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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1762/2008

ATA/519/2022 du 17.05.2022 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.06.2022, rendu le 09.10.2023, REJETE, 1C_374/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1762/2008-LCI ATA/519/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 mai 2022

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Mathis Kern, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC



EN FAIT

1) Monsieur A______ et Monsieur B______ sont devenus copropriétaires de la parcelle no 11'011, feuille 1______, de la commune de C______
(ci-après : la commune), par deux achats successifs des 14 janvier 1998 et 9 avril 1999.

Cette parcelle est sise en zone agricole et classée, pour partie, en surface d’assolement (ci-après : SDA).

Un bâtiment, cadastré sous no 2______, s’y trouve, construit au bénéfice des autorisations DD 3______ et DD 4______. Initialement un hangar, son affectation a été modifiée à destination de chambres pour employés agricoles. Selon l’extrait du 23 janvier 2022 du registre foncier, il s’agit désormais d’un bâtiment à destination de « bureaux ».

2) La commission foncière agricole (ci-après : CFA) a autorisé l’acquisition de la parcelle le 3 novembre 1998, car M. B______, pépiniériste, et M. A______, paysagiste, souhaitaient l’utiliser pour exercer leur activité professionnelle.

3) Ils y exploitaient l’entreprise D______, qui a pour but, à teneur du registre du commerce genevois (ci-après : RC), de « concevoir et entreprendre l’aménagement et l’entretien de parcs et jardins ; participer à des travaux de construction de terrains de sport, de piscines, de places de jeux, de fouilles, de terrassement et de drainage ; transports relatifs à la construction ».

4) Ils étaient aussi administrateurs de l’entreprise E______, dont le but, selon le RC, est l’exploitation d’une « entreprise de génie civil, exécution de travaux publics, démolitions et terrassement, exploitations de carrières et de gravières, achat, fabrication et vente de matériaux de construction, transport de tous matériaux ».

5) Le 24 janvier 2008, le département des constructions et des technologies de l’information, aujourd’hui le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a ouvert une procédure d’infraction (I/5______) et s’est adressé à M. A______ au sujet de la parcelle no 11'011.

Il ressortait d’un rapport d’enquête du 23 janvier 2008, rédigé par un inspecteur de la police des constructions à la suite de son contrôle sur place le 18 janvier 2008, que l’entreprise E______ s’était installée sur la parcelle sans autorisation. Le bâtiment à l’entrée de la parcelle avait changé d’affectation, un parking avait été créé devant le bâtiment, un couvert avait été érigé en limite sud de la parcelle (abritant des véhicules de chantier), des engins de chantier et des véhicules (roulottes, bennes, trax, camions, véhicules de service) étaient entreposés au sud-est de la parcelle, et des matériaux de chantier occupaient son extrémité est.

Cette situation constituait une infraction aux art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05)
et 20 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), la zone agricole étant destinée à l’exploitation agricole ou horticole uniquement. M. A______ était invité à lui faire part, dans un délai de dix jours, de ses observations et explications éventuelles.

Ce courrier n’a pas reçu de suite à teneur du dossier.

6) Selon un rapport d’enquête du 15 avril 2008, l’inspecteur avait constaté, lors d’un nouveau contrôle sur place le 11 avril 2008, que la situation décrite dans le précédent rapport d’enquête était demeurée identique. Il était souligné que la lettre du 24 janvier 2008 était restée sans réponse.

7) Par décision du 17 avril 2008, le département a ordonné à M. A______ de supprimer les bureaux aménagés dans le bâtiment no 2______, le parking visiteur, les véhicules de chantier, les installations de stockage de matériaux de chantier et les matériaux eux-mêmes, et de rétablir une affectation des bâtiments et de la parcelle conforme aux dispositions légales régissant la zone agricole et ce, dans un délai de nonante jours.

La zone agricole était destinée à l’exploitation agricole ou horticole. Il n’avait pas répondu au courrier du 24 janvier 2008. « Toutes autres mesures ou sanction justifiées par la situation » demeuraient réservées.

8) Par acte expédié le 19 mai 2008, M. A______ a interjeté recours, auprès du Tribunal administratif (ci-après : TA), devenu la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), laquelle a repris les compétences du TA, à l’encontre de la décision précitée, concluant principalement à son annulation et à l’octroi d’une indemnité équitable.

Il n’avait jamais reçu le courrier du 24 janvier 2008. Le but de son recours était de préserver ses droits, dès lors que la police des constructions lui avait indiqué par téléphone qu’il n’était pas possible de surseoir à l’exécution de la décision en l’absence d’un recours. En revanche, après l’ouverture d’une telle procédure et en justifiant la nature horticole de l’activité de D______, il serait possible de suspendre la procédure afin d’analyser la compatibilité de cette activité avec une implantation en zone agricole.

Le bâtiment no 2______ abritait déjà des bureaux au moment de l’acquisition de la parcelle et préexistait l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Toutes les machines sur la parcelle étaient la propriété de la société D______ et utilisées pour ses activités de pépiniériste-paysagiste. L’autorité intimée avait méconnu la nature horticole de cette activité exercée, par des horticulteurs diplômés. La conformité à la zone de cette activité avait été confirmée par la CFA lors de l’acquisition de la parcelle.

L’activité professionnelle déployée par D______ était rattachée à l’agriculture productrice et était le facteur de production primaire indispensable à son activité. L’autorité intimée aurait donc pu constater la conformité à la zone de l’activité et des installations et constructions qui s’y trouvaient, indispensables à l’exercice de cette activité (machines horticoles, véhicules de service et bureaux de gestion).

9) Par courrier du 11 juin 2008, le recourant a sollicité du département la reconsidération de sa décision.

Il exerçait, avec M. B______, une activité d’horticulteur et paysagiste via la société D______, et non E______. Une partie importante de leur activité consistait à produire des végétaux, lesquels étaient ensuite commercialisés et replantés chez leurs clients.

Les surfaces totales exploitées se divisaient en 24'000 m2 de pépinières, 4'000 m2 d’arboriculture fruitière et 7'000 m2 d’arbustes en containers. Ces surfaces constituaient un facteur de production primaire indispensable à l’activité de D______. La plantation et la transplantation des végétaux nécessitaient un important parc de machines, notamment des excavatrices et des camions de transport.

Les bâtiments érigés sur la parcelle existaient tous en leur forme et superficie actuelles au moment de l’acquisition de la parcelle, soit depuis les années soixante aux dires de l’ancien propriétaire. Le bâtiment no 2______, qualifié de dépendance dans l’acte de vente, abritait des locaux à usage mixte bureau/habitation, un entrepôt et un garage. Depuis leur acquisition, ces locaux ne servaient plus qu'à des bureaux.

N'ayant pas reçu le courrier du 24 janvier 2008, il n'avait pas pu faire valoir son droit d’être entendu avant la prise de la décision querellée.

10) Entre le 17 juin 2008 et 12 décembre 2021, la procédure de recours a été suspendue sans interruption à la demande des parties, en raison de leurs négociations, selon décisions des 19 juin 2008, 29 septembre 2009, 18 novembre 2010, 19 décembre 2011, 4 février 2013, 3 mars 2014, 7 juillet 2015, 30 novembre 2016, 23 novembre 2017, 26 novembre 2018, 6 décembre 2019 et 26 novembre 2020.

11) Les parties ont eu de nombreux échanges durant cette période.

12) a. Entre 2014 et 2016, des échanges de courriels ont porté sur les modalités d’un accord transactionnel et la mise en œuvre d’un échéancier.

b. Le 20 octobre 2016, le juriste en charge du dossier au sein du département, Monsieur F______ (ci-après : le juriste), a indiqué que la seule question qui restait problématique était celle de la suppression du parking destiné aux employés. Il attendait à ce sujet un retour de la direction générale de l’agriculture et de la nature, aujourd’hui l’office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN).

c. Le 21 décembre 2017, faisant suite à une réunion tenue le 1er décembre précédent, M. A______ a remis au département un plan faisant état des mesures envisagées pour la remise en état de la parcelle no 11'011, soit la suppression du parking et des stalles à matériaux. Il sollicitait la confirmation que, moyennant la mise en œuvre de ces mesures, le département était disposé à mettre un terme à la procédure d’infraction I/5______, initiée par décision du 17 avril 2008.

Le 8 janvier 2018, le département a accusé réception de ce courrier et informé M. A______ qu’il le contacterait à réception d’informations de la part de Monsieur G______, directeur de l’OCAN (ci-après : le directeur de l’OCAN).

d. Le 16 novembre 2018, M. A______ a indiqué ne pas avoir reçu de réponses à sa proposition du 21 décembre 2017 et suggéré la prolongation de la suspension de la procédure, ce à quoi le département a donné son accord.

Ce dernier lui a indiqué, le 22 novembre 2018, qu’il lui restait des éléments à vérifier avec l’OCAN, mais qu’il serait en mesure de faire un retour avant la fin de l’année.

Par courriel du 25 janvier 2019, le juriste a indiqué au recourant revenir à lui au plus vite. Une surcharge de travail et des problèmes de santé avaient retardé le traitement du dossier.

e. Le 15 novembre 2019, M. A______ a relancé le département et sollicité une nouvelle suspension de la procédure, n’ayant pas reçu de validation de sa proposition du 21 décembre 2017.

Le même jour, le juriste lui a répondu en s’excusant de ne pas avoir pu traiter le dossier avec diligence. Il allait faire le point avec sa direction et revenir à lui la semaine suivante.

f. Le 19 décembre 2019, à la suite d'une séance du 12 décembre précédent entre les parties, en présence de l’OCAN, le département a indiqué à M. A______ « soumettre notre proposition aux différentes personnes concernées » et lui revenir en début d’année suivante.

Le 20 décembre 2019, M. A______ a écrit au juriste qu'il espérait que le compromis trouvé en séance avec le directeur de l’OCAN, visant au maintien de la serre de stockage de terre végétale et des deux éléments à côté du hangar, moyennant la suppression du parking, de la serre adjacente et des stalles à matériaux, pouvait être accepté. Il rappelait que la situation de la branche des jardiniers-paysagistes restait précaire dans le canton, les parcelles en zone industrielle étant rares et trop chères, de sorte qu’il n’était pas possible de les rentabiliser avec une activité liée à la terre. Il exploitait une pépinière au travers de D______ et avait de telle sorte une activité conforme à la zone agricole.

g. Le 10 novembre 2020, n’ayant pas reçu les déterminations du département, M. A______ a sollicité du département son accord pour requérir une prolongation de la suspension de la procédure.

Le même jour, le juriste a indiqué par courriel qu’il lui fallait « encore valider notre manière de procéder avec l’un de [ses] collègues, et [qu’il pourrait] revenir au recourant avec une proposition correspondant à [leurs] derniers échanges ». Il espérait le faire avant la fin de semaine ou la semaine suivante et ferait le nécessaire si tel n’était pas le cas pour demander à la chambre administrative de suspendre à nouveau la procédure, ce qu’il allait « [s’] employer à éviter ».

Le 20 novembre 2020, le juriste a indiqué au conseil de M. A______ qu’il était occupé à « la rédaction de ce projet d’accord », qu'il n'avait pas eu le temps de formaliser. Il avait d’ores et déjà sollicité de la chambre administrative la prolongation de la suspension.

h. Le même jour, le département a requis de la chambre administrative une ultime prolongation de la suspension, les discussions entamées ayant permis aux parties d’avancer dans le cadre d’un accord trouvé hors procédure, qui devait encore être finalisé.

13) Par courriel du 19 octobre 2021, le juriste a indiqué à M. A______ que Monsieur H______, le chef du service de l’inspection de la construction et des chantiers (ci-après : le chef de service), allait le contacter dans le cadre de l’examen en cours au sujet des entreprises actives dans le domaine du paysagisme et implantées en zone agricole. Bien que chacune des situations concernées soit examinée pour elle-même, le chef de service l’avait déjà d’ores et déjà informé, à la suite des différentes discussions avec le directeur de l’OCAN et des retours qu’il avait faits à ce sujet, « qu’une régularisation de la situation ( ) ne pouvait se faire que dans le cadre du dépôt d’une demande d’autorisation de construire, au vu notamment de la sensibilité de la zone concernée ».

Par courriel du même jour, le chef de service a demandé à M. A______ de se positionner quant à sa volonté d’autoriser un tiers à donner des cours de permis machiniste sur les parcelles nos 11'011 et 11'299, et l’a informé être formellement opposé à de telles activités. Il priait son propre service juridique « de ne pas proposer une énième suspension du recours en cours afin que ce dossier d’infraction puisse être traité à l’instar des autres dossiers d’infractions des paysagistes utilisant la zone agricole, ayant fait l’objet de discussions avec l’association faîtière I______, [ce] dont M. A______ a[vait] très certainement connaissance ».

Répondant à ce courriel le 29 octobre 2021, M. A______ a indiqué ne pas autoriser la tenue de tels cours sur ses parcelles. Un « accord de principe avait été trouvé en novembre 2020 avec le concours [du juriste et du directeur de l’OCAN], lequel restait en attente de formalisation du département », pour régulariser la situation. La suspension de la procédure avait été demandée d’entente entre les parties, afin de leur laisser suffisamment de temps pour rédiger le projet d’accord. Il restait à disposition, avec son avocat, pour finaliser ledit projet.

Par courriel du 1er novembre 2021, le juriste a indiqué à M. A______ que son intervention ne concernait que les discussions menées avec le directeur de l’OCAN. Plusieurs pistes avaient effectivement été explorées dans ce cadre, mais il avait toujours indiqué qu’il lui fallait un retour de sa hiérarchie avant de pouvoir valider l’une ou l’autre solution. Ainsi, avant de proposer formellement un éventuel accord, il devait obtenir l'aval du directeur de l’OCAN. C’était pour cette raison que le processus avait pris du temps. Dans le cadre de la discussion à ce sujet avec le directeur de l’OCAN, il lui avait finalement été indiqué que la seule solution envisagée était le dépôt d’une autorisation de construire pour régulariser la situation. « La solution d’un accord – qui était une des pistes discutées avec notamment celles d’une nouvelle décision (au vu des mesures déjà prises) [ ], ou le dépôt d’une demande d’autorisation de construire – ne pourrait pas être finalisée. »

14) Le 1er décembre 2021, le département a informé M. A______ qu’au regard de la sensibilité de la zone d’affectation concernée, la procédure en cours ne pouvait pas aboutir à un accord. Il allait être exigé qu’il dépose une demande d’autorisation de construire, s’il souhaitait régulariser sa situation. Le département statuerait sur la base des préavis recueillis, soit notamment ceux de l’OCAN, de l’office de l’urbanisme et de la commune. Une décision séparée confirmant cette exigence lui serait adressée par courrier.

Dans le cadre de cette demande, la possibilité de revenir sur les éléments évoqués avec le directeur de l’OCAN et d’exposer son point de vue par rapport à l’activité qu’il souhaitait déployer sur les parcelles concernées lui serait offerte.

Si la décision de remise en état était confirmée, le délai d’exécution serait suspendu, afin de permettre le dépôt de l’autorisation de construire susmentionnée.

15) Le même jour, le département a sollicité de la chambre administrative la reprise de la procédure. Celle-ci était ancienne et les parties n’avaient finalement pas trouvé une solution transactionnelle.

16) Le 8 décembre 2021, M. A______ s'y est opposé.

17) Par décision incidente du 13 décembre 2021 (ATA/1352/2021), la chambre administrative a ordonné la reprise de la procédure et accordé un délai aux parties pour se déterminer et produire des photos récentes du site.

18) Le 24 janvier 2022, M. A______ a présenté une « écriture ampliative », persistant dans ses conclusions en annulation de la décision du 17 avril 2008 et à ce qu’il lui soit donné acte de son engagement de supprimer le parking du personnel selon le plan du 21 décembre 2017. Subsidiairement, il convenait d’annuler la décision et de lui ordonner de rétablir une affectation des bâtiments et de la parcelle conforme aux dispositions légales régissant la zone agricole, dans un délai de dix ans, et lui octroyer une indemnité pour les frais engagés, durant treize ans, en vue de la conclusion d’un accord avec le département.

La parcelle abritait toujours la pépinière de l’entreprise D______ et servait à la production de végétaux, des arbustes, pour son activité de
pépiniériste-paysagiste.

Il était désormais le seul propriétaire de la parcelle, M. B______ ayant quitté l’entreprise. Ni D______ ni E______ n’avaient leur siège sur la parcelle. Les bureaux n’étaient dès lors plus utilisés. La situation générale de la branche n’avait pas évolué. Il était toujours difficile de trouver des surfaces de taille suffisante pour exploiter une pépinière hors de la zone agricole à Genève et il était économiquement impossible de relocaliser celle-ci en zone industrielle, les faibles marges bénéficiaires de la branche ne permettant pas de couvrir les coûts élevés des parcelles en zone industrielle.

Revenant en détail sur l’historique des échanges et entretiens menés avec le département, il a souligné que ce dernier lui avait toujours indiqué que l’utilisation qu’il faisait de la parcelle pour son activité de pépiniériste-paysagiste était conforme à la zone. Les seules mesures envisagées pour clore la procédure se limitaient à des suppressions d’installations utilisées pour l’exploitation de la pépinière.

À cet égard, le département lui avait indiqué en 2016 que les seules questions encore problématiques étaient le parking du personnel, les stalles à matériaux et la serre placée à proximité du parking. Le département avait renforcé sa confiance, en lui indiquant le 20 novembre 2020 que la rédaction du projet écrit d’accord était en cours. Il ne comprenait pas l’intérêt public que le département opposait à son intérêt privé consistant à protéger sa bonne foi. La formalisation de l’accord lui aurait d’ailleurs permis de rétablir une situation conforme au droit.

Il priait la chambre de céans de se substituer au département pour parfaire l’accord intervenu entre les parties, en annulant la décision querellée et en lui donnant acte de son engagement à faire supprimer le parking du personnel, et si nécessaire, la serre à proximité de ce dernier. Les stalles à matériaux avaient déjà été supprimées.

En cas de rejet du recours, il convenait de tenir compte du temps particulièrement long mis par le département pour trancher la cause, de l’absence d’intérêt public à une suppression rapide des aménagements et de l’intérêt évident à maintenir à Genève une activité de pépiniériste-paysagiste. Il se justifiait dans ces conditions de lui accorder un délai de dix ans pour rétablir une situation conforme à la zone agricole. Le département avait adopté un comportement contradictoire dont il fallait tenir compte.

Il a joint un chargé de pièces complémentaire et des photographies récentes de la parcelle.

19) Dans ses observations du 28 février 2022, le département a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

La parcelle litigieuse était précédemment exploitée par son ancien propriétaire, Monsieur J______, agriculteur. Le bâtiment no 2______ était à l’origine destiné à l’hébergement d’ouvriers agricoles avant son affectation aux bureaux de D______.

Il avait constaté, lors des visites sur place, que le matériel et les matériaux de chantier en lien avec l'activité de E______ avaient été enlevés, tout comme les véhicules. Seuls les bureaux, les outils et les matériaux de D______ étaient encore d’actualité. Aucun accord n'avait été formalisé et l’attention de M. A______ avait été attirée sur le fait que la hiérarchie était seule compétente pour prendre une telle décision. Son attention était également attirée sur le fait que seule une activité essentiellement tributaire du sol, soit horticole, pouvait être envisagée.

Plusieurs pistes avaient été envisagées lors des discussions pour régulariser la situation, soit le dépôt d’une demande d’autorisation de construire, la notification d’une nouvelle décision ou encore la signature de conclusions d’accord. Or, en raison de ses réflexions actuelles sur les entreprises actives dans le même domaine que M. A______ en zone agricole, la régularisation de la situation ne pouvait finalement se faire que dans le cadre d’une demande d’autorisation de construire. C’était pour ce motif que la reprise de la procédure avait été sollicitée. Il était loisible à M. A______ de déposer une demande d’autorisation de construire, ce qu’il n’avait pas encore fait.

Son activité de pépiniériste n’était pas développée et restait minoritaire par rapport à celle de paysagiste déployée sur la parcelle. Par conséquent, elle n’était pas conforme à l’affectation de la zone agricole.

À ce stade de la procédure, il était toutefois vrai que « les dérogations pouvant être mises en œuvre au sens des art. 24a LAT et 41 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) pour ce qui concernait les changements d’affectation intervenus n’avaient pas été examinées ».

Le principe de la bonne foi ne permettait pas de considérer que M. A______ aurait adapté son comportement selon des assurances lui ayant été données. Certes, les discussions avaient duré un certain temps, mais au vu de la sensibilité de la zone, il n’était pas possible de lui proposer une autre alternative. En outre, il avait pu exploiter ses parcelles durant treize ans et n’avait jamais été concrètement amené à prendre des mesures opposables au département.

Il ne pouvait donc retirer aucun droit du temps écoulé dans le cadre des discussions mises en œuvre. Au regard de cette durée, il n’était pas acceptable de lui offrir la possibilité de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de dix ans. En outre, le courriel du 1er décembre 2021 prévoyait que, si la décision de remise en état était confirmée, le délai d’exécution imposé pouvait être suspendu afin de lui permettre de déposer une demande d’autorisation de construire.

20) Dans sa réplique du 4 avril 2022, M. A______ a repris point par point les allégués du département, contestant principalement l’affirmation selon laquelle le dépôt d’une demande d’autorisation de construire avait fait l’objet des discussions, lesquelles s'étaient uniquement focalisées sur la question d’un accord.

Le principe de l’accord n’avait pas été remis en cause avant le 19 octobre 2021. La majorité de la parcelle était dévolue à la culture de végétaux, ce qui ressortait des photographies aériennes produites. La rupture des négociations était une volte-face inattendue.

Il avait réglé son comportement sur la base des assurances données par le département, en mandatant un avocat et en supportant les honoraires de ce dernier durant plusieurs années afin de mener à bien les discussions, en donnant de son temps et de celui de son personnel afin d’élaborer des plans et des solutions concrètes et en ordonnant la suppression des stalles à matériaux utilisées pour sa pépinière.

21) Sur ce, les parties ont été informées que la cause été gardée à juger.

22) Par courrier du 14 avril 2022, le département a sollicité un délai pour répondre à la réplique du recourant.

23) Ce courrier a été transmis au recourant et les parties ont été informées que « la cause était derechef gardée à juger ».

 

EN DROIT

1) Depuis le 1er janvier 2011, à la suite de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), les compétences jusqu'alors dévolues au TA ont échu à la chambre administrative, autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le TA au 1er janvier 2011 ont été reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de l'ancienne loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941, disposition dont la teneur a été reprise depuis le 1er janvier 2011 par l'art. 132 al. 1, 2 et 6 LOJ ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, dans sa teneur au 31 décembre 2010).

2) a. En vertu de l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b ; al. 1) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

b. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1400/2019 du 17 septembre 2019 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si une recourante ou un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/247/2022 du 8 mars 2020 consid. 2b ; ATA/355/2019 du 2 avril 2019 consid. 2b).

c. En l’espèce, le recourant conteste le bien-fondé de l’ordre de remise en état du 17 avril 2008.

Le département a indiqué dans ses observations qu’il était possible d'envisager, après obtention des préavis nécessaires, la légalisation des bâtiments ayant changé d’affectation et le stationnement des véhicules utilisés par l’entreprise, en déposant une requête séparée. Une suspension de l'ordre de remise en état pourrait, dans cette hypothèse, être octroyée. Or, à ce jour, aucune demande en ce sens n'a été déposée, ce que le recourant ne conteste pas. L'objet du litige est par conséquent strictement circonscrit à l'examen de l'ordre de remise en conformité des installations et aménagements réalisés sans autorisation et non à l'appréciation de l'activité déployée sur la parcelle du point de vue de sa conformité avec la zone agricole, faute de demande d’autorisation de construire dans ce sens.

Comme certains des éléments de l’ordre de remise en état ont déjà été supprimés, selon les écritures des parties, l’étendue de ce dernier est réduite d’autant. Bien que cela ne soit pas documenté au dossier, le département a souligné dans ses observations du 28 février 2022 que les véhicules et matériaux de E______ avaient été enlevés. Seul le dépôt de certains matériaux liés à l’activité de D______ subsistait. Dans ces conditions, le recours ne concerne plus, à teneur des écritures des parties, que la suppression des bureaux aménagés dans le bâtiment no 22, du parking visiteur, de la serre adjacente à celui-ci et des matériaux en dépôt.

3) a. Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente. L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 1 et al. 2
let. a LAT).

Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail, ni modifier la configuration du terrain (art. 1 al. 1 let. a et d LCI). De même, il n’est pas possible de modifier, même partiellement, le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation sans autorisation (art. 1 al. 1 let. b LCI).

b. Sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol, ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit notamment : les maisons destinées à l’habitation, au commerce, à l’industrie ou à l’agriculture (let. a), les murs, clôtures, portails, poulaillers, clapiers, chenils (let. b), les garages et ateliers de réparations, les entrepôts, les dépôts de tous genres (let. c), les ascenseurs et monte-charges, les installations de chauffage, de distribution d’eau, de gaz ou d’électricité et les antennes électromagnétiques (let. d), les installations extérieures destinées à l’exploitation d’une industrie ou à l’extraction de matières premières (let. e) et les installations de stockage d’hydrocarbures et liquides assimilés (let. f ; art. 1 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RCI - L 5 05.01).

c. Selon la jurisprudence, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; 123 II 256 consid. 3 ; ATF 119 Ib 222 consid. 3a). La procédure d'autorisation doit permettre à l'autorité de contrôler, avant la réalisation du projet, sa conformité aux plans d'affectation et aux diverses réglementations applicables. Pour déterminer si l'aménagement prévu est soumis à cette procédure, il faut évaluer si, en général, d'après le cours ordinaire des choses, cet aménagement entraînera des conséquences telles qu'il existe un intérêt de la collectivité ou des voisins à un contrôle préalable (ATF 139 II 134 consid. 5.2 ; 123 II 256 consid. 3 ; 119 Ib 222 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_50/2020 du 8 octobre 2020 consid. 6.1).

La qualité d’installation au sens de l'art. 22 al. 1 LAT a par exemple été reconnue à un paddock, son chemin d'accès et sa barrière, un marcheur à chevaux, de même qu'un abri en bois pour ces derniers (ATA/161/2021 du 9 février 2021), à une piscine hors-sol (ATA/610/2017 du 30 mai 2017 consid. 6c), à un entreposage de voitures (ATA/1128/2020 du 23 janvier 2021 consid. 9 ; ATA/690/1999 du 23 novembre 1999 consid. 7 ; ATA D. du 7 septembre 1999) ou de matériel d’une entreprise de maçonnerie (ATA T. du 27 avril 1999). Un entreposage massif de voitures en zone villas a été considéré comme sujet à autorisation et contraire à la destination de la zone et la remise en état confirmée (ATA/208/2021 du 23 février 2021 consid. 11). La jurisprudence a par ailleurs soumis à autorisation trois pyramides métalliques de couleur rouille, de 3,68 m de largeur à la base et 2,76 m de hauteur, destinées à orner un alpage et sous lesquels les cendres des défunts pouvaient être répandues celles-ci ayant été considérées comme ayant un impact esthétique sur le paysage (ATF 119 Ib 444 consid. 3b) ; quatre panneaux solaires de 4 m2 à flanc de montagne (ZBI 1988 p. 333) ; des statues de chevaux éclairées la nuit dans une allée d’une propriété privée, mais située en zone de protection (arrêt du Tribunal fédéral 1C_529/2012 du 29 janvier 2013). Pour les impacts sur l’environnement, une place d’atterrissage pour planeurs, même sommairement aménagée (ATF 119 Ib 222), et des installations d’éclairage d’une montagne (ATF 123 II 256), sont soumis à autorisation.

d. En l’espèce, force est de conclure que l'ensemble des aménagements litigieux est une construction/installation au sens de l'art. 22 al. 1 LAT et nécessitait une autorisation au sens de cette disposition et de l'art. 1 LCI, laquelle n’a pas été demandée.

4) a. Les zones agricoles servent à garantir la base d'approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l'équilibre écologique ; elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole et comprennent : les terrains qui se prêtent à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice et sont nécessaires à l'accomplissement des différentes tâches dévolues à l'agriculture (let. a) ; les terrains qui, dans l'intérêt général, doivent être exploités par l'agriculture (let. b, art. 16 al. 1 LAT). Il importe, dans la mesure du possible, de délimiter des surfaces continues d'une certaine étendue (art. 16 al. 2 LAT). Dans leurs plans d'aménagement, les cantons tiennent compte de façon adéquate des différentes fonctions des zones agricoles (art. 16 al. 3 LAT).

Sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice (art. 16a al. 1 LAT) et qui servent au développement interne d'une exploitation agricole ou d'une exploitation pratiquant l'horticulture productrice sont conformes à l'affectation de la zone (art. 16a al. 2 LAT).

Aux termes de l'art. 20 LaLAT, la zone agricole est destinée à l'exploitation agricole ou horticole. Ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées durablement à cette activité et aux personnes l'exerçant à titre principal (let. a) ; respectent la nature et le paysage (let. b) ; respectent les conditions fixées par les art. 34 ss OAT (let. c).

b. L'art. 34 OAT précise que sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui servent à l'exploitation tributaire du sol ou au développement interne (al. 1). Sont en outre conformes à l'affectation de la zone les constructions et installations qui servent à la préparation, au stockage ou à la vente de produits agricoles ou horticoles (al. 2) : si ces derniers sont produits dans la région et que plus de la moitié d'entre eux proviennent de l'exploitation où se trouvent lesdites constructions et installations ou d'exploitations appartenant à une communauté de production (let. a) ; si la préparation, le stockage ou la vente ne revêt pas un caractère industriel (let. b) ; et si l'exploitation où se trouvent lesdites constructions et installations conserve son caractère agricole ou horticole (let. c). Une autorisation ne peut être délivrée que : si la construction ou l'installation est nécessaire à l'exploitation en question (art. 34 al. 4 let. a) ; si aucun intérêt prépondérant ne s'oppose à l'implantation de la construction ou de l'installation à l'endroit prévu (let. b), et s'il est prévisible que l'exploitation pourra subsister à long terme (let. c).

c. La création et la préservation des SDA est une exigence prévue par la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), selon laquelle la Confédération veille à ce que l'agriculture, par une production répondant à la fois aux exigences du développement durable et à celles du marché, contribue substantiellement à la sécurité de l'approvisionnement de la population (art. 104 al. 1 let. a Cst.).

Ce principe est repris par la LAT et l'OAT. L'art. 3 al. 2 let. a LAT prévoit qu'il convient de réserver à l'agriculture suffisamment de bonnes terres cultivables, en particulier, les SDA. Les SDA font partie du territoire qui se prête à l'agriculture ; elles se composent des terres cultivables comprenant avant tout les terres ouvertes, les prairies artificielles intercalaires et les prairies naturelles arables. Elles sont garanties par des mesures d'aménagement du territoire (art. 26 al. 1 OAT). Les SDA sont délimitées en fonction des conditions climatiques (période de végétation, précipitations), des caractéristiques du sol (possibilités de labourer, degrés de fertilité et d'humidité) ainsi que de la configuration du terrain (déclivité, possibilité d'exploitation mécanisée ; art. 26 al. 2 OAT). Une surface totale minimale d'assolement a pour but d'assurer au pays une base d'approvisionnement suffisante, comme l'exige le plan alimentaire, dans l'hypothèse où le ravitaillement serait perturbé (art. 26 al. 3 OAT). La Confédération et les cantons veillent à la détermination et au maintien de ces surfaces (art. 27 à 30 OAT).

d. Lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le DT peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le DT notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel. Il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (arrêts du Tribunal fédéral 1C_176/2016 du 10 mai 2017 consid. 7.1 et 1C_109/2014 du 4 mars 2015 consid. 6.5 ; Rudolph MUGGLI, Commentaire pratique LAT : construire hors zone à bâtir, 2017, n. 1 et 16 ad remarques préliminaires relatives aux art. 24 à 24e et 37a LAT ; Bernhard WALDMANN/Peter HÄNNI, Handkommentar RPG, 2006, n. 14 ad art. 1 LAT ; Jean-Michel BRAHIER/Pierre PERRITAZ, LAT révisée, dézonage et indemnisation des propriétaires, 2015, p. 74). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte (ATF 132 II 21 consid. 6.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c publié in ZBl 2002 p. 364). Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé. S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole (ATF 132 II 21 consid. 6.4 ; 111 Ib 213 consid. 6b ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c in ZBl 2002 p. 364), ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_276/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.3). C'est pourquoi, en règle générale, les constructions érigées sans droit en zone agricole doivent être supprimées, à moins que  à titre exceptionnel  l'écart constaté par rapport à ce qu'admet le droit se révèle mineur et qu'une remise en état ne soit pas dans l'intérêt public. La jurisprudence réserve encore les situations dans lesquelles le bénéficiaire de l'autorisation de construire frappée de nullité pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_508/2018 du 15 juillet 2019 consid. 2.1 ; ATF 136 II 359 consid. 6 ; 132 II 21 consid. 6).

e. De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions cumulatives :

- l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

- les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

- un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux, sauf en zone agricole, où la prescription ne court pas (arrêt du Tribunal fédéral 1C_469/2019 du 28 avril 2021 consid. 4 et 5) ;

- l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

- l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/330/2021 du 16 mars 2021 consid. 3c et les références citées).

f. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Les critères de l'aptitude et de la subsidiarité sont particulièrement concernés lorsqu'un ordre de démolition pur et simple est envisagé. Ils impliquent en effet de déterminer si une  ou plusieurs  autre mesure administrative pourraient être préférées, le cas échéant en combinaison.

La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C'est à ce titre que l'autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle. Le postulat selon lequel le respect du principe de la proportionnalité s'impose même envers un administré de mauvaise foi est relativisé, voire annihilé, par l'idée que le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites », in Jean-Baptiste ZUFFEREY [éd.], Journées suisses du droit de la construction 2019, p. 218).

Donner de l'importance aux frais dans la pesée des intérêts impliquerait de protéger davantage les graves violations et mènerait à une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction. C'est pourquoi il n'est habituellement pas accordé de poids particulier à l'aspect financier de la remise en état (Vincent JOBIN, Construire sans autorisation – Analyse des arrêts du Tribunal fédéral de 2010 à 2016, VLP-ASPAN, Février 1/2018, p. 16 et les références citées).

g. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 ; 1C_173/2017 du 31 mars 2017 consid. 2.3 ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n. 3454). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7).

Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_104/2019 du 21 avril 2020 consid. 4.1 ; Luc GONIN, Droit constitutionnel suisse, 2021, p. 624 n. 2023). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.1 ; 2D_42/2019 du 25 mars 2020 consid. 5.1 ; Giorgio MALINVERNI/
Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 4ème éd., 2021, p. 645 n. 1297 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 206 n. 578).

5) a. En l’espèce, les travaux et installations visés par l'ordre n'ont pas fait l'objet d'une autorisation de construire. Le recourant ne conteste pas qu'ils soient soumis à une telle autorisation et ne démontre pas que les aménagements litigieux auraient été autorisés au moment de leur mise en place. Il ne peut, vu les circonstances, se prévaloir d'assurances du département selon lesquelles des travaux auraient été tolérés.

b. Il fait cependant valoir que le principe de la bonne foi n’aurait pas été respecté par le département, en raison des discussions intervenues durant près de treize ans entre eux afin de régulariser la situation de son entreprise. Durant cette période, la conformité de cette dernière à la zone agricole n’aurait pas été remise en question. Le département soutient au contraire que plusieurs options étaient discutées, mais que la sensibilité de la zone, au regard de l’écoulement du temps notamment, l’avait finalement convaincu que seule la voie du dépôt d’une demande d’autorisation de construire était possible.

Comme le relève le département, aucune assurance ou indication selon lesquelles les installations du recourant étaient tolérées, n'ont été données dans le cadre des échanges intervenus avec le juriste. Cela étant, il ne ressort pas des échanges produits que, durant les treize années de discussions entre les parties, la conformité de l’entreprise du recourant à la zone ait été remise en question, ce qui a été le cas en octobre 2021. À ce sujet, en octobre 2016, le département soulignait d’ailleurs que seule la question du parking demeurait problématique à ses yeux. Contrairement aux allégations du département, il ne ressort nullement des échanges de courriels figurant au dossier que plusieurs options étaient envisagées pour régulariser la situation. Au contraire, ces échanges se sont focalisés durant treize ans, et trois visites du terrain, en présence du directeur de l’OCAN, sur la rédaction d’un accord. En 2017, le recourant a d’ailleurs proposé de déplacer le parking selon un plan transmis un département, moyennant quoi, de son point de vue, le dossier serait clos.

Certes, il a fallu près de treize ans au département pour finalement parvenir à la conclusion que la régularisation de la situation devait passer par le dépôt d’une autorisation de construire, alors même que l’OCAN a été associé aux discussions et que la sensibilité de la zone était connue d'emblée et de longue date du département. Cela étant, aucune disposition concrète, à laquelle le recourant ne saurait renoncer sans subir de préjudice, n'a été prise par ce dernier sur la base du comportement de l'autorité invoquée. Il n’a chiffré aucun préjudice qui découlerait des treize années de discussions, lesquelles n’ont finalement pas abouti à une solution transactionnelle. Enfin, il sera souligné qu’il a pu utiliser sans restrictions sa parcelle durant près de treize ans, rendant d’autant plus difficilement concevable l’existence d’un éventuel préjudice.

Il ressort en outre des échanges produits que tant le recourant que le département étaient relativement passifs dans leurs discussions, plusieurs mois, voire presque une année, s’écoulant parfois avant que l’une ou l’autre des parties ne relance le dossier, ce qui explique également la durée des discussions. Il ressort en outre des échanges produits que le recourant ne pouvait ignorer que toute décision prise par le juriste devait être approuvée par sa hiérarchie et celle de l’OCAN. Enfin, aucun projet d’accord concret ne ressort des courriels, la proposition formulée à cet égard par le recourant le 21 décembre 2017 n’ayant à aucun moment été formellement approuvée.

Dans ces conditions, il ne peut être considéré que le département n’aurait pas respecté le principe de la bonne foi. Son manque de diligence dans la résolution de ce dossier doit toutefois être souligné.

c. Ne reste qu'à déterminer si l'intérêt privé du recourant à maintenir les lieux en l'état l'emporte sur l'intérêt public. Tel ne saurait être le cas en l'espèce. L’intérêt privé du recourant de pouvoir continuer à exploiter les aménagements réalisés, qu’il juge nécessaires à son entreprise, est certes important, mais il existe un intérêt public certain au rétablissement d'une situation conforme au droit. Les aménagements précités n’ont jamais été autorisés et la situation est d'autant plus délicate que la parcelle est sise en zone agricole. Dans ces circonstances, l'intérêt à préserver ladite zone doit primer, étant rappelé qu’une partie de la parcelle se trouve en SDA et que le recourant a créé un parking et des zones de stockage, compactant le sol à ces emplacements et le rendant inapte de facto à tout usage productif. Le recourant ne saurait enfin se prévaloir d'une situation créée sans autorisation pour s'opposer à la remise en état, le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli devant s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour lui.

Le recourant pourra par ailleurs soulever la nécessité des aménagements réalisés dans le cadre de l’analyse de l’éventuelle autorisation de construire, ce que le département l’a expressément invité à faire. Au vu de ce qui précède, il appert qu'il n'existe aucune mesure moins incisive que la remise en état pour rétablir une situation conforme au droit et l'intérêt public au respect de la zone agricole doit l'emporter sur les intérêts privés du recourant de continuer à profiter des aménagements litigieux. L'ordre de remise en état constitue une mesure adéquate et apte à atteindre le but visé et est conforme au principe de la proportionnalité. C’est d’autant plus le cas que le département a indiqué qu’il n’était pas opposé à suspendre l’obligation de remettre la parcelle en état, le temps de l’analyse de la demande d’autorisation de construire, si celle-ci devait finalement être déposée.

Il apparaît dès lors que c’est à juste titre, sans abuser de son pouvoir d'appréciation ni violer le principe de proportionnalité, que le département a ordonné la remise en état des lieux.

Dans ces conditions, infondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'800.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne lui sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 mai 2008 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du 17 avril 2008 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'800.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mathis Kern, avocat du recourant, ainsi qu'au département du territoire-OAC.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :