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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2032/2022

ATA/1221/2022 du 06.12.2022 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 30.01.2023, rendu le 30.08.2023, REJETE, 8C_54/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2032/2022-FPUBL ATA/1221/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 décembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Cyril Mizrahi, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE



EN FAIT

1) a. Monsieur A______, né le ______1967, est père de deux enfants nés en 2002 et 2004, qui vivent avec leur mère. Il a un droit de visite usuel. Il s’est remarié en 2016. Son épouse n'a pas d'enfant.

b. Il a été engagé en qualité de maître en formation d’enseignant généraliste en mathématiques et en chimie en 2002 et nommé fonctionnaire le 1er septembre 2006. Il enseigne depuis le début au cycle d’orientation (ci-après : CO) B______ (ci-après : B______), à des élèves des trois degrés, âgés en moyenne de 12 à 16 ans.

2) a. Il ressort de plusieurs rapports de synthèse, tant intermédiaires que finaux (phases I et II), et de visites en classe effectuées par deux doyens différents, qu’entre le 23 mars 2004 et le 22 mars 2006, M. A______ devait notamment trouver des stratégies pour diversifier son enseignement, apprendre à donner du sens aux notions enseignées, apprendre à faire les liens entre les concepts enseignés et le quotidien des élèves, effectuer un travail sérieux autour de l’objectif concernant la relation aux élèves, trouver la bonne distance pédagogique, ne pas se laisser aller à des réactions par trop autoritaires qui pourraient avoir un effet contre-productif sur l’apprentissage de certains élèves, mettre clairement ses limites à ses élèves et les appliquer avec rigueur, en toutes circonstances.

b. Le 9 juillet 2010, Monsieur C______, alors directeur de B______, a écrit à M. A______ à la suite de doléances reçues de parents portant sur son enseignement dans les classes 806 et 807. Les lettres des parents faisaient toutes état de propos injurieux et dévalorisants face à leurs enfants ou exprimaient des réserves quant à son enseignement.

Un entretien s’était tenu le 28 juin 2010 en présence de MM. C______ et A______, de même que de la doyenne des élèves de 8ème année et du doyen responsable des mathématiques. Bien que n’admettant pas certains des termes rapportés, M. A______ avait concédé avoir eu à plusieurs reprises des écarts de langage qu’il avait expliqués par son manque de patience face aux difficultés rencontrées dans certaines classes. M. C______ lui avait dit considérer ces dérapages comme des fautes professionnelles graves et l’avait enjoint à ne plus utiliser à l’avenir des termes injurieux ou dévalorisants à l’égard des jeunes qui lui étaient confiés, ce à quoi M. A______ s’était engagé.

M. A______ n’avait par ailleurs toujours pas remis de travaux d’évaluation ni présenté de séquences d’enseignement, alors que cela était demandé à l’ensemble des enseignants du CO B______. Globalement, un grand nombre de ses élèves avait des résultats faibles. Il lui avait été demandé de remettre au doyen des mathématiques l’ensemble des énoncés des travaux d’évaluation qu’il avait fait passer à ses classes, ainsi que les barèmes appliqués. Onze jours plus tard, il ne s’était toujours pas exécuté.

c. Le 3 juin 2011, M. C______ a convoqué M. A______ à un entretien de service prévu le 17 juin suivant en raison des éléments rapportés par des parents concernant tant son enseignement que son attitude à l’égard de leurs enfants.

Lors de cet entretien, M. A______ avait affirmé que les propos ou attitudes reprochés étaient sortis de leurs contextes et qu’il n’avait à aucun moment voulu dévaloriser les élèves concernés. M. C______ avait fait part de son étonnement du caractère récurrent des problèmes rencontrés, malgré l’injonction du 28 juin 2010 précitée, quand bien même il fallait concevoir dans certains cas une mauvaise interprétation des élèves. Le directeur rappelait à l’enseignant son « strict devoir d’éviter absolument toute attitude ou propos qui pourrait être sujet à des quiproquos ».

d. Monsieur D______, nouveau directeur de B______, a établi le 11 novembre 2013 un « compte rendu d’entretien et mesures qui en découlent ». M. A______ avait reconnu l’aspect inadmissible de menaces proférées le 25 janvier 2013 à l’encontre de l’élève E______, qu’il suspectait de lui avoir fait un croc-en-jambe volontaire. L’enseignant avait expliqué cette attitude par la prise d’un nouveau médicament en phase de test. Des parents avaient fait part d’attitudes en classe rabaissantes à l’égard des élèves. M. A______ s’était défendu en arguant de propos déformés et de sa volonté de tenir une discipline de qualité. Certains enfants qui ne présentaient aucune difficulté en mathématiques les années précédentes en avaient désormais. Globalement, lorsque M. A______ suivait une classe de 10ème année, les résultats des élèves étaient meilleurs l’année précédente et l’année suivante. Il existait un faisceau d’indices convergents de lacunes importantes dans son enseignement.

Le nouveau directeur s’interrogeait sur la qualité de l’enseignement en raison des plaintes récurrentes des parents et des deux mises en garde écrites de son prédécesseur. M. A______ considérait que cette récurrence tenait à sa réputation auprès des élèves et de leurs parents. Il était encouragé par le directeur à adopter systématiquement une attitude bienveillante et encourageante envers les élèves. M. A______ avait proposé au directeur de visiter sa classe.

Ce compte rendu détaillait les exigences à remplir par M. A______ quant aux plannings et aux champs des évaluations et à son obligation de prendre contact avec les parents dont l’élève passait en cours de période d’une moyenne suffisante à insuffisante.

Nonobstant l’existence d’une problématique de longue date et les avertissements de son prédécesseur, le directeur gardait espoir que l’enseignant comprenne la nécessité de ne pas laisser perdurer de tels problèmes.

e. Dans une lettre du 10 mars 2014, répondant aux parents d’un élève, M. A______ a contesté avoir dit à ses élèves qu’ils étaient tous des « nuls, des incapables » ou qu’ils n’arriveraient à rien dans la vie. Il reconnaissait avoir dit à un élève qu’une chaînette autour de son cou était réservée aux chiens ou encore, à un élève qui croisait les bras, qu’il ait au moins la décence de faire semblant de travailler.

3) a. Le 14 avril 2014, l’enseignant a été convoqué à un entretien de service prévu le 5 mai suivant, en raison de ses propos et de son attitude face aux élèves.

Il ressort de cet entretien, qu’outre les reproches déjà formulés, l’enseignant, lors de la soirée des parents du 4 novembre 2013, avait tenu des propos inadéquats en présence d’un maître de classe et doyen, concernant la procédure d’inscription au cours d’appui, disant qu’il était réservé aux élèves méritants et motivés, ce qui n’était pas le cas de l’élève en cause, de sorte qu’il avait refusé d’entrer en matière. M. A______ avait nié cet épisode lors d’une entrevue du 14 mars 2014 en présence d’un autre doyen, des parents concernés et du directeur.

Il avait exposé avoir établi un planning valable pour quatre classes sur cinq, s’était excusé du retard, de même que dans la remise du champ détaillé des épreuves. Il avait rappelé aux élèves dont la moyenne était insuffisante l’existence d’appuis mais n’avait pas effectué d’entretiens avec les parents, dont il ne comprenait pas la nécessité. Il rappelait avoir proposé à plusieurs reprises au directeur de passer en classe. Il reconnaissait avoir critiqué les élèves sur leur travail ou sur leur comportement, mais jamais sur leur « origine raciale » ou sur leur physique. Il n’avait pas d’explication quant au fait que les mauvais élèves se plaignaient. La phrase concernant le collier n’était pas dévalorisante et participait de sa charge d’éducation des élèves. Il n’avait aucune intention de nuire. Il faisait très attention à ses propos depuis trois ans. Il vivait une période difficile et parlait à ses élèves comme avec son fils, admettant avoir parfois dérapé verbalement, notamment plusieurs années plus tôt en disant à un élève « ta gueule ». Il était prêt à entrer en pleine collaboration avec la direction et rappelait son amour pour l’enseignement. Il demandait de l’aide et ne comprenait pas les mesures et recommandations que tant l’ancien directeur que le nouveau lui demandaient de suivre.

La direction lui a rappelé ses devoirs quant aux propos qu’il tenait à l’égard des élèves. Une sanction disciplinaire était envisageable.

b. À la suite de cet entretien, M. A______ a observé par écrit le 10 juin 2014 qu’il n’avait jamais tenu de propos injurieux ou dévalorisants envers les élèves et avait choisi d’adopter une attitude digne tant en face de ces derniers que de leurs parents. Il avait essayé de se contenir un maximum face à des parents agressifs alors que leurs enfants étaient responsables de dysfonctionnements dans la classe. Les mesures imposées par la direction étaient plus contraignantes et punitives qu’aidantes, particulièrement dans la gestion de la discipline de certaines classes. Il ne méritait pas de sanction et l’entretien de service en était en soi une assez sévère. Il était prêt à entrer en pleine collaboration avec la direction dans un climat de confiance et de sérénité.

c. M. A______ s’est vu infliger un blâme, le 23 septembre 2014, par le directeur en raison de ses propos et de son attitude. Pour faire face aux jeunes élèves du CO, une remise en question était nécessaire. Il lui appartenait de remplir tous ses devoirs de service et en particulier les six objectifs fixés le 11 novembre 2013, notamment le respect des instructions de sa hiérarchie. Il lui était possible de suivre des formations continues.

4) a. Le 10 décembre 2015, le directeur de B______ a regretté, par mail, que M. A______ n’ait pas fait le nécessaire pour respecter un délai imparti par le doyen pour se positionner sur la lettre d’une mère d’élève, remise plusieurs jours auparavant.

b. Un entretien s’est tenu le 2 mars 2017 entre le directeur et M. A______ s’agissant des remarques faites par celui-ci aux élèves sur leur niveau en lien avec la poursuite de leur scolarité au collège. Il avait reconnu leur avoir, à une occasion, pour les faire réagir, proposé de faire des additions et des soustractions, en leur demandant si c’était ce qu’ils désiraient ou s’ils préféraient travailler sur le programme de 10ème année. Il lui arrivait de parler une langue étrangère en aparté, signifiant « ce n’est pas possible » ou « j’implore le pardon de Dieu », afin de se contrôler dans les moments tendus avec les élèves. Il avait suivi la formation « enseignement efficace » après laquelle il avait décidé de distribuer les auto-correctifs, pour varier les méthodes, de ne plus répondre aux questions déplacées et de respirer dans les moments difficiles.

c. À l’occasion d’un nouvel entretien, le 5 avril 2017, après qu’il avait été procédé au recueil de témoignages de la part d’élèves, M. A______ a reconnu avoir fait pleurer un seul élève. Il contestait avoir qualifié ses élèves de « mal élevés », « débiles », mais admettait dire « ce que tu fais est stupide ». Il s’excusait lorsqu’il sentait que ses paroles avaient pu blesser un élève. Il reconnaissait s’énerver lorsque le cours se déroulait difficilement. Il écrivait chaque champ de l’épreuve au rétroprojecteur mais les élèves ne faisaient pas le lien correctement.

M. A______ n’a pas réagi dans le délai imparti au 6 octobre 2017 au contenu du compte rendu qui lui avait été remis le 29 septembre précédent.

d. Dans une lettre adressée le 17 octobre 2017 au directeur, M. A______ a contesté les propos lui ayant été attribués. Il ne proférait pas d’insultes ni ne rabaissait les élèves, même s’il pouvait être agacé et hausser le ton face à des élèves difficiles. Si chacun de ses mots était interprété, analysé et rapporté hors de son contexte, il ne pouvait enseigner convenablement.

e. Dans une lettre du 20 novembre 2017 à M. A______, le directeur de B______, en rappelant les divers éléments susmentionnés, mentionnait qu’un faisceau d’indices de plus en plus fort tendait à démontrer que son enseignement était problématique.

À ceci s’ajoutait que la communication sur les orientations possibles des élèves n’était pas adaptée. L’un des champs d’épreuve annoncé ne correspondait pas à celui de l’épreuve, de sorte que le directeur lui avait demandé de refaire cette épreuve. Cette erreur n’était pas anodine et ne permettait pas aux élèves de démontrer leur niveau de compétences réel. La maîtrise du système scolaire genevois par l’enseignant était incomplète. Il appliquait insuffisamment les méthodes, pourtant reconnues, visant à améliorer la gestion du groupe classe et la qualité de l’enseignement, nonobstant les diverses demandes de sa hiérarchie de progresser sur ces points.

Six consignes devaient être suivies « jusqu’à nouvel ordre et sans autre sollicitation de la part de la direction ».

f. M. A______ s’est trouvé en arrêt maladie du 5 décembre 2017 au 29 juin 2018. Une demande d’évaluation a été adressée au service de santé le 12 avril 2018.

Le 31 mai 2018, il a écrit au directeur qu’il souhaitait que sa reprise se passe dans les meilleures conditions. Il se plaignait du caractère contraignant du dispositif de contrôle mis en place qu’il trouvait humiliant et anti pédagogique, ainsi que d’un jugement général extrêmement négatif sur son enseignement et sur sa personne. Si le message était que ses classes devaient obtenir de meilleurs résultats indépendamment du travail et des compétences des élèves, autant dire clairement d’appliquer un coefficient qui rendait ses barèmes plus généreux. Il demandait la révision des mesures imposées dans le but de cibler les progrès attendus.

Le 14 juin 2018, le directeur s’est réjoui de l’amélioration de son état de santé et a annoncé une réponse développée au courrier précité ultérieure.

Le 14 août 2018, le service santé du personnel de l’État a émis un avis médical favorable pour un retour à une pleine capacité, sans restriction du cahier des charges.

5) a. Le directeur a tenu un entretien avec M. A______ le 21 décembre 2020.

Des parents s’étaient plaints concernant deux épreuves, dont l’une était trop longue, outre qu’elle comportait deux fois le même exercice. Il lui était aussi reproché d’avoir puni les élèves en leur demandant de recopier 200 fois la phrase « je dois faire mes devoirs de mathématiques régulièrement » ; M. A______ estimait cette punition éducative. Une fois exécutée, la « dette » de l’élève était réglée. Des parents s’étaient plaints de ne pas avoir été contactés pour des entretiens sollicités via le carnet de l’élève. M. A______ avait répondu que les élèves ne lui montraient pas ledit carnet. Il avait vu le courriel du directeur du 13 novembre 2020 mais n’avait continué à déposer ses cours sur « classroom » qu’en cas d’absence des élèves. Le directeur l’avait vu quatre fois dans les couloirs ne pas porter son masque (en lien avec la situation de pandémie de COVID 19 ) correctement, ce à quoi il avait répondu oublier parfois de le remettre correctement. Tel avait été le cas trois fois durant l’entretien du 21 décembre 2020 pour qu’il le positionne de manière adéquate. Une maman s’était plainte du fait qu’il se rendait dans les toilettes des filles pour y remplir sa bouteille d’eau. Il avait répondu le faire uniquement en l’absence de toute personne. Le directeur lui avait demandé de se rendre dans les toilettes masculines. Selon cette même maman, sa fille lui avait rapporté qu’il marmonnait des mots grossiers dans son masque. M. A______ avait démenti mais concédé que, par énervement face à cette classe dont la gestion était difficile, il lui arrivait de s’exclamer « putain » et de s’excuser immédiatement. Il avait admis que lors du conseil de cette classe, il ne pouvait se retenir de déraper face aux élèves présents. Il n’avait pas compris la raison du blâme de 2014.

b. M. A______ n’a pas transmis d’observations dans le délai fixé au 24 février 2021 sur le contenu du compte rendu de cet entretien, transmis le 11 février précédent. Ce document a donc été validé par le directeur comme étant définitif.

c. Le 25 février 2021, l’enseignant s’est déclaré désolé de ne pas avoir répondu dans les temps. Il n’était pas tout à fait convaincu ni des motifs de l’entretien du 21 décembre 2020, ni de la façon dont le compte-rendu avait été rédigé. Il tiendrait le directeur informé de la suite de cette affaire.

6) M. A______ a été convoqué le 31 mars 2021 pour un entretien de service prévu le 27 avril suivant en raison de l’incident du 10 décembre 2020, à savoir qu’il aurait laissé les élèves d’une classe considérée comme difficile faire ce qu’ils voulaient pour fêter l’Escalade, pour autant que ce soit dans le calme. Il aurait mis de la musique à la demande de certains d’entre eux pendant que d’autres, seuls ou en groupe, regardaient leur smartphone, d’autres encore jouant. Dans ce cadre permissif et alors que lui-même aurait passé la leçon à consulter son smartphone, un élève avait contraint un autre à télécharger et visionner un film pornographique, à son insu. Les témoignages des élèves étaient annexés à la convocation.

L’historique des plaintes de 2010, de juin 2011, de novembre 2013 et la sanction disciplinaire de septembre 2014 étaient rappelés, de même que le rappel à l’ordre du 10 décembre 2015, les entretiens des 2 et 17 mars 2017, du 5 avril 2017, les actions entreprises du 20 novembre 2017, outre les reproches relevés lors de l’entretien du 21 décembre 2020. La situation était susceptible de conduire à la résiliation des rapports de services.

M. A______ a pu s’exprimer sur l’intégralité de ces griefs et a ensuite déclaré refuser en bloc la légitimité des mesures prises, qu’il avait vécues comme une punition à laquelle il n’avait pas voulu se soumettre au vu de sa surcharge. Il était impossible de construire une évaluation 10 jours avant sa passation. L’entretien s’était clos sur le fait que l’enseignant ne se considérait pas un danger pour les élèves. Une mesure d’éloignement lui apparaissait manifestement disproportionnée.

M. A______ a fait valoir son point de vue par écrit sur cet entretien le 28 mai 2021. Il avait une parfaite connaissance du système scolaire genevois, n’avait aucune responsabilité dans le fait que l’une de ses élèves ait pleuré en classe, n’avait jamais eu de comportement harcelant avec l’élève F______, avait remis à la direction une trentaine d’épreuves, toutes jugées conformes, que la punition était conforme au règlement interne du collège et que, malgré l’épisode, certes regrettable du 10 décembre 2020, il avait toujours exercé une gestion rigoureuse de la discipline en classe. Le directeur n’avait jamais procédé à son entretien d'évaluation et de développement personnel (ci-après : EEDP) et n’était jamais venu le voir en classe malgré ses demandes. Il avait en revanche donné suite à toutes les plaintes des parents. Il n’avait pas refusé la légitimité des mesures prises par le directeur mais exprimé ses doutes quant à leur utilité.

7) Par décision incidente du 18 juin 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, la conseillère d’État en charge du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) a, constatant que les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation des rapports de service étaient réalisés, ouvert une procédure de reclassement préalable et prononcé une mesure d’éloignement à l’endroit de M. A______ dès la prochaine rentrée, mesure sans conséquence sur son traitement.

Il y était relevé qu’un entretien de service était convoqué quand des points négatifs étaient à relever et afin de permettre à l’enseignant de s’exprimer à ce sujet. Il apparaissait que son positionnement d’enseignant, notamment l’absence de remise en question de ses attitudes et comportements, et la qualité de ses prestations n’étaient pas conformes à ce qui était attendu. Régulièrement, des mesures de remédiation avaient été prises par sa hiérarchie pour lui permettre d’adapter sa posture, sans succès.

8) M. A______ a été convoqué par la direction des ressources humaines du DIP (ci-après : DRH), par lettre du 1er juillet 2021, pour un entretien le 2 septembre suivant, dans le cadre de la procédure de reclassement.

Il a, à cette occasion, été expliqué à l’enseignant l’objectif de chercher un nouveau poste correspondant à ses compétences. Un bilan de compétences lui serait proposé. Il avait indiqué qu’il trouvait la résiliation disproportionnée et qu’il avait le plein soutien des élèves et de leurs parents, ainsi que de ses collègues. Il subissait un cas avéré d’acharnement de son directeur.

9) a. Une convention a été signée le 8 septembre 2021 avec le centre de bilan de compétences. Ce bilan arrivant à échéance le 25 novembre 2021, un entretien intermédiaire de reclassement a été convoqué le 11 novembre 2021 pour le 2 décembre suivant. M. A______ a remis son curriculum vitae à jour à cette occasion. La recherche de poste au sein de l’administration a démarré le 9 décembre 2021. L’ensemble des départements et directions du DIP a été consulté et a répondu négativement.

b. La procédure de reclassement arrivant à son terme le 25 février 2022, l’enseignant a été convoqué à un entretien de service de clôture de la procédure de reclassement prévu le 1er mars 2022, mais repoussé au 29 mars 2022 en raison de réponses manquantes de certains services du département. M. A______ a indiqué à cette occasion que la situation était compliquée et difficile pour lui. Une résiliation des rapports de services était injuste. Son directeur n’avait jamais tenu compte de ses observations et monté un dossier contre lui afin de le licencier.

10) Par décision du 18 mai 2022, prise par délégation du Conseil d’État et d’entente avec l’office du personnel de l’État, la conseillère d’État en charge du DIP a résilié les rapports de service pour motif fondé avec effet au 31 août 2022.

Son attitude lors de la journée de la fête de l’Escalade 2020, de même que l’absence de remise en question qui résultait tant de ses réflexions à l’occasion de l’entretien de service, que de l’ensemble de son dossier, le fait que les élèves se sentaient rabaissés par certaines remarques, les difficultés des parents à tenir des entretiens, les rappels liés au port correct du masque, des propos grossiers ou tenus dans une autre langue que le français, ainsi que des constats de ravitaillement en eau dans les toilettes des filles n’étaient pas conformes à ses devoirs de service. Au vu de l’importance des lacunes constatées dans l’exercice de sa fonction, ses prestations, depuis plusieurs années, étaient insuffisantes. Ceci était d’autant plus grave que des mesures avaient été mises en place par sa hiérarchie pour lui permettre d’adapter sa posture et d’améliorer ses prestations, sans succès.

11) M. A______ a formé recours contre cette décision par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 21 juin 2022. Il a conclu préalablement à son audition, de même qu’à celle de Monsieur G______, ancien membre du bureau de la Fédération des Associations des « Maître.sse.s » du CO (ci-après : FAMCO). Principalement, il a conclu à l’annulation de la décision du 18 mai 2022, à ce que sa réintégration soit ordonnée, subsidiairement proposée, plus subsidiairement à l’allocation d’une indemnité correspondant à 24 mois de traitement.

Depuis l’arrivée de M. D______ à B______, il avait subi des pressions psychologiques sur son lieu de travail, ce qui ressortait des attestations de la Docteure H______, psychiatre et psychothérapeute, des 19 juin 2018 et 2 juin 2022. Il proposait à cet égard l’audition de M. G______. En 2016, la mauvaise gestion de l’établissement par l’équipe de direction était telle que l’association des maîtres du collège B______ avait interpellé le service de la direction générale pour une médiation. Il avait par la suite fait l’objet d’une surveillance accrue de la part du directeur « sur ses évaluations ». Il s’était toutefois régulièrement vu assigner des classes difficiles et avait fait part au directeur, au fur et à mesure, des problèmes rencontrés.

Il était passionné par son travail et avait toujours été dévoué à la progression de ses élèves, dont ceux en difficulté qu’il avait accepté d’aider, en leur permettant de refaire un travail en fin d’année ou, s’agissant d’une élève initialement non promue, d’en faire un supplémentaire lui permettant d’être promue.

On ne lui avait jamais proposé d’EEDP, en violation des art. 135 la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) et 38 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04), et alors que le directeur avait annoncé au mois d’octobre 2018 que la direction allait commencer à en organiser et que lui-même avait demandé à pouvoir en obtenir un. Un EEDP était systématiquement précédé d’une visite de classe, selon le guide EEDP, alors qu’en l’occurrence une telle visite n’avait pas eu lieu. Il pouvait aussi faire l’objet d’un recours auprès de l’autorité hiérarchique. En l’absence de ces deux étapes, aucune insuffisance des prestations ne pouvait être retenue. Le fait qu’il soit privé du recours hiérarchique était particulièrement grave et ne pouvait être réparé devant la chambre administrative. En ne mentionnant pas l’inexistence d’EEDP, la décision querellée constatait un état de fait de manière incomplète.

L’élève lui ayant fait le reproche qu’une épreuve, en novembre 2020, qui devait durer 45 minutes, n’en aurait finalement duré que 20, avait admis avoir menti, ou du moins transformé la vérité, afin d’éviter une punition de ses parents.

Le 10 décembre 2020, il avait suivi les recommandations du directeur, selon le courriel envoyé aux collaborateurs le 4 décembre précédent, en proposant à ses élèves un documentaire ou un jeu collectif. Ceux-ci n’étant toutefois pas motivés, il les avait autorisés à jouer par groupes, avec lecture de musique sur l’ordinateur de la classe. Au préalable, il avait formellement interdit aux élèves l’utilisation de leurs smartphones. Il n’avait eu connaissance que longtemps plus tard qu’alors qu’il était occupé à noter les absences, un élève aurait montré à un autre une vidéo à caractère pornographique. Le directeur, en annexe à son courrier du 31 mars 2022 en lien avec cet épisode, n’avait joint que trois témoignages d’élèves.

Il revenait sur un épisode du mois de mars 2021, au cours duquel il avait maladroitement « mégenré un élève transgenre » en période de transition, cet événement ayant vraisemblablement entraîné la rédaction du courrier du 31 mars 2020 du directeur et la tenue d’un entretien de service le 27 avril suivant.

Le principe de proportionnalité avait été violé et l’autorité avait abusé de son pouvoir d’appréciation. La décision entreprise accordait en effet une importance démesurée à des faits ponctuels, soit l’incident du 10 décembre 2020 et cet épisode du mois de mars 2021. La décision ne tenait de plus pas suffisamment compte de son ancienneté, ni de son état de santé, étant rappelé son arrêt de travail pendant plus de 6 mois en raison d’un burn out et d’un trouble anxiodépressif lié aux pressions psychologiques dont il faisait l’objet sur son lieu de travail. Tant pris individuellement que dans leur ensemble, les éléments qui lui étaient reprochés n’étaient pas suffisants pour constituer un motif fondé. Ils n’étaient d’ailleurs pas propres à perturber le bon fonctionnement de l’école ni à ébranler le rapport de confiance. La décision ne tenait de plus pas compte de l’existence de problèmes de gestion de l’établissement par l’équipe de direction.

12) Le département a conclu, le 25 août 2022, au rejet du recours.

Les doléances des parents émaillaient la carrière de M. A______ depuis 2010 et avaient fait l’objet d’un suivi attentif des directeurs successifs et doyens. Lors des divers entretiens, ceux-ci lui avaient donné des conseils, lui avaient demandé de changer d’attitude, avaient convoqué des entretiens de régulation ou des entretiens de service et même prononcé un blâme, sans succès. Des incidents avaient également été relevés par des collègues ou des doyens. L’ensemble des reproches récurrents formulés constituait un motif fondé de résiliation des rapports de services, laquelle respectait le principe de proportionnalité. Ladite résiliation ne se basait ainsi pas sur le seul incident de la fête de l’Escalade 2020, qui avait toutefois marqué le paroxysme des insuffisances de prestations. M. A______ contestait toute faute et trouvait une explication qu’il estimait justifiée à chacun des reproches, notamment à ses propos inappropriés. L’incident relatif à l’élève transgenre pouvait « être mis à part ». Il avait fallu choisir entre les intérêts des élèves à poursuivre sereinement leurs études et celui de l’enseignant à conserver son poste, l’expérience ayant montré que les deux n’étaient en l’espèce pas compatibles.

Tenant compte de l’âge de M. A______, le DIP avait opté pour une mesure d’éloignement et avait précédé la procédure de recherche de postes d’un bilan de compétences.

La résiliation des rapports de service étant fondée, proportionnée, les droits procéduraux de M. A______ ayant été respectés et des mesures de réinsertion professionnelle lui ayant été proposées avant une procédure de reclassement, une réintégration, subsidiairement une indemnisation, ne pouvaient entrer en ligne de compte.

13) La juge déléguée a tenu une audience de comparution personnelle des parties le 26 septembre 2022.

a. M. A______ a indiqué espérer gagner son recours, de sorte qu’il ne s’était pas inscrit au chômage depuis fin août 2022. Tout se passait bien à B______ jusqu'à l'arrivée de M. D______ en 2012-2013. Son burn out dès le mois de décembre 2017 était une réaction à l'entretien avec le directeur du 20 novembre 2017 et aux mesures qu’il estimait punitives.

Au début, il avait des classes de 11 A, soit les élèves de meilleur niveau, motivés et travailleurs ; cela se passait très bien. Dès l'arrivée du nouveau directeur, il n’avait eu quasiment que des élèves de niveau 10 B. Il y avait ainsi 4 ou 5 classes « difficiles » et il en avait la moitié alors que plus de 20 professeurs enseignaient les mathématiques.

Le premier entretien avec le nouveau directeur avait fait suite à l'agression d'un élève qui lui avait fait un croche-pied. Il avait réagi fortement pour lui faire comprendre qu’il n'allait pas se laisser faire. Le directeur lui avait dit « je vais sévir », ce qu’il avait répété par la suite et fait jusqu'à la fin.

Au terme du bilan de compétences, il était apparu que sa voie était d'enseigner. Il considérait être un bon enseignant et devoir être réintégré.

L’entretien de service avec le précédent directeur faisait suite à un souci rencontré avec la mère d'une élève, qui était la présidente de l'association des parents d'élèves. Elle lui avait demandé « des faveurs », à savoir de décaler de deux semaines le passage pour sa fille d'une épreuve alors que la norme était d'une semaine. Il n'était toutefois pas question pour lui de favoriser un élève par rapport à d'autres. Cette mère avait fédéré d'autres parents jusqu'à écrire une lettre collective au directeur. Le directeur lui avait demandé d'éviter d'avoir des propos qui puissent être mal interprétés, les élèves ne comprenant souvent pas le second degré. Lui-même disait ouvertement les choses aux parents lorsque les élèves rencontraient des difficultés, dans un but de bonne collaboration.

À une autre occasion, il avait pris un élève en flagrant délit de tentative de tricherie, lequel avait tenté de nier. Il était parvenu à la connaissance du directeur qu’il aurait dit que l'élève était stupide alors que c'était son action qu’il avait qualifiée comme telle. Le directeur l’avait « pris par la gorge » à cause de ce terme et lui avait dit que « pas intelligent » était préférable à « stupide ».

Le directeur l'avait inscrit à son insu à une formation « enseignement pour classes difficiles » qu’il avait déjà suivie environ 3-4 ans plus tôt. Elle n'était pas d'une grande utilité et cela correspondait à ce qui était appliqué au quotidien.

Depuis l'arrivée d'un nouveau directeur, plus de la moitié des enseignants, qui s’en plaignaient, avaient quitté B______.

À sa reprise après son burn out, il avait demandé, dans son courrier du 31 août 2018, que l'on recommence sur une base saine. Il avait croisé dans les couloirs le directeur qui lui avait dit qu'il laissait tomber toutes les mesures, lesquelles n’avaient pas été réactivées.

Le métier d'enseignant était une passion. Il n’avait aucun souci avec l'ancien directeur, avec lequel il avait une relation amicale et une très bonne collaboration. Le nouveau directeur l’avait systématiquement convoqué aux entretiens à la veille de vacances scolaires, de sorte qu'au lieu de se reposer, il avait vécu des véritables cauchemars. À l'occasion de chacun de leurs entretiens, il l’avait invité à venir voir un cours, par surprise, ce qu’il avait toujours refusé de faire. Dans le cadre des mesures mises en place à son endroit, aucune autre personne n'avait été envoyée dans sa classe pour voir ce qui s'y passait.

Dans la mesure où il estimait que c'était en définitive une incompatibilité avec le directeur, il avait proposé à ce dernier, en 2016, de changer de CO mais celui-ci lui avait répondu « non, on a besoin de vous ici ».

Lors de la journée de l'Escalade du 10 décembre 2020, un groupe d'élèves avait demandé à jouer au pendu. Il leur avait remis le marqueur pour le tableau blanc. Un autre groupe d'élèves avait joué au morpion. Des filles avaient demandé si elles pouvaient écouter de la musique sur leurs téléphones portables et il leur avait mis l'ordinateur à disposition. Des clips montrant des filles plutôt dévêtues, il avait arrêté la séquence et leur avait expliqué à quel point c'était dévalorisant pour la femme. Pendant les 5 ou 6 dernières minutes du cours, il avait pris son portable pour noter les absences, puisque que l'ordinateur était occupé. Ce n'était que par la suite qu’il avait appris qu'un élève s'était caché derrière le porte-manteaux et aurait forcé un camarade à regarder un contenu pornographique.

b. Les représentantes du DIP ont contesté un turn-over plus important à B______ qu'ailleurs.

Il arrivait qu'en parallèle à un entretien d'évaluation soit prévue une visite annoncée en classe. Il n'était pas question de visites impromptues, même à la demande de l'enseignant. Dans le cas de M. A______, la direction était intervenue à la suite d'épisodes précis et concrets, de sorte qu'un passage en classe n'était en tout état pas la mesure à prendre.

Au DIP, les EEDP étaient intervenus plus tard que dans d'autres départements, ce qui avait concerné tous les établissements scolaires. De plus les EEDP pour les enseignants intervenaient à la fréquence de 5 ans contre tous les 2 ou 3 ans pour le personnel administratif.

14) Au terme de ses observations complémentaires du 17 octobre 2022, M. A______ a relevé que le DIP était revenu dans sa réponse au recours sur des faits s’étant produits alors qu’il était en formation, de sorte qu’ils étaient dépourvus de toute pertinence, puisqu’il n’était pas contesté qu’il avait les titres pour pouvoir enseigner et avait été nommé fonctionnaire. Le manque de rigueur du directeur, contraire au droit s’agissant de l’absence d’EEDP, s’inscrivait dans le cadre des pressions psychologiques qu’il subissait sur son lieu de travail. En 20 ans de métier, aucun de ses élèves n’avait échoué uniquement à cause des mathématiques. Il s’était durant toute sa carrière énormément investi en faveur de l’école et des élèves, dont comme accompagnateur à des camps de ski alors que lui-même ne pratiquait pas cette activité.

Il se trouvait en incapacité de travail, ce qui était démontré par les certificats médicaux de la Dre H______ des 15 et 29 septembre 2022, couvrant la période du 15 août au 31 octobre 2022. Si la chambre administrative devait retenir qu’il existait un motif fondé pour résilier les rapports de services, il devait être tenu compte de la suspension du délai de résiliation.

15) Dans ses observations finales du 17 octobre 2022, le DIP a ajouté que par courrier du 11 octobre 2022, il avait été indiqué à M. A______ que les rapports de services étaient prolongés compte tenu de sa maladie, pour une durée encore indéterminée, mais au maximum de 180 jours, plus le solde du délai non échu, avec report du terme à la fin du mois. Son traitement était repris à compter de septembre 2022.

Les problèmes avaient déjà commencé avec l’ancien directeur, dans des épisodes qu’il précisait. Il n’était pas exclu que M. A______ ait demandé au nouveau directeur un changement de CO, ce à quoi ce dernier aurait répondu négativement dans la mesure où cela aurait déplacé le problème dans un autre établissement. Les EEDP n’avaient été généralisés pour le personnel enseignant qu’à la rentrée scolaire 2015 – 2016.

M. A______ a répliqué le 31 octobre 2022. Dans la mesure où c’était la relation avec le directeur qui était la principale source de tensions, un changement d’établissement aurait été salutaire.

16) Les parties ont été informées, le 1er novembre 2022, que la cause était gardée à juger.

La teneur des pièces et leurs arguments seront pour le surplus repris ci-dessous en droit dans la mesure utile à la résolution du litige.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant n'a pas formellement conclu à l'audition de témoins. Il a néanmoins offert de prouver certains faits par son audition et celle de M. G______, membre de la FAMCO.

a. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.- RS 101), comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2). Ce droit n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 136 I 229 consid. 5.2). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1) ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, les écritures des parties, leur audition et les pièces produites par leurs soins ont permis d'apporter à la chambre de céans les éléments suffisants pour lui permettre de trancher le litige en toute connaissance de cause. Le recourant a en particulier pu apporter ses explications par rapport aux reproches fondant selon l’autorité intimée des motifs fondés de résiliation des rapports de service.

La chambre de céans dispose d'un dossier complet lui permettant de statuer en connaissance de cause.

3) Le litige porte sur la conformité au droit de la résiliation des rapports de service par le département.

Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d’espèce.

4) a. En tant que fonctionnaire, le recourant est soumis à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), au règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), ainsi qu’au règlement relatif à la protection de la personnalité à l’État de Genève (RPPers - B 5 05.10).

Les devoirs de service du corps enseignant sont en règle générale de même contenu que ceux prévus pour les membres du personnel régis par la LPAC à savoir, notamment, le devoir de respecter l'intérêt de l'État.

b. La LIP s'applique, notamment, aux membres du corps enseignant secondaire I de l'instruction publique (art. 1 al. 4 LIP). La LIP a pour objet de définir les objectifs généraux de l'instruction publique. À ce titre, elle régit en particulier les principes généraux en matière de personnel enseignant (art. 2 let. j LIP).

c. Les membres du personnel enseignant doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux missions, notamment d'éducation et d'instruction, qui leur incombent (art. 123 al. 1 LIP). Ils sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 123 al. 2 LIP et 20 du RStCE, applicable aux enseignants du secondaire I selon l'art. 6 al. 1 du règlement du CO du 9 juin 2010 [RCO - C 1 10.26]).

En tant que membre du corps enseignant, l'enseignant est chargé d'une mission d'éducation dont les objectifs sont énoncés à l'art. 10 LIP. Son rôle est ainsi de contribuer au développement intellectuel, manuel et artistique des élèves, à leur éducation physique mais aussi à leur formation morale à une période sensible où les élèves passent de l'adolescence à l'état de jeune adulte. Dans ce cadre, l'enseignant constitue, à l'égard des élèves, à la fois une référence et une image qui doivent être préservées. Il lui appartient donc, dès qu'il se trouve hors de sa sphère privée, d'adopter en tout temps un comportement auquel ceux-ci puissent s'identifier. À défaut, il détruirait la confiance que la collectivité, et en particulier les parents et les élèves, ont placée en lui. Ce devoir de fidélité embrasse l'ensemble des devoirs qui lui incombent dans l'exercice de ses activités professionnelles et extra-professionnelles. Dès que ses actes sont susceptibles d'interagir avec sa fonction d'éducateur, le devoir de fidélité impose à l'enseignant la circonspection et une obligation de renoncer, sauf à prendre le risque de violer ses obligations (ATA/1086/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5b ; ATA/1619/2019 du 5 novembre 2019 consid. 4c ; ATA/585/2015 du 9 juin 2015 consid. 11 ; ATA/605/2011 du 27 septembre 2011 consid. 8).

Les devoirs spécifiques liés à la mission éducative s'imposent parfois même hors service, compte tenu de l'ascendant que les membres du corps enseignant exercent sur leurs élèves en raison de leur position d'autorité à leur égard (ATA/1086/2020 précité consid. 5b ; ATA/715/2018 du 10 août 2018 ; ATA/892/2016 du 25 octobre 2016 consid. 4c et les références citées).

Les membres du corps enseignant se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 21 al. 1 RStCE).

d. Selon l'art. 14 LPAC, aux fins d’améliorer le bon fonctionnement des services et la qualité des prestations, il est mis en place un processus d’évaluation prévoyant des entretiens individuels et de service.

Chaque membre du personnel enseignant fait l’objet d’une appréciation, sous la forme d’un EEDP, qui porte notamment sur : a) les capacités du titulaire et la qualité du travail effectué ; b) le maintien et le développement des compétences du titulaire ; c) les objectifs à atteindre et les dispositions à prendre pour la période à venir (art. 135 LIP).

Il ressort de l’art. 48 al. 1, 2, et 5 RStCE que les entretiens individuels après la période probatoire, réunissant le directeur d'établissement ou, sur délégation du directeur, un doyen et le membre du personnel enseignant, ont lieu en règle générale une fois tous les 3 ans. Ces entretiens portent sur les tâches dévolues au membre du personnel enseignant et en adéquation avec les objectifs de l'établissement, ainsi que sur les besoins et les moyens à disposition. Un recours auprès de l’autorité hiérarchique supérieure est ouvert.

Un entretien de service entre le membre du personnel enseignant et son supérieur hiérarchique a pour objet les manquements aux devoirs du personnel (art. 40 al. 1 RStCE).

e. L’art. 114 al. 1 LIP prévoit que, dans le cadre scolaire, chaque élève a droit à une protection particulière de son intégrité physique et psychique et au respect de sa dignité.

5) a. Aux termes de l'art. 141 LIP, le Conseil d'État peut, pour motif fondé, résilier les rapports de service d'un membre du corps enseignant. Il peut déléguer cette compétence au conseiller d'État chargé du département agissant d'entente avec l'office du personnel de l'État. La décision est motivée (al. 1). L'autorité compétente est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont définies par règlement (al. 2).

b. Il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration scolaire, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (art. 141 al. 3 let. a LIP). Le délai de résiliation est de trois mois pour la fin d'un mois (art. 141 al. 4 LIP). Lorsque l'intérêt des élèves l'exige, le conseiller d'État chargé du département agissant d'entente avec l'office du personnel de l'État peut prendre des mesures provisoires et en particulier éloigner le membre du corps enseignant de son lieu de travail. Ces mesures ne peuvent entraîner une diminution de traitement de l'intéressé (art. 141 al. 5 LIP). L'art. 64 RStCE a la même teneur que l'art. 141 LIP.

c. L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1471/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/674/2017 du 20 juin 2017 ; MGC 2005-2006/XI A 10420).

Des manquements dans le comportement de l'employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu'ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l'employé perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-897/2012 du 13 août 2012 consid. 6.3.2 ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in Jean-Philippe DUNAND/ Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015, p. 161-162).

d. En matière de rapports de service, l'employeur public dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que la chambre administrative ne peut intervenir qu'en cas de violation du droit, y compris d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation, ou de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA).

Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d'appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées ; ATA/927/2020 précité consid. 4b).

e. Les rapports de service étant soumis au droit public, leur résiliation doit respecter les principes constitutionnels généraux, notamment les principes de la légalité, de l'égalité, de la proportionnalité, de la bonne foi, de l'interdiction de l'arbitraire, lors de la fin des rapports de travail des employés (ATA/1839/2019 du 20 décembre 2019 consid. 7d et les références citées).

Par ailleurs, le point de savoir si et, le cas échéant, quand une réaction est indiquée dépend largement de l'appréciation du cas concret. Or, en matière de rapports de service, l'employeur public dispose d'un large pouvoir d'appréciation que la chambre administrative ne revoit que sous l'angle de son éventuel abus ou excès, ce dernier n'étant pas pertinent en l'espèce (ATA/674/2017 précité consid. 11c).

f. Selon l’art. 40A RStCE les art. 336c et 336d de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) sont applicables par analogie, sous réserve de l'alinéa 2, non pertinent en l’espèce.

6) En l'espèce, la décision de licenciement retient, au titre de motif fondé, une insuffisance de prestations depuis plusieurs années.

Le dossier du recourant contient de nombreuses doléances en lien avec son comportement à l’égard de ses élèves à compter du 19 juin 2006 déjà. Néanmoins, l’ensemble des rapports administratifs concernant le fonctionnaire ne peuvent plus être invoqués après un délai de 10 ans (art. 17 al. 1 et 4 RPAC).

Le 17 mai 2011, six parents d’élèves ont signé une lettre commune adressée à l’ancien directeur B______, au terme de laquelle ils demandaient à pouvoir le rencontrer, les diverses démarches entreprises tant auprès du recourant, dont l’enseignement et le comportement étaient problématiques, que par l’intermédiaire des responsables de classe, s’étant révélées infructueuses. Il ressort notamment de notes manuscrites au dossier du 26 mai 2011 que les parents signataires de cette lettre ont été entendus oralement en lien avec la situation particulière de leur enfant, dont il est ressorti des doléances quant à l’enseignement donné par le recourant, aux évaluations et à des remarques désobligeantes et humiliantes. Une note manuscrite non signée du 3 juin 2011 mentionne que l’ancien directeur avait présenté ces doléances au recourant, tout en relevant à son intention que la problématique était la même que lors de leur entretien une année plus tôt. Le recourant avait dit ne pas pouvoir « réfuter tout en bloc », mais « rectifier » certains points et subir des pressions des élèves.

Lors de l’entretien de service qui s’en est suivi, le 17 juin 2011, le recourant n’a pas formellement contesté les propos ou attitudes qui lui étaient attribués, mais a expliqué qu’ils étaient sortis de leur contexte et qu’il n’avait à aucun moment voulu dévaloriser les élèves concernés. L’ancien directeur s’est étonné du caractère récurrent des problèmes rencontrés, malgré l’injonction du 28 juin 2010, nuançant toutefois le ressenti des élèves qui, dans certains cas, pouvaient faire une mauvaise interprétation. Il rappelait au recourant d’éviter absolument toute attitude ou propos sujet à « quiproquos ».

Le recourant n’a toutefois pas modifié son comportement, puisqu’en décembre 2012, c’est au nouveau directeur B______ que d’autres parents se sont plaints de son enseignement et de son comportement. Il était question d’explications lacunaires et peu claires, d’épreuves trop difficiles, de corrections imposées aux élèves à la maison, alors qu’il aurait été préférable qu’elles le soient en classe avec les explications de l’enseignant, comme dans les autres cours, et de la non promotion ou la promotion par tolérance d’environ 50 % de ses élèves à cause des mathématiques. Par ailleurs, avant les vacances de fin d’année, des élèves se sont plaints auprès de leur maître de classe, qui avait essayé d’en discuter avec le recourant selon courriel du 9 janvier 2013, notamment de ce qu’il notait les devoirs à faire au rétroprojecteur alors que les élèves étaient déjà en train de sortir de classe, de champs d’épreuves mal définis, d’être rabroués et d’avoir une attitude méprisante à leur égard, de même que des remarques particulièrement blessantes – plusieurs exemples étant donnés – alors qu’ils ne comprenaient pas ses explications. Le recourant avait répondu à ce collègue que c’était sa gestion qui causait le désordre dans cette classe. Leur entretien s’était manifestement mal terminé, au point que ce collègue proposait l’intervention d’un tiers pour apaiser le dialogue. Le recourant avait toutefois ensuite contacté téléphoniquement ce maître de classe en l’assurant de ses bonnes dispositions pour la résolution de la situation et avait reconnu un excès de son caractère.

S’y est ajouté l’épisode du 25 janvier 2013, au cours duquel le recourant, à teneur des 17 témoignages manuscrits d’élèves présents, s’était vivement emporté contre leur camarade, nonobstant les excuses de ce dernier, proférant notamment des menaces de mort, de le « massacrer » ou de lui « casser la gueule » après un encoublement qu’ils ont qualifié d’accidentel, les jambes de l’élève en question, « affalé » sur sa chaise, dépassant de son bureau. Une fois cet élève sorti, il avait ajouté que si un élève osait encore l’agresser, il le massacrerait, au point qu’il se retrouverait mort ou en chaise roulante, après quoi il démissionnerait.

Le 13 février 2013, une autre mère d’élève s’est plainte en particulier s’agissant du temps mis par le recourant pour rendre les épreuves aux élèves ainsi que des modalités de corrections. D’autres parents se sont plaints durant l’année 2013 de la qualité des cours du recourant, relevant l’attribution de meilleures notes de leurs enfants alors qu’un remplaçant les donnait en l’absence du recourant.

Le doyen, maître d’une classe suivant les cours du recourant, a rédigé un rapport sur l’incident survenu lors de la soirée des parents de 10e année le 4 novembre 2013. Après quelques minutes seulement, le recourant s’était fâché avec plusieurs parents et avait répondu à des questions sur un ton visiblement agacé. Il avait refusé d’entrer en matière sur la possibilité d’obtenir un appui pour un élève dont il avait dit qu’il ne travaillait pas bien.

Selon le « compte rendu d’entretien et mesures qui en découlent » du 11 novembre 2013, du nouveau directeur B______, M. A______ avait reconnu l’aspect inadmissible des menaces proférées le 25 janvier 2013, qu’il avait expliquées par la prise d’un nouveau médicament en phase de test. L’aspect récurrent des plaintes des parents d’élèves amenait le directeur à s’interroger sur la qualité de son enseignement, alors même que son prédécesseur l’avait mis en garde par deux fois. C’est à l’issue de cet entretien qu’ont été imposées six mesures au recourant, à savoir en lien avec les évaluations, les modalités à prendre lorsqu’un élève passait d’une moyenne suffisante à une moyenne insuffisante et, en cas de situation devant nécessiter une entorse aux consignes, en particulier au délai, la nécessité imposée au recourant de présenter au directeur une demande écrite motivée et anticipée de manière raisonnable. Celui-ci notait encore que la problématique existait depuis longtemps, avec son prédécesseur déjà, et que lui-même faisait preuve de patience et d’une certaine compréhension face aux difficultés récurrentes rencontrées avec le recourant. Il avait espoir que de tels problèmes ne perdureraient pas. Dans le cas contraire, il serait dans l’obligation de recourir à d’autres mesures.

Le 8 décembre 2013, les parents de sept à huit élèves ont fait part de leurs doléances quant à la manière du recourant de donner ses cours, les devoirs et leurs corrections. Le 11 février 2014, le recourant a informé les parents de ces élèves par écrit que, à la suite d’une demande de la direction, il avait corrigé l’exercice d’une épreuve, ce qui avait modifié à la hausse la note de leur enfant d’un demi point. Le 24 février suivant, les parents d’un élève ont rapporté au directeur, en leur nom, de même que celui d’autres parents, des propos dévalorisants tenus par le recourant en classe, dont à l’égard de leurs fils qu’il avait « très clairement pris en grippe », ainsi qu’une attitude inacceptable lors de la réunion d’élèves au début d’année scolaire qu’il avait quittée en plein milieu. Des mesures rapides devaient être prises pour évaluer sa pédagogie et ses attitudes. Le recourant a répondu à cela le 10 mars 2014 qu’il n’avait jamais dit à ses élèves qu’ils étaient « tous des nuls, des incapables » ou « vous n’arriverez à rien dans la vie ». Il avait une fois fait une remarque à un élève à propos d’une grosse chaîne qu’il portait autour du cou, relevant que ce n’était pas très élégant et réservé aux chiens. Il avait quitté la réunion précitée en s’excusant correctement et poliment pour rejoindre d’autres classes de 10ème.

Il ressort d’une note intitulée « Délais non respectés par M. Y. A______ » que la doyenne de mathématiques, à la suite de la demande du directeur du 11 novembre 2013, déplorait notamment que le planning des évaluations ne lui ait pas été transmis pour toutes les classes dans le délai fixé, n’avoir jamais reçu un fichier Excel une semaine après l’évaluation avec la moyenne en temps réel de chaque élève, ni de compte rendu d’entretiens s’agissant de neuf élèves, ni d’épreuves avec critères de correction et barèmes pour les premier et deuxième trimestres.

Le directeur s’est en conséquence vu contraint de convoquer le recourant à un nouvel entretien de service, pour le 5 mai 2014. S’en est suivi le blâme prononcé le 23 septembre 2014, contre lequel le recourant n’a pas fait recours.

Le 12 mars 2015, la mère d’un élève s’est plainte de lacunes dans les explications du recourant en cours, d’une annonce tardive des évaluations, et du non-respect du champ annoncé.

En 2017, les écarts de langage du recourant, son attitude inappropriée avec les enfants, dont ses remarques quant à leur niveau avec la poursuite de leur scolarité au collège, et le fait qu’il s’exprime parfois dans une langue étrangère en aparté, ont nécessité un entretien avec le directeur le 2 mars. Le 5 avril 2017, après le recueil de témoignages d’élèves, le recourant a reconnu devant le directeur avoir fait pleurer un élève, de même que qualifier parfois de « stupide » ce que faisait l’un ou l’autre élève. Il a en revanche contesté avoir traité ses élèves de « mal élevés » ou « débiles ». Il s’excusait lorsqu’il sentait que ses paroles avaient pu blesser un élève. Il a reconnu s’énerver lorsque les cours se déroulaient difficilement. Le 20 novembre 2017, face à cette situation récurrente, le directeur a adressé une lettre au recourant, relevant qu’un faisceau d’indices de plus en plus fort démontrait que son enseignement était problématique. Sa maîtrise du système scolaire était incomplète. Il appliquait insuffisamment les méthodes, pourtant reconnues, visant à améliorer la gestion d’une classe et la qualité de l’enseignement, nonobstant les diverses demandes de sa hiérarchie. Six consignes lui étaient imposées.

Le 30 mars 2020, la doyenne a adressé un courriel au recourant relevant que depuis deux semaines, ses cinq classes de 10ème année n’avaient pas reçu de travail de sa part, ce dont la direction avait été alertée par des courriels de parents. Il était apparu qu’il était souffrant, ce dont il n’avait pas informé sa hiérarchie. Ceci avait eu pour conséquence que ses collègues n’avaient pas eu ses commentaires pour étoffer leur cause au conseil de classe et que ses élèves n’avaient pas eu de consignes de travail pendant deux semaines, ce dans une discipline principale. Si cet élément n’a pas été retenu en tant que tel dans la décision querellée, il s’inscrit dans la problématique plus générale de l’absence de rigueur reprochée au recourant dans l’exercice de sa fonction.

Il ressort de trois témoignages d’élèves que le 10 décembre 2020, à l’occasion de la journée de l’Escalade, alors que les élèves pouvaient faire ce qu’ils voulaient, mais dans le calme, le recourant était resté « sur ton téléphone » pendant tout le cours. Un groupe de trois garçons s’était amassé au fond de la classe derrière le porte-manteaux. L’un d’eux avait montré à un autre un contenu pornographique. Le recourant soutient qu’il n’aurait été occupé que quelques minutes sur son smartphone à la fin du cours pour relever les absences. Il n’en demeure pas moins qu’il avait la charge de surveiller ses élèves, même pendant une heure où il n’a pas donné son enseignement en raison de cet événement festif. Il lui appartenait de garder un œil sur sa classe pendant cette heure de cours.

Lors de son entretien avec le directeur le 21 décembre 2020, outre cet épisode de l’Escalade, le recourant s’est vu reprocher d’avoir fait passer aux élèves notamment une épreuve comportant deux fois le même exercice, donné une punition consistant à devoir recopier 200 fois la phrase « je dois faire mes devoirs de mathématiques régulièrement », ne pas avoir donné suite à des demandes d’entretiens de parents via le carnet de l’élève, de, nonobstant le courriel du directeur du 13 novembre 2020, n’avoir continué à déposer ses cours sur « classroom » qu’en cas d’absence des élèves, ne pas avoir, à quatre reprises, dans les couloirs, à la vue du directeur, porté son masque protecteur correctement, outre trois autres fois au cours de l’entretien en question. Il avait admis se rendre dans les toilettes des filles pour y remplir sa bouteille d’eau, vérifiant toutefois préalablement l’absence de toute personne. Mis encore en cause par une élève pour avoir marmonné des mots grossiers dans son masque, il a concédé que, par énervement face à la classe en question, dont la gestion était difficile, il lui arrivait de s’exclamer « putain » et de s’excuser immédiatement. Enfin, il avait admis que lors du conseil de cette classe, il ne pouvait se retenir de déraper face aux élèves présents.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments s’inscrivant sur de nombreuses années, face auxquels le recourant a été confronté par sa hiérarchie au fur et à mesure et sur lesquels il a pu faire valoir son point de vue, que c’est à raison et sans abuser de son pouvoir d’appréciation que l’autorité intimée a considéré qu’il existe d’importantes lacunes dans l’exercice de ses fonctions et que ses prestations sont insuffisantes. Malgré toutes les mises en garde depuis de nombreuses années, les objectifs fixés et les mesures mises en place pour le soutenir et l’encadrer, le recourant n’a pas su adapter son comportement aux attentes légitimes de son employeur. Il n’a ainsi pas su modifier sa manière de se comporter à l’égard des élèves, n’hésitant pas à les rabaisser par des remarques inadéquates, voire même à les menacer de mort ou de blessures physiques graves, ou encore à s’exprimer en arabe dans des moments d’agacement, ce qui résulte de nombreux témoignages convergents et n’est globalement pas fondamentalement mis en cause par le recourant, quand bien même il cherche vainement à minimiser la vulgarité et la force des termes employés. Il ne peut valablement justifier ces écarts récurrents de langage et attitudes, soit autant de « dérapages », par la confrontation à des élèves et classes difficiles. Il n’a de plus pas réussi à se conformer aux attentes, là aussi légitimes, de sa hiérarchie, s’agissant de la qualité de ses cours et des modalités des épreuves qu’il faisait passer. Enfin, les reproches formulés au fil de ces années ne sauraient s’expliquer, comme il le soutient, par un acharnement du nouveau directeur à son égard, lequel aurait « monté un dossier » contre lui, puisqu’il est établi que les critiques à son encontre ont commencé sous l’ancienne direction déjà.

Le recourant n’a pas réussi à se remettre en question, en particulier à compter du moment où il a été sanctionné par un blâme, en 2014, dont il dit encore ne pas comprendre la raison.

Il n’a pas su tenir compte de sa position particulière à l’égard d’élèves, qui plus est adolescents, et de la mission particulière que le corps enseignant a, outre de leur transmettre le savoir, de protéger leur développement.

Par ses lacunes dans sa position d’enseignant, il a contraint son employeur à des remises à l’ordre régulières, à la prise de mesures et à leur contrôle, qui ont entraîné un accroissement de la charge des doyens notamment. Il a enfin nui à l’image et à la confiance que les parents et les élèves doivent pouvoir avoir dans la qualité de l’enseignement, qui plus est à une étape stratégique de leur orientation.

Ainsi, dans le présent cas, les considérations de l'autorité intimée sont pertinentes et conformes au but de la LIP, à savoir que les membres du personnel enseignant observent dans leur attitude la dignité qui correspond aux missions, notamment d'éducation et d'instruction, qui leur incombent (art. 123 al. 1 LIP), respectent l'intérêt de l'État et s'abstiennent de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 123 al. 2 LIP).

En définitive, les différents manquements pris dans leur ensemble justifient le licenciement du recourant. De plus, il a eu, à plusieurs reprises, la possibilité de démontrer que les reproches formulés à son égard n’étaient pas fondés, en atteignant les objectifs fixés, ce qu’il n’a pas réussi à accomplir. La décision de résiliation des rapports de service apparaît dans ces circonstances conforme au droit, et ce également du point de vue de la proportionnalité.

Elle est en effet apte à atteindre le but visé, soit garantir le bon fonctionnement de l'institution. Elle est nécessaire afin d'éviter que d’autres élèves aient à souffrir de lacunes dans leur enseignement, mais également d’attitudes ou de propos inadéquats et blessants, et donc proportionnée au sens étroit, aucune autre mesure moins incisive n'étant envisageable, étant par ailleurs rappelé que selon la jurisprudence, le licenciement consécutif à l'impossibilité de reclassement dans l'administration est la concrétisation du principe de proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_180/2019 du 17 avril 2020 consid. 4.4.2 et les références).

Enfin, les pressions psychologiques, pouvant s’apparenter à un grief de prétendu harcèlement moral de la part du nouveau directeur est irrecevable, la chambre de céans n’étant pas compétente pour l'examiner (ATA/993/2021 du 22 mars 2022 ; ATA/1577/2019 du 29 octobre 2019). Les raisons d’absence d’EEDP et de visites impromptues en classe ont été expliquées de manière convaincantes par le DIP. Au demeurant, le recourant a bénéficié de nombreux entretiens au fil des ans, à la suite desquels les possibilités d’atteindre les objectifs fixés lui ont été données. Par ailleurs, quand bien même il aurait à un moment ou à un autre demandé à changer d’établissement, ce qui n’est pas étayé, cela n’aurait nullement résolu la problématique de son enseignement lacunaire et de son comportement inapproprié avec les élèves, mais aurait tout au plus transféré la problématique dans un autre établissement, ce qui est de nature à nuire au bon fonctionnement de l’État.

7) a. Aux termes de l'art. 64A RStCE, lorsque les éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d'entretiens de service, un reclassement selon l'art. 141 al. 2 LIP est proposé pour autant qu'un poste soit disponible au sein de l'administration et que l'intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l'occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L'intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). En cas de refus, d'échec ou d'absence de reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6). La direction des ressources humaines du département, agissant d'entente avec l'office du personnel, est l'organe responsable (al. 7).

b. Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). Il impose à l'État de s'assurer, avant qu'un licenciement ne soit prononcé, qu'aucune mesure moins préjudiciable pour l'administré ne puisse être prise (arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2 ; ATA/78/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4a ; ATA/1280/2019 du 27 août 2019 consid. 8d et les arrêts cités).

L'État a l'obligation préalable d'aider l'intéressé et de tenter un reclassement, avant de prononcer la résiliation des rapports de service d'un agent public au bénéfice d'une nomination : il s'agit tout d'abord de proposer des mesures dont l'objectif est d'aider l'intéressé à retrouver ou maintenir son « employabilité », soit sa capacité à conserver ou obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans une autre fonction, à son niveau hiérarchique ou à un autre niveau. Avant qu'une résiliation ne puisse intervenir, différentes mesures peuvent être envisagées et prendre de multiples formes. À titre d'exemples, on pense au certificat de travail intermédiaire, au bilan de compétences, à un stage d'évaluation, aux conseils en orientation, aux mesures de formation et d'évolution professionnelles, à l'accompagnement personnalisé, voire à « l'outplacement ». Il s'agit ensuite de rechercher si une solution alternative de reclassement au sein de la fonction publique cantonale peut être trouvée. En contrepartie, la garantie du niveau salarial atteint en cas de changement d'affectation a été abrogée (MGC 2005-2006/XI A 10420 ; ATA/78/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4a ; ATA/1067/2016 du 20 décembre 2016 consid. 7).

Lorsque la loi prescrit à l'État de ne pas licencier une personne qu'il est possible de reclasser ailleurs, elle ne lui impose pas une obligation de résultat, mais celle de mettre en oeuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui (ATA/1576/2019 du 29 octobre 2019 consid. 14b et les références citées).

Selon le Tribunal fédéral, lorsqu'un reclassement revient en fin de compte à reporter dans un autre service des problèmes de comportement reprochés au recourant, il paraît illusoire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_839/2014 du 5 mai 2015 consid. 7.1). La jurisprudence genevoise connaît une casuistique où la chambre administrative a admis l'absence de procédure de reclassement (ATA/1345/2020 du 22 décembre 2020 et les arrêts cités). Toutefois, seules les circonstances particulières, dûment établies à satisfaction de droit, peuvent justifier une exception au principe légal du reclassement et faire primer l'intérêt public et privé de nombreux employés de l'État sur l'intérêt privé, pourtant important, de la personne licenciée (ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 9c ; ATA/1579/2019 du 29 octobre 2019 consid. 12h).

c. En l’espèce, le recourant ne remet nullement en cause le processus de reclassement. Il a bénéficié dans ce cadre d’un entretien le 2 septembre 2021 avec la DRH du DIP et d’un bilan de compétences. Ce bilan arrivant à échéance le 25 novembre 2021, un entretien intermédiaire de reclassement a été convoqué le 11 novembre 2021 pour le 2 décembre suivant. L’enseignant a remis son curriculum vitae à jour à cette occasion. La recherche de postes au sein de l’administration a démarré le 9 décembre 2021. L’ensemble des départements et directions du DIP ont été consultés. Tous ont répondu négativement. La procédure de reclassement arrivant à son terme le 25 février 2022, l’enseignant a été convoqué à un entretien de service de clôture finalement intervenu le 29 mars 2022 en raison de réponses manquantes de certains services du département.

Certes, le processus de reclassement n’a pas abouti. Il sera toutefois rappelé l’exigence de moyens de l’autorité dans ce cadre, et non de résultat.

8) La résiliation des rapports de service étant conforme au droit, les conclusions en réintégration et en indemnisation seront écartées.

Il est enfin pris acte de ce que l’autorité intimée reportera les effets du congé, initialement donné pour le 31 août 2022, au-delà de la période de protection due à la maladie du recourant.

En tous points infondés, le recours sera rejeté.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 juin 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 18 mai 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Cyril Mizrahi, avocat du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :