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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4177/2022

ATA/752/2023 du 11.07.2023 ( DIV ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 14.09.2023, rendu le 24.01.2024, IRRECEVABLE, 2C_508/2023
Descripteurs : ASSOCIATION DE TRAVAILLEURS;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION;DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION
Normes : LPA.60.al1; Cst.29a; LPA.4.al4; Cst.5.al1; LPA.4A
Résumé : Recours du syndicat des polices municipales genevoises pour déni de justice, le département n'ayant pas rendu de décision à la suite de sa demande de permettre l'utilisation du "feu bleu" par les agents de police municipale. Le recours est déclaré irrecevable car cette utilisation concerne les mesures organisationnelles de la police municipale, non susceptibles de recours.
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4177/2022-DIV ATA/752/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 juillet 2023

 

dans la cause

 

SYNDICAT A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé



EN FAIT

A. a. Le SYNDICAT A______ (ci-après : le syndicat) est constitué, selon ses statuts, d’agents des polices municipales genevoises (ci-après : APM) et est une section de la fédération suisse des fonctionnaires de police.

b. Il a pour buts de défendre et améliorer les conditions de travail et sociales de ses membres, de sauvegarder les intérêts généraux, de travailler activement à faire aboutir ses revendications et d’entretenir une franche et cordiale camaraderie entre ses membres, toute discussion politique ou religieuse étant proscrite dans les assemblées.

B. a. Lors d’une réunion regroupant notamment les représentants du syndicat et le Conseiller d’État en charge du département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après :  le département, désormais département des institutions et du numérique) qui aurait eu lieu de l2 novembre 2020, la question du bénéfice du « feu bleu » aurait été abordée et le Conseiller d’État aurait reconnu qu’il y avait lieu de la traiter « avec sérieux et célérité ».

b. Par courriel du 13 janvier 2021, le conseil du syndicat a pris contact avec le secrétaire général adjoint du département pour lui remettre une analyse juridique, qui n’a pas été jointe à la procédure, « démontrant la voie possible et assez simple pour autoriser le "feu bleu" aux polices municipales ». Ledit secrétaire général en a accusé réception le même jour et indiqué lui revenir rapidement.

S’en sont suivis plusieurs courriels du conseil du syndicat entre mars et novembre 2021 pour obtenir un retour.

c. Par courriel du 19 novembre 2021, le secrétaire général adjoint lui a indiqué que le Conseil d’État avait récemment décidé que la question de la police de proximité serait traitée à son niveau, dans le cadre du groupe de travail institué par le protocole conclu entre l’association des communes genevoises (ci-après : ACG) et lui-même, la question des compétences et prérogatives des APM allant être abordée dans ce cadre. Il ne doutait pas que la question des « feux bleus » serait discutée et s’assurerait que la position de ses clients soit entendue. Il ignorait comment les travaux allaient se dérouler et avec qui précisément mais le tiendrait au courant, au plus tard fin janvier 2022.

d. Après plusieurs courriels de relance, comprenant une demande de copie dudit protocole, le conseil du syndicat s’est adressé par courrier du 28 janvier 2022 au Conseiller d’État en charge du département, en le priant formellement d’ouvrir une procédure au sens de l’art. 4A LPA visant à faire constater qu’ils avaient droit au bénéfice du « feu bleu », en se fondant sur l’art. 2 de l’ordonnance du DETEC qui prévoyait son utilisation par les véhicules du services du feu, de la police, du service d’ambulance et de la douane ainsi que les véhicules assimilés, sur l’art. 110 al. 1 (recte : al. 3) let. a ch. 1 de l’ordonnance du 10 juin 1995 concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers (ci-après : OETV) selon lequel les gyrophares n’étaient autorisés que si l’autorité d’immatriculation avait donné son aval par une inscription dans le permis de circulation. Le droit fédéral ne s’opposait pas à la délivrance de ces avertisseurs spéciaux aux agents de la police municipale, de sorte que les démarches pourraient être entamées au niveau cantonal à cet effet, plusieurs projets de loi ayant déjà été déposés dans ce sens, tel le PL12180 du 25 septembre 2017 et le PL10920 du 6 février 2012. Les polices municipales se voyaient confier des tâches de police administrative et judiciaire, avec des compétences élargies avec le temps, et avaient donc le droit, fondé sur le droit fédéral, au bénéfice du « feu bleu ».

e. Par courriel du 10 mars 2022, le secrétaire général du département a relevé que la question de la sécurité de proximité méritait une analyse de fond sérieuse et complète, dont l’octroi des « feux bleus » ne constituait qu’une partie, et, qu’au terme des discussions entre le Conseil d’État et l’ACG, il avait été convenu qu’un groupe de travail entre le département et l’ACG soit constitué pour traiter la thématique. Ce groupe avait été constitué et les travaux allaient débuter prochainement. Il lui soumettrait la requête du syndicat et reviendrait à lui ensuite.

f. Par courriel du 9 mai 2022, le conseil du syndicat, relevant que la patience de ce dernier était « arrivée à bout », a indiqué que sans retour concret dans la semaine, il déposerait un recours pour déni de justice.

g. Par courriel du 13 mai 2022, le secrétaire général du département a indiqué qu’un comité de pilotage politique avait été constitué et s’était rencontré le 18 mars 2022 pour fixer les travaux à entreprendre aux fins de déterminer les prérogatives dont seraient dotés les membres du syndicat et les tâches qu’ils accompliraient. Pour ce faire, un groupe de travail, dont certains des membres du syndicat feraient sûrement partie, était en cours de constitution. Le syndicat pourrait se faire entendre et, selon ce que les autorités cantonale et municipales décideraient, le souhait de voir installer les « feux bleus » sur les véhicules de police municipale aurait un sens ou non. Nonobstant son impatience, le syndicat devrait circonscrire son intervention dans le cadre institutionnel fixé. Le secrétaire général invitait le syndicat à saisir directement l’ACG quant à ses velléités.

h. Par courrier du 6 septembre 2022 à l’ACG, le conseil du syndicat s’est enquis de l’avancement des travaux, aucun retour concret n’ayant été proposé, que ce soit sous la forme d’une audition ou d’une concrétisation des garanties politiques données.

i. Par courrier du 22 septembre 2022, l’ACG a confirmé que des travaux politiques et techniques étaient menés dans le cadre de l’ACG en lien avec la police de proximité du canton. La question des moyens en main des polices municipales, particulièrement celle consistant à équiper leurs véhicules du « feu bleu » et de l’avertisseur à deux sons alternés, n’avait pas encore été abordée dans le cadre de ces discussions.

C. a. Le 8 décembre 2022, le syndicat a formé un recours pour déni de justice auprès de la chambre administrative de la Cour de justice, concluant au constat du déni de justice commis par le Conseiller d’État en charge du DSPS et au renvoi de la cause en lui ordonnant, sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), de rendre, dans les dix jours suivant le prononcé de l’arrêt, une décision sujette à recours reconnaissant le bénéfice de l’utilisation du « feu bleu » par les agents de la police municipale, les frais devant être mis à la charge de l’État et une indemnité équitable devant être allouée pour les frais indispensables au recours.

L’intimé n’avait jamais donné suite à sa requête formulée en janvier 2021, répétée à de nombreuses reprises et formalisée dans son rappel du 28 janvier 2022, malgré ses mises en demeure « pourtant assurément généreuses », son silence étant assimilé à une décision et étant donc susceptible de recours.

Le syndicat avait exposé en détail à l’intimé les motifs juridiques lui permettant de prétendre, au nom et pour le compte des agents de police municipale qu’il représentait, au bénéfice du « feu bleu ». Malgré ses innombrables relances et mises en demeure, le département n’y avait pas donné suite, en n’y répondant que de manière sporadique et lacunaire. Il ressortait du courrier de l’ACG du 22 septembre 2022 que les indications fournies pour le faire patienter était fallacieuses et n’avaient pour but que de repousser le prononcé de la décision requise. Le retard de l’intimé était indéniable, quel que soit le point de départ retenu, et était constitutif d’un déni de justice formel.

b. Dans sa réponse du 12 janvier 2023, le département a conclu au rejet du recours. Il ne lui appartenait pas de statuer sur le droit des membres du syndicat de disposer de véhicules équipés de « feux bleus », mais au législateur, lequel fixait les prérogatives légales en matière de réponse d’urgence (police cantonale, sapeurs-pompiers et ambulances). Le département avait ainsi indiqué le 13 mai 2022 au syndicat que le Conseil d’État et l’ACG avait constitué un comité de pilotage politique aux fins de déterminer l’étendue des prérogatives des polices municipales, les travaux devant mener à l’éventuel dépôt d’un projet de loi. En outre, la mise à disposition des agents des polices municipales d’un matériel adéquat incombait à leurs employeurs respectifs, lesquels n’avaient pas agi auprès du Conseil d’État autrement que dans le cadre de la constitution d’un comité de pilotage susmentionné. Le département n’avait donc pas commis de déni de justice.

c. Dans sa réplique du 16 février 2023, le syndicat a considéré que le Conseil d’État, que le département représentait dans l’application de la loi, était matériellement compétent dans le domaine des prescriptions applicables, selon l’art. 10 de la loi sur les agents de la police municipale, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes du 20 février 2009 (LAPM - F 1 07), qui déléguait les pouvoirs de l’État à cet égard, notamment s’agissant de la circulation routière (art. 10 let. a ch. 4 LAPM). En outre, les agents de la police municipale étaient subordonnés aux services de police, selon l’art. 8 LPAM, soit au département. La mise en œuvre des dispositions fédérales protégeant les courses d’urgence en faveur des polices municipales genevoises relevait donc du département et non du législateur, dès lors que les dispositions fédérales existaient déjà et étaient directement applicables. Il s’agissait d’acter le fait que les policiers municipaux avaient droit à leur bénéfice et donc au « feu bleu » sur leurs véhicules. Le département refusait de répondre à cette question, nonobstant la détermination du syndicat qui justifiait la titularité de ce droit.

d. Le département n’a pas fait usage de son droit à la duplique et les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2. La recevabilité d'un recours suppose également que son auteur dispose de la qualité pour recourir.

2.1 À teneur de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b). Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/251/2018 du 20 mars 2018 consid. 2a, et les arrêts cités).

2.2 Cette notion de l’intérêt digne de protection correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), en vigueur depuis le 1er janvier 2007, que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1).

À teneur de la jurisprudence, cet intérêt doit être direct et concret ; en particulier, la partie recourante doit se trouver, avec la décision entreprise, dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d’être pris en considération. Elle doit être touchée dans une mesure et avec une intensité plus grande que l’ensemble des administrés. En d’autres termes, l’intérêt invoqué, qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 143 II 506 consid. 5.1 et les arrêts cités). Le recours d’un particulier formé dans l’intérêt général ou dans l’intérêt d’un tiers est exclu. Cette exigence a été posée de manière à empêcher l’action populaire (ATF 135 II 145 consid. 6.1 ; 133 V 239 consid. 6.3). Un intérêt purement théorique à la solution d’un problème est de même insuffisant (ATA/57/2018 du 23 janvier 2018 consid. 3b ; ATA/805/2013 du 10 décembre 2013 consid. 1c).

2.3 L'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à l'administré, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATA/1050/2016 du 13 décembre 2016 consid. 2c). L'existence d'un intérêt digne de protection présuppose que la situation de fait ou de droit du recourant puisse être influencée par l'annulation ou la modification de la décision attaquée, ce qu'il lui appartient d'établir (ATA/1021/2016 du 6 décembre 2016 consid. 3c).

2.4 Une association a qualité pour recourir à titre personnel lorsqu'elle remplit les conditions posées à l'art. 89 al. 1 LTF. En outre, sans être elle-même touchée par la décision entreprise, une association peut être admise à agir (ATA/1064/2022 du 18 octobre 2022 consid. 5b) – recours dit corporatif ou égoïste – pour autant qu'elle ait pour but statutaire la défense des intérêts de ses membres, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d'entre eux et, enfin, que chacun de ceux-ci ait qualité pour s'en prévaloir à titre individuel. En revanche, elle ne peut prendre fait et cause pour l'un de ses membres ou pour une minorité d'entre eux (ATF 137 II 40 consid. 2.6.4 et les arrêts cités).

2.5 En l'espèce, il ressort des statuts du syndicat, version en vigueur au 28 mars 2018, qu’il a notamment pour but de défendre et améliorer les conditions de travail et sociales de ses membres, sauvegarder les intérêts généraux et travailler activement à faire aboutir ses revendications (art. 2 des statuts). Peuvent faire partie du syndicat les membres du personnel en uniforme du corps des polices municipales des communes genevoises, les retraités ainsi que les membres du personnel en civil qui est employé par les corps des polices municipales des communes genevoises (art. 3 des statuts). Ainsi, les membres du personnel en uniforme, seuls susceptibles d’être utilisateurs du « feu bleu », ne constituent qu’une partie des effectifs du syndicat.

Ce dernier n’a pas démontré que la majorité ou un grand nombre de ses membres serait touché par la prise de décision qu’il exige. À cet égard, il n’a ni détaillé la composition, ni la qualité ni encore la répartition de ses membres entre personnel en uniforme, personnel en civil, actif ou retraité des catégories précitées. Dès lors qu’il représente l’ensemble de ces catégories, pour qui la mise au bénéfice du « feu bleu » n'a aucune répercussion, il semble douteux que la majorité des membres ait à titre individuel qualité pour recourir, ni que les intérêts d'une grande majorité des membres du syndicat soient touchés.

Il n’a pas non plus précisé et documenté que l’organe compétent en son sein aurait pris la décision d’entamer la démarche tendant à l’obtention d’une décision quant au bénéfice du « feu bleu », voire d’intenter le recours pour déni de justice du 8 décembre 2022.

La question de la qualité pour recourir du syndicat dans la présente cause peut néanmoins rester indécise, quoi qu’il en soit, le recours devra être déclaré irrecevable.

3. Il convient en effet de déterminer si le recourant pouvait se fonder sur l'art. 4A LPA pour obtenir, de la part du DSPS, la décision qu’il réclame.

3.1 Aux termes de l'art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire ; la Confédération et les cantons peuvent, par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels. Cette norme constitutionnelle étend donc le contrôle judiciaire en principe à toutes les contestations juridiques, y compris aux actes de l'administration, en établissant une garantie générale de l'accès au juge (ATF 143 I 344 consid. 8.2; 141 I 172 consid 4.4.1). Il s'agit en particulier de contestations portant sur les droits et les obligations de personnes, physiques ou morales (ATF 143 I 344 consid. 8.2 et les références). L'art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) n'offre pas de protection plus étendue que l'art. 29a Cst. (arrêts du Tribunal fédéral 2C_705/2021 du 7 février 2022 consid. 6.1 ; 8C_246/2018 du 16 janvier 2019 consid. 6.2 ; 5A_510/2018 du 26 septembre 2018 consid. 3.3; cf. ATF 134 V 401 consid. 5.3).

Pour pouvoir invoquer l'art. 29a Cst., il faut que le justiciable se trouve dans une situation de contestation juridique, c'est-à-dire qu'il existe un litige portant sur un différend juridique qui met en jeu des intérêts individuels dignes de protection (ATF 144 II 233 consid. 4.4 ; 143 I 336 consid. 4.1 ; 140 II 315 consid. 4.4). En d'autres termes, l'art. 29a Cst. ne confère pas à quiconque le droit d'obtenir qu'un juge examine la légalité de toute action de l'État, indépendamment des règles procédurales applicables ; il est en particulier admissible de faire dépendre le caractère justiciable d'une cause d'un intérêt actuel ou pratique (arrêts du Tribunal fédéral 2C_651/2019 du 21 janvier 2020 consid. 5.1.1 et les références citées ; 8C_246/2018 du 16 janvier 2019 consid. 6.2).

La seule exception à l’exercice de ce droit concerne les décisions difficilement « justiciables », par exemple des actes gouvernementaux qui soulèvent essentiellement des questions politiques, lesquelles ne se prêtent pas au contrôle du juge. A cet égard, l’accès au juge étant garanti par la Constitution, il convient d'interpréter l'art. 86 al. 3 LTF, qui déroge à cette garantie, de manière stricte (ATF 136 II 436 consid. 1.2) ; seules les situations revêtant à l'évidence un caractère politique, dans lesquelles un contrôle par le juge n'apparaît pas admissible, sont visées. Il ne suffit donc pas que la cause ait une connotation politique, encore faut-il que celle-ci s'impose de manière indubitable et relègue à l'arrière-plan les éventuels intérêts privés en jeu ; le fait que la décision émane d'une autorité politique est un indice de son caractère politique, mais n'est pas toujours déterminant (ATF 136 I 42 consid. 1.5.3 et 1.5.4). La notion juridique de « décision revêtant un caractère politique prépondérant » est en elle-même indéterminée. Néanmoins, tel est notamment le cas de l’adoption d’un plan directeur cantonal (FF 2001 4027) et d’une décision du gouvernement cantonal quant à la planification scolaire (TF 2C_761/2012 du 12 avril 2013, consid. 3.2 in RDAF 2014 I 338, Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 25 n. 91).

3.2 Lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

Une autorité qui n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice à la particulière ou au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l'autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu'elle en a l'obligation. Un tel déni constitue une violation de l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 I 6 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_59/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2.1 ; 2C_409/2013 du 27 mai 2013 consid. 5.1).

La reconnaissance d’un refus de statuer ne peut être admise que si l’autorité mise en demeure avait le devoir de rendre une décision ou, vu sous un autre angle, si le recourant avait un droit à en obtenir une de sa part (ATF 135 II 60 consid. 3.1.2 ; ATA/939/2021 précité consid. 3d ; ATA/7/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3b).

3.3 En cas de recours contre la seule absence de décision, les conclusions ne peuvent tendre qu’à contraindre l’autorité à statuer (ATA/939/2021 précité consid. 3c ; ATA/699/2021 précité consid. 9c ; ATA/595/2017 du 23 mai 2017 consid. 6c). En effet, conformément à l’art. 69 al. 4 LPA, si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (ATA/373/2020 du 16 avril 2020 consid. 6a).

3.4 Selon l'art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l'exigence de la base légale. Le premier signifie que l'autorité doit respecter l'ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l'autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 621 s., 624 et 650 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 448, 467 ss et 476 ss).

3.5 Pour pouvoir se plaindre de l’inaction de l’autorité, encore faut-il que l’administré ait effectué toutes les démarches adéquates en vue de l’obtention de la décision qu’il sollicite (ATA/699/2021 du 2 juillet 2021 consid. 9b ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d). Les conclusions en déni de justice sont irrecevables lorsque le recourant n’a pas procédé à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (ATA/63/2023 du 24 janvier 2023 consid. 3b et la référence citée).

3.6 En l’occurrence, le syndicat n’expose nullement sur quels fondements légaux reposerait son prétendu droit à obtenir une décision de l’intimé, ni que les agents de police municipale bénéficieraient à titre individuel d’un tel droit. À cet égard, quand bien même il se réfère dans ses écritures à « une analyse détaillée démontrant le droit des APM, sur le plan juridique, de faire usage du feu bleu », force est de constater qu’il ne l’a ni produite ni n’a développé d’argumentation à cet égard dans son recours.

À cela s’ajoute que sa demande ne répond pas aux conditions de l’art. 4A LPA, puisqu’elle ne requiert pas que l’autorité compétente s’abstienne d’actes illicites, cesse de les accomplir ou les révoque, ni qu’elle élimine les conséquences d’actes illicites, pas plus qu’elle constate le caractère illicite de tels actes.

Enfin, un éventuel droit des agents de police municipale à faire usage du « feu bleu » ressort des compétences qui leur sont octroyées et des moyens qui sont mis à leur disposition pour accomplir la mission qui leur est assignée. Or, ces questions sont à l’évidence principalement organisationnelles puisqu’elles concernent le fonctionnement d’un corps de police, en particulier les moyens humains et matériels dont l’État se dote pour assurer la sécurité et la tranquillité de la population. Il s’agit d’une question organisationnelle qui n’est pas susceptible de contrôle judiciaire.

En l’absence de droit à une décision, le recourant ne peut se plaindre d’un déni de justice.

Il s'ensuit que le recours pour déni de justice est irrecevable.

Il n’y a pas lieu de se prononcer sur les autres conclusions.

4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours pour déni de justice interjeté le 8 décembre 2022 par le SYNDICAT A______ à l’encontre du département des institutions et du numérique ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge du SYNDICAT A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, ainsi qu'au département des institutions et du numérique.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :