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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1571/2014

ATA/561/2014 du 22.07.2014 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1571/2014-FPUBL ATA/561/2014

"

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 22 juillet 2014

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

COMMUNE DE CAROUGE
représentée par Me François Bellanger, avocat

 



Attendu en fait que :

1) Monsieur A______, né le ______ 1970, a été engagé à la Ville de Carouge à titre temporaire à compter du 3 février 1992, puis comme fonctionnaire à partir du 1er juillet 1994.

2) Le 27 août 2013, la Cour des comptes a publié un audit critique relatif à la gestion des ressources humaines de la Ville de Carouge (rapport numéro n° 67 d’août 2013).

3) Le 5 mars 2014, Monsieur B______ a rendu son rapport d’enquête administrative, ordonnée par la Ville de Carouge, à l’encontre de M. A______.

4) Le 10 avril 2014, le conseil administratif de la Ville de Carouge a informé M. A______ qu’il envisageait une résiliation des rapports de service fondée sur les art. 99 et 100 du statut du personnel.

5) Par certificat médical du 11 avril 2014, le Docteur C______, spécialiste FMH en médecine générale, a attesté d’une incapacité totale de travailler de M. A______, pour cause de maladie, à compter du 14 mars 2014 pour une durée de quatre semaines. A l’issue de ce délai, une réévaluation devait être faite.

6) M. A______ a fait des observations le 28 avril 2014.

7) Par décision du 30 avril 2014, le conseil administratif de la Ville de Carouge a résilié les rapports de service de M. A______ avec effet au 31 juillet 2014, l’a libéré avec effet immédiat de son obligation de travailler et a déclaré la décision exécutoire nonobstant recours.

8) Par certificat médical du 9 mai 2014, le Dr C______ a prolongé de quatre semaines l’incapacité totale de travailler de M. A______.

9) Le 30 mai 2014, M. A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 30 avril 2014.

Il a conclu, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif et cela fait, à la suspension de l’instruction du recours jusqu’à droit jugé définitivement dans le cadre de la procédure pénale P/1______/2013 ainsi que jusqu’à droit jugé définitivement dans le cadre de la procédure administrative A/267/2014 opposant Monsieur D______ à la commune de Carouge.

Il a sollicité l’audition des parties en audience publique, l’ouverture d’enquêtes et la production de l’intégralité des dossiers des trois enquêtes administratives menées par la commune ainsi que copie de tous ses échanges avec la Cour des comptes et le Ministère public.

Principalement, il a conclu à la constatation de la nullité de la décision attaquée, subsidiairement à son annulation et, en tout état, à ce que sa réintégration immédiate soit ordonnée, sous suite de frais et dépens.

10) Par observations du 10 juin 2014, la commune de Carouge a conclu au rejet des demandes de restitution d’effet suspensif et de suspension de l’instruction. Principalement, le recours formé le 30 avril 2014 devait être rejeté et la décision de licenciement du 30 avril 2014 confirmée, le tout sous suite de frais et dépens.

11) Par réplique spontanée du 12 juin 2014, M. A______ a rappelé la nullité de la décision attaquée, conformément à l’art. 93 du statut, le recourant ayant été licencié alors qu’il était en arrêt maladie. L’effet suspensif devait être restitué, le recourant rendant, pour le moins vraisemblable, qu’au-delà même de la question de savoir si sa réintégration pourrait être ordonnée par la chambre de céans, il était toujours membre du personnel de la commune intimée.

12) Invitée à dupliquer, la commune de Carouge a persisté dans ses conclusions. Celle-ci avait, depuis le début, eu des doutes quant à la validité des certificats médicaux produits par le recourant. Elle contestait formellement l’incapacité de travail de celui-ci. La série des certificats médicaux produits par M. A______ commençait juste après la réception du rapport d’enquête du 5 mars 2014, soit dès le 14 mars 2014. Les allégations d’incapacité de travail s’inscrivaient dans un cadre général par lequel le recourant tentait de reporter le plus loin possible la date de son licenciement. Le recourant allait être convoqué chez le médecin-conseil de l’intimée. L’éventuelle nullité de la décision de licenciement était totalement contestée. Elle ne modifierait en rien l’intérêt du recourant qui resterait libéré de son obligation de travailler et percevrait un salaire jusqu’à la décision sur le fond de la chambre de céans. La garantie que M. A______ puisse restituer des salaires perçus en trop n’était pas suffisante pour que l’on puisse se permettre de mettre en jeu de l’argent public. En revanche, la solvabilité de la Ville de Carouge ne pouvait en aucun cas être mise en doute. La commune refusait de réintégrer le recourant.

13) Par correspondance du 1er juillet 2014, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

14) Par écriture spontanée du 4 juillet 2014, le recourant a produit un certificat médical de la doctoresse E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. M. A______ lui avait été adressé par son médecin-traitant, le Dr C______. Il était suivi depuis le 2 avril 2014, à raison d’une séance hebdomadaire. Elle avait constaté, dès les premières séances, un état dépressif sévère. Il était clair que son patient était totalement incapable de travailler. Elle avait constaté cette incapacité de travail dès la première consultation. Celle-là se poursuivait encore actuellement.

15) Il ressort des vérifications entreprises par le greffe de la chambre administrative en vue de fixer une audience pour procéder à l’audition des deux médecins traitants de M. A______ que ces derniers sont absents de Genève jusqu'au 4, respectivement 6 août 2014.


Considérant, en droit, que :

1) La compétence pour ordonner la restitution de l'effet suspensif au recours appartient au président de la chambre administrative (art. 7 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010, entré en vigueur le 1er janvier 2011).

2) Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif (art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

L’autorité décisionnaire peut toutefois ordonner l’exécution immédiate de sa propre décision, nonobstant recours, tandis que l’autorité judiciaire saisie d’un recours peut, d’office ou sur requête, restituer l’effet suspensif à ce dernier (art. 66 al. 2 LPA).

3) Par ailleurs, selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (I. HAENER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungs-verfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, 265).

4) Selon l’art. 99 du statut du personnel de la Ville de Carouge du 16 octobre 2008 (LC 08 151), le conseil administratif peut résilier les rapports de service pour un motif fondé et dûment motivé, en respectant le délai de résiliation de trois mois, pour toute personne employée au sein de l’intimée depuis plus de deux ans (art. 92).

Après le temps d’essai, la Ville de Carouge ne peut résilier des rapports de travail pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant d’une maladie ou d’un accident non imputable à la faute du membre du personnel, et cela durant trente jours au cours de la première année de service, durant nonante jours de la deuxième à la cinquième année de service et durant cent quatre-vingt jours à partir de la sixième année de service. Le congé donné pendant cette période de protection est nulle, même si l’incapacité de travail n’est que partielle. Si le congé a été donné avant cette période, ce délai est suspendu et ne continue à courir qu’après la fin de la période. Cette période de protection ne peut être invoquée, notamment en cas de révocation avec ou sans effet immédiat (art. 93). L’art 100 du statut définit ce qu’est un motif fondé.

5) Le recourant conclut à la restitution de l’effet suspensif au motif principalement que le congé serait nul compte tenu de son incapacité de travail, dûment prouvée par certificats médicaux, lors de son licenciement. La Ville de Carouge conteste pour sa part la réalité de l'incapacité de travail.

a. Si le congé est nul, le contrat perdurera et la restitution, ou non, de l’effet suspensif sera sans effet sur la fin des rapports de service.

b. Si le congé a été valablement donné et que la chambre de céans devait ordonner la restitution de l’effet suspensif, elle rendrait une décision allant au-delà des compétences qui sont les siennes sur le fond, de sorte qu’il n’y a pas lieu de procéder en l’espèce à une pesée des intérêts en présence (ATA/182/2012 du 3 avril 2012 consid. 5 ; ATA/107/2012 du 22 février 2012 ; ATA/92/2012 du 17 février 2012 ; ATA/371/2011 du 7 juin 2011 ; ATA/343/2011 du 25 mai 2011 ; ATA/160/2011 du 11 mars 2011 ; ATA/627/2010 du 8 septembre 2010 ; ATA/388/2009 du 11 août 2009 ; ATA/341/2009 du 21 juillet 2009 et les références citées).

6) La demande de restitution de l'effet suspensif sera ainsi rejetée, le sort des frais de la procédure étant réservé jusqu'à droit jugé au fond.

7) La chambre administrative entendant procéder à l'audition des deux médecins traitants du recourant dans les meilleurs délais dès leur retour à Genève, les parties sont invitées à prendre les dispositions nécessaires afin d'être présentes ou représentées lors d'audiences susceptibles d'êtes convoquées à bref délai durant le mois d'août 2014.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de restitution de l’effet suspensif au recours ;

dit qu'il sera procédé dans les meilleurs délais à l'audition des deux médecins traitants de M. A______ ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

 

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Romain Jordan, avocat du recourant ainsi qu'à Me François Bellanger, avocat de la commune de Carouge.

 

 

 

Le président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :