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Décisions | Assistance juridique

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AC/2420/2022

DAAJ/1/2023 du 06.01.2023 sur AJC/4309/2022 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/2420/2022 DAAJ/1/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU VENDREDI 6 JANVIER 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______,

représentée par Me Pierre-Bernard PETITAT, avocat, rue Patru 2, case postale 110,
1211 Genève 4,

 

contre la décision du 14 septembre 2022 de la Vice-présidente du Tribunal de première instance.

 

 


EN FAIT

A.           a. En juin 2010, A______ (ci-après : la recourante) et son époux, ont acquis, à parts égales, la copropriété d'une maison, sise au no. ______, rue 1______ à B______ (France), au prix de 392'000 EUR et financée par des prêts bancaires. Cette habitation comprend notamment un appartement au rez surélevé (entrée commune, entrée, w.c., salle de bains, chambre, séjour, cuisine et véranda) et un appartement au premier étage (palier commun, entrée, deux chambres, cuisine, salle de bains, w.c., séjour).

b. Par "[c]onvention privée entre les époux réglant les conséquences de leur séparation avant divorce" du 1er septembre 2015 (ci-après : la convention privée), ceux-ci ont convenu que le prix de vente de leur maison, après remboursement des prêts, serait réparti à parts égales entre eux.

c. Le 2 décembre 2016, les époux ont conclu une convention d'indivision évaluant la maison à 550'000 EUR.

B.            a. Le 20 septembre 2016, la recourante s'est rendue au Centre d'action sociale (ci-après : CAS) de C______ [GE] afin de solliciter des prestations d'aide financière. Elle vivait séparée de son époux et de ses enfants, avait cessé d'exercer son activité indépendante en novembre 2015 et n'avait pas droit à des indemnités de chômage. La maison acquise par le couple, au moyens d'emprunts bancaires en partie remboursés, avait été mise en vente et elle avait contracté quelques dettes auprès de son frère.

Dans sa demande de prestations d'aide sociale financière du 4 octobre 2016, la recourante a indiqué qu'elle n'était pas redevable de dettes hypothécaires, mais de "crédits bancaires" relatifs à la maison.

b. Du 1er octobre 2016 au 31 décembre 2020, l'Hospice général a alloué à la recourante une aide financière de 147'032 fr. 35. En tant que propriétaire d'un bien immobilier ne lui servant pas de demeure permanente, la recourante n'avait pas droit à une aide financière ordinaire, raison pour laquelle il lui était alloué, en dérogation à la loi, une aide financière provisoire et remboursable, dans l'attente de la vente de la maison. L'aide financière est arrivée à son terme à fin février 2020 et une aide d'urgence, remboursable et d'une durée maximale de six mois, lui a été ensuite octroyée, ces deux points ayant fait l'objet d'une décision du 3 février 2020.

C.           a. Par jugement du 16 février 2017, le Tribunal de Grande Instance de D______ (France) a prononcé le divorce de la recourante et de son époux.

Selon la convention avalisée par ce jugement de divorce (ci-après : la convention de divorce), l'ex-époux bénéficiait de la jouissance à titre gratuit de la maison. En contrepartie, il devait régler à titre définitif et donc sans établissement de compte ultérieur l'intégralité des trois prêts contractés auprès de [la banque] E______, les assurances afférentes et la taxe foncière. En cas de vente de la maison, le solde du prix de vente, après remboursements des prêts bancaires, serait réparti à égalité entre eux, l'ex-époux renonçant expressément à revendiquer les avoirs de prévoyance investis dans le bien immobilier en 2010 à hauteur de 45'052 fr.

b. Le 10 février 2020, la recourante a signé une reconnaissance de dette, qui ne figure pas au dossier, mais relatée dans la décision du 15 août 2022 ci-dessous. Elle reconnaissait devoir à son ex-époux la somme de 62'000 fr. Ce document se terminait dans les termes suivants : "[à] présent, cette dette ne fait qu'aggraver ma situation financière et mon état de santé général. C'est pourquoi, je décide de céder ma part de la maison à [mon ex-époux], afin de rembourser la somme totale de 62'000 fr. ( ) que je lui dois. Je renonce donc à toutes responsabilités liées à la maison située à ( ) B______".

c. Le 16 décembre 2020, les ex-époux ont conclu une convention de "[l]iquidation de communauté" (ci-après : la convention de liquidation), à teneur de laquelle la maison de B______ était estimée en dernier lieu à 500'000 EUR, dont à déduire la somme des prêts de [la banque] E______ en 345'327 EUR 06, soit un solde créditeur de 154'672 EUR 94 à partager à parts égales entre les ex-époux, soit un montant de 77'336 EUR 47 pour chacun d'entre eux.

Selon la clause de "[p]aiement de la soulte", la soulte de la recourante, de 77'336 EUR 47, était "équivalente aux sommes avancées avant ce jour par [l'ex-époux] au profit de [l'ex-épouse] :

"Premièrement, au titre du remboursement de dettes créées par [la recourante] dans l'exploitation de son magasin de prêt à porter à Genève.

Deuxièmement : au titre de la part de remboursement d'emprunt payé par [l'ex-époux] pour [la recourante] depuis leur divorce. Il était précisé : "[s]ans que les soussignés ne jugent nécessaire d'aller plus avant dans le décompte de ces sommes".

d. Le 16 décembre 2020, Me F______, notaire à B______, a attesté de ce que l'ex-époux était seul propriétaire de la maison de B______.

D.           a. Par décision du 8 février 2021, le CAS des G______ [GE] a réclamé à la recourante le remboursement de la somme de 77'336 fr. 47 correspondant à la part du bien immobilier qui aurait dû lui revenir.

La recourante a formé opposition contre cette décision auprès du Directeur général de l'Hospice général.

b. Par décision du 15 août 2022, le Directeur général de l'Hospice général a déclaré recevable l'opposition formée par la recourante et l'a rejetée. Il a confirmé la décision du CAS des G______ du 8 février 2021 en tant qu'elle réclamait à la recourante la restitution de la somme de 77'336 fr. 47 en capital et a dit que la recourante devait à l'Hospice général ladite somme.

Les règles sur le fardeau de la preuve n'avaient pas été violées. Il incombait à la recourante de produire les créances écrites qu'elle prétendait avoir envers son ex-époux.

Les auditions de son ex-mari et de son frère sollicitées pour prouver ses dettes envers le premier ne permettraient pas d'établir un élément de fait déterminant pour l'issue du litige, vu les liens unissant la recourante à ces personnes.

S'agissant du montant à restituer, la décision était conforme au droit et même généreuse, étant donné qu'elle retenait une valeur du bien de 500'000 EUR alors que celui-ci avait été mis en vente à 780'000 EUR en 2014, puis à 750'000 EUR et évalué à 550'000 EUR et qu'elle acceptait sans autre vérification le montant retenu à titre de prêts bancaires encore ouverts.

Même à admettre l'existence des créances envers son ex-époux, il n'appartenait pas à l'Etat et, indirectement, à la collectivité, de désintéresser d'éventuels créanciers. En tout état, les créances de l'ex-époux contre la recourante paraissaient "douteuses". A teneur de la convention de liquidation, les dettes de l'ex-épouse, au nombre de deux, correspondaient exactement au montant de 77'336 fr. Les montants de deux dettes n'étaient pas précisés. La reconnaissance de dette portait non seulement sur des dettes en relation avec le magasin mais aussi des dettes plus générales. La convention privée et la convention d'indivision prévoyaient que son ex-époux payerait l'intégralité des trois prêts contractés pour l'acquisition de la maison ainsi que les "assurances prêt" et toute les autres charges courantes. La recourante avait uniquement déclaré des dettes envers son frère lorsqu'elle avait sollicité l'aide financière le 20 septembre 2016 et n'avait jamais mentionné de dettes envers son ex-époux dans ses demandes ultérieures, alors que les dettes alléguées étaient antérieures à sa première demande. Aucune des conventions signées par les ex-époux ne faisait mention de dettes entre eux; au contraire, le solde du prix de vente après remboursements des prêts hypothécaires devait être réparti à égalité entre eux et l'ex-mari renonçait même à revendiquer les avoirs de prévoyance investis dans le bien. La recourante n'avait évoqué une dette envers son ex-époux que le 6 mars 2020, soit au moment où ses prestations avaient été réduites (aide d'urgence) et limitées à une durée de six mois. La reconnaissance de dette datait du 10 février 2020 alors qu'elle portait sur des dettes qui remonteraient à 2015. Selon toute vraisemblance, les dettes avaient été inventées de toute pièce pour correspondre au montant de la soulte permettant ainsi à l'ex-époux de devenir seul propriétaire sans avoir à fournir d'effort financier et à la recourante de répondre aux conditions de l'aide financière ordinaire.

Le délai pour former recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice était de 30 jours.

E.            a. Le 25 août 2022, la recourante a sollicité l'assistance juridique pour former recours à la Chambre administrative de la Cour de justice contre la décision du Directeur général de l'Hospice général du 15 août 2022.

b. Le 8 septembre 2022, la recourante a constaté être sans nouvelles de sa demande d'assistance juridique.

c. Le 14 septembre 2022, la recourante s'est étonnée de ne pas avoir reçu de décision sur sa demande d'assistance juridique, malgré son rappel précité et l'échéance du délai de recours contre la décision de l'Hospice général trois jours plus tard.

F.            Par décision du 14 septembre 2022, notifiée le 27 septembre 2022, la Vice-présidente du Tribunal de première instance a rejeté la requête d'assistance juridique.

Les dettes invoquées par la recourante en compensation n'avaient pas été prouvées et paraissaient peu vraisemblables. Elle n'avait allégué qu'en 2020 avoir des dettes envers son ex-époux alors qu'elle avait indiqué dès 2016 avoir des dettes envers son frère. La convention de divorce n'évoquait aucune dette entre les ex-époux et indiquait au contraire que le solde du prix de vente, après remboursement des prêts bancaires, devait être réparti à égalité entre eux, l'ex-mari renonçant de surcroît à revendiquer les avoirs de prévoyance investis dans le bien immobilier à hauteur de 45'052 fr. Il apparaissait hautement vraisemblable que la recourante se soit dessaisie de sa part de bien immobilier en la cédant à son ex-époux. La recourante errait en affirmant qu'il ne lui aurait pas été possible de vendre sa part vu que son ex-époux et son fils vivaient dans la maison. La maison pouvait être intégralement vendue afin que la recourante puisse bénéficier de sa part du prix de vente, son ex-époux et son fils pouvant se reloger ailleurs, voire lui racheter sa part. Les chances de succès du recours envisagé apparaissaient dès lors très faibles.

G.           a. Par acte expédié le 30 septembre 2022 à la Présidence de la Cour de justice, la recourante a formé recours contre cette décision du 14 septembre 2022 de la Vice-présidente du Tribunal de première instance. La recourante conclut implicitement à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi de l'assistance juridique pour son recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice.

La recourante produit une pièce nouvelle (pièce n° 3, soit son recours du 19 septembre 2022 auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice).

b. La Vice-présidente du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

c. La recourante a été informée que la cause avait été gardée à juger, par avis du greffe de la Cour du 5 octobre 2022.


 

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 10 al. 3 LPA), compétence expressément déléguée à la Vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans un délai de 30 jours (art. 10 al. 3 LPA, 130, 131 et 321 al. 1 CPC, applicables par renvoi des art. 10 al. 4 LPA et 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.2).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 10 al. 3 LPA), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 précité). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             A teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions et les allégations de faits nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'une procédure de recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance et sa pièce nouvelle n° 3, soit son recours du 19 septembre 2022 auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice, ne seront pas pris en considération.

3.             La recourante reproche au Tribunal d'avoir statué tardivement, car elle aurait rendu sa décision le dernier jour du délai pour recourir auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice contre la décision du Directeur général de l'Hospice général.

3.1. Selon l'art. 119 al. 5 CPC, l'assistance judiciaire doit faire l'objet d'une nouvelle requête pour la procédure de recours.

Commet un déni de justice proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. l'autorité qui ne statue pas ou n'entre pas en matière sur une requête ou un grief qui lui est soumis dans les formes et délais légaux, alors qu'elle était compétente pour le faire (ATF 135 I 6 consid. 2.1;
134 I 229 consid. 2.3).

La doctrine précise qu'en deuxième instance, les parties ne disposent généralement que d’un bref délai légal non prolongeable, de dix ou trente jours, pour décider d’une part si elles entendent recourir et pour déposer d’autre part dans l’affirmative un appel ou un recours motivé. Un(e) requérant(e) ne pourra, dans ces conditions, presque jamais avoir obtenu auparavant déjà la nouvelle décision exigée par l’art. 119 al. 5 CPC. En conséquence, en deuxième instance cantonale, les parties devront le plus souvent agir sans savoir si l’assistance judiciaire leur sera accordée, tout en déposant simultanément à leur appel, recours ou réponse une requête d’assistance dont l’effet rétroactif en cas d’acceptation devrait aller pratiquement de soi (DAAJ/52/2022 du 3 juin 2022 consid. 6; Tappy, Commentaire romand CPC, 2ème édition, 2019, n. 22 ad art. 119 CPC).

3.2 En l'occurrence, au vu du délai légal non prolongeable de trente jours pour recourir contre une décision du Directeur général de l'Hospice général, il est difficile pour un recourant d'obtenir la nouvelle décision exigée par l’art. 119 al. 5 CPC avant l'échéance dudit délai de recours. Cela est admis par la jurisprudence et la doctrine précitées, lesquelles ne relèvent d'ailleurs aucun déni de justice par rapport à ce procédé.

Par ailleurs, dans le cadre de l'examen de cette requête d'assistance juridique, les chances de succès doivent notamment être analysées, ce qui implique logiquement un travail préalable de la part du mandataire.

En conséquence, en deuxième instance cantonale, la recourante doit, le plus souvent, agir sans savoir si l’assistance judiciaire lui sera accordée, dans les délais de l'art. 62 LPA, le cas échéant par l’intermédiaire de l’avocat d’office ou de choix ayant procédé pour elle en première instance, tout en déposant simultanément à son recours une requête d’assistance judiciaire.

Le greffe de l'assistance juridique n'a ainsi commis aucun déni de justice en ne statuant pas sur la requête d'assistance juridique soumise par la recourante avant l'échéance du délai de recours contre la décision du Directeur général de l'Hospice général.

Le grief de la recourante est, dès lors, infondé.

4. La recourante conteste que son recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice soit dépourvu de chances de succès.

4.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

Pour déterminer les chances de succès d'un recours, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce qu'une partie voit quasiment rendu impossible le contrôle d'une décision qu'elle conteste (arrêt du Tribunal fédéral 5A_572/2015 du 8 octobre 2015 consid. 4.1).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

4.2.
4.2.1.
Aux termes de l'art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté, et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Ce droit à des conditions minimales d'existence fonde une prétention des justiciables à des prestations positives de l'État. Il ne garantit toutefois pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d'une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l'habillement et les soins médicaux de base. L'art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 142 I 1 consid. 7.2.1 ; 136 I 254 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013 consid. 5.1).

4.2.2. En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et le règlement d'exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent l'art. 12 Cst.

La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI), ainsi que de soutenir les efforts des bénéficiaires de la loi à se réinsérer sur le marché du travail et dans la vie sociale en général. Elle vise aussi à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d'existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 LIASI).

La personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont elle a la charge a droit à des prestations d'aide financière (art. 8 al. 1 LIASI). Exceptionnellement, une aide financière peut être accordée à une personne propriétaire d’un bien immobilier, si ce bien lui sert de demeure permanente. Dans ce cas, l'aide financière accordée est remboursable. L'immeuble peut être grevé d'une hypothèque au profit de l'hospice (art. 12 al. 2 LIASI). Les prestations d'aide financière accordées à un propriétaire d'un bien immobilier en vertu de l'art. 12 al. 2 LIASI sont remboursables (art. 39 al.  1 LIASI). L'hospice demande le remboursement de ces prestations dès que le bénéficiaire ne remplit plus les conditions de l'art. 8 al. 1 LIASI (art. 39 al. 2 LIASI).

De l'exposé des motifs relatifs à la LIASI et des débats ayant porté sur l'art. 12 al. 2 LIASI, il résulte que le législateur estimait nécessaire que l'hospice puisse aider une personne propriétaire de son logement pour éviter que celle-ci soit obligée de réaliser son bien et se retrouve sans toit. Il a été proposé qu'un amendement prévoie que les prestations ainsi accordées soient remboursables, l'hospice pouvant obtenir une hypothèque légale à titre de garantie sur l'immeuble, en contrepartie des prestations financières (MGC 2006-2007/V A - séance 25 du 23 février 2007). La ratio legis de la loi est ainsi que l'hospice puisse venir en aide à une personne propriétaire de son logement dans lequel elle demeure pour éviter que celle-ci ne se retrouve à la rue en cas de vente de l'immeuble (ATA/529/2021 du 18 mai 2021 consid. 5b).

Dans certains cas, l'Hospice général fait preuve de bienveillance à l'égard de personnes qui, propriétaires d'un bien immobilier qui ne leur sert pas de demeure permanente, n'ont pas de droit à percevoir des prestations financières, et leur accorde des prestations d'aide financière à bien plaire, à titre exceptionnel, pour tenir compte de leur situation particulière, et en dérogation à la loi (ATA/973/2019 du 4 juin 2019 consid. 4d; ATA/1545/2017 du 28 novembre 2017 consid. 9b ; ATA/1010/2016 du 29 novembre 2016 consid. 8b).

4.2.3. Si des prestations d'aide financière prévues par la LIASI ont été accordées alors que le bénéficiaire s'est dessaisi de ses ressources ou de parts de fortunes, les prestations d'aide financière sont remboursables (art. 40 al. 1 LIAS). Il en est de même lorsque le bénéficiaire est entré en possession d'une fortune importante, a reçu un don, réalisé un gain de loterie ou d'autres revenus extraordinaires ne provenant pas de son travail, ou encore lorsque l'équité l'exige pour d'autres raisons (art. 40 al. 2 LIASI).

Les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière se montent à 4'000 fr. pour une personne seule majeure (art. 1 al. 1 RIASI).

La chambre administrative a eu l'occasion de procéder à une interprétation historique de l'art. 40 al. 2 LIASI à la lumière des travaux préparatoires de la LIASI. Elle a retenu que cette disposition ne pouvait viser le seul remboursement des prestations servies dès l'entrée en possession de la fortune, mais bien aussi des prestations servies auparavant. En l'absence de limite temporelle passée fixée par la loi, on devait retenir que le législateur avait visé l'ensemble des prestations déjà servies, sans limite de temps, mais dans les seules limites de l'équité et de la proportionnalité (ATA/815/2021 du 10 août 2021 consid. 5d; ATA/26/2021 du 12 janvier 2021 consid. 4d ; ATA/508/2016 du 14 juin 2016 consid. 8 et la référence citée). Cette jurisprudence a été confirmée par le Tribunal fédéral.

Enfin, la chambre administrative a déjà considéré à plusieurs reprises qu'il n'appartenait pas à l'Etat et indirectement à la collectivité, de désintéresser d'éventuels créanciers. En effet, tel n'est pas le but de la loi, qui poursuit celui de soutenir les personnes rencontrant des difficultés financières, en les aidant à se réinsérer socialement et professionnellement, étant rappelé que l'aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource. Il n'est ainsi pas acceptable d'être au bénéfice d'une aide sociale ordinaire et d'utiliser sa fortune personnelle et récemment acquise pour désintéresser ses créanciers (ATA/229/2022 du 1er mars 2022 consid. 4d et les références citées).

4.3.
4.3.1.
La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité établit les faits d'office (art. 19 LPA), sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s'il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Mais ce principe n'est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 2C_524/2017 du 26 janvier 2018 consid. 4.2; 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1; ATA/844/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4a).

4.3.2. En procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (ATF 139 II 185 consid. 9.2; 130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/479/2022 du 3 mai 2022 consid. 4d; ATA/1198/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b).

4.4. En l'espèce, la recourante conteste que le recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice soit dépourvu de chances de succès, car, contrairement à ce qu'a retenu la Vice-présidente du Tribunal de première instance comme hautement vraisemblable, suivant sur ce point le Directeur général de l'Hospice général, il n'y aurait pas eu de dessaisissement de sa part. Sans aucune ressource et afin de pouvoir bénéficier des prestations de l'Hospice général, elle n'aurait pas eu d'autre possibilité que de céder sa part dans la maison à son ex-époux, en compensation des créances de ce dernier.

Ce faisant, la recourante soulève un grief de constatation manifestement inexacte des faits par la Vice-présidente du Tribunal de première instance et de constatation inexacte des faits par le Directeur général de l'Hospice général.

Or, comme l'a à juste titre constaté le Tribunal, il ne ressort pas du dossier en mains de la Cour que la recourante aurait mentionné, avant 2020, l'existence de dettes envers son ex-époux, tandis qu'elle avait fait mention de dettes envers son frère.

Les dettes alléguées remontent pourtant au moins en partie à 2015, puisqu'elles ont pour origine, selon la convention de liquidation, l'exploitation du magasin de prêt à porter, laquelle a cessé en 2015.

Par ailleurs, le document de reconnaissance de ces dettes, lesquelles remontent à plusieurs années, date uniquement de février 2020, alors qu'aucune des différentes conventions figurant au dossier, antérieures à la convention de liquidation, n'indique de dettes de la recourante envers son ex-époux. La convention privée et la convention de divorce mentionnent, au contraire, la répartition du prix de vente à parts égales entre les deux ex-époux, sans faire mention d'aucune dette.

En outre, la reconnaissance de dettes porte, en février 2020, sur un montant de 62'000 fr. et évoque déjà la cession de la part de la maison de la recourante à son ex-époux à titre de remboursement de celles-ci, tandis qu'en décembre 2020, c'est un montant de 77'336 EUR 47 qui est compensé avec les dettes.

De surcroît, la convention de liquidation de communauté ne contient aucune précision sur les différents postes des dettes, précisant expressément que les ex-époux n'avaient pas jugé nécessaire d'aller plus loin dans le décompte des sommes.

A cela s'ajoute que la reconnaissance de dettes, signée le 16 février 2020, est intervenue à un moment où la recourante venait de recevoir la décision de l'Hospice général l'informant de la cessation de l'aide dérogatoire à fin février 2020 et de l'octroi subséquente de l'aide d'urgence pour une durée limitée de six mois.

Enfin, selon la convention de liquidation, la deuxième partie de la dette avait trait au remboursement de la part d'emprunt payée par l'ex-époux pour la recourante depuis leur divorce, alors que, selon la convention de divorce, il revenait à l'ex-époux de régler à titre définitif, et donc, sans établissement de compte ultérieur, l'intégralité des trois prêts.

Au vu de ces éléments, la Vice-présidente du Tribunal de première instance apparaît fondée à avoir retenu que les dettes n'étaient, a priori, pas établies. Un montant de 77'336 EUR, converti en 77'336 fr. par l'Hospice général, est dès lors, à première vue, entré dans le patrimoine de la recourante et semble, par conséquent, être soumis à restitution.

La recourante n'a apporté aucun élément au dossier en mains de la Cour permettant d'aller à l'encontre de cette conclusion, n'ayant fourni aucune substance à son allégation de dettes envers son ex-époux. Elle n'a ainsi, par exemple, pas expliqué précisément l'origine et la quotité des dettes alléguées, ni fourni au Tribunal des pièces datant de la constitution de ces dettes. La recourante a, dès lors, échoué à démontrer que la Vice-présidente du Tribunal de première instance aurait constaté de manière manifestement inexacte qu'il était hautement vraisemblable qu'elle ait cédé sa part de la maison sans contrepartie à son ex-époux, ou que l'Hospice général aurait, à première vue, constaté ce fait de manière inexacte.

La Vice-présidente du Tribunal de première instance ayant à bon droit constaté la vraisemblance du dessaisissement de la part de copropriété de la recourante sans contrepartie, il ne peut pas non plus lui être reproché d'avoir retenu que la demande de restitution était, a priori, fondée et que les chances de succès du recours apparaissaient, à première vue, très faibles.

C'est donc de manière conforme au droit que la Vice-présidente du Tribunal de première instance a refusé d'octroyer le bénéfice de l'assistance juridique à la recourante.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

5.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 14 septembre 2022 par la Vice-présidente du Tribunal de première instance dans la cause AC/2420/2022.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me Pierre-Bernard PETITAT (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voies de recours :

 

Conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision incidente peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne.