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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3954/2021

ATA/467/2023 du 02.05.2023 sur JTAPI/934/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3954/2021-PE ATA/467/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mai 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Mme A______ et M. B______, agissant pour eux et pour leur fils mineur C______
représentés par Me Michel Celi Vegas, avocat recourants

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 septembre 2022 (JTAPI/934/2022)


EN FAIT

A. a. M. B______, né le ______ 1980, et Mme A______, née le ______ 1980, sont ressortissants D______. Ils se sont mariés le 2 juin 2006.

b. De leur union est issu C______, né le ______ 2010 au D______, de nationalité D______.

c. À une date inconnue, dès 2004 selon eux mais au plus tard en 2009, M. B______ et Mme A______ sont arrivés en Suisse. Ils ont formé une demande d’autorisation de séjour pour études, qui a été rejetée en 2010 par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), et sont repartis vivre au D______ dans le courant de l’année 2010.

d. Au D______, M. B______ et Mme A______ ont suivi des études respectivement de droit et de psychologie.

e. Dans le courant de l’année 2018, Mme A______ est revenue en Suisse pour y travailler et pour envoyer de l’argent à sa famille restée au D______.

f. En décembre 2016, M. B______ et C______ ont rejoint Mme A______ en Suisse.

g. M. B______ travaillait en qualité de déménageur jusqu’à un accident en mars 2022. Mme A______ travaille en qualité de vendeuse. C______ est scolarisé en 8P pour l’année 2022-2023.

B. a. Le 17 juillet 2020, M. B______ et Mme A______ ont adressé à l’OCPM une demande d’autorisation de séjour pour eux-mêmes et leur fils.

b. Le 11 mai 2021, l’OCPM leur a fait part de son intention de rejeter leur demande.

c. Le 25 juin 2021, M. B______ et Mme A______ ont exposé qu’après avoir obtenu leur diplôme au D______, ils n’avaient pu trouver de travail en qualité respectivement d’avocat et de psychologue en raison de leurs origines modestes. Mme A______ était revenue travailler en Suisse en qualité de femme de ménage. Arrivé en Suisse à l’âge de huit ans, C______ avait appris à écrire en français et parlait cette langue la plupart du temps. Il était parfaitement intégré, avait de très bons résultats scolaires, pratiquait le rugby dans un club genevois et était très apprécié de ses camarades. Il avait dû entamer un traitement orthodontique indispensable afin de garantir une croissance faciale harmonieuse., traitement qui ne leur était pas accessible au D______. En 2012, ils avaient été victimes au D______ d’une agression, qui les avait traumatisés. Ils voulaient offrir à leur fils un cadre sécurisant et il n’était pas envisageable de lui imposer un déracinement de Genève au D______. M. B______ était asthmatique et considéré comme à risque par rapport à la Covid-19. Compte tenu des conditions sanitaires au D______, son renvoi compromettrait fortement sa santé. Ils produisaient des documents attestant la scolarité et l’activité sportive de C______ ainsi qu’un rapport orthodontique, un rapport de police en portugais, des extraits de presse en portugais sur la situation sanitaire au D______ ainsi que des attestations de domicile de l’OCPM.

d. Par décision du 19 octobre 2021, l’OCPM a refusé de soumettre leur dossier avec un préavis positif au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) et a ordonné leur renvoi de Suisse en leur impartissant un délai au 3 janvier 2022 pour quitter le pays. Ils ne remplissaient pas les critères légaux d’un cas individuel d’extrême gravité, notamment le séjour continu de cinq ans avec un enfant scolarisé et l’intégration socioculturelle particulièrement remarquable, ni ne démontraient que leur réintégration au D______ aurait de graves conséquences sur leur situation personnelle. Ils étaient retournés au D______ respectivement six et huit ans et étaient aptes à s’y réintégrer tant socialement que professionnellement. Leur fils C______ y était né et y avait vécu durant huit ans. Il n’était pas encore adolescent et sa réintégration au D______ ne devrait pas lui poser de problème. Son traitement orthodontique pourrait être dispensé au D______.

C. a. Par acte du 18 novembre 2022, M. B______ et Mme A______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en leur faveur, subsidiairement au renvoi de leur dossier à l’OCPM pour nouvelle décision. Ils remplissaient les conditions du cas de rigueur. Ils avaient vécu en Suisse durant dix ans, notamment entre 2004 et 2010, puis respectivement depuis 2016 pour Mme A______ et 2018 pour M. B______ et C______. Respectueux de l’ordre juridique suisse, ils avaient déféré à la décision de renvoi de 2010 et étaient retournés au D______, où ils avaient accompli leurs études avec les économies réalisées en Suisse. Ils maîtrisaient la langue française, n’avaient jamais été aidés par l’Hospice général (ci-après : l’hospice) et ne faisaient l’objet ni de poursuites ni de condamnations pénales. Ils ont pour le surplus développé l’argumentation présentée devant l’OCPM. Ils ont produit une attestation de l’inscription de C______ en 7P à l’école de E______ pour l’année scolaire 2021-2022, divers documents scolaires le concernant, leur curriculum vitae ainsi que des attestations de réussite « opération papyrus » justifiant de leur niveau A2 à l’oral en français et des lettres de soutien.

b. Le 19 janvier 2022, l’OCPM a conclu eu rejet du recours. M. B______ et Mme A______ avaient pu retourner au D______ pour y étudier et y travailler et leur réintégration y était donc possible. Ils ne pouvaient se prévaloir d’une ascension professionnelle remarquable ni de connaissances professionnelles spécifiques qui ne seraient pas exploitables ailleurs, ni d’attaches particulières en Suisse. L’état de santé et le traumatisme subi ne constituaient pas de graves problèmes justifiant la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité.

c. Le 15 février 2022, M. B______ et Mme A______ ont persisté dans leurs conclusions. Leur intégration était prometteuse dès lors que Mme A______ ne travaillait plus comme femme de ménage mais comme vendeuse. C______ avait appris l’histoire de la Suisse et non celle du D______. À la suite de l’agression, Mme A______ avait développé des difficultés à quitter la maison et une peur excessive et elle était désormais en surpoids (117 kg pour 1.56 m). C______ avait eu des difficultés à parler et interagir avec ses camarades, mais était suivi par un orthophoniste afin d’améliorer son élocution. L’OCPM n’avait pas tenu compte de leur indépendance financière et avait manqué d’humanité dans l’appréciation de leur situation. Les conditions sanitaires, politiques et sociales au D______ étaient inquiétantes et leur renvoi dans ce pays mettrait leur vie en danger et contreviendrait au bien de leur enfant. Ils ont produit la copie du contrat de travail de Mme A______ avec F______ SA en qualité de vendeuse ainsi qu’un rapport orthodontique indiquant la durée, estimée à environ trois ans, du traitement de C______.

d. Le 28 mars 2022, M. B______ et Mme A______ ont produit une attestation établie le 16 mars 2022 par la Dre G______, pédiatre, indiquant que C______ souffrait encore de séquelles psychologiques d’événements survenus au D______, avec une bonne évolution grâce à un suivi psychologique et à une vie dans un contexte stable et sûr en Suisse. C______ était bien intégré et bénéficiait d’un suivi médical régulier ainsi que d’un soutien logopédique ayant permis une bonne intégration et une bonne évolution de sa scolarité.

e. Par jugement du 9 septembre 2022, le TAPI a rejeté le recours. M. B______ et Mme A______ et leur fils ne pouvaient bénéficier de l’« opération Papyrus ». Ils ne remplissaient pas les critères du cas individuel d’extrême gravité. Leur séjour de 2004 à 2010 avait déjà fait l’objet d’une décision. Au moment du dépôt de leur demande, ils ne comptabilisaient que quatre et deux ans de séjour en Suisse. Ils avaient toujours séjourné illégalement en Suisse. Leur intégration socio-professionnelle n’était pas exceptionnelle. Ils avaient travaillé dans le nettoyage puis la vente, respectivement le déménagement et ne pouvaient se prévaloir de connaissances spécifiques acquises en Suisse qu’ils ne pourraient mettre à profit ailleurs. Ils n’avaient pas noué de liens si profonds et durables qu’ils ne pourraient plus envisager un retour dans leur pays d’origine. Leur réintégration au D______ apparaissait possible et ne constituerait pas un déracinement. Le processus d’intégration de C______ n’était pas encore à ce point profond et irréversible qu’un retour ne puisse être envisagé. Le certificat médical attestait d’une bonne évolution et rien n’indiquait que C______ ne pourrait recevoir des soins au D______. Les problèmes de santé de Mme A______ n’étaient pas démontrés et ne l’avaient pas empêchée de travailler. La situation socio-économique et les problèmes de sécurité au D______ étaient notoires, mais touchaient l’ensemble de la population et ne permettaient pas de conclure que la réintégration serait gravement compromise. Le renvoi avait été prononcé à bon droit.

D. a. Par acte remis à la poste le 12 octobre 2022, M. B______ et Mme A______ ont recouru pour leur compte et celui de leur fils auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation ainsi qu’à l’annulation de la décision de l’OCPM et à ce qu’ils soient autorisés à disposer d’une autorisation de séjour. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à l’OCPM pour nouvelle décision. Préalablement, leur comparution personnelle ainsi que celle de leur fils devaient être ordonnées.

C’était principalement la préoccupation que C______ puisse poursuivre ses études en Suisse qui les poussait à recourir. Ils étaient arrivés en Suisse en 2004. Lorsqu’ils avaient quitté la Suisse en 2010, Mme A______ était enceinte de sept mois et demi. Elle est revenue en Suisse pour travailler en 2016 car elle avait été victime d’extorsions au D______. Après avoir stabilisé sa situation en Suisse, elle a pu accueillir son mari et son fils après 24 mois de séparation. Les deux périodes de présence en Suisse, de six ans chacune, devaient être additionnées et l’interruption ne devait pas être prise en considération. La condition de la durée du séjour était largement remplie. Ils gagnaient ensemble CHF 6'000.- par mois plus les allocations familiales. Ils jouissaient d’une situation professionnelle stable. Ils avaient de nombreux membres de la famille et amis qui étaient devenus leur nouvelle famille. Ils étaient particulièrement bien intégrés à Genève. Les nombreux cas de rigueur de l’« opération Papyrus » travaillaient dans l’économie domestique et il serait discriminatoire de retenir le critère de l’ascension professionnelle exceptionnelle. La scolarisation de C______ était un élément prépondérant dans la pesée des intérêts. Il s’était très bien intégré à Genève, s’était fait de nombreux amis et suivait ses cours assidument. Un renvoi de Suisse constituerait un déracinement contraire à son intérêt supérieur et une situation de rigueur. Ils n’avaient plus aucun réseau amical au D______ et leurs perspectives professionnelles et personnelles étaient donc fortement compromises en cas de retour dans ce pays. C______ n’avait aucun lien avec le D______ hormis sa nationalité. Il était âgé de 12 ans et se trouvait dans une période clé de la formation de sa personnalité. Au moment du dépôt du recours. Ils séjournaient en Suisse depuis plus de cinq ans, ce dont il devait être tenu compte. Ne pas comptabiliser la période durant laquelle leur séjour était toléré était arbitraire et contraire à la volonté du législateur de favoriser la régularisation des sans-papiers en Suisse. Son renvoi de Suisse serait contraire à la convention sur la protection des droits de l’enfant.

b. Le 14 novembre 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 5 janvier 2023, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. Ils ont produit le diplôme de psychologue de Mme A______ et son contrat de travail avec F______ SA en qualité de vendeuse pour un salaire horaire brut de CHF 26.12 et une durée de 21 à 41 heures par semaine, le bachelor de M. B______, la carte d’avocat attestant de son inscription à l’ordre des avocats du H______ le 10 août 2022 et celle attestant de son inscription au barreau de I______ au D______ le 2 juin 2022 ainsi qu’une liste des indemnités journalières perçues de la SUVA à la suite d’un sinistre subi le 25 mars 2022, mentionnant un salaire annuel assuré de CHF 56'862.-. Ils souhaitaient pouvoir exercer leurs activités professionnelles en Suisse et réitéraient leur demande d’une audition orale pour expliquer leurs projets personnels et professionnels.

d. Le 1er février 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Le 5 avril 2023, les recourants ont produit le contrat de bail portant sur un appartement de 4.5 pièces pour un loyer mensuel de CHF 1'855.- charges comprises. Ils renouvelaient leur demande d’une audience de comparution personnelle.

f. Le 11 avril 2023, les parties ont été informées que la cause restait gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             À titre préalable, les recourants demandent leur comparution personnelle.

2.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

2.2 En l’espèce, les recourants ont eu l’occasion de faire valoir leurs arguments par écrit devant l’OCPM, le TAPI puis la chambre de céans et de produire toute pièce utile. Ils n’exposent pas quels éléments, qu’ils n’auraient pu produire par écrit, leur audition orale quant à leurs projets personnels et professionnels pourrait apporter à la solution du litige. La chambre de céans considère qu’elle dispose d’un dossier complet et en état d’être jugé.

Il ne sera pas donné suite à la demande d’acte d’instruction.

3.             Le litige porte sur le refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du SEM la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur des recourants.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissantes et ressortissants du D______.

L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

Dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI] ; ATA/340/2020 du 7 avril 2020 consid. 8a).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Cst. (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

3.2 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de 7 à 8 huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance – par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3  ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération (ATF 123 II 125 consid. 5b.dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/90/2021 du 26 janvier 2021 consid. 3e).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.3 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

3.4 Dans l'examen d'un cas de rigueur concernant le renvoi d'une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de la famille. Dans certaines circonstances, le renvoi d'enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d'extrême gravité.

D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l'angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 de la convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE - RS 0.107, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

3.5 En l’espèce, les recourants ont formé leur demande d’autorisation de séjour le 17 juillet 2020, alors que l’« opération Papyrus » avait pris fin, le 31 décembre 2018. Ils ne sauraient donc se prévaloir de celle-ci, ce qu’ils ne font d’ailleurs pas explicitement et leur demande doit être examinée sous l’angle du cas individuel d’extrême gravité.

Les recourants font valoir qu’ils ont déjà séjourné en Suisse de 2004 à 2010. Toutefois, comme l’a souligné le TAPI, une autorisation leur avait déjà été refusée en 2010 et ils étaient alors repartis au D______ pour plusieurs années. Leurs deux séjours, discontinus, ne sauraient être additionnés, comme les recourants le demandent (ATA/247/2023 du 14 mars 2023 consid. 5.1). Les recourants ne peuvent ainsi faire valoir qu’un séjour qui atteignait au moment du dépôt de la demande quatre ans pour Mme A______ et deux ans pour M. B______ et C______, ce qui ne peut être considéré comme un séjour d’une très longue durée.

La durée de ce séjour doit en outre être relativisée dès lors qu’il s’est déroulé dans l’illégalité, voire dans la tolérance durant la procédure de demande d’autorisation. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, la prise en compte du caractère illicite du séjour pour en relativiser la durée n’a rien d’arbitraire, mais ressort au contraire de la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2A.137/2003 du 7 avril 2003 consid. 2.2 ; ATA/842/2022 du 23 août 2022 ; ATA/279/2021 du 2 mars 2021 ; ATA/1057/2018 du 9 octobre 2018 ; ATA/442/2018 du 8 mai 2018).

Les recourants établissent qu’ils maîtrisent le français au degré de compétence exigé. Ils travaillent tous deux, sont autonomes financièrement, n’ont jamais émargé à l’aide sociale, n’ont ni dettes ni poursuites ni actes de défaut de biens et leurs casiers judiciaires sont vierges. Ils ont produit récemment un contrat de bail portant sur un appartement de 4.5 pièces.

Il ressort des pièces qu’ils ont déposées que M. B______ travaillait en qualité de déménageur jusqu’à un accident subi le 25 mars 2022 et que Mme A______ travaille en qualité de vendeuse. Ces emplois, qui dénotent certes une volonté de s’intégrer et d’être autonomes, ne témoignent cependant pas d’une réussite professionnelle remarquable, quoi qu’en disent les recourants.

Les recourants invoquent leur attachement à la Suisse. Cependant, il est normal que le séjour en Suisse crée des liens professionnels, d’amitié ou de voisinage. Ceux que les recourants mettent en avant ne sont pas exceptionnels. Les recourants ne soutiennent pas exemple pas être investis dans la vie culturelle, associative ou sportive, avec une exception sur ce dernier point pour C______, dont la situation sera examinée plus loin.

Les recourants ne font pas valoir que les connaissances professionnelles acquises en Suisse ne pourraient être mises en œuvre ailleurs. Au demeurant, ils ont acquis au D______ des formations de niveau universitaire de psychologue et d’avocat et le recourant expose être inscrit aux barreaux du H______ et de I______ au D______. Il s’ensuit que leur réintégration au D______, de même d’ailleurs qu’au H______, paraît non seulement possible mais encore favorisée au plan professionnel par un niveau de qualification élevé – qu’ils n’ont par ailleurs pu exploiter en Suisse.

C______, âgé aujourd’hui de 12 ans, n’est arrivé en Suisse qu’à l’âge de huit ans et a donc passé l’essentiel de son enfance au D______, dont il maîtrise la langue et les codes culturels. Il vit en Suisse depuis quatre ans, où il accomplit avec succès sa scolarité, est intégré à une équipe de rugby et a des camarades de son âge. Il entre à peine dans l’adolescence, période déterminante pour la formation de la personnalité, il termine sa scolarité primaire et la durée de son séjour est trop courte, comme l’a relevé à juste titre le TAPI, pour que son renvoi au D______ puisse être comparé à un déracinement. Même si sa réintégration dans son pays ne se fera pas sans difficulté, son jeune âge et ses compétences scolaires devraient lui permettre de poursuivre sa scolarité et sa formation au D______ sans difficultés.

C’est ainsi à bon droit que l’OCPM puis le TAPI ont conclu que les recourants ne remplissaient pas les conditions à l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité.

4.             Dès lors que l’OCPM a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour aux recourants, il devait prononcer leur renvoi.

En l’espèce, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée. Les recourants ne le soutiennent plus devant la chambre de céans, et n’invoquent, à raison, plus les traumatismes qu’ils auraient subis au D______, ni le lien entre ceux-ci et les problèmes de surpoids de Mme A______.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire de M. B______ et de Mme A______, qui ne peuvent se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 octobre 2022 par M. B______ et Mme A______ pour leur compte et le compte de leur fils, C______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 septembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de M. B______ et Mme A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Celi Vegas, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio Mascotto, Président, Jean-Marc Verniory, Francine Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

Sibilla Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

Claudio Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.