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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1165/2023

ATA/706/2023 du 27.06.2023 ( PRISON ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1165/2023-PRISON ATA/706/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juin 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE FERMÉ CURABILIS intimé



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le détenu), né le ______ 1954, exécute une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l’art. 59 al. 3 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) au sein de l’établissement fermé Curabilis depuis le 6 décembre 2021.

Depuis son placement jusqu’à la date du 28 mars 2023, pertinente dans le présent litige, il a fait l’objet de trois sanctions soit : 1) en mars 2022, un avertissement écrit pour avoir refusé de se déplacer dans un autre lieu lors de la fouille de sa cellule ; 2) en avril 2022, une amende de CHF 50.- avec sursis de deux mois pour avoir accusé le personnel de surveillance de vol d’effets personnels ; 3) en décembre 2022, une amende de CHF 50.- avec sursis de deux mois ainsi que des arrêts pour avoir injurié le personnel.

b. Par décision du 28 mars 2023, A______ a été sanctionné de deux jours d’arrêt, sans sursis, pour refus d’obtempérer et de deux jours d’arrêt disciplinaire avec sursis d’un mois, pour menace. L’intéressé avait été entendu oralement le 15 mars 2023 à 13h32 et un procès-verbal d’audition établi le 28 mars. La sanction lui avait été notifiée à cette dernière date, le détenu refusant de la signer. La sanction serait effectuée en cellule forte. La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Selon le rapport établi par un gardien, le détenu était, le 15 mars 2023, à 7h25, rapidement sorti de sa cellule pour aller déposer un courrier dans la boîte aux lettres et remonté aussitôt en cellule sans obéir à l’agent de détention qui lui demandait de se rendre « en lieu de vie » pour le petit-déjeuner. Il n’avait pas répondu à la question de savoir ce qu’il faisait et était retourné dans sa cellule se coucher et s’enfermer. Lors d’un entretien, à 9h45, l’agent de détention avait rappelé au détenu la nécessité de remplir de façon complète un courrier, l’adresse de l’expéditeur et le numéro de cellule faisant défaut sur l’enveloppe du matin. A______ s’était énervé et avait haussé le ton en voyant le courrier. À la demande du soignant de l’écouter, le détenu l’avait invectivé en criant « tais-toi » sur un ton menaçant. Le dialogue étant impossible, les agents de détention avaient pris la décision de remonter le détenu en cellule. Il avait continué à s’énerver et hurler en pointant l’infirmier du doigt et lui disant : « Fais attention à toi, les gaz m’ont empêché de dormir toute la nuit, tu le sais très bien ». À 10h45, à la demande du Docteur B______ du Service des mesures institutionnelles (ci-après : SMI), le détenu avait été descendu en cellule 2.01 en « mesure conservatoire » sans usage de la contrainte. Le personnel de l’établissement s’était équipé d’une « Bodycam ». Le service médical a conclu que le détenu était compensé.

Entendu le jour même, l’infirmier présent le 15 mars 2023 a confirmé avoir dit au détenu de se taire et demandé à l’agent de détention présent de le remonter en cellule. Le détenu s’était approché de lui en pointant son doigt et lui disant qu’il y avait du gaz dans sa cellule et que « qu’[il] devait faire attention à [lui] ». Le détenu n’avait pas précisé le type de représailles, mais avait réitéré ses menaces par interphone.

A______ a été hospitalisé du 15 au 28 mars 2022.

Le détenu a été entendu le 28 mars 2023 de 13h32 à 13h50, à teneur du procès-verbal. Celui-ci détaille, mot pour mot, les propos de l’agent de détention et du détenu. Ce dernier a expliqué avoir mal dormi la nuit du 14 au 15 mars 2023. Il était en souci pour le courrier qu’il devait poster, adressé au Procureur général. Il avait répondu : « tais-toi » à l’infirmier qui lui avait manqué de respect, ce dernier lui ayant préalablement dit : « taisez-vous ». Il n’avait pas de souci avec les autres soignants, mais n’entendait pas se laisser parler de la sorte. L’infirmier avait touché à sa dignité humaine, raison pour laquelle il avait répondu dans le même registre. Il contestait avoir tenu les propos menaçants qui lui étaient reprochés, mais n’était pas d’accord qu’on lui manque de respect. Il avait dit à l’agent de détention de « faire attention car il allait déposer une plainte pénale ».

Il ressort des images de vidéosurveillance du 28 mars 2023, avec son, que le personnel s’était rendu à la cellule d’A______ pour l’en extraire et l’amener à la cellule forte, à l’intérieur de laquelle il lui a notifié la sanction, lui a soumis le procès-verbal de l’audition du 28 mars 2023 et le document intitulé « notification de sanction ». L’intéressé a relevé ne pas avoir été entendu. Il a procédé à la lecture du procès-verbal, qu’il a commenté. Après quelque cinq minutes, il a demandé un stylo et a inscrit sur le procès-verbal qu’il réfutait les accusations.

B. a. Par acte du 28 mars 2023, A______ a fait recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après chambre administrative) contre cette sanction. Il contestait avoir été entendu oralement. Aucun procès-verbal d’audition n’avait été établi. Un document, déjà rédigé, lui avait été présenté alors qu’il avait été amené en chambre forte. Il contestait que son droit d’être entendu ait été respecté. Il n’avait jamais pu raconter sa version des faits. Des infirmiers s’étaient « acharnés sur [lui] » alors qu’il ne les avait ni menacés physiquement ni agressés. Il leur avait dit de faire attention puisqu’il allait « réaliser » une plainte à leur encontre pour maltraitance sur personne handicapée. Il contestait avoir refusé d’obtempérer. Les psychiatres cautionnaient des comportements inadéquats à son égard, alors qu’il était malade et dépendant de leurs soins. La notification de sanction devait être déclarée nulle et non avenue dans la forme et son contenu, illicite. Il sollicitait un « audit » des plaignants et de lui-même, et la preuve que le personnel qui avait signé le document était présent le 15 mars 2023. Des suites civiles était réservées.

b. Par courrier du 16 avril 2023, A______ a sollicité de la juge déléguée des explications sur le courrier qui lui avait été adressé. Par retour de pli, la chambre de céans a précisé que l’apport du dossier et le délai pour répondre avaient été fixés à l’autorité intimée.

c. L’établissement a conclu au rejet du recours et a transmis les images de vidéosurveillance de la sortie de la cellule du détenu le 28 mars 2023 jusqu’à sa mise en cellule d’isolement.

d. Le recourant n’a pas souhaité répliquer dans le délai qui lui avait été imparti.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

f. Le contenu des pièces, y compris des images de vidéosurveillance, sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.              

2.1 Selon l’art. 65 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d’une certaine souplesse s’agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu’elles ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est, en soi, pas un motif d’irrecevabilité, pour autant que l’autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/284/2020 du 10 mars 2020 consid. 2a et la référence citée).

2.2 En l’espèce, le recourant n’a pas pris de conclusions formelles en annulation de la sanction disciplinaire à laquelle il a été condamné. L’on comprend toutefois de ses écritures qu’il se plaint d’une violation de son droit d’être entendu et conteste le bien-fondé de la sanction, de sorte que le recours satisfait aux exigences inmales de motivation.

3.             Le recourant conteste la sanction qui lui a été infligée.

3.1 Aux termes de l’art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, ce qui suppose l’existence d’un intérêt actuel. L’existence de celui-ci s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATA/60/2020 du 21 janvier 2020 consid. 2b et 2c et les références citées). En matière de sanctions disciplinaires, la chambre administrative fait en principe abstraction de l’exigence de l’intérêt actuel lorsque le recourant se trouve encore en détention au moment du prononcé de l’arrêt, faute de quoi une telle mesure échapperait systématiquement à son contrôle étant donné la brièveté de la sanction (ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 4a et la référence citée).

3.2 En l’espèce, bien que la sanction ait été effectuée et la période de sursis soit écoulée, le recourant conserve un intérêt actuel à l’examen de la légalité de celles-ci, dès lors qu’il ne ressort pas du dossier que sa peine aurait pris fin et qu’il pourrait en cas de nouvelle sanction disciplinaire être tenu compte de la sanction litigieuses au titre d’antécédent. Le recours est ainsi recevable.

4.             Le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu.

4.1 Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 141 V 495 consid. 2.2). Sa portée est déterminée d'abord par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 126 I 15 consid. 2). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution qui s’appliquent (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.1).

Tel qu’il est garanti par cette dernière disposition, le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 146 IV 218 consid. 2.3).

4.2 En l’espèce, le recourant a été entendu par un sous-chef le 28 mars à 13h32, pendant 20 minutes, conformément au procès-verbal versé au dossier et détaillé mot pour mot. Il ressort par ailleurs des images de la « bodycam », avec son, qu’il a pu lire le procès-verbal au moment de la notification de la sanction, à 15h, le temps nécessaire lui ayant été laissé pour ce faire. Si, certes, le document qui lui a été soumis au moment de sa mise en cellule forte était déjà rédigé, il s’agissait toutefois du compte rendu détaillé de son audition préalable. Le grief sera en conséquence rejeté.

5.             Le recourant conteste la sanction.

5.1 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

5.2 La personne détenue a l’obligation de respecter les dispositions du RCurabilis, les directives du directeur général de l’office cantonal de la détention, du directeur de Curabilis, du personnel pénitentiaire ainsi que les instructions du personnel médico-soignant (art. 67 du règlement de l'établissement de Curabilis du 19 mars 2014 - RCurabilis - F 1 50.15).

5.3 À teneur de l’art. 69 al. 1 RCurabilis, sont en particulier interdits l’insubordination et les incivilités à l’encontre du personnel de Curabilis (let. b) et les menaces dirigées contre les différents personnels de Curabilis, les intervenants extérieurs ou des personnes codétenues (let. c).

5.4 Si une personne détenue enfreint le RCurabilis, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 70 al. 1 RCurabilis). Il est tenu compte de l’état de santé de la personne détenue au moment de l’infraction disciplinaire (art. 70 al. 2 RCurabilis). Avant le prononcé de la sanction, la personne détenue doit être informée des faits qui lui sont reprochés et être entendue. Elle peut s’exprimer oralement ou par écrit (art. 70 al. 3 RCurabilis).

5.5 Selon l’art. 70 al. 4 RCurabilis, les sanctions sont l’avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximale de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let. b.), l’amende jusqu’à CHF 1'000.- (let. c) et les arrêts pour une durée maximale de dix jours (let. d). Ces sanctions peuvent être cumulées (art. 70 al. 5 RCurabilis). L’exécution de la sanction peut être prononcée avec un sursis ou un sursis partiel de six mois au maximum (art. 70 al. 6 RCurabilis).

5.6 Le directeur de Curabilis et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer les sanctions (art. 71 al. 1 RCurabilis). Le directeur de Curabilis peut déléguer la compétence de prononcer les sanctions prévues à l’art. 70
al. 4 RCurabilis à d’autres membres du personnel gradé de l’établissement, les modalités de la délégation étant prévues dans une directive interne (art. 71
al. 2 RCurabilis). La chambre administrative a jugé qu’une sanction prise par un agent pénitentiaire ayant le grade de sous-chef auquel le directeur de Curabilis avait délégué la tâche de statuer était valablement prononcée par une autorité compétente (ATA/1598/2019 du 29 octobre 2019 consid. 2d et la référence citée).

5.7 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATA/284/2020 précité consid. 4d et la référence citée).

5.8 L'art. 180 al. 1 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) réprime le comportement de celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne.

Sur le plan objectif, cette infraction suppose la réalisation de deux conditions : il faut que l'auteur ait émis une menace grave, soit une menace objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime (ATF 122 IV 97 consid. 2b ; 99 IV 212 consid. 1a), et que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_578/2016 du 19 août 2016 consid. 2.1 ; 6B_871/2014 du 24 août 2015 consid. 2.2.2). Le contexte dans lequel des propos sont émis est un élément permettant d'en apprécier le caractère menaçant ou non (arrêts du Tribunal fédéral 6B_593/2016 du 27 avril 2017 consid. 3.1.3 ; 6B_307/2013 du 13 juin 2013 consid. 5.2).

Dans sa casuistique, la chambre de céans a considéré que constituaient une menace les propos : « je vais trouver toutes vos adresses et je vais vous retrouver dehors » (ATA/670/2015 du 23 juin 2015) ou encore « fais attention à ta femme et tes enfants, quand je sortirai je m'en occuperai » (ATA/13/2015 du 6 janvier 2015).

En revanche, l’exclamation « Je vous préviens ( ). Le pied contre la porte et les coups (de pieds donnés au chariot ou de pieds donnés par le codétenu dans la porte), c’est aussi pour vous ! » et les phrases « Je ne suis pas détenu ici. Je ne suis pas malade. Vous devez arrêter le cigare ! Vous allez voir » n’atteignaient pas une intensité telle qu’elles pouvaient constituer une menace objectivement de nature à alarmer ou à effrayer un ou des agents de détention (ATA/731/2018 du 10 juillet 2018). De même, elle a retenu que l'expression « Genève, c'est petit » ne constituait pas, d’un point de vue objectif, une menace grave au sens de l’art. 180 al. 1 CP (ATA/1242/2018 précité consid. 9).

5.9 En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limitant à l’excès ou l’abus de ce pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/97/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4f et les références citées).

5.10 De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/97/2020 précité consid. 4d et les références citées).

5.11 En l’espèce, il ressort du procès-verbal d’audition trois griefs, soit le refus d’obtempérer à 7h25, un comportement inadéquat en disant « tais-toi » à l’infirmier et des propos menaçants en lui disant de faire attention à lui.

La sanction ne porte toutefois pas sur le second grief.

Le détenu ne conteste pas avoir refusé, malgré la demande du personnel de détention, à 7h45, de se rendre « en lieu de vie » pour le petit-déjeuner et s’être enfermé dans sa cellule après avoir posté un courrier, urgent selon lui, à l’attention du Procureur général. Ce faisant, le refus d’obtempérer est réalisé. Il conteste avoir menacé l’infirmier en lui disant : « Fais attention à toi, les gaz m’ont empêché de dormir toute la nuit, tu le sais très bien ». Il indiquait lui avoir dit de faire attention car il allait déposer une plainte pénale. Le contenu des propos tenus par le détenu au personnel soignant est toutefois confirmé par l’agent de détention. Dans ces conditions, ils doivent être considérés comme établis. Ils ne constituent toutefois pas une menace, les propos n’étant ni d’une gravité particulière ni de nature à avoir effrayé l’infirmier.

Ainsi, en refusant d’obtempérer, le recourant a violé ses obligations de détenu, telles que figurant aux art. 67 ss RCurabilis. Il s’ensuit que le principe d’une sanction est fondé.

5.12 Reste à déterminer si la sanction disciplinaire infligée est conforme au principe de la proportionnalité.

La peine consiste en deux jours d’arrêt disciplinaire sans sursis et deux autres jours avec sursis d’un mois.

La sanction choisie est apte et nécessaire pour garantir le respect de l’ordre au sein d’un établissement pénitentiaire, notamment le respect du personnel soignant.

L’insubordination litigieuse est d’une gravité moyenne. Toutefois, le recourant a des antécédents, ayant déjà fait l’objet d’un avertissement écrit pour un refus d’obtempérer le 21 mars 2022, d’une amende de CHF 50.- avec sursis de deux mois pour un comportement inadéquat le 3 avril 2022 et une amende de CHF 50.- avec sursis de deux mois le 8 décembre 2022 pour insultes.

L’établissement a choisi le type de sanction le plus sévère. Il a nuancé la quotité en prononçant le sursis pour la moitié de la peine. De surcroît, la période d’un mois de sursis est courte.

Compte tenu des nombreux antécédents disciplinaires du recourant depuis le 21 mars 2022, l'autorité intimée était fondée à faire preuve d’une certaine sévérité en lui infligeant, pour le refus d’obtempérer, une sanction de cellule forte. Il convient cependant de réduire la sanction afin de tenir compte du fait qu’il ne peut être retenu que les propos du recourant le 15 mars 2023 constituent des menaces à l’encontre du personnel de la prison. Ainsi, bien que l’autorité intimée jouisse d’un large pouvoir d’appréciation en la matière, la sanction de quatre jours de cellule forte, dont deux avec sursis, en tant qu’elle réprimande également le recourant pour des menaces, ne respecte plus le principe de la proportionnalité. Une sanction de deux jours de cellule forte paraît plus appropriée, au vu tant des faits reprochés, de la faute du recourant et de ses antécédents.

Le recours sera ainsi admis dans cette mesure et l’illicéité de la sanction en tant qu’elle porte sur quatre jours et non deux jours de cellule forte sera constatée.

5.13 Par ailleurs, rien n’indique que la procédure n’aurait pas été respectée, puisque le recourant a été entendu et qu’un médecin a attesté qu’il n’était pas en « décompensation aiguë ». La sanction a en outre été rendue par le sous-chef l’établissement, à savoir, selon la jurisprudence susmentionnée, l’autorité compétente visée à l’art. 71 al. 1 et 2 RCurabilis.

Le fait que l’agent de détention qui a prononcé la sanction et celui qui l’a notifiée au recourant n’étaient pas la même personne n’est pas déterminant en l’espèce, ce fait étant dû à l’hospitalisation de l’intéressé pendant treize jours entre les faits et la notification de la sanction.

6.             Au vu de la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87
al. 1 LPA) ni alloué d’indemnité de procédure, le recourant n’ayant pas encouru de frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 mars 2023 par A______ contre la décision de l’établissement pénitentiaire fermé Curabilis du 28 mars 2023 ;

 

au fond :

l’admet partiellement ;

constate le caractère illicite de la sanction du 28 mars 2023, au sens des considérants ;

rejette le recours pour le surplus ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'établissement pénitentiaire fermé Curabilis.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

P. HUGI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :