il ne peut être nié que le respect des UPE est susceptible d’engendrer pour la recourante, qui ne perçoit pas de subvention et doit respecter un plafond pour fixation de ses tarifs, une augmentation de ses charges.

Toutefois, à considérer que sa liberté économique serait ainsi restreinte, cette restriction repose sur une base légale, l’art. 30 al. 2 let. f LAPr. Par ailleurs, l’imposition du respect des UPE aux institutions qui ne sont pas parties à une CCT ni membre d’une collectivité publique, d’une part, répond aux intérêts publics évidents que sont la protection des conditions salariales et prestations sociales des travailleurs du secteur de la petite enfance et la garantie de la qualité de l’encadrement des enfants accueillis et, d’autre part, est apte à atteindre ce but.

Il y a également lieu de relever que les conditions de travail et prestations sociales en usage dans le domaine de la petite enfance à Genève, qu’elles soient établies dans une CCT, la réglementation d’une collectivité publique ou les UPE, sont applicables à l’ensemble des institutions du secteur, privées ou publiques, qu’elles soient subventionnées ou non, de sorte que la recourante ne peut pas se prévaloir d’une inégalité de traitement. Ce d’autant moins qu’il n’y a pas lieu, et la recourante ne l’allègue pas, de remettre en question le principe de l’octroi par l’État de subventions.

11.         Selon la recourante, l’imposition de l’application des UPE serait contraire au principe de la bonne foi et reposerait sur une disposition légale arbitraire.

11.1 Le principe de la bonne foi entre administration et administré exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 ; 1C_173/2017 du 31 mars 2017 consid. 2.3). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7).

11.2 Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. Une décision ou un arrêté est arbitraire lorsqu’il ne repose sur aucun motif sérieux et objectif ou n’a ni sens ni but (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 136 II 120 consid. 3.3.2 ; 133 I 249 consid. 3.3 ; 131 I 1 consid. 4.2 ; 129 I 113 consid. 5.1). L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3 et les arrêts cités).

11.3 En l’espèce, la recourante se plaint d’avoir été mise devant le fait accompli et volontairement trompée et induite en erreur pour ne pas avoir été informée, lors de la procédure ayant conduit à la délivrance de son autorisation d’exploiter en 2018, de la prochaine entrée en vigueur des UPE et de l’obligation de s’y conformer. Elle allègue que si elle avait alors connu les conditions, notamment financières, dont le respect lui serait imposé, elle aurait renoncé à son projet de crèche.

Il ressort cependant du dossier que, si les usages sont entrés en vigueur le 1er novembre 2018, soit après la création de la crèche, la recourante a été informée au plus tôt au début de l’année 2019 de leur mise en application et de la nécessité de s’y conformer. En effet, alors qu’elle allègue n’avoir pas pris part à la séance d’information du 1er mars 2019 à ce sujet, il ressort du dossier et en particulier de la liste des participants à cette séance, produite par l’intimé, qu’une de ses représentantes y était inscrite. Par ailleurs, un régime transitoire a été mis en place et, comme le relève à juste titre l’intimé, l’introduction des UPE - nécessitant une période d’adaptation pour les institutions concernées durant laquelle la possibilité de faire évaluer leur conformité aux usages leur était offerte - s’est effectuée à un rythme leur permettant de procéder aux ajustements nécessaires. En effet, comme en a été informée la recourante le 30 avril 2019, soit six mois après l’entrée en vigueur des UPE, la surveillance formelle du respect des usages n’est devenue effective qu’à partir du 1er janvier 2020, ce qui laissait encore huit mois à la crèche pour se mettre en conformité. Le recourante ne peut en conséquence pas se prévaloir d’une violation par l’État, le département ou ses services ou offices, du principe de la bonne foi.

D’autre part, il ne peut pas être retenu que l’art. 30 al. 2 let. f LAPr ou le principe de l’application des UPE violeraient le principe d’interdiction de l’arbitraire. Imposer aux crèches privées qui ne sont pas parties à une CCT ou membres d’une collectivité publique l’observation d’usages en matière de conditions de travail, salariales et de prestations sociales, compte tenu des intérêts publics susmentionnés - soit la protection des conditions salariales et prestations sociales des travailleurs du secteur de la petite enfance et la garantie de la qualité de l’encadrement des enfants accueillis – n’apparaît pas insoutenable ni ne viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. Une telle obligation repose sur des motifs sérieux et objectifs.

12.         La recourante estime que l’art. 30 al. 2 let. f LAPr lui imposant l’application des UPE serait contraire à plusieurs dispositions constitutionnelles et du droit fédéral.

12.1 Selon la recourante, la disposition précitée violerait l’art. 96 Cst. sur la politique en matière de concurrence. À teneur de cette disposition, la Confédération légifère afin de lutter contre les conséquences sociales et économiques dommageables des cartels et des autres formes de limitation de la concurrence (al. 1). Elle prend des mesures afin d’empêcher la fixation de prix abusifs par des entreprises ou des organisations de droit privé ou de droit public occupant une position dominante sur le marché (al. 2 let. b) et afin de lutter contre la concurrence déloyale (al. 2 let. c).

Le seul fait que l’État subventionne les institutions publiques, ce principe n’étant pas remis en cause, ne suffit pas à admettre que l’application aux crèches privées des UPE, susceptibles d’augmenter leurs charges, serait contraire à la politique en matière de concurrence ou conduirait à une situation de concurrence déloyale, l’offre des secteurs public et privé étant au surplus complémentaire.

12.2 La recourante estime que la disposition précitée violerait l’art. 203 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), selon lequel le canton et les communes encouragent la création et l’exploitation de structures d’accueil de jour privées, en particulier les crèches d’entreprise (al. 1) et favorisent le développement du partenariat entre acteurs publics et privés (al. 2).

Compte tenu des objectifs poursuivis par l’art. 30 al. 2 let. f LAPr, exposés précédemment, il ne peut être retenu que cette disposition irait à l’encontre de la constitution genevoise et empêcherait l’encouragement et la création de structures privées ainsi que, dans ce cadre, le partenariat entre les secteurs public et privé. En effet, la potentielle augmentation des charges des institutions privées soumises au respect des conditions de travail et prestations sociales en usage ne suffit pas à admettre que leur développement et la création de nouvelles structures serait systématiquement compromis, voire empêché.

12.3 La recourante estime que la disposition précitée violerait le principe de la primauté du droit fédéral contenu à l’art. 49 al. 1 Cst, dans la mesure où les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les domaines exclusivement réglementés par le droit fédéral, en l’occurrence par la LTr.

La recourante cite la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle le droit cantonal ne peut subordonner l’octroi d’une autorisation au respect d’une CCT ou d’autres dispositions dont le but est la protection des travailleurs (ATF 130 I 279 consid. 2.3 et 2.5 ; ATF 148 I 198 consid. 3). Ces arrêts concernent toutefois des situations différentes de la présente, touchant aux horaires d’ouverture des magasins, sujet exhaustivement réglé par la LTr, et examinent la conformité au droit fédéral de dispositions cantonales subordonnant l’octroi d’autorisations pour les horaires élargis au respect d’une CCT.

Or en l’espèce, les conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève concernent des questions réglées par la LTr, mais ne s’écartent pas des dispositions de cette loi en matière de protection des travailleurs. L’art. 30 al. 2 let. f LAPr ne viole ainsi pas le principe de la force dérogatoire du droit fédéral en subordonnant la délivrance et le maintien d’une autorisation d’exploiter une structure d’accueil de la petite enfance au respect, notamment, des UPE.

12.4 Enfin, l’argumentation et les développements de la recourante concernant l’application de l’art. 2 al. 1 LMI ne lui sont d’aucun secours, dans la mesure où, bien que son siège se situe dans le canton de Vaud et qu’elle soit l’une des sociétés filles d’un groupe vaudois, l’activité qui la concerne, soit l’exploitation de la crèche au D______, fait l’objet d’une autorisation délivrée par le canton de Genève, conformément aux dispositions applicables. Le fait qu’elle doive ainsi se soumettre au respect des usages ne restreint en rien sa liberté d’accès au marché, y compris dans un autre canton. L’examen du cas de ses sociétés sœurs n’est en l’occurrence pas pertinent.

En conséquence, bien que la chambre de céans n’entende pas nier ou minimiser les difficultés concrètes que sont susceptibles de rencontrer les structures d’accueil privées, ce qui a d’ailleurs conduit le Grand Conseil à adopter une modification législative qui pourrait prochainement entrer en vigueur, l’application des UPE à la recourante pour la période concernée trouve son fondement dans l’art. 30 al. 2 let. f LAPr, lequel respecte l’ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes et dont il ne peut être retenu qu’il ne serait pas conforme au droit fédéral ou constitutionnel cantonal.

Compte tenu des développements qui précèdent, la commission par la recourante de plusieurs infractions à ses obligations de se conformer aux UPE et au salaire minium, ainsi qu’à celle de collaborer, de même que le principe d’une sanction, sont acquis.

13.         Il reste toutefois à déterminer si la quotité de la sanction est proportionnée.

13.1 L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP ; ATA/651/2022 du 23 juin 2022 consid. 14d et les arrêts cités). Si les antécédents constituent une circonstance aggravante, l’absence d’antécédents est une circonstance neutre qui n’a pas l’effet de minorer la sanction (ATA/435/2023 du 25 avril 2023 consid. 11 et l'arrêt cité).

La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/651/2022 précité consid. 14d et les arrêts cités).

Il doit être également tenu compte, en application de l'art. 106 al. 3 CP, de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/651/2022 précité consid. 14f et la référence citée ; Michel DUPUIS/Laurent MOREILLON/Christophe PIGUET/Séverine BERGER/Miriam MAZOU/Virginie RODIGARI [éd.], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., 2017, n. 6 ad. art. 106 CP).

L’autorité jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer la quotité de l’amende. La chambre de céans ne le censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst. ; ATA/651/2022 précité consid. 14e et les arrêts cités).

13.2 En l’espèce, les infractions commises par la recourante - soit en particulier son refus persistant de se conformer aux UPE 2020, la violation de ces usages sur neuf points, le non-respect du salaire minimum et la violation de son obligation de renseigner, empêchant l’intimé de contrôler de manière complète le respect des dispositions sur le salaire minimum - sont graves et multiples, et certaines subsistent. Cependant, il y a lieu de prendre en considération le fait que la crèche a effectué la majorité des rattrapages requis aux employés concernés par la rémunération au salaire minimum. Par ailleurs, la prochaine modification législative a été initiée, et acceptée, sur la base du constat quasi unanime selon lequel la législation actuelle n’était pas satisfaisante, notamment du point de vue des crèches privées et des familles concernées par la pénurie de places en accueil préscolaire de jour. Il ne ressort enfin pas du dossier que la recourante présenterait des antécédents.

Dans ces circonstances, la sanction – cumulant le refus de délivrer l’attestation pour une durée de deux ans, l’exclusion de tout marché public futur durant deux ans et une amende administrative de CHF 17’600.- – apparaît disproportionnée.

Le recours sera partiellement admis. La décision sera confirmée dans son principe mais le refus de délivrer l’attestation sera ramenée à une durée de 18 mois dès le prononcé de la décision, soit le 14 avril 2022, et l’exclusion de tout marché public futur sera ramenée à une durée de douze mois dès l’entrée en force du présent arrêt. L’amende sera réduite à un montant de CHF 8'000.-, la recourante ne soutenant pas que celle-ci mettrait en péril sa viabilité.

14.         Vu l’issue du litige, un émolument réduit de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe dans une large mesure (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- lui sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 mai 2022 par A______ Sàrl contre la décision de l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 14 avril 2022 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

fixe à 18 mois la durée du refus de délivrer à A______ Sàrl l’attestation visée à l’art. 25 LIRT et à douze mois celle de son exclusion de tout marché public futur, ainsi qu’à CHF 8'000.- le montant de l’amende administrative ;

confirme pour le surplus la décision du 14 avril 2022 ;

met à la charge de A______ Sàrl un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue à A______ Sàrl une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Astyanax PECA, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN et Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MARINHEIRO

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :