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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/289/2022

ATA/697/2023 du 27.06.2023 sur JTAPI/833/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/289/2022-PE ATA/697/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juin 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______, agissant en leur nom et en celui de leur enfant mineur C______ recourants
représentés par Me Imed ABDELLI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 août 2022 (JTAPI/833/2022)


EN FAIT

A. a. B______, né le ______ 1997, est ressortissant d’Albanie. Il serait, selon ses dires, arrivé en Suisse au mois de septembre 2016.

b. A______, née le ______ 2002, est ressortissante du Nicaragua. Elle est arrivée en Suisse fin septembre 2016 pour rejoindre sa mère, D______.

c. Le 26 août 2020, A______ a donné naissance à Genève à l’enfant C______, dont le père est B______.

B. a. Par courrier du 18 juin 2021, A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande de régularisation de ses conditions de séjour.

Arrivée en Suisse à l'âge de presque 14 ans, elle avait fui le Nicaragua à la suite de sa mère et était parfaitement intégrée tant professionnellement que socialement. Elle vivait en couple avec B______ et ils avaient eu un fils en août 2020. Ses cinq ans de séjour en Suisse n’étaient pas négligeables, ce d’autant qu’elle faisait partie des personnes dont la Suisse avait besoin, à savoir les jeunes.

Diverses pièces étaient jointes à sa requête dont, notamment, une lettre d'accompagnement mentionnant une arrivée en Suisse en septembre 2016, une copie de son passeport et différents documents attestant de son parcours scolaire depuis son arrivée en Suisse.

b. Par courrier du 5 août 2021, B______, agissant en son nom et en celui de son fils C______, a déposé auprès de l’OCPM une demande de régularisation de leurs conditions de séjour.

Il formait un couple stable avec A______. Ils souhaitaient se marier, ce qui n'était pas possible en l'état en raison de leur statut de droit des étrangers. Suite à la naissance de C______, il avait demandé à son employeur, E______, de déposer une demande d'autorisation de séjour, ce qu'elle avait fait en février 2021. L'office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) ayant refusé cette demande, l’OCPM, par décision du 27 avril 2021, avait refusé sa demande d'autorisation de séjour et prononcé son renvoi de Suisse. Suite au recours qu’il avait déposé le 26 mai 2021 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), l’OCPM l’avait informé être disposé à annuler sa décision s’il déposait une demande d'autorisation de séjour en bonne et due forme. Il était bien intégré, avait une situation professionnelle stable, maîtrisait la langue française et respectait l'ordre juridique suisse.

Divers documents, dont notamment une lettre d'accompagnement mentionnant une arrivée en Suisse en septembre 2016, un extrait de casier judiciaire vierge daté de février 2021, une attestation de non poursuite délivrée en avril 2021 et une copie de son passeport, étaient joints.

c. Par courrier du 10 août 2021, faisant suite à cette demande, l’OCPM a annulé sa décision de renvoi du 27 avril 2021.

d. Par courrier A+ du 14 septembre 2021, l’OCPM a informé A______ et B______ de son intention de refuser leur demande, de prononcer leur renvoi de Suisse et de transmettre ses actes ultérieurement au Secrétariat d'État aux migrations (SEM) afin que cette autorité juge de l'opportunité de prononcer une interdiction d'entrée en Suisse (ci-après : IES) à leur encontre.

Il était notamment relevé que B______ était inscrit au casier judiciaire en raison d’une condamnation, le 30 août 2017, par le Ministère public du canton de Genève à une peine privative de liberté de 180 jours, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve de 3 ans, pour délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), le 29 août 2017. Par ailleurs, il faisait l'objet d'une IES valable du 7 novembre 2017 au 6 novembre 2022, qui lui avait été notifiée le 10 novembre 2018.

e. A______ et B______ ont transmis leurs observations le 3 novembre 2021.

La première a notamment indiqué avoir suivi plusieurs années de scolarité en Suisse alors qu’elle était mineure. Elle serait rapidement active et autonome financièrement, à l’issue de sa formation au Centre de formation préprofessionnelle (CFPP) de Genève. Elle maîtrisait parfaitement le français et avait d’ores et déjà pris contact avec l’office des poursuites afin de solder sa seule poursuite, qui concernait en fait sa mère. Par ailleurs, elle avait été victime de violences sexuelles répétées au Nicaragua, du fait de son père, ce qui avait provoqué son départ et celui de sa mère pour la Suisse. Ces violences, dont elle avait parlé dès son arrivée en Suisse avec la psychologue du Collège du F______, avec l’office médical de la jonction et avec l'Unité interdisciplinaire de médecine de prévention de la violence aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), n’avaient pas été évoquées dans sa demande de permis en raison des souffrances que cela lui provoquait d’en reparler. Le dossier complet y relatif serait transmis à l’OCPM. Un tel vécu impliquait non seulement des besoins accrus en termes de protection mais s’opposait également à son renvoi dans son pays d’origine, où elle n’avait plus aucune attache.

B______ a requis un délai supplémentaire pour compléter son dossier. Licencié suite au prononcé de la décision du 24 mars 2021 de l'OCIRT, il était en recherche d’emploi, étant précisé qu’il avait toujours donné pleine satisfaction à son employeur. Ses parents, qui vivaient au Kosovo, dépendaient de son soutien financier. Sa condamnation pénale était la conséquence de mauvaises fréquentations auxquelles il avait mis un terme. Il n’avait pour le surplus pas compris la nature de l’IES prise à son encontre. En tout état, il ne saurait constituer une menace grave pour la sécurité et l’ordre publics.

L’ensemble de ces circonstances faisait que la Suisse était le seul endroit leur permettant de sauvegarder leur vie familiale, conformément aux art. 14 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Ils précisaient encore que leur fils possédait leurs deux nationalités.

Diverses pièces étaient jointes, soit une attestation de l’office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : OFPC), un extrait des poursuites concernant A______ et un certificat de travail, une attestation de non-poursuite, une lettre de la caisse cantonale de chômage et une attestation des parents de B______, concernant ce dernier.

f. Par décision du 7 décembre 2021, l'OCPM a refusé d'accéder à la requête de A______ et B______, et par conséquent de soumettre leur dossier au SEM avec un préavis positif, et ordonné leur renvoi, tout en précisant que ses actes seraient transmis au SEM, qui jugerait de l’opportunité de prononcer une IES à leur encontre. Un délai au 15 février 2022 leur était imparti pour quitter la Suisse.

Les pièces produites et leurs observations ne permettaient pas de retenir qu’ils remplissaient les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Leur degré d'intégration demeurait faible : A______ comptabilisait 5 ans de séjour en Suisse, ce qui était insuffisant, et B______ n’avait apporté aucune preuve de son séjour en Suisse depuis septembre 2016. Dans son formulaire M du 17 février 2021, il annonçait d’ailleurs être arrivé à Genève le 10 novembre 2018. S’agissant des violences sexuelles subies par A______, sans vouloir remettre en doute leur véracité, il ne disposait d’aucun élément objectif confirmant ces dernières, pas plus que la grande difficulté qu'entraînerait pour elle un retour au Nicaragua.

Concernant B______, il n’entendait pas lui donner un délai supplémentaire pour compléter son dossier, les informations en sa possession lui suffisant pour refuser sa demande. En plus de la brièveté de son séjour en Suisse, il n'avait pas respecté l'ordre juridique suisse, n’avait pas démontré posséder le niveau requis en français et son intégration socio-professionnelle était faible.

Quant à C______, le fait que sur l'acte de naissance il soit inscrit comme possédant deux nationalités n'était pas déterminant en soi, raison pour laquelle il maintenait que sa nationalité était inconnue à ce stade. Âgé d'une année, en bonne santé et non scolarisé, son intégration en Suisse n'était pas encore déterminante et sa réintégration dans le pays d'origine de ses parents ne devrait pas lui poser de problèmes insurmontables. À cet égard, l’unité familiale pouvait parfaitement être maintenue dans un autre pays que la Suisse. Il leur suffirait de faire les démarches nécessaires auprès des autorités du Nicaragua ou de l’Albanie afin d'obtenir une autorisation de séjour pour l'un ou l’autre, dans le cadre d’une demande de regroupement familial.

C. a. Par acte du 25 janvier 2022, A______ et B______, agissant en leur nom et en celui de leur fils, ont interjeté recours devant le TAPI contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l'OCPM de leur accorder une autorisation de séjour. Préalablement, ils ont requis leur audition.

L’OCPM avait constaté les faits de manière inexacte et incomplète. La décision était arbitraire, tant dans son raisonnement que dans son résultat. Elle était aussi incomplète en ce qui concernait la durée de l'occupation professionnelle de B______, l'aspect familial et social de son séjour en Suisse et le dossier médical de A______. Sous l’angle de l’examen des art. 31 (sic) LEI et 31 OASA, l’OCPM n’avait pas tenu compte du jeune âge du couple, de la présence d'un bébé d’à peine plus d’une année et du vécu de A______, abusée sexuellement par son père et qu’un retour au Nicaragua traumatiserait. Le traitement trop rapide de leur requête ne leur avait pas permis de faire valoir pleinement leurs arguments et en particulier de produire le dossier médical de A______.

Le droit au respect de leur vie familiale ne serait pas garanti en cas de renvoi. De nationalités différentes et non mariés, un renvoi impliquerait nécessairement une séparation brutale et définitive de C______ avec l'un de ses deux parents, ainsi que la dissolution du couple, ce qui serait également contraire à ses intérêts au sens de la Convention relative aux droits de l'enfant, du 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107). La réunion de la famille dans l’un de leurs pays d’origine n’était pas possible compte tenu du passé douloureux de A______ au Nicaragua et de l’absence de perspectives et d’acceptation d’un éventuel mariage en Albanie. Ils rappelaient leur bonne intégration, les circonstances liées à la condamnation pénale de B______ et expliquaient que, faute de certificat de résidence et en raison de la Covid-19, A______ n’avait pas pu commencer son stage professionnel. Dans ces conditions, leur renvoi était disproportionné, illicite et arbitraire.

Outre les pièces déjà citées plus haut, ils joignaient notamment leurs passeports et l’acte de naissance de C______, le billet d'avion (entrée en Suisse) de A______, une attestation « À qui de droit » du 15 février 2021 rédigée par D______ – qui indiquait loger sa fille et le compagnon de celle-ci à son domicile, ce dernier lui versant une contribution de CHF 1'000.- pour le loyer –, une attestation du 4 novembre 2021 de l'Hospice général (ci-après : l'hospice), un extrait du casier judiciaire de B______, une demande d’attestation de résidence pour A______ et son fils du 25 novembre 2021 se référant à une première demande du 2 août 2021, le dossier de scolarité obligatoire (2016-2018) et une attestation d’inscription en classe d’insertion professionnelle (ci-après : CIP) pour l’année scolaire 2018/19 de A______.

b. Le 28 mars 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments des recourants n’étant pas de nature à modifier sa position. En particulier, la durée de leur séjour continu en Suisse et leur intégration ne revêtaient pas une importance suffisante à cette fin. Même si les années passées en Suisse durant la préadolescence et l’adolescence induisaient une intégration accrue, l'on ne saurait simplement les « compter à double ». Le fait d'avoir passé une partie de son adolescence en Suisse ne justifiait pas non plus, en soi et à lui seul, d'octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

A______ et B______ n’avaient au surplus pas démontré avoir acquis en Suisse des connaissances professionnelles spécifiques qu'ils ne pourraient pas faire valoir dans leur pays d'origine ou de destination, ni avoir tissé des liens à ce point étroits avec la Suisse qu'un retour dans l'un ou l'autre de leurs États d'origine les placeraient dans une situation personnelle d'extrême gravité, ni qu’ils y seraient exposés, en cas de retour, à des conditions socioéconomiques ou sanitaires autrement plus difficiles que celles auxquelles était confrontée la plupart de leurs compatriotes restés au pays. Leur renvoi de Suisse ne constituerait nullement une séparation de la famille, dans la mesure où, en tant que parents d'un enfant commun, ils pourraient solliciter une autorisation de séjour au titre du regroupement familial auprès des autorités du pays dans lequel ils entendaient s'installer. L’Albanie avait au demeurant ratifié la CEDH. Enfin, aucune pièce justificative n'avait à ce jour été produite s'agissant des violences sexuelles dont la recourante aurait été victime de la part de son père au Nicaragua et du suivi médical dont elle aurait bénéficié en Suisse.

c. Le 19 mai 2022, A______ et B______ ont persisté dans leurs conclusions.

B______ travaillait désormais auprès de la société G______ Sàrl, à 80%, en qualité d’aide de cuisine, pour un salaire net de CHF 3'000.-. A______ poursuivait sa formation en vue de l’obtention d’un certificat de capacité professionnelle (ci-après : CFC) ou d’une attestation fédérale de formation professionnelle (ci-après : AFP). Le refus de l’OCPM de lui délivrer une attestation de résidence mettait en péril ses projets. Elle s’engageait enfin à produire, dans les meilleurs délais, les preuves de sa prise en charge en Suisse pour les violences sexuelles subies au Nicaragua.

d. Par jugement du 15 août 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Il ressortait du dossier de l’OCPM que le 30 mars 2022, B______ avait été interpellé par des agents de l’office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières. Selon le rapport établi suite à cette interpellation, l’intéressé s’était identifié au moyen de son passeport lequel faisait l’objet d’une recherche RIPOL avec motif « Volé au titulaire ou perdu par le titulaire ».

A______ avait passé la majeure partie de son adolescence en Suisse, ce qui était un élément important à prendre en considération selon la jurisprudence. Elle n'avait toutefois vécu en Suisse que six ans et il n'y avait pas lieu de retenir que les années passées par les enfants et adolescents en Suisse comptent double. Son séjour n'avait jamais été autorisé et n'était toléré que depuis juin 2021. Elle n'avait pas atteint en Suisse un degré de scolarité particulièrement élevé et, s'agissant de son bagage scolaire, elle y avait acquis avant tout des connaissances d'ordre général.

B______ ne pouvait se prévaloir d'un très long séjour en Suisse. Son intégration professionnelle ne pouvait être qualifiée d'exceptionnelle, et il n'établissait pas avoir acquis pendant son séjour des connaissances et qualifications professionnelles particulières qu'il ne pourrait mettre à profit dans son pays d'origine. S’il indiquait avoir un travail stable et un réseau social développé, ne pas avoir de dettes et être autonome financièrement, cela constituait un comportement ordinaire pouvant être attendu de tout étranger. Sa conduite, au regard notamment de ses condamnations, dont une pour délit contre la LStup, ne concordait pas avec ce qui était exigible de tout étranger. En outre, bien qu’il fasse l’objet d’une IES valable du 7 novembre 2017 au 6 novembre 2022, il n’avait pas hésité à demeurer voire à revenir en Suisse. Il n’avait enfin pas démontré avoir le niveau de connaissance requis en français.

Quant à C______, âgé de deux ans, les années passées en Suisse ne pouvaient être considérées comme déterminantes au point qu'un départ pour l’Albanie ou le Nicaragua constituerait pour lui un déracinement.

D. a. Par acte posté le 16 septembre 2022, A______ et B______, agissant en leur nom et en celui de leur fils, ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation, à ce qu’il soit ordonné à l'OCPM de leur accorder une autorisation de séjour et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le TAPI avait constaté les faits de manière incomplète ou inexacte, le jugement ignorant certains faits ou au contraire mettant l'accent sur d'autres qui leur étaient défavorables. Il avait ignoré leur jeune âge, qui devait être pris en compte tant dans la durée du séjour que comme un atout socioprofessionnel, la Suisse devant chercher à rajeunir son marché du travail.

En demandant au recourant de retirer son premier recours afin d'instruire sa demande conjointe avec sa compagne, puis en prononçant presque immédiatement un préavis négatif dans ce second cadre, l'OCPM avait violé le principe de la confiance. Ils avaient eu l'impression de tomber dans un piège. L'OCPM avait de plus entravé la recourante dans sa formation en refusant de lui fournir une attestation de résidence, avant de chercher à en tirer avantage en invoquant une formation insuffisante.

Les art. 31 (recte : 30) LEI et 31 OASA étaient violés. Il était faux de dire que la recourante n'avait donné aucune preuve de ses démarches de formation entre 2019 et 2021, ou qu'elle n'avait ni entrepris ni achevé une formation professionnelle. Il ressortait des pièces fournies qu'elle avait été scolarisée de 2016 à 2019, qu'elle avait accouché en 2020 et qu'elle avait été intégrée dans un suivi institutionnel de formation (formation préprofessionnelle puis sous le régime de CAP-Formations) depuis fin 2020.

Le jugement minimisait l'intégration du recourant. Il utilisait le français comme langue courante, et le couple communiquait en français. Son parcours professionnel était bon. Son unique condamnation s'était vu donner un poids démesuré, alors qu'elle relevait d'un passé lointain et était imputable à son jeune âge au moment des faits. Il ne constituait pas une menace pour la sécurité publique, et ni l'OCPM ni le TAPI n'avait allégué ni prouvé une telle menace.

Sous l'angle du droit au respect de la vie familiale, la Suisse était l'unique lieu qui permettait à la famille de préserver son unité, vu l'impossibilité établie pour la recourante de quitter la Suisse pour son pays d'origine au regard de son passé douloureux, et de la difficulté de faire admettre leur mariage en Albanie. Alors que les deux parents s'occupaient de leur fils, leur renvoi impliquerait nécessairement la séparation brutale de l'enfant et de l'un de ses parents.

Enfin, le renvoi n'était pas exigible, dès lors qu'il ressortait de leur écriture que la Suisse était devenue leur seul centre de vie possible, et la décision était globalement disproportionnée.

b. Le 26 octobre 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Même à admettre la durée alléguée de leur séjour en Suisse, celle-ci serait en soi insuffisante pour justifier l'octroi d'un titre de séjour, vu la brièveté de celui-ci et le fait qu'il s'était déroulé dans l'illégalité. L'intégration socioprofessionnelle des recourants demeurait faible, et ils n'avaient pas tissé de liens profonds et irréversibles avec la Suisse. Le recourant n'avait pas un parcours professionnel exceptionnel. La recourante ne démontrait pas un degré de scolarité particulier et n'avait pas de formation professionnelle à ce stade. Elle ne démontrait pas encourir de danger concret en cas de retour au Nicaragua, étant relevé qu'elle était désormais majeure et soutenue par son compagnon.

Le renvoi des intéressés n'équivaudrait pas à un éclatement de la famille. C______ n'était âgé que de deux ans et ses parents étaient à même de faire le nécessaire pour demander le regroupement familial auprès de leurs autorités nationales respectives.

c. Le 31 octobre 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 16 décembre 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 14 novembre 2022, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires.

e. Le 14 décembre 2022, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

Ils joignaient un rapport d'évaluation médico-psychologique de l'office médico-pédagogique (ci-après : OMP) du 25 octobre 2019 concernant la recourante ainsi qu'une attestation du 19 octobre 2022 émanant de la psychologue détachée au cycle d'orientation ayant suivi la recourante pur l'OMP de mai 2017 à mai 2018.

Selon l'anamnèse contenue dans le premier document, la recourante avait été laissée aux soins de sa grand-mère à l'âge de deux ans. Elle se décrivait comme une enfant impulsive et ne contenant pas sa colère. Elle avait été frappée par sa grand-mère et son père étant petite. Elle ne fréquentait l'école que l'après-midi et y avait de bonnes notes. Elle avait commencé à boire de l'alcool à l'âge de 10 ans et avait souvent été témoin de proches qui étaient alcoolisés ou se battaient au couteau. Lorsqu'elle allait chez ses grands-parents paternels, son père tentait de lui faire « des choses bizarres » et l'avait menacée de mort si elle en parlait. Sa famille ne l'avait pas crue.

Il était mentionné au point n° 5 « proposition de prise en charge » que le bilan ayant été interrompu après trois entretiens, il n'avait pas été possible de formuler une telle proposition.

Quant à l'attestation de la psychologue, il y est mentionné qu'à l'époque, la recourante rencontrait des difficultés émotionnelles et dans la gestion de ses émotions et souffrait de la grande instabilité de son cadre de vie. Durant les rencontres, elle avait mentionné de possibles comportements inadéquats sexualisés de la part de son père, mais elle avait refusé d'en dire plus et les faits n'avaient jamais pu être avérés. Au vu de son parcours difficile, il était important que la recourante puisse trouver une certaine stabilité pour construire son avenir personnel et professionnel.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la décision de l'intimé du 7 décembre 2021 de refus d'octroi d'une autorisation de séjour pour les recourants et leur fils et de renvoi de Suisse.

3.             Les recourants semblent se plaindre d'une constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, au sens de l'art. 61 al. 1 let. b LPA. Au vu de la teneur de leurs arguments, il apparaît toutefois que c'est bien plutôt la pondération des différents éléments de fait et leur importance pour la solution du litige qui est mise en cause. Il s'agit là d'une question de fond qui sera examinée à ce titre infra.

4.             Une double violation du principe de la bonne foi et de la confiance est invoquée.

4.1 Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7). Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_104/2019 du 21 avril 2020 consid. 4.1).

4.2 Un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.1).

4.3 Selon le principe de la confiance, une décision doit être comprise dans le sens que son destinataire pouvait et devait lui attribuer selon les règles de la bonne foi, compte tenu de l'ensemble des circonstances qu'il connaissait ou qu'il aurait dû connaître (ATF 115 II 415 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_818/2021 du 18 mai 2022 consid. 4.2).

4.4 En l'espèce, s'agissant de la première violation alléguée, les recourants reprochent à l'intimé d'avoir induit en erreur le recourant en lui disant être disposé à annuler sa décision du 27 avril 2021 de refus d'une autorisation de séjour pour activité lucrative et de renvoi s’il déposait une demande d'autorisation de séjour en bonne et due forme.

Force est de constater que le recourant conservait sa liberté de choix de retirer ou pas son recours. Il était du reste d'ores et déjà assisté du conseil qui le représente dans la présente procédure. Le retrait par l'intimé de sa décision du 27 avril 2021 ne pouvait de bonne foi équivaloir à une assurance d'obtenir une autorisation de séjour pour cas d'extrême gravité, mais permettait au recourant de ne pas être sous le coup d'un renvoi de Suisse pendant l'examen de sa nouvelle demande. On ne saurait dès lors discerner dans le comportement de l'intimé une quelconque violation du principe de la bonne foi ou de la confiance.

4.5 Quant au comportement prétendument contradictoire de l'intimé par rapport à la formation de la recourante, la question de l'attestation de résidence ici en cause est exorbitante au présent litige, puisqu'elle ne fait l'objet ni de la décision de l'OCPM du 7 décembre 2021 ni du jugement du TAPI attaqué. De plus, l'absence d'obtention par la recourante d'un diplôme professionnel est un constat objectif, et quand bien même on peut en discuter les raisons, les recourants n'apportent pas la preuve que l'établissement en temps voulu d'une attestation telle que demandée aurait permis de terminer une formation, ce qui ne semble toujours pas être le cas bien que le jugement du TAPI ait été rendu en août 2022.

Le grief de violation du principe de la bonne foi et de la confiance sera dès lors écarté.

5.             Les recourants soutiennent remplir les conditions d'un cas d'extrême gravité.

5.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

5.2 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

5.3 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er mars 2023, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

5.4 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral
[ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

5.5 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

5.6 Dans l'examen d'un cas de rigueur concernant le renvoi d'une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d'enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d'extrême gravité.

L’intérêt de l’enfant, tel que prévu par l'art. 3 CDE, est un élément d'appréciation dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_851/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.2).

La CourEDH indique quant à elle que lorsque des enfants sont impliqués, leur intérêt supérieur doit être pris en compte, et que même s'il ne peut être décisif à lui seul, cet intérêt doit se voir accorder un poids significatif. En conséquence, les organes décisionnels nationaux devraient, en principe, examiner et évaluer les éléments de preuve relatifs à l'aspect pratique, à la faisabilité et à la proportionnalité de tout déplacement d'un parent non national afin d'accorder une protection efficace et un poids suffisant à l'intérêt supérieur des enfants directement concernés par ce déplacement (ACEDH T.C.E. c. Allemagne du 1er mars 2018, req. n° 58681/12, § 57).

D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du TAF C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l'angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C 3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

5.7 Selon la jurisprudence, un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu'il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 137 I 284 consid. 1.3 ; 136 II 177 consid. 1.2). Les relations ici visées concernent en premier lieu la famille dite nucléaire, c'est-à-dire la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.2). Un étranger majeur ne peut se prévaloir d'une telle protection que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à un parent établi en Suisse en raison par exemple d'un handicap (physique ou mental) ou d'une maladie grave (ATF 129 II 11 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1153/2014 du 11 mai 2015 consid. 5.3 et 2C_251/2015 du 24 mars 2015 consid. 3).

Une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’art. 8 CEDH est possible aux conditions de l’art. 8 § 2 CEDH, pour autant qu’elle soit prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le refus de prolonger une autorisation de séjour ou d’établissement fondé sur l’art. 8 § 2 CEDH suppose une pesée des intérêts en présence et l’examen de la proportionnalité de la mesure (ATF 139 I 145 consid. 2.2 ; 135 II 377 consid. 4.3). L’examen de la proportionnalité sous l’angle de l’art. 8 § 2 CEDH se confond avec celui imposé par l’art. 96 LEI (arrêts du Tribunal fédéral 2C_419/2014 du 13 janvier 2015 consid. 4.3 ; ATA/1539/2017 du 28 novembre 2017 consid. 6b).

L’art. 8 CEDH n’emporte pas une obligation générale pour un État de respecter le choix par des immigrants de leur pays de résidence et d’autoriser le regroupement familial sur le territoire de ce pays (ACEDH Ahmut c. Pays-Bas, 28 novembre 1996, Rec. 1996-VI, req. n° 21702/93, § 67) ; il ne consacre pas le droit de choisir l'endroit le plus approprié à la poursuite de la vie familiale (DCEDH Adnane c. Pays-Bas, du 6 novembre 2011, req. n° 50568/99 ; Mensah c. Pays-Bas, du 9 octobre 2001, req. n° 47042/99). Dans une affaire qui concerne la vie familiale aussi bien que l’immigration, l’étendue des obligations pour l’État d’admettre sur son territoire des proches de personnes qui y résident varie cependant en fonction de la situation particulière des personnes concernées et de l’intérêt général (ACEDH Osman c. Danemark, du 14 juin 2011, req. n° 38058/09, § 54 ; Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, du 28 mai 1985, série A n° 94, § 67 et 68).

Les facteurs à prendre en considération dans ce contexte sont la mesure dans laquelle le refus d’autorisation entrave la vie familiale, l’étendue des liens que les personnes concernées ont avec l’État contractant en cause, la question de savoir s’il existe ou non des obstacles insurmontables à ce que la famille vive dans le pays d’origine d’une ou plusieurs des personnes concernées et celle de savoir s’il existe des éléments touchant au contrôle de l’immigration ou des considérations d’ordre public pesant en faveur d’une exclusion de l’étranger (ACEDH Rodrigues da Silva et Hoogkamer c. Pays-Bas, Rec. 2006-I, req. n° 50435/99, § 39 ; DCEDH Margoul c. Belgique, du 15 novembre 2011, req. n° 63935/09).

Une autre considération importante consiste à savoir si la vie familiale a été créée à un moment où les personnes impliquées étaient conscientes que le statut de l'une d’elles vis-à-vis des services de l'immigration était tel que la pérennité de la vie familiale dans l'État hôte serait dès le départ précaire : lorsque tel est le cas, le renvoi du membre étranger de la famille ne sera qu'exceptionnellement incompatible avec l'art. 8 CEDH (ACEDH M.A. c. Danemark du 9 juillet 2021, req. n° 6697/18, § 134 ; Antwi et autres c. Norvège du 14 février 2012, req. n° 26940/10, § 89 ; Nunez précité, § 70).

5.8 En l'espèce, la durée du séjour des recourants en Suisse n'est pas très longue, soit moins de sept ans même en considérant que le recourant serait arrivé en Suisse en septembre 2016 comme il le prétend. Le fait qu'ils soient jeunes n'y change rien ; en revanche, comme retenu à juste titre par le TAPI, le fait que la recourante ait passé une partie de son adolescence à Genève doit être pris en compte. Par ailleurs, la durée de ce séjour doit être relativisée dans la mesure où il a été effectué dans l'illégalité, puis au bénéfice d'une tolérance des autorités de migration.

L'intégration sociale et professionnelle des recourants ne saurait être qualifiée d'exceptionnelle au sens de la jurisprudence.

La recourante n'a pour l'instant pas atteint un niveau de scolarité élevé, ni obtenu de diplôme professionnel – quelles qu'en soient les causes –, et n'est pas indépendante financièrement, même si l'on doit retenir qu'elle est encore jeune, en formation et qu'elle a accouché en 2020, ce qui tempère cette situation. Si elle n'a jamais recouru à l’aide sociale et ne semble pas avoir de casier judiciaire, ces éléments relèvent du comportement que l’on est en droit d’attendre de toute personne séjournant dans le pays (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2 ; ATA/1171/2021 du 2 novembre 2021 consid. 8). Vu sa scolarisation à Genève, d'abord en classe d'accueil puis en classe régulière, on peut aussi partir de l'idée que sa connaissance du français est suffisante. Enfin, la recourante n'allègue pas s'être impliquée à un quelconque titre dans la vie culturelle ou associative genevoise.

Le recourant est quant à lui indépendant financièrement, mais son ascension professionnelle ne peut être qualifiée d'exceptionnelle au sens de la jurisprudence, puisqu'il a travaillé en tant que serveur dans le domaine de la restauration. Aucune pièce au dossier n'atteste de son niveau de maîtrise de la langue. Il n'allègue pas non plus s'être impliqué à un quelconque titre dans la vie culturelle ou associative genevoise, ni s'être créé des attaches particulièrement étroites avec la Suisse au point de rendre étranger son pays d'origine, à l'exception de sa compagne et de leur fils. De plus, le recourant a fait l'objet d'une condamnation pénale pour délit contre la LStup, fait qui ne va pas dans le sens d'un respect scrupuleux de l'ordre et de la sécurité publics – qu'il s'agisse d'une erreur de jeunesse ne saurait occulter totalement cet élément négatif dans le tableau général de son intégration sociale.

S'agissant de leurs possibilités de réintégration dans leur pays d'origine, la recourante, âgée aujourd'hui de 20 ans, est née au Nicaragua, et elle ne prétend pas ne pas savoir l'espagnol. Elle y a vécu son enfance et le début de son adolescence, puisqu'elle est arrivée en Europe à l'âge de 14 ans. À cet égard, les pièces fournies par la recourante montrent un climat familial délétère pendant son enfance au Nicaragua, ce qui peut toutefois arriver partout dans le monde. Elle allègue par ailleurs des violences sexuelles de la part de son père, mais les pièces qu'elle a fournies ne permettent pas de l'établir. Le rapport de l'OMP indique seulement qu'elle a évoqué que son père avait tenté de lui faire « des choses bizarres », et l'attestation de la psychologue l'ayant suivie une mention de possibles comportements inadéquats sexualisés de la part de son père. Il ne peut dès lors être retenu qu'elle risquerait pour son intégrité en cas de retour dans son pays d'origine. La recourante est par ailleurs jeune et en bonne santé et, de retour dans son pays d'origine, elle pourra faire valoir les connaissances générales et linguistiques acquises en Suisse.

Le recourant est pour sa part né en Albanie et y a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans. Il parle albanais et connaît les codes sociaux de son pays. Il apparaît que le recourant pourra, en cas de retour dans son pays, mettre à profit l’expérience professionnelle et les connaissances de la langue française acquises durant son séjour en Suisse. Âgé de 25 ans, le recourant est encore jeune et en bonne santé. Ainsi, quand bien même après plusieurs années passées à l’étranger, il traversera à son retour une nécessaire phase de réadaptation, sa réintégration socio-professionnelle ne paraît pas gravement compromise.

Quant à leur fils, il est âgé de moins de trois ans, et non encore scolarisé, si bien que son sort est encore dépendant de celui de ses parents.

Enfin, les recourants ne peuvent être suivis lorsqu'ils prétendent que le jugement attaqué causerait nécessairement la séparation du couple et que le refus de les voir rester en Suisse serait contraire à l'art. 8 CEDH. Leurs allégations quant à l'impossibilité de vivre leur vie de famille au Nicaragua – où ils pourraient s'installer à bonne distance du lieu de résidence du père de la recourante – ou en Albanie sont toutes générales, et ils ne démontrent aucunement que l'un de ces deux pays refuserait le regroupement familial du conjoint d'un national. En outre, au moment où ils se sont mis en couple, tant l'un que l'autre était en situation de séjour illégal en Suisse, si bien qu'ils devaient être conscients que leur statut de droit des étrangers était tel que la pérennité de la vie familiale en Suisse serait précaire.

Les griefs de violation de l'art. 30 al. 1 let. b LEI et de l'art. 8 CEDH seront écartés.

6.             Reste à examiner la question de leur renvoi.

6.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64 let. d al. 1 LEI).

6.2 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

6.3 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour aux recourants, l'intimé devait prononcer leur renvoi. Les arguments que les recourants soulèvent quant à leurs difficultés de réintégration ont déjà été examinés supra, et ils n’invoquent aucun élément permettant de retenir que leur renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé ; de tels éléments ne ressortent pas non plus du dossier.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

7.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 septembre 2022 par A______ et B______, agissant en leur nom et en celui de leur enfant mineur C______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Imed ABDELLI, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. DIKAMONA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.