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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1893/2022

ATA/144/2023 du 14.02.2023 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 21.03.2023, rendu le 14.11.2023, REJETE, 8C_185/2023
Descripteurs : INSTITUTION UNIVERSITAIRE;CONDITION DE RECEVABILITÉ;DÉCISION;CONTRATS EN CHAÎNE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;ÉTABLISSEMENT DE DROIT PUBLIC
Normes : LPA.1.al2; LPA.6.al1.letc; LPA.11.al2; LPA.4.al1; LU.43.al2; LPA.46.al1; LPA.47; LPA.5.lete; LU.9.letb; LU.12.al1; RPPers.155A; LU.12.al3; RPPers.164; RPPers.165; RPPers.168.al1; RPPers.171.al5; RPPers.172; RPPers.174.al1; RPPers.174.al4; RPPers.176; RPPers.177
Résumé : Durant 14 ans, le poste du recourant a été reconduit annuellement à des fonctions similaires, mais avec le même cahier des charges. Ses rapports de travail ont été principalement financés par des fonds publics, à l’exception de 3 ans environ par des fonds privés. Vu la globalité des rapports de travail, cette seule circonstance ne peut justifier une application du droit privé et la compétence des tribunaux civils. Recours partiellement admis et renvoi à l’université pour nouvelle décision.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1893/2022-FPUBL ATA/144/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 février 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Zoé Seiler, avocate

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1972, a été engagé à temps complet du 1er septembre 2007 au 31 juillet 2008 en qualité de B______ (ci-après : B______) suppléant à la section C______ (ci-après : la section) de la faculté des sciences (ci-après : la faculté) de l’université de Genève (ci-après : l’université). Il était alors professeur assistant à l’université de Bratislava. Durant l’année académique 2005/2006, il avait déjà travaillé auprès de la faculté en tant que maître assistant suppléant.

La section devait faire face au remplacement de trois professeurs ordinaires, dont les remplaçants ne seraient pas nommés avant le mois de septembre 2008.

2) Le mandat de M. A______ a été renouvelé du 1er août au 31 décembre 2008 (financement par des fonds du département de l’instruction publique - ci-après : DIP), du 1er janvier au 31 juillet 2009 (financement par des fonds du Fonds National de la Recherche Scientifique - ci-après : FNRS), du 1er août 2009 au 31 mars 2010 (fonds DIP), du 1er avril au 31 août 2010 (30 % fonds DIP, 70 % fonds FNRS), du 1er septembre 2010 au 30 juin 2012 (fonds DIP).

Ces renouvellements étaient prévus initialement pour garantir l’enseignement des cours « dans l’attente d’une procédure de nomination en cours », puis, à partir du 1er avril 2010, pour remplacer un professeur.

3) Par courrier du 16 décembre 2011, le président de la section a demandé à l’administrateur de la faculté que, pour des raisons budgétaires, le financement du poste de M. A______ soit réparti à concurrence de 50 % sur fonds du DIP et 50 % sur fonds du FNRS au lieu de 100 % sur fonds du DIP. Son cahier des charges restait inchangé.

4) La collaboration de M. A______ avec la section s’est poursuivie en tant que collaborateur scientifique I du 1er juillet au 31 décembre 2012 (fonds FNRS) et comme collaborateur scientifique I suppléant du 1er janvier au 30 juin 2013 (75 % fonds DIP, 25 % fonds FNRS).

Il s’agissait notamment de poursuivre ses recherches, achever la rédaction d’un livre, enseigner un ou deux cours, suivre plusieurs doctorants et continuer les recherches en cours.

5) Du 1er juillet 2013 au 30 juin 2015, M. A______ a derechef été engagé comme B______ suppléant (fonds DIP), dans l’attente de la nomination du remplaçant d’un professeur retraité.

Ce mandat a été renouvelé du 1er janvier au 30 juin 2016 à concurrence de 50 % sur fonds DIP et 50 % sur fonds FNRS, « pour des raisons budgétaires ».

Les tâches de M. A______ demeuraient inchangées.

6) Par courrier du 2 juin 2015, le président de la section a proposé à la faculté que le financement du taux de 50 % de M. A______ par les fonds du FNRS, soit remplacé par un financement du DIP de SwissMAP National Centre of Competence in Research (ci-après : SwissMAP). Son cahier des charges demeurait inchangé.

Cette collaboration a été régulièrement prolongée du 1er juillet 2016 au 31 août 2021 (fonds DIP SwissMAP). Dès 2014, les demandes de prolongation du mandat de M. A______ étaient signées par Monsieur D______, professeur, vice-président, puis président de la section et ensuite vice-président de SwissMAP.

7) Par courriers des 23 octobre 2019 et 20 octobre 2020, le président de la section et le vice-directeur de SwissMAP ont proposé à la faculté de poursuivre « exceptionnellement » cette collaboration jusqu’au respectivement 31 décembre 2020, puis 1er septembre 2021 « afin de [leur] permettre de faire le nécessaire pour [la] nomination [de M. A______] l’année prochaine ». Un poste de professeur assistant avait été ouvert sur la « structure financière du pôle SwissMAP à compter du 1er septembre 2021 ».

8) Le 26 septembre 2020, M. A______ a postulé pour un poste de professeur dans le domaine de la physique mathématique.

9) Par courrier du 23 mars 2021, répondant au courriel de M. A______ du 8 décembre 2020, le recteur de l’université lui a indiqué que l’analyse de ses contrats montrait que ceux-ci étaient conformes à la réglementation. Que ce fût sur un financement institutionnel ou sur fonds publics, leur succession et ses engagements comme B______ suppléant résultait d’un financement non pérenne, en lien avec le SwissMAP. Il ne pouvait être reproché à l’université d’avoir préféré, dans la phase de consolidation de SwissMAP, l’ouverture d’un poste de professeur à celle d’un poste de B______, dès lors que M. A______ pouvait postuler. En prévision de la prochaine rentrée académique, les postes professoraux ouverts seraient pourvus et le financement de sa suppléance actuelle ne serait plus assuré. Ainsi, la section lui avait proposé une ultime prolongation jusqu’au 30 juin 2022, financée par le FNRS. Par conséquent, il l’encourageait à mettre à profit ce temps pour entreprendre des recherches afin de trouver un autre poste dans une autre institution, l’université n’étant en l’état pas en mesure de lui proposer un poste correspondant à ses qualifications au-delà du 30 juin 2022.

10) Par courrier du 13 avril 2021, le président de la section et le vice-directeur de SwissMAP ont demandé à la faculté de procéder à un « ultime renouvellement » du mandat de M. A______ du 1er septembre 2021 au 30 juin 2022, en qualité de B______ (fonds DIP SwissMAP).

M. A______ avait été « informé de cette date limite au 30 juin 2022 et [était] à la recherche de nouvelles activités professionnelles ». Dans l’intervalle, son cahier des charges demeurait inchangé.

11) Par courriels des 20 juillet et 18 août 2021, M. A______ a demandé au recteur de l’université de reconsidérer sa décision.

En particulier, selon conseil pris auprès d’une étude d’avocats, il apparaissait que ses mandats successifs s’étaient enchaînés durant quatorze ans et que son contrat du 1er juillet 2014 avait été prolongé durant plus de quatre ans, dépassant la durée maximale prévue par la loi.

12) Dans sa réponse du 16 septembre 2021, le recteur de l’université a relevé que, nonobstant la durée prolongée de son statut de B______ suppléant, l’ensemble de ses mandats avait toujours été motivé sous l’angle d’un besoin temporaire, dont il connaissait les mécanismes de financement. Il ne pouvait être reproché à l’université que sa candidature n’ait pas été retenue pour le poste de professeur. En outre, il avait décliné, en 2015, une offre pour un poste de professeur à Dublin. Tel qu’indiqué précédemment, l’université ne pourrait lui proposer un poste au-delà du 30 juin 2022.

13) Par courrier du 18 mars 2022, répondant au courriel de M. A______ du 10 décembre 2021 relatif à une demande de promotion, le président de la section l’a informé que celle-ci concernait uniquement les employés au bénéfice d’un poste renouvelable sans limites de durée, ce qui n’était pas son cas. Les bases légales auxquelles il se référait s’appliquaient aux collaborateurs rémunérés par l’État. L’université ne pouvait donc pas donner suite à sa demande.

14) Par courrier recommandé du 6 avril 2022, M. A______ a demandé au président de la section de reconsidérer sa situation et de lui octroyer la promotion sollicitée. Dans la négative, il lui demandait de bien vouloir reconsidérer le refus de prolongation de son contrat au-delà du 30 juin 2022 et de poursuivre son engagement en tant que B______ « afin que la situation formelle soit conforme à la réalité matérielle de son contrat ».

Concrètement, il occupait la fonction de B______ suppléant depuis plus de quatorze ans. L’université avait admis cette situation en renouvelant son mandat sur une longue durée et en lui confiant des tâches que seul un B______ engagé de manière fixe pouvait accomplir. L’essentiel des financements de son poste au cours de son engagement provenait du budget de l’État et non de fonds privés. Il fallait considérer sa situation dans sa globalité et non en se basant uniquement sur les neuf derniers mois. Les faits démontraient qu’il avait été considéré par l’université comme un B______, et non comme un B______ suppléant, la fin de son contrat sur la base d’un refus de prolongation n’était pas conforme aux règles applicables à la fin des contrats du personnel non temporaire de l’université. Sa situation lui faisait porter le risque économique et financier lié à son engagement, ce qui n’était pas conforme aux règles en matière d’engagement de salariés, ni à leur but, d’autant plus que l’université disposait de fonds publics et de finances saines et solides.

15) Par pli du 11 mai 2022, répondant aux courriels des 4 et 28 avril 2022 de M. A______, le recteur de l’université lui a confirmé que ni la section ni l’université ne disposaient de financement au-delà du 30 juin 2022. Le projet de pérennisation de certains postes n’était pas abouti, l’université ne disposant alors pas d’un budget spécifique pour le mener à bien et aucune échéance ne pouvant être articulée en l’état quant à son issue. Au surplus, il se référait au courrier du 18 mars 2022. M. A______ connaissait les motifs qui avaient « légitimé les suppléances répétées », ainsi que le fait que la dernière prolongation de son contrat sur fonds institutionnels était une ultime prolongation, selon ce qui lui avait été annoncé plus d’un an auparavant.

16) Par courrier du 12 mai 2022, le président de la section a confirmé à M. A______ qu’il ne remplissait pas les conditions pour déposer une demande de promotion.

Le fait qu’il ait assuré la direction de thèse de plusieurs doctorants correspondait à sa fonction de B______ et ne modifiait pas la qualité de la relation de travail qui le liait à l’université.

Vu l’art. 155A du règlement sur le personnel de l'université du 17 mars 2009 (RPers), la durée totale de l’engagement ne pouvait en principe excéder quatre ans et toute proposition de prolongation devait être motivée et justifiée sous l’angle du besoin temporaire, ce qui avait toujours été le cas dans sa situation. Compte tenu de la nature de son engagement et nonobstant les nombreuses années de collaboration, il n’avait jamais fait l’objet d’une procédure de renouvellement telle que prévue pour les membres du personnel enseignant engagés sur fonds publics et au bénéfice de mandats renouvelables sans limitation dans le temps. Il avait également eu la possibilité de postuler au poste professoral ouvert dans la phase de consolidation de SwissMap. Le fait que sa candidature n’avait pas été retenue ne pouvait être reproché à l’université. Il avait été dûment informé que son engagement actuel jusqu’au 30 juin 2022 serait le dernier.

17) Par courriel du 22 mai 2022, M. D______ a invité M. A______ à postuler à un poste de professeur dans le domaine de la physique mathématique.

18) Le 24 mai 2022, M. A______ a demandé au président de la section de lui confirmer que son courrier du 12 mai 2022 constituait bien une décision sur opposition. Ce dernier ne comportait pas les mentions requises à cette fin. Il lui impartissait un délai au 31 mai 2022 pour clarifier la situation juridique.

19) Le 31 mai 2022, la directrice des affaires juridiques de l’université lui a répondu que, selon les bases légales et la jurisprudence y relative, il n’y avait pas de droit à obtenir une promotion et que la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) ne s’appliquait pas. La demande de prolongation de son contrat de travail de droit privé ne relevait pas du droit public. Le courrier du 12 mai 2022 n’avait donc pas à présenter les caractéristiques revendiquées. Il s’agissait d’une simple communication.

20) Le 26 juillet 2022, un certificat de travail a été établi par le président de la section et le vice-directeur de SwissMAP en faveur de M. A______.

Le mandat de M. A______ du 1er septembre 2007 au 30 juin 2022, financé alternativement par le DIP ou sous contrat de droit privé, avait été reconduit « selon les financements disponibles liés aux projets de recherches dans le cadre desquels il était affecté ». Dans l’exercice de sa fonction, il avait mené des travaux de recherches, enseigné et encadré les travaux de cinq doctorants. L’excellence de son travail était relevée.

21) Par acte du 9 juin 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 12 mai 2022, en concluant principalement à son annulation, à la constatation qu’il avait été et était actif en tant que B______, de la poursuite, respectivement de « l’extension » de son contrat avec l’université en tant que B______, à sa réintégration et sa nomination, à la constatation que les conditions matérielles sont réunies pour que l’université examine au fond sa demande d’être promu comme professeur associé, à ce qu’il soit enjoint à l’université d’entrer en matière sur sa demande de promotion. Subsidiairement, il demandait que l’université soit condamnée à lui verser la somme de CHF 114'428.25 avec intérêts à 5 % à compter du 1er juillet 2022. Plus subsidiairement, il sollicitait le renvoi de la cause à la section pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Bien que la décision du 12 mai 2022 n’eût pas été rendue formellement en tant que telle, elle avait eu un impact sur ses droits et obligations. Il avait interpellé l’université à plusieurs reprises au sujet de la prolongation de son contrat. Elle avait refusé de rendre une décision au motif qu’il ressortissait au droit privé. Si son dernier contrat était formellement un contrat de droit privé, l’ensemble des rapports d’emploi relevait matériellement du droit public. Il s’agissait donc d’une décision. S’il ne pouvait s’opposer aux choix de l’université, il serait privé de la possibilité de faire valoir ses droits.

Même s’il avait formellement été B______ suppléant durant son engagement, il avait matériellement occupé un poste de B______, notamment en étant directeur de plusieurs thèses. Malgré les efforts de l’université pour justifier le statut temporaire et de droit privé de son poste, il devait être considéré comme faisant matériellement partie du personnel fixe de l’université en tant que B______ et non comme B______ suppléant. Le courrier du 12 mai 2022 indiquait d’ailleurs qu’il occupait une fonction de B______ et en assumait les tâches. La fin de son contrat sur la base d’un simple refus « d’extension » n’était pas conforme aux règles applicables à la fin des contrats du personnel non temporaire de l’université, lequel devait faire l’objet d’un examen au fond, notamment en lien avec les aptitudes de la personne concernée. Aucun reproche n’avait été formulé à l’encontre de son travail. Les restrictions en matière de non-renouvellement imposaient à l’université de justifier le refus de poursuite des rapports d’emploi, ce qui n’avait pas été le cas. L’approche de l’université revenait également à distinguer chaque contrat selon son financement, ce qui n’avait pas de sens après quinze ans de collaboration et n’aurait pour effet que de péjorer artificiellement ses droits, voire de l’en priver. Le fait qu’il en eût été informé ne justifiait nullement le procédé. Il avait été maintenu artificiellement dans un poste non pérenne pour des raisons de gestion de budget et de commodité de la part de l’université. L’université avait violé l’esprit des règles applicables en le maintenant aussi longtemps en tant que B______ suppléant, en lui faisant supporter le risque du financement et en décidant subitement de transférer le financement de son poste sur un nouveau poste de professeur qu’elle avait ouvert, alors qu’elle avait dit avoir l’intention de pérenniser son poste. Ce comportement, ayant abouti à un refus subit et non motivé de poursuite de collaboration avec un collaborateur qui n’avait appelé aucune critique quant à la qualité de son travail, était constitutif d’un abus de droit. Comme il ne devait être matériellement considéré comme un B______, son contrat ne pouvait cesser le 30 juin 2022 sans motif. Il devait pouvoir continuer à exercer son activité au service de l’université.

La même approche était applicable pour le refus d’examen de sa demande de promotion.

22) Dans ses écritures responsives du 16 août 2022, l’université a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Les rapports de travail entre le recourant et l’université avaient été de droit public ou privé, selon les fonds ayant financé son poste. Compte tenu de la distinction opérée par l’art. 12 al. 1 de la loi sur l’université du 13 juin 2008
(LU - C 1 30) entre les collaborateurs de l’enseignement et ceux de la recherche, lorsque des fonds extérieurs avaient financé son poste, le recourant était au bénéfice d’un contrat de travail de droit privé. Cela était notamment le cas lors de son dernier engagement du 1er septembre 2021 au 30 juin 2022. Il en avait toujours été informé. Les tribunaux civils étaient ainsi compétents pour trancher les litiges résultant de la résiliation des rapports de travail et de la délivrance du certificat de travail, conformément à l’art. 177 RPers.

Le dernier engagement du recourant rémunéré par des fonds provenant du budget de l’État avait pris fin le 31 août 2021. S’il entendait contester la fin de son engagement en qualité de B______ suppléant, il lui appartenait de le faire dans un délai de trente jours suivant l’information qui lui avait été faite que celui-ci ne serait pas prolongé. Bien que le recourant en avait été informé par courriers des 23 mars et 16 septembre 2021 et qu’il indiquait avoir contacté un avocat dans son courriel du 18 août 2021, il ne s’y était pas opposé.

Selon la jurisprudence constante, le refus de promotion du recourant ne constituait pas une décision administrative et ne pouvait faire l’objet d’un recours. Même si une décision au sens formel avait été rendue concernant la non-promotion en qualité de professeur associé du recourant, celle-ci n’aurait pas pu faire l’objet d’une opposition ou d’un recours, vu l’art. 2 let. d LPA et la jurisprudence y relative.

Sur le fond, les différents engagements du recourant étaient tous motivés par des besoins temporaires, dictés soit par des besoins de remplacement, soit par des financements de projets non pérennes. Ils reposaient ainsi sur des motifs objectifs. Vu l’art. 155A al. 4 RPers, la limite de principe de quatre ans n’était pas stricte et l’université pouvait s’en affranchir dans des cas particuliers. L’engagement en qualité de suppléant du recourant ayant été lié ces dernières années au cas particulier de SwissMAP, il n’apparaissait pas contraire à l’art. 155A al. 4 RPers. Le dépassement de cette limite de principe ne pouvait pas créer des rapports de travail de nature pérenne.

Il ressortait de l’esprit et de la systématique des règles applicables en matière de nomination et de promotion, que la promotion en qualité de professeur associé n’était ouverte qu’aux B______ occupant une fonction rémunérée par des fonds provenant du budget de l’État et renouvelable sans limite dans le temps. Le recourant n’avait toutefois jamais occupé une telle fonction renouvelable sans limite dans le temps. Ayant été respectivement B______ suppléant et B______ engagé par des fonds provenant de l’extérieur, il n’avait jamais été nommé à la suite d’une inscription publique, laquelle impliquait une mise en concurrence entre les éventuels candidats. Il n’avait jamais été soumis aux règles relatives au renouvellement, lesquelles prévoyaient notamment la soumission d’un rapport d’activité examiné par une commission de renouvellement. Le président de la section n’avait pas, à juste titre, donné une suite favorable à sa demande de promotion.

23) Dans sa réplique, M. A______ a persisté dans ses conclusions et précédents développements. Il concluait en outre à ce qu’il soit ordonné à l’université de produire la partie non publique de l’annonce relative au poste de B______ ouvert à la section en février-mars 2020, en particulier la lettre de motivation pour l’ouverture du poste et la preuve du fait que seul un nouveau poste avait été repourvu à ce jour.

Les reproches faits de ne pas avoir pris un poste à Dublin en 2015 n’étaient pas pertinents. Le suivi de doctorants qu’il avait effectué visait un engagement sur plusieurs années. De même, il avait enseigné le même cours obligatoire pendant sept ans. Celui-ci se perpétuait après son départ et était à nouveau confié à une enseignant suppléant. Il ne s’agissait pas de répondre à des besoins temporaires. Il n’avait eu aucune garantie que sa candidature serait retenue. Au fur et à mesure des années, il avait obtenu de manière informelle de nombreuses garanties morales et assurances que son poste serait pérennisé. S’il ne pouvait être déterminé pour quelle raison son poste n’avait pas été formellement pérennisé, l’alternative ne pouvait être la précarité de son statut que l’université cherchait à justifier. De plus, le poste dont l’ouverture devait avoir pour conséquence l’absence de fonds pour financer son poste, dans la mesure où lesdits fonds devaient financer le nouveau poste, n’avait pas été pourvu.

24) L’université a dupliqué en persistant dans ses conclusions et précédents développements, en transmettant les documents demandés relatifs à l’annonce pour le poste de B______ et ceux mis au concours.

En sa qualité de B______ suppléant ou de B______ engagé pour une durée déterminée, le recourant avait effectivement assuré des tâches d’enseignement et de direction de thèse. Une personne engagée en suppléance ou pour une durée déterminée était en règle générale amenée à effectuer les tâches dévolues à la fonction qu’il occupait, en l’occurrence à celle de B______.

Lorsqu’elle envisageait de mettre au concours un poste de B______, la section avait préparé un exposé des motifs et une annonce de poste, laquelle ne mentionnait pas de candidature interne. En 2020, l’université avait finalement mis au concours deux postes de niveau professoral, soit un de professeur ordinaire, associé ou assistant, l’autre de professeur assistant avec pré-titularisation conditionnelle au sein de la section. Le premier avait été repourvu. La personne retenue pour le second s’était désistée. La section s’était donc à nouveau trouvée dans une situation nécessitant de faire appel à une suppléance. Avec l’accord de l’université, la section était en train de procéder au recrutement d’un professeur ordinaire par voie d’appel. Tout recrutement à un poste pérenne de B______ engagé à un taux supérieur à 50 % impliquait un concours ouvert. Le recourant, engagé en qualité de B______ suppléant ou par contrat de droit privé de durée déterminée, n’avait pas été engagé ou prolongé à la suite d’un concours ouvert, ni soumis à une procédure de renouvellement.

Aucune limitation des tâches habituellement dévolues aux B______ n’était légalement prévue. Un collaborateur de l’enseignement et de la recherche engagé en suppléance ou pour une durée déterminée était couramment amené à exercer des tâches telles que des enseignements de base ou des directions de thèse. La nature des tâches effectuées n’était pas déterminante et sans incidence sur le caractère renouvelable ou non d’un engagement. S’agissant du recrutement pour un poste renouvelable, l’université devait procéder à un concours ouvert. Elle n’aurait pu fournir aucune garantie quant à un engagement futur, dans la mesure où, dans le cadre d’une telle procédure, la commission de nomination ne pouvait présumer de la qualité des candidatures à venir.

À l’appui de ses écritures étaient produits les documents suivants :

-          l’exposé des motifs du 4 décembre 2019 pour une « demande d’ouverture d’inscription publique d’un-e [B______] en physique mathématique » à la section et au SwissMAP ;

-          à partir du 1er septembre 2020, selon un « financement DIP accordé par le rectorat de [l’université] [ ]. Les premiers 50 % du poste [avaient] été accordés dans le cadre de la première phase quadriennale du pôle
(2014-2018) et [avaient] ensuite été complétés à hauteur de 100 % à l’occasion de la deuxième phase du pôle (2018-2022) » ;

-          le projet d’annonce pour la mise au concours du poste de B______ auprès de la section et la liste des membres de la commission y relative.

25) Le recourant ayant renoncé à se déterminer sur ces dernières écritures, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le litige porte sur la conformité au droit du non-renouvellement du contrat du recourant en tant que B______ suppléant au poste de B______ et, subséquemment, du refus de sa promotion.

2) La chambre administrative examine d'office la recevabilité des recours et demandes portés devant elle, ainsi que sa compétence (art. 1 al. 2, art. 6 al. 1 let. c et art. 11 al. 2 LPA).

Il convient d'examiner si l'acte déposé par le recourant est recevable en tant que recours contre le courrier du président de la section du 12 mai 2022.

À cet égard, l’université souligne l’absence d’acte attaquable s’agissant d’une part de la non-promotion en qualité de professeur et, d’autre part, en matière de fin de rapports de travail de droit privé. Elle soulève une exception d’incompétence ratione materiae, considérant avoir été liée au recourant par des contrats de travail de droit privé.

3) a. La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. Le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6, al. 1, let. a et e, et 57 LPA (cf. aussi art. 43 al. 2 LU). Sont réservées les exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ).

c. Selon l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans le cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b) et de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

d. Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 9 ; ATA/629/2013 du 24 septembre 2013 consid. 3).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l’adoption n’ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2 ; 8C_191/2010 du 12 octobre 2010 consid. 6.1 ; 1C_408/2008 du 16 juillet 2009 consid. 2 ; ATA/1339/2015 du 15 décembre 2015 consid. 2 et les références citées).

e. Sont notamment réputées autorités administratives les corporations et établissements de droit public (art. 5 let. e LPA).

4) a. L’université est un établissement de droit public doté de la personnalité morale, placé sous la surveillance du Conseil d’État qui l’exerce par l’intermédiaire du département chargé de l’instruction publique (art. 1 al. 1 LU). Elle s’organise elle-même, fixe ses priorités et ses modalités d’action et est responsable de sa gestion dans le cadre des orientations, principes et règles stipulés par la présente loi et dans le respect des dispositions pertinentes du droit fédéral (art. 1 al. 2 LU). Les dispositions complétant la LU sont fixées dans le statut de l’université entré en vigueur le 28 juillet 2011 (ci-après : le statut), les règlements dont l’université se dote sous réserve de l’approbation du Conseil d’État et d’autres règlements adoptés par l’université (art. 1 al. 3 LU).

b. L’université est l’employeur de son personnel (art. 13 al. 1 LU).

Les membres de la communauté universitaire appartiennent notamment au corps des collaborateurs de l’enseignement et de la recherche (art. 9 let. b LU), auquel font partie les maîtres d’enseignement et de recherche, ainsi que les suppléants à cette fonction (art. 139 let. a et m RPers).

Le corps professoral et le corps des collaborateurs de l’enseignement et de la recherche est soumis aux art. 126, 139, 140, 141, 142, 143 et 144 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), et aux dispositions de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15). Pour le surplus, les prescriptions concernant les procédures d’engagement, les procédures de renouvellement, leurs droits et devoirs, ainsi que toutes les autres prescriptions nécessaires concernant leur statut sont fixées dans le RPers (art. 12 al. 1 LU).

c. Le B______ est chargé, sous la responsabilité d’un professeur ordinaire ou d’un professeur associé, d’activités d’enseignement et/ou de recherche. Cette responsabilité peut être dévolue au directeur du département ou de la subdivision concernée (al. 1). Il est titulaire d’un doctorat ou d’un titre jugé équivalent (al. 2). Il est nommé pour une première période de quatre ans au maximum ; la nomination est renouvelable pour des périodes successives de cinq ans au maximum (al. 3). Dans la règle, il exerce sa fonction à temps complet. La fonction peut être exercée à temps partiel lorsque cela est dûment justifié (al. 4 ; art. 140 LU).

Selon l’art. 155A RPers, sont considérées comme suppléantes les personnes qui sont engagées pour répondre à un besoin temporaire de l’université et dont la rémunération provient de fonds issus du budget de l’État (al. 1). Au sein du corps des collaborateurs de l’enseignement et de la recherche, toutes les fonctions peuvent être pourvues dans le cadre d’une suppléance à l’exception de celles de
privat-docent, de post-doctorant-e et d’auxiliaire de recherche et d’enseignement (al. 2). Les suppléants ne sont pas soumis aux dispositions concernant les procédures de nominations prévues au chapitre III du titre IV de la deuxième partie du RPers. Ils sont nommés par l’autorité de nomination prévue pour la fonction considérée (al. 3). Les suppléants sont nommés pour une première période d’un an au maximum, prolongeable. La durée totale de l’engagement ne doit en principe pas excéder quatre ans (al. 4). Toute proposition de nomination et toute proposition de prolongation doit être motivée et justifiée sous l’angle du besoin temporaire
(al. 5).

d. Le rapport d’emploi des personnes engagées au sein de l’université pour exercer des activités temporaires est soumis au droit privé lorsque ces dernières sont liées à des fonds extérieurs, publics ou privés ; l’université favorise leur engagement prioritaire au titre des al. 1 ou 2 (art. 12 al. 3 LU). Cela peut être le cas des membres du corps enseignant (art. 164 al. 1 RPers). On entend par fonds provenant de l’extérieur, les fonds, publics ou privés, ne provenant pas du budget de l’État de Genève (art. 164 al. 2 RPers).

L’art. 165 RPers précise que les rapports entre l’université et les membres du corps enseignant engagés sur des fonds provenant de l’extérieur sont régis en premier lieu par les dispositions du titre V du RPers et par les contrats conclus (al. 1). Les dispositions du la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) sont applicables pour le surplus (al. 3).

Au sein du corps des collaborateurs de l’enseignement et de la recherche, les fonctions prévues à l’art. 139 RPers peuvent être pourvues par contrat de droit privé à l’exception de celles de privat-docent (art. 168 al. 1 RPers). Pour les membres du corps des collaborateurs de l’enseignement et de la recherche engagés pour une durée supérieure à six mois, les dispositions concernant les procédures de nomination prévues aux art. 153 al. 1 et 154 RPers sont applicables par analogie. Les ouvertures de poste ne font en principe pas l’objet d’une inscription publique. Les dispositions de l’al. 6 sont réservées (art. 171 al. 5 RPers). Pour les collaborateurs scientifiques, la proposition d’engagement est établie par le responsable de la structure et est transmise à l’autorité d’engagement pour décision (art. 171 al. 6 RPers).

À teneur de l’art. 172 RPers, le contrat est conclu pour une durée en principe déterminée (al. 1). La durée de l’engagement est déterminée en premier lieu par la disponibilité des fonds provenant de l’extérieur concernés (al. 2). La durée totale de l’engagement pour une fonction déterminée, éventuelles prolongations comprises, ne doit pas dépasser la durée prévue par le RPers pour la fonction de la même catégorie rémunérée par des fonds provenant du budget de l’État dont la durée est limitée dans le temps, renouvellement compris (al. 3).

Un engagement peut être prolongé aux conditions suivantes : que la disponibilité des fonds provenant de l’extérieur concernés le permette (let. a) ; que l’intéressé dispose des aptitudes nécessaires à l’exercice de sa fonction (let. b ; art. 174 al. 1 RPers). Les propositions de prolongation de l’engagement des autres collaborateurs de l’enseignement et de la recherche, les propositions sont établies par le responsable de la structure à laquelle le collaborateur est directement rattaché et approuvées par le décanat, respectivement la direction de l’UER, avant d’être transmises au rectorat pour décision (art. 174 al. 4 RPers).

L'engagement des membres du corps enseignant sur des fonds provenant de l’extérieur prend fin par résiliation pendant la période d’essai ou par l'expiration de la période convenue. Si l’engagement est de durée indéterminée, il prend fin, après la période d’essai, conformément à l’art. 335c CO (art. 176 al. 1 RPers). La prolongation de l’engagement au sens de l’art. 174 RPers demeure réservée (art. 176 al. 2 RPers). Les tribunaux civils sont compétents pour trancher les litiges résultant de la résiliation des rapports de travail et de la délivrance du certificat de travail (art. 177 RPers).

5) a. Pour déterminer si un rapport juridique relève du droit privé ou du droit public, on ne peut pas se fonder sur la qualification juridique utilisée par les parties. Ce qui est décisif, c'est le contenu réel du rapport de droit. Si une autorité est partie audit rapport de droit, le droit public est présumé applicable (arrêts du Tribunal fédéral 2P.151/2005 du 9 février 2006 consid.5 ; 2P.136/2005 du 14 décembre 2005 consid. 3.1.1 ; ATA/1078/2019 du 25 juin 2019 consid. 10a). En outre, les conditions d'engagement dans le secteur public sont en principe fixées par des décisions soumises à acceptation (arrêts du Tribunal fédéral 2P.151/2005 précité consid. 5 ; 2P.136/2005 précité consid. 3.1.1 ; ATA/119/2016 du 9 février 2016 consid. 2a).

b. Les fonctionnaires et les autres agents soumis au droit public sont nommés par décision. La nomination est un acte unilatéral soumis à l’accord de l’intéressé. L’acte d’engagement ne contient pas les clauses fixant un régime individuel, mais soumet le fonctionnaire nommé aux normes générales régissant la fonction publique. Il ne renferme de spécifique que ce qui est nécessaire à l’individualisation de la charge à remplir ou de certaines prestations particulières (ATA/200/2014 précité consid. 2b et les références citées).

c. Le Tribunal fédéral et la doctrine admettent le principe de l’application du droit privé dans la relation de travail entre un agent public et une collectivité publique pour autant qu’une base légale expresse le prévoie (ATF 118 II 213 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_467/2012 du 14 février 2013 consid. 5.4.1 ; 2P.18/2006 du 19 mars 2006 consid. 2.3 ; 2P.136/2005 précité consid. 3.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 269 et 270 p. 87 ss). En principe, les rapports entre l’État et ses agents doivent être soumis au droit public, des rapports de droit privé n’étant admissibles que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple s’il s’agit de tâches de trop courte durée pour être confiées à des fonctionnaires et même à des employés ou, en cas de tâches spéciales, voire s’il est nécessaire d’individualiser le rapport juridique (ATA/823/2013 du 17 décembre 2013 consid. 2c ; ATA/582/2011 du 13 septembre 2011 consid. 4c ; ATA/362/2010 du 1er juin 2010 consid. 7b). Le législateur peut, en édictant une norme claire à cet effet, décider de soumettre au droit privé ou permettre à l’autorité d’application de soumettre au droit privé certains rapports de travail du personnel étatique. La base légale autorisant le recours au droit privé peut être fédérale, cantonale, voire communale dans la mesure où le droit cantonal le permet. Elle peut aussi consister en une prescription autonome d’une entité décentralisée, mais, dans ce cas, le droit de la collectivité dont dépend cette entité doit expressément autoriser celle-ci à prévoir le recours au droit privé dans ses prescriptions autonomes. La base légale doit être formelle, par respect du parallélisme des formes, lorsqu’elle permet de déroger à un principe d’engagement de droit public lui-même prévu dans une loi formelle, ce qui est en pratique presque toujours le cas. Plus généralement, le principe même du recours au droit privé devrait figurer dans une loi formelle, les modalités pouvant faire l’objet d’une délégation (Thierry TANQUEREL, Droit public et droit privé : unité et diversité du statut de la fonction publique, in Les réformes de la fonction publique, 2012, p. 71 à 73).

d. Il n'existe pas de droit au renouvellement du contrat de durée déterminée (ATA/742/2021 du 13 juillet 2021 consid. 2f ; ATA/560/2020 du 9 juin 2020 consid. 3b ; ATA/398/2012 du 26 juin 2012 consid. 6). L'échéance d'un contrat de durée déterminée ne constitue pas un licenciement ni une sanction disciplinaire ; c'est un simple fait objectif qui n'est pas susceptible de recours (ATA/560/2020 précité consid. 3b ; ATA/569/2010 du 31 août 2010 consid. 1a). Le courrier par lequel l'employeuse ou employeur rappelle l'échéance du contrat n'est donc pas une décision car il ne crée, ne modifie ou n'annule pas de droits ou d'obligations (ATA/560/2020 précité consid. 3b ; ATA/768/2014 du 30 septembre 2014 consid. 2b ; ATA/142/2006 du 14 mars 2006 consid. 3).

e. Lorsque l'autorité d'engagement maintient artificiellement une employée ou un employé dans un statut d'auxiliaire par des contrats successifs ininterrompus pour éluder les garanties offertes par la loi aux titulaires d'un emploi fixe, elle commet un abus de droit et la personne concernée doit être considérée comme un membre du personnel régulier (ATA/623/2022 du 14 juin 2022 consid. 9e ; ATA/768/2014 du 30 septembre 2014 consid. 2c). Il en a été jugé ainsi d'une personne ayant été engagée en qualité d'auxiliaire par contrats successifs, avec une brève interruption de deux mois, durant quatre ans, l'autorité ayant sciemment eu recours à ce procédé pour bénéficier de ses compétences pendant une période supérieure à trois ans, tout en la maintenant dans le statut précaire d'auxiliaire (ATA/574/2007 du 13 novembre 2007 consid. 6).

6) a. En l’espèce, le recourant a été engagé du 1er septembre 2007 au 30 juin 2012, puis du 1er juillet 2013 au 30 juin 2022, en tant que B______ suppléant ou B______. Du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013, il a travaillé successivement comme collaborateur scientifique I et comme collaborateur scientifique I suppléant. Durant toute cette période, il a exclusivement travaillé auprès de la section. Il ressort des documents produits, en particulier des divers « exposés des motifs » rédigés pour justifier ses prolongations de poste, que son cahier des charges est demeuré inchangé durant toute cette période, quelle que fût la qualification de son poste. Il est ainsi admis par les parties que le recourant a enseigné, mené des recherches, collaboré à la rédaction d’ouvrage et dirigé des doctorants dans leurs travaux de thèse.

Au total, le recourant a collaboré quatorze années auprès de la section. Sur l’ensemble de cette période, son poste a été financé, totalement ou partiellement, par des fonds privés du 1er janvier au 31 juillet 2009, du 1er avril au 31 août 2010 1er juillet 2012 au 30 juin 2013, du 1er janvier au 31 décembre 2015 et du 1er septembre 2021 au 30 juin 2022, soit un total de trois ans et dix mois. Ses contrats de droit privé du 1er avril au 31 août 2010 (taux de 70 %), du 1er février au 30 juin 2012 (50 %), du 1er janvier au 30 juin 2016 (50 %) et du 1er septembre 2021 au 30 juin 2022 (100 %) l’ont engagé en qualité de B______, et non pas de B______ suppléant.

Il s’ensuit que, si le recourant a parfois été engagé sous différentes dénominations dans le cadre de ses contrats de droit privé, soit B______ suppléant, collaborateur scientifique I, collaborateur scientifique I suppléant et B______, il a toujours exercé les mêmes fonctions. En outre, les diverses demandes de prolongation de son poste et les changements de mode de financement de celui-ci, ont toujours été motivés par des « raisons budgétaires ».

Il faut donc en déduire que, quelle que soit la forme sous laquelle a été effectué ou prolongé son engagement, durant plus de quatorze ans, le recourant a exercé les mêmes fonctions auprès de la section, correspondant à celle d’un B______, ce que son certificat de travail du 26 juillet 2022 confirme. Le fait que la plupart de ses demandes aient été formulées par M. D______ confirme également que les fonctions du recourant sont en réalité restées identiques durant ces quatorze ans, compte tenu de leur collaboration étroite dans ce contexte et sur plusieurs projets.

b. D’un point de vue légal, l’art. 155A al. 1 RPers prévoit que la rémunération des postes de suppléants provient exclusivement de fonds issus du budget de l’État. Tel a été le cas, en totalité ou partiellement, pour le poste du recourant pour les périodes du 1er septembre 2007 au 31 décembre 2008, du 1er avril au 30 juin 2012, et du 1er juillet 2013 au 31 août 2021, lorsque celui-ci faisait l’objet d’actes de nomination par le rectorat.

En outre, la systématique et la lettre du RPers indiquent expressément, d’une part, que la fonction de B______ suppléant ne peut être financée que par le biais de fonds issus du budget de l’État (art. 155A al. 1 RPers) et, d’autre part, que contrairement à d’autres fonctions, il n’est pas prévu pour celle de B______ ou de B______ suppléant, qu’une période supérieure à six mois puisse être financée par des fonds extérieurs (art. 171 al. 5 RPers).

À cela s’ajoute que l’art. 155A al. 4 RPers prévoit expressément que la durée totale de l’engagement du suppléant ne doit pas dépasser quatre ans, sauf exception dûment motivée et justifiée sous l’angle d’un besoin temporaire (art. 155A al. 5 RPers). Ainsi, au même titre que l’interprétation donnée à l’art. 7 al. 2 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) concernant la limitation de la durée de l’engagement des auxiliaires dans la fonction, il y a lieu de retenir que la limite de quatre ans a été prévue afin d’éviter la précarité de l’emploi et que seule une prolongation exceptionnelle a été envisagée. Sous cet angle, on ne saurait à l’évidence retenir in casu qu’une prolongation de dix ans, sur une période totale de quatorze ans, constitue une exception. Ce d’autant plus que durant l’ensemble de cette période, les fonctions du recourant n’ont en réalité pas changé et se sont manifestement inscrites dans une perspective de continuité sur la durée, que ce soit pour l’enseignement, la poursuite des recherches en cours, la collaboration à la rédaction d’ouvrages ou la direction de doctorants.

Cette approche est encore confirmée par les expectatives d’obtenir un poste professoral, lesquelles avaient été encouragées par la direction de la section, en particulier par M. D______.

En ces circonstances, il ne peut être retenu que le cas du recourant rentre dans l’exception de la durée maximale de quatre ans, prolongeable, pour le poste de B______ suppléant.

c. Au vu de ce qui précède, le financement circonstancié par l’intermédiaire de fonds extérieurs pendant une période de trois ans et dix mois sur l’ensemble de la durée de l’engagement de quatorze ans du recourant auprès de la section, ne saurait à lui seul justifier une application du droit privé et la compétence des tribunaux civils, compte tenu de la durée des fonctions occupées et du cahier des charges inchangé.

Certes, concernant le droit applicable, la LU donne expressément la compétence à l’université d’adopter sa propre réglementation, en particulier le RPers, lequel a été dûment approuvé par le Conseil d’État. Ainsi, les art. 164 et ss RPers peuvent-ils valablement prévoir l’application du droit privé et la compétence des tribunaux civils pour des personnes engagées pour des activités temporaires liées à des fonds extérieurs, publics ou privés.

Cependant, tel qu’indiqué précédemment, il y a lieu de retenir que l’enchaînement des contrats successifs de durée déterminée du recourant pendant une durée de plus de quatorze ans a consisté à le maintenir artificiellement dans une fonction non permanente, alors que son travail donnait entière satisfaction.

Par conséquent, le courrier litigieux du 12 mai 2022, confirmant au recourant l’impossibilité de prolonger son engagement au-delà du 30 juin 2022, met ainsi fin à ses fonctions et constitue donc une décision. Le recours sera dès lors déclaré recevable.

7) a. À teneur de l'art. 2 let. d LPA, les règles de procédure contenues dans la LPA ne sont pas applicables, en matière de fonction publique, aux procédures relatives à la création initiale des rapports de service et aux promotions.

Selon les travaux préparatoires de la LPA, l'exception de l'art. 2 let. d LPA résulte de la nature particulière de la procédure en cause (MGC 1984 I 1531). Il s'agit de situations dans lesquelles, compte tenu de la particularité des actes en cause, il se justifie de ne pas rendre applicable la réglementation générale de procédure (MGC 1985 III 4377).

b. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, sauf lorsque la loi prévoit un système de promotion automatique, le fonctionnaire qui n'est pas promu au poste convoité ne dispose pas de voie de droit, faute d'applicabilité de la LPA (ATA/533/2011 du 30 août 2011 ; ATA/1221/2021 du 16 novembre 2021 et les références citées).

Dans sa jurisprudence relativement ancienne, le Tribunal administratif, devenu depuis lors la chambre administrative, a considéré que les personnes faisant acte de candidature à un emploi public, n’avaient aucun droit à l’obtenir (ATA/412/2006 du 26 juillet 2006 ; ATA/39/2004 du 13 janvier 2004 ; ATA/840/2003 du 18 novembre 2003). Il a également été relevé que le refus de promotion n'était qu’une simple communication, non susceptible de recours (ATA/412/2006 précité consid. 3b).

Ainsi, la chambre de céans a confirmé l'irrecevabilité de l'opposition formée par un recourant contre le rejet de sa candidature au poste de maître assistant (ATA/946/2016 du 8 novembre 2016, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_832/2016 du 12 octobre 2017) et déclaré irrecevable un recours formé contre le refus de promouvoir un policier à un poste de sergent-major opérationnel (ATA/1283/2019 du 27 août 2019).

c. La compatibilité de l’art. 2 let. d LPA avec l'art. 29a Cst. est discutée en doctrine (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 51 ad art. 2). L'arrêt cité par ces auteurs à l'appui de leur critique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_169/2009 du 28 juillet 2009) n'examine toutefois pas la question de la constitutionnalité de l'art. 2 let. d LPA ni ne qualifie le refus de promotion de décision susceptible de recours. Dans la cause en question, le litige portait sur le refus d'une « promotion dite de carrière », consistant « à passer d'une classe de traitement inférieure à une classe supérieure, dans une même filière d'activité professionnelle ». Plus particulièrement, l'employeur public avait décidé d'exclure « des mesures de fin d'année » les cadres de plus de 60 ans affiliés dans une catégorie spécifique, et ceux de 55 ans et plus, affiliés dans une autre catégorie. Cette mesure s'inscrivait dans un contexte où les fonctionnaires progressaient, en règle ordinaire, dans les limites des classes de traitement correspondant à leur fonction, à des intervalles de quatre ans au minimum.

d. Le B______ qui a exercé cette fonction pendant six ans au moins à l’université peut demander à la commission de planification académique de l’unité principale d’enseignement et de recherche (ci-après : UPER) concernée l’évaluation de son dossier en vue d’une éventuelle promotion à la fonction de professeur associé. La demande peut être formulée par le responsable de la structure concernée (art. 156 al. 1 RPers).

Les art. 157 à 160 RPers traitent de la procédure de renouvellement notamment applicable aux maîtres d’enseignement et de recherche. L’art. 161 RPers concerne la procédure de prolongation des chefs de clinique scientifiques, des post-doctorants, des auxiliaires de recherche et d’enseignement et des chercheurs invités. Les propositions de prolongation d’un mandat de chef de clinique scientifique, de post-doctorant ou d’auxiliaire de recherche et d’enseignement sont établies par le responsable de la structure à laquelle le collaborateur est directement rattaché. Elles sont transmises à l’autorité de nomination pour décision (art. 161 al. 1 RPers).

e. En l’occurrence, conformément à la jurisprudence susrappelée, le recours en tant qu’il vise le refus de promotion du recourant à un poste professoral devrait être déclaré irrecevable. Or, in casu, il ne s’agit pas d’un refus de promotion stricto sensu, mais davantage de l’applicabilité des conditions de la procédure permettant de formuler une demande de promotion, conformément aux art. 156 à 156B RPers.

En effet, compte tenu des circonstances du cas d’espèce, le refus de promotion apparaît comme étant une conséquence de la précarité du statut octroyé au recourant durant plus de quatorze ans. Dans l’hypothèse où celui-ci avait bénéficié – comme il aurait dû – d’un poste de B______ renouvelable, il aurait pu valablement soumettre une demande de promotion au sens des art. 156 et ss RPers.

Dès lors, il n’y a pas lieu de déclarer le recours irrecevable pour ce motif.

f. Il résulte de l’ensemble des éléments susmentionnés que le recourant a été privé, d’une part, de l’application des dispositions légales relatives aux procédures de renouvellement et de prolongation (art. 157 et ss RPers), et d’autre part, de celles concernant la promotion des B______ (art. 156 et ss RPers).

Dès lors qu’il apparaît qu’il aurait dû bénéficier d’un poste de B______ renouvelable, il s’impose d’annuler la décision litigieuse du 12 mai 2022 et de renvoyer le dossier à l’autorité intimée pour qu’elle examine les possibilités de renouvellement/prolongation de l’engagement du recourant en tant que B______, et de promotion de celui-ci.

8) Subsidiairement, le recourant a également pris une conclusion tendant au versement de la somme de CHF 114'428.25 avec intérêts à 5 % à compter du 1er juillet 2022, correspondant à une indemnité de neuf mois de son dernier traitement mensuel en cas de refus de réintégration.

Cependant, à ce stade, il ne peut être statué sur cette conclusion, dès lors que son sort dépendra de la décision de l’autorité intimée quant à l’application au cas du recourant des dispositions légales relatives aux procédures de renouvellement et de prolongation, ainsi que celles concernant la promotion de B______.

Au vu des considérants qui précèdent, il appartiendra en premier lieu à l’université de rendre une nouvelle décision sur le fond du litige, laquelle permettra, cas échéant, d’examiner la conclusion en indemnisation du recourant.

Partant, le recours sera partiellement admis, la décision de l’autorité intimée sera annulée et le dossier lui sera renvoyé pour nouvelle décision.

9) Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 juin 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l’université de Genève du 12 mai 2022 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de l’université de Genève du 12 mai 2022 ;

renvoie le dossier à l’université de Genève pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Zoé Seiler, avocate du recourant, ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :