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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3433/2021

ATA/898/2023 du 22.08.2023 sur JTAPI/857/2022 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 05.10.2023, 9C_627/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3433/2021-ICCIFD ATA/898/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Emmanuel LEIBENSON, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimés

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 août 2022 (JTAPI/857/2022)


EN FAIT

A. a. La société B______ SA (ci-après : B______) est une société anonyme inscrite au registre du commerce de Genève depuis le 8 juillet 1996. A______ en était l’administrateur et l’unique actionnaire.

b. Par contrat du 23 janvier 2019, A______ a vendu le capital‑actions de B______ à C______ SA qui est ensuite devenue D______SA.

c. Le 6 juillet 2020, lors de son assemblée générale, B______ a révoqué le mandat d’administrateur de A______ avec effet immédiat. Ce dernier en a été informé par lettre du même jour.

B. a. Le 6 octobre 2020, B______ a adressé une dénonciation spontanée à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE). Des frais de nature privée, que A______ aurait fait supporter à la société, pouvaient être susceptibles de se voir considérés comme des prestations appréciables en argent en faveur de l’actionnaire.

b. Le 3 novembre 2020, l’AFC-GE a ouvert une procédure en rappel et soustraction d’impôt pour les années fiscales 2010 à 2018 et en a informé B______.

c. Le 28 décembre 2020, A______ a adressé à l’AFC-GE une « dénonciation spontanée non punissable » en vue de « préserver ses droits et devoirs d’administrateur temporairement suspendus » de B______. La procédure de rappel devait également porter sur l’année 2019, pendant laquelle il était encore inscrit au registre du commerce comme administrateur.

d. Le 5 février 2021, l’AFC-GE a informé A______ de l’ouverture de procédures en rappel et soustraction d’impôt le concernant pour les années 2011 à 2014 et d’une procédure en tentative de soustraction d’impôt pour les années 2015 à 2019. Pour les années pour lesquelles B______ l’avait informé de distributions dissimulées de bénéfices par B______ en sa faveur, les conditions d’une dénonciation spontanée non punissable n’étaient pas remplies.

e. Le 12 mars 2021, A______ a requis la reconnaissance de sa qualité de partie dans le cadre de la procédure de dénonciation spontanée instruite à l’égard de B______.

f. Le 27 avril 2021, l’AFC-GE a nié la qualité de partie de A______ dans la procédure ouverte contre B______.

g. Le 28 mai 2021, A______ a élevé réclamation contre la décision de l’AFC-GE, concluant à ce que sa qualité de partie soit reconnue.

h. Le 6 septembre 2021, par décision sur réclamation, l’AFC-GE a rejeté la demande de A______. En tant que personne tierce, il était un sujet fiscal distinct de la contribuable.

C. a. Par acte du 6 octobre 2021, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision sur réclamation de l’AFC-GE, concluant à son annulation et à ce que sa qualité de partie soit reconnue dans le cadre des procédures en rappel et soustraction d’impôt ouvertes à l’encontre de B______ suite à une dénonciation spontanée.

b. Le 25 janvier 2022, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

c. Par réplique du 31 mars 2022, A______ a persisté dans les conclusions de son recours.

d. L’AFC-GE a dupliqué le 20 avril 2022.

e. Par jugement du 29 août 2022, le TAPI a rejeté le recours de A______. Faute d’un intérêt personnel, direct, immédiat et actuel digne de protection en tant qu’ancien administrateur et actionnaire de B______, il n’y avait pas lieu d’admettre sa qualité de partie dans les procédures dirigées contre la société.

D. a. Le 30 septembre 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation et à la constatation qu’il disposait de la qualité de partie dans le cadre de la procédure en rappel et soustraction d’impôt ouverte à l’encontre de B______.

Il avait un intérêt digne de protection actuel à se voir reconnaître la qualité de partie dans la procédure ouverte contre B______, car il pourrait être déclaré débiteur solidaire en vertu des articles 177 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 71 al. 1 et 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17). Cela n’avait pas été retenu, à tort, par le TAPI puisqu’il n’était pas certain que le caractère spontané de la dénonciation de B______ soit reconnu.

Cette responsabilité solidaire devait également être analysée sous l’angle de l’art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) puisqu’il risquait de faire l’objet d’une sanction pénale sans avoir eu la possibilité d’exercer son droit d’être entendu sur la quotité de cette sanction, ni de la contester. Il ne pouvait pas non plus contribuer à obtenir, à sa décharge, le bénéfice de la dénonciation spontanée et l’exemption de peine qui en découlait.

b. Le 24 novembre 2022, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. Aucun argument nouveau susceptible d’influer sur le sort du litige n’avait été avancé et aucune pièce nouvelle produite. Par conséquence, elle priait la chambre administrative de se référer à ses écritures antérieures et au jugement du TAPI.

c. Les parties n’ayant pas souhaité formuler d’observations supplémentaires dans le délai imparti, la cause a été gardée à juger le 13 janvier 2023.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La question litigieuse est celle de la qualité de partie du recourant dans la procédure en rappel et soustraction d’impôt pour les années fiscales 2010 à 2018 ouverte contre B______ par l’AFC-GE.

2.1 La LPFisc prévoit que les LPA est applicable pour autant que la LPFisc n’y déroge pas (art. 2 al. 2 LPA). S’agissant de la qualité de partie, la LPFisc ne prévoit rien de particulier.

À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/1254/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3a et les arrêts cités). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/905/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3b et l'arrêt cité ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 184 n. 698).

2.2 Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué, qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 143 II 506 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2019 du 19 août 2020 consid. 1.2).

Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 143 II 578 consid. 3.2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_536/2021 consid. 1 ; ATA/303/2023 du 23 mars 2023 consid. 2a). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1). Tel est le cas notamment si le recours vise les motifs de la décision et que, même admis, il n'y aurait pas lieu d'en modifier le dispositif (ATF 137 I 2096 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1067/2014 du 18 mars 2016 consid. 2.2.2 ; ATA/346/2023 du 4 avril 2023 consid. 3a ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p.729, n. 5.7.2.1).

2.3 Cet intérêt doit encore être direct. Selon la jurisprudence, un intérêt seulement indirect à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée n'est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4).

La qualité pour recourir d'un tiers qui n'est pas le destinataire de la décision attaquée ne peut être admise que de façon très limitée. Elle suppose que le tiers soit lui-même atteint de manière particulière par le prononcé litigieux (ATF 139 II 279 consid. 2.2). Le recourant doit démontrer que sa situation factuelle et/ou juridique peut être avantageusement influencée par l’issue du recours (ATA/14/2022 du 11 févier 2022 consid. 5c). Tel n’est pas le cas de celui qui n’est atteint que de manière indirecte, médiate, ou encore « par ricochet » (ATF 135 I 43 consid. 1.4 ; 133 V 239 consid. 6.2 ; ATA/1821/2019 du 17 décembre 2019 ; ATA/552/2006 du 17 octobre 2006). Un intérêt seulement indirect à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée n’est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_446/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.3 ; 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid 3.1 ; ATA/868/2022 du 30 août 2022 consid. 4c).

Le tiers n’est pas touché par une décision de la même manière que le destinataire formel et matériel, dans la mesure où celle-ci ne lui octroie pas directement des droits ni ne lui impose des obligations. Il doit ainsi démontrer une communauté de fait entre ses intérêts et ceux du destinataire (ATA/597/2013 du 10 septembre 2013 consid. 5 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, op. cit., n. 701, ad. Art. 60 ; François BELLANGER, La qualité de partie à la procédure administrative, in Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, les tiers dans la procédure administrative, 2004, p. 44).

N'a ainsi pas la qualité pour agir l'actionnaire même majoritaire ou unique, faute d’intérêt direct, en cas de décision concernant une société anonyme (ATF 131 II 306 consid. 1.2.2 ; 125 II 65 consid. 1 ; arrêts 2C_748/2013 du 19 octobre 2013 consid. 3.2 ; 2C_1158/2012 du 27 août 2013 consid. 2.3.3 et les nombreuses références citées). Quant aux organes d’une personne morale, ils n’ont pas, en principe, d’intérêt propre à recourir contre une décision rendue à l’encontre de cette dernière (arrêt du Tribunal fédéral 2C_748/2013 du 19 octobre 2013 consid. 3.2 ; 2C_762/2010 du 2 février 2011 consid. 4.3).

3.              

3.1 En matière de soustraction d’impôt, lorsque la personne morale assujettie à l’impôt dénonce spontanément et pour la première fois une soustraction d’impôt commise dans son exploitation commerciale, il est renoncé à la poursuite pénale à condition qu’aucune autorité fiscale n’en ait connaissance ; qu’il collabore sans réserve avec l’administration pour déterminer le montant du rappel d’impôt ; et qu’il s’efforce d’acquitter le rappel d’impôt dû (art. 181a al. 1 LIFD). La dénonciation spontanée non punissable doit être déposée par les organes ou les représentants de la personne morale. La responsabilité solidaire de ces organes ou de ces représentants est supprimée et il est renoncé à la poursuite pénale (art. 181a al. 3 LIFD). Lorsque d’anciens membres des organes dénoncent pour la première fois une soustraction d’impôt dont aucune autorité fiscale n’a connaissance, il est renoncé à la poursuite pénale de la personne morale, ainsi que de tous les membres et représentants anciens ou actuels. Leur responsabilité solidaire est supprimée (art. 181a al. 4 LIFD).

Celui qui, intentionnellement, incite à une soustraction d’impôt, y prête son assistance, la commet en qualité de représentant du contribuable ou y participe, sera puni d’une amende fixée indépendamment de la peine encourue par le contribuable ; en outre, il répond solidairement de l’impôt soustrait. Lorsqu’une personne se dénonce spontanément et pour la première fois, et que les conditions prévues à l’art. 175 al. 3 let. a et b sont remplies, il est renoncés à la poursuite pénale et la responsabilité solidaire est supprimée (art. 177 al. 1 et 3 LIFD).

La LPFisc a une teneur similaire (art. 71, 74 et 74A LPFisc).

3.2 Le recourant invoque en vain l’art. 6 CEDH. Certes, la procédure de soustraction d’impôt tombe dans le champ des garanties de l’art. 6 CEDH (ATF 140 I 68 consid 9.2), mais la situation du recourant par rapport à la procédure ouverte contre la personne morale n’est pas différente pour autant et le raisonnement tenu concernant l’absence d’intérêt direct digne de protection est applicable.

3.3 En l’espèce, il appert qu’en qualité d’ancien actionnaire, le recourant n’est pas directement touché par la procédure ouverte contre la personne morale, seule destinataire directe des décisions prises dans ce cadre, en application de la jurisprudence en la matière telle que citée plus haut.

Une éventuelle procédure concernant l’actionnaire ne fait pas l’objet du présent recours et, le cas échéant, le recourant aura la possibilité de faire valoir son argumentation à ce moment-là.

Il faut donc considérer qu’à ce titre, il ne dispose pas de la qualité de partie dans la procédure ouverte par l’AFC-GE contre B______, comme l'a retenu le TAPI.

3.4 Quant à sa qualité d’ancien administrateur de B______, la situation n’est pas différente, puisque si le caractère spontané de la dénonciation était confirmé, son éventuelle responsabilité solidaire serait supprimée (art. 181a al. 3 et 4 LIFD et 74A al. 3 et 4 LPFisc), comme vu ci-dessus.

Si le recourant devait être entendu comme témoin dans la procédure ouverte contre la personne morale, cela ne justifierait pas non plus sa qualité de partie, en l’absence d’intérêt direct à l’issue de la procédure ouverte contre la personne morale, sujet fiscal soumis à l’impôt et destinataire directe des décisions prises dans ce cadre.

En outre, même l’éventualité d’une procédure en responsabilité solidaire ou pénale ne confère pas non plus aux organes d’une personne morale un intérêt propre à recourir, comme cela déjà été constaté par la jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 2C_748/2013, 2C_749/2013 du 17 octobre 2013 consid. 3.2 ; 2C_762/2010 du 2 février 2011 consid. 4.3.2 ; 2A.573/2003 du 20 juillet 2004 consid. 2.1).

Finalement, selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, même si la distribution dissimulée de bénéfice par une société résulte en principe en un avantage appréciable en argent imposable pour l’actionnaire ou un proche, il n’existe pas d’automatisme de taxation, une nouvelle appréciation restant nécessaire par rapport à l’actionnaire, s’agissant de deux sujets de droit et sujets fiscaux indépendants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1006/2020 du 20 octobre 2021 consid 5.2 ; 2C_16/2015 du 6 août 2015 consid. 2.5.7).

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 septembre 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 août 2022 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi.

communique le présent arrêt à Me Emmanuel LEIBENSON, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :