Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/941/2025 du 13.11.2025 sur OCL/1104/2025 ( MP ) , REJETE
| république et | canton de Genève | |
| POUVOIR JUDICIAIRE P/22569/2023 ACPR/941/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 13 novembre 2025 | ||
Entre
A______, représenté par Me Louis BURRUS, avocat, SCHELLENBERG WITTMER SA, rue des Alpes 15 bis, case postale 2088, 1211 Genève 1,
recourant,
contre l’ordonnance de classement et de refus de réquisition de preuve rendue le 18 juillet 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 31 juillet 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 juillet 2025, notifiée le 21 suivant, par laquelle le Ministère public a rejeté ses réquisitions de preuve et ordonné le classement de la procédure.
Il conclut, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de cette ordonnance et à la poursuite de l’instruction par le Ministère public, en donnant suite à ses réquisitions de preuve.
b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a.a. Au début de l’année 2017, A______, alors dirigeant exécutif de B______, société active dans le domaine de l’industrie agricole, a été approché par C______ en lien avec la création d’une nouvelle société de négoce de matières premières agricoles, laquelle deviendra D______/F______ SA.
D______/F______ SA a été inscrite le ______ 2018 au registre du commerce. Elle a pour unique administrateur E______, C______ en étant l’un des ayants droit économique de référence. Elle est une filiale de D______ S.C.A [société de droit luxembourgeois, dont les administrateurs sont notamment C______ et E______], laquelle a procédé à l’apport de son capital en USD 40'000'000.-.
À la suite de leurs pourparlers, les précités ont notamment convenu ‒ cela ayant d’abord été formalisé dans une Offer letter du 21 août 2017 ‒ que A______ occuperait le poste de chief executive officer (CEO) de D______/F______ SA, pour une durée minimale de trois ans, et percevrait, dans les deux mois suivant son engagement, un "welcome bonus", composé de USD 2'500'000.- en liquidités ["Cash bonus"] et de 10% des actions de la société ["Shares bonus"] évalué à USD 4'000'000.- [le 90% du capital-actions étant détenu par D______ S.C.A], dès lors qu’avec sa démission, il renonçait à un bonus accumulé durant sa carrière auprès de son précédent employeur à hauteur de USD 6'500'000.-. D______/F______ SA devait contracter une assurance-vie, à ses frais, en faveur de A______ pour garantir le paiement de la somme de USD 6'500'000.- aux bénéficiaires de son choix, en cas de décès ou de handicap du précité entre sa démission et l’acquittement du "welcome bonus" convenu.
D______/F______ SA devait, par ailleurs, accorder au précité un prêt de USD 500'000.-, à rembourser dans un délai de quatre ans, et garanti par un montant proportionnel du bonus d’actions.
A______ a démissionné de B______ à la fin août 2017 et a débuté son activité auprès de D______/F______ SA dès le 1er mars 2018 en tant que CEO et Responsable Global du négoce ("Global Head of Trading"), pour un salaire annuel de l’ordre de CHF 465'000.- ‒ outre un bonus ‒, selon le contrat de travail signé le 3 mai suivant. À ce titre, il supervisait notamment G______, directrice des opérations ("Chief Operating Officer" ou COO).
a.b. Par contrat ("Loan agreement") du 4 mai 2018 ‒ dûment signé par les parties ‒, le prêt de USD 500'000.- [supra, let. B.a.a.] a été consenti par D______ S.C.A à A______, à rembourser dans un délai de quatre ans. Il portait des intérêts de 2% par an, payables au 31 décembre de chaque année. En cas de défaut de paiement, toute somme due devenait immédiatement exigible.
Selon le contrat de nantissement d’actions ("Share pledge agreement") conclu le même jour ‒ dûment signé par les parties susvisées ‒, le prêt précité était garanti par le nantissement des actions de A______, lesquelles pouvaient ainsi, en cas de défaut de paiement, être acquises par la société à leur valeur sur le marché, selon l’évaluation d’un expert indépendant [ch. 3.1. let. c du "Share pledge agreement"].
a.c. Le 15 août 2018, une assemblée générale ordinaire des actionnaires de D______/F______ SA s'est déroulée.
D’après le procès-verbal établi, l'ensemble des actions étaient présent ou représenté, référence étant faite à une feuille de présence des actionnaires. La séance avait pour objet la dispense de la présence des auditeurs, l’approbation du "business report" au 31 mai 2018, la décharge des directeurs et leur réélection, de même que celle des auditeurs, ainsi qu’un point divers.
a.d. Le 7 juin 2019, à la suite de dissensions, D______/F______ SA a licencié A______, ce à quoi ce dernier s’est opposé, en vain.
Le 21 juin suivant, pour éteindre sa dette de USD 500'000.- envers la société, A______ a excipé d’une compensation avec une créance alléguée de USD 4'000'0000.- et ainsi exigé le paiement en sa faveur du solde net de USD 3'500'000.-. À cet égard, il a expressément relevé que la détention d’actions dans D______/F______ SA était exclusivement liée à son activité au sein de la société et n’avait d’intérêt que dans ce cadre. Il n’avait jamais envisagé d’investir son patrimoine dans D______/F______ SA et la détention d’actions était uniquement liée au fait qu’il dirigeait en parallèle la société en qualité de CEO.
a.e. Le 27 novembre 2019, une autre assemblée générale ordinaire des actionnaires de D______/F______ SA a eu lieu.
Selon le procès-verbal établi, le Président, soit E______, avait confirmé, à cette occasion, avoir discuté par téléphone avec A______ le 14 août 2018 de la nécessité pour les banques que les comptes de la société soient approuvés et le précité lui avait fait part de son accord à ce sujet. H______, représentant D______ S.C.A, a alors ajouté que A______ avait été mis en copie des correspondances transmettant aux contreparties de la société les comptes approuvés par ladite assemblée générale. A______ a indiqué, pour sa part, rester dans l’attente des documents qui pourraient être retrouvés par la société concernant l’assemblée générale du 15 août 2018.
a.f. Le 14 janvier 2020, D______ S.C.A a adressé à A______ une facture datée de la veille et d’un montant de CHF 10'000.- pour les intérêts dus durant la période du 1er janvier au 31 décembre 2019, conformément au contrat de prêt du 4 mai 2018 [supra, let. B.a.b].
Le 21 février suivant, la société a mis le précité en demeure de lui payer les sommes de USD 500'000.- et USD 10'000.-.
A______ ne s’est pas acquitté de ces montants.
a.g. Le 6 avril 2020, sur mandat de D______/F______ SA, I______ AG a établi un rapport (49 pages) d'évaluation indépendante de la société (100% des actions) au 31 décembre 2019, effectuée sur la base de standards internationaux ("International Valuation Standards Council" ou "IVSC").
En substance, en retenant la méthode de la "Discounted Cash Flow" (ci-après : DCF), soit l’approche d’évaluation principale reconnue sur le plan international, laquelle reflétait le plus précisément la rentabilité future et la croissance des bénéfices de la société ("free cash-flow"), I______ AG estimait alors la valeur de 100% des actions de la société à USD 8.8 millions. Aussi, celle de 10% des actions s’élevait à USD 880'000.-.
La société I______ AG s’était en particulier basée sur le "Business plan" de D______/F______ SA, ses comptes consolidés et audités à fin mai 2018 et fin mai 2019, ainsi que sur son état financier – non audité – à fin décembre 2019, entre autres sources d’information.
a.h. Le 16 avril 2020, D______ S.C.A a exercé le droit de réaliser les actions nanties de A______ auprès de D______/F______ SA et celles-ci ont été réalisées au prix de USD 880'000.-, conformément au rapport précité [supra, let. B.a.g].
a.i. En septembre 2021, la société D______/F______ SA [acronyme] est devenue D______/F______ SÀRL, puis en juin 2022, D______ SÀRL.
b. Le 9 mai 2022, dans un arrêt rendu dans le cadre d’une procédure civile initiée par A______ à l’encontre de D______/F______ SA, la Chambre des prud’hommes de la Cour de Justice a notamment considéré que la remise des actions au précité faisait partie intégrante de ses conditions d’engagement et qu’au vu des accords passés, la société ne lui avait jamais garanti que la valeur des actions qui lui avaient été remises serait toujours de USD 4'000'000.- [consid. 3.]. Pour le surplus, elle a entériné la motivation précédemment rendue par le Tribunal des prud’hommes, selon laquelle l’exécution du contrat de prêt et ses conséquences ne relevaient pas de la procédure prud’homale [jugement du Tribunal des prud’hommes du 23 juillet 2021, consid. 8 d).]
En outre, elle a constaté que des tensions étaient rapidement apparues entre A______ et E______, voire C______, soit dès début janvier 2018, au sujet de l’organisation interne, de la communication requise entre le CEO et l’actionnariat et des rôles et responsabilités de chacun. Le ton s’était durci à compter de février 2019. À partir de mi-mai 2019, les parties ne communiquaient plus que par avocats interposés [arrêt précité, let. C].
Ce faisant, cette autorité a retenu que le congé signifié à A______ était abusif, l’entrave régulière à son action et les reproches permanents dont il avait fait l’objet dès avant son entrée en fonction ne lui ayant pas permis d’agir complètement dans l’intérêt de la société, laissant au surplus ouverte la question de savoir si les comportements retenus devaient être qualifiés de mobbing. Elle a notamment relevé que certains employés s’étaient même dit convaincus que la mise à l’écart de l’intéressé était déjà prévue ab initio. A______ ne s’était pas vu octroyer ni le temps, ni le cadre et la sérénité nécessaires pour remplir les objectifs visés. De ce fait, la Chambre des prud’hommes a jugé que D______/F______ SA devait verser à son ex-employé une indemnité pour licenciement abusif équivalente à six mois de salaire [arrêt précité, consid. 4].
Le 23 février 2023, le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par D______/F______ SA [arrêt du Tribunal fédéral 4A_259/2022].
c. Le 16 octobre 2023, A______ a déposé plainte pénale à l'encontre de C______, E______ et G______ en leurs qualités respectives d'administrateur de fait (C______), d'administrateur (E______) et de haut cadre (G______) de D______/F______ SA et, pour le premier (C______), de dirigeant du Groupe D______, des chefs d’escroquerie (art. 146 CP), voire d’atteinte astucieuse aux intérêts pécuniaires d’autrui (art. 151 CP), d’abus de confiance (art. 138 CP) et de faux dans les titres (art. 251 CP).
Eu égard à l’allégation d’escroquerie, voire d’atteinte astucieuse aux intérêts pécuniaires d’autrui, il a exposé qu’après sa démission de B______, les prévenus n’avaient pas honoré les promesses financières qui lui avaient été faites et ne lui avaient pas permis d’exercer pleinement sa fonction de CEO de D______/F______ SA. Il avait été astucieusement trompé sur les réelles intentions des précités, qui étaient de créer une nouvelle société grâce à ses compétences et à son réseau, avec une équipe d’employés "clé en mains", puis de "l’éliminer". Il avait démissionné de son précédent employeur et renoncé au bonus accumulé ainsi qu’à la poursuite de sa carrière auprès de celui-ci, parce qu’il avait été dans l’erreur. Les prévenus avaient savamment orchestré leur plan, de sorte qu’ils avaient agi intentionnellement, en ayant en outre le dessein de s’enrichir. Au vu de la durée de leurs agissements et des revenus importants que D______/F______ SA était apte à générer, l’aggravante du métier était par ailleurs réalisée.
L’abus de confiance invoqué résultait du fait que C______ et E______ avaient réalisé de mauvaise foi et de façon illicite ses actions nanties pour un montant de USD 880'000.-. Il avait pourtant déclaré à plusieurs reprises compenser le montant de USD 500'000.- avec celui de USD 4'000'000.- que lui devait le Groupe D______, ce qui n’avait fait l’objet d’aucune contestation. Cette réalisation avait été faite au moyen d’une valorisation biaisée, étant relevé que les profits de la société avaient, par la suite, dépassé les USD 50'000'000.-. Après l’avoir écarté en tant qu’employé, C______ et E______ l’avaient en définitive "éliminé" en tant qu’actionnaire, en accaparant sciemment ses actions de manière illégale. Ils avaient ensuite modifié la structure de la société de manière insolite, dans le but vraisemblable de rendre tout retour à un statu quo impossible.
Enfin, les éléments constitutifs du faux dans les titres étaient réunis, dès lors que le procès-verbal de l’assemblée générale du 15 août 2018, signé par E______ et G______, indiquait faussement que l’ensemble des actions étaient présente ou représentée. Or, il n’y avait pas été convoqué, sans qu’il ne s’agisse d’une erreur, l’actionnariat de la société n’étant composé que de D______ S.C.A à hauteur de 90% et de lui-même à raison de 10%. De plus, à cette date, il était déjà en conflit avec D______/F______ SA. Les juridictions prud’homales avaient, du reste, reconnu que le Groupe D______ avait adopté une démarche visant à l’écarter de la société avant même le début des rapports de travail.
En vue de réunir les moyens de preuve nécessaires à la manifestation de la vérité, il convenait d’ordonner la perquisition des locaux de D______ SÀRL, ainsi que celle du matériel informatique de C______, E______ et G______, comprenant les ordinateurs, tablettes et téléphones portables, le séquestre de la documentation relative à la création de la société D______/F______ SA, de même que celui de toute correspondance, sur tout support, intervenue entre C______, E______ et/ou G______ au sujet de la création de cette société et de sa modification, ainsi que le concernant, et enfin, une expertise relative à la valeur de D______/F______ SA au 31 décembre 2019, de même qu’à la valeur actuelle de D______ SÀRL.
d. Par ordonnances du 28 mars 2024, le Ministère public a notamment ordonné la perquisition des domiciles et des appareils électroniques de G______, E______ et D______ SÀRL, de même que la mise sous séquestre des données contenues dans ces appareils pouvant être utilisées comme moyens de preuve.
Par mandat d’actes d’enquête du même jour, le Ministère public a par ailleurs ordonné à la brigade financière d’entendre en qualité de prévenus G______, E______ – en décernant un mandat d’amener à l’encontre de ceux-ci ‒ ainsi que C______ [lequel résidait à Monaco].
e. Par téléphone du 3 avril 2024, le Ministère public a chargé la police de procéder d’abord à la perquisition des locaux de D______ SÀRL, les autres mandats de perquisition, de séquestre et d’amener ordonnés devant être exécutés dans un second temps [rapport de renseignements de la brigade financière du 9 avril 2024, p. 5]. Finalement ces derniers mandats n’ont pas été exécutés.
f. Le 5 avril 2024, la perquisition des locaux de D______ SÀRL a été exécutée. Trois présentations de cette société [ch. 1 de l'inventaire n° 45306720240405 du 5 avril 2024] et des documents informatiques [ch. 2 de l’inventaire précité] ont été séquestrés.
g. Le même jour, D______ SÀRL a sollicité la mise sous scellés de tous les moyens de preuve recueillis lors de cette perquisition, E______ et G______ en ayant fait de même ultérieurement.
h. Par avis du 26 avril 2024, le Ministère public a révoqué les mandats d’amener décernés à l’encontre de E______ et de G______, vu leur engagement à déférer à toute convocation.
i. Par ordonnances du 27 mai 2024 [STMC/32/2024, STMC/33/2024, STMC/34/2024], sur demande du Ministère public, le Tribunal des mesures de contrainte a ordonné la levée des scellés sur l'ensemble des pièces visées dans l'inventaire 45306720240405 du 5 avril 2024, lesquelles ont été versées à la procédure le 18 décembre 2024.
Aucun document en lien avec la tenue de l'assemblée générale du 15 août 2018 ne figurait dans les données récoltées lors de la perquisition.
j. Par mandats adressés à I______ AG les 18 décembre 2024 et 9 janvier 2025, le Ministère public a ordonné le dépôt de toute la documentation relative à la valorisation de D______/F______ SA au 31 décembre 2019, effectuée le 6 avril 2020.
k. Les prévenus ont sollicité le classement de la procédure au cours de l’instruction :
k.a. Par pli du 7 août 2024, le conseil de D______ SÀRL et de C______ a exposé que le litige était exclusivement de caractère civil et avait déjà été tranché par les juridictions prud’homales. A______ n’avait aucunement été trompé quant à la réalité de l’opportunité professionnelle qui lui avait été proposée et, en tout état de cause, aucun préjudice financier ne lui avait été causé. L’existence d’un prétendu "plan savamment orchestré" n’avait pas été retenue par les juridictions civiles. La création d'une nouvelle société dont le CEO devait être A______ avait été un projet commun et consenti. Le précité avait librement accepté ses conditions d'engagement. La société ne lui avait jamais garanti que la valeur de ses actions serait toujours de USD 4'000'000.-. En outre, le processus de réalisation desdites actions avait été effectué conformément aux accords convenus, sans quelconque dessein d’enrichissement illégitime. La "spoliation illicite" de ses actions à "vil prix" alléguée par A______ ne reposait sur aucun élément objectif. Rien ne permettait en outre de remettre en question le travail de l'expert indépendant mandaté conformément aux termes contractuellement convenus. Les restructurations du groupe D______ répondaient à des considérations financières et fiscales, sans aucun lien avec le litige opposant la société à A______. Enfin, le procès-verbal de l'assemblée générale du 15 août 2018 n'avait pas servi à inscrire une quelconque modification au registre du commerce, dès lors qu’il portait sur l’approbation des états financiers de la société, et ne revêtait donc pas la qualité de titre. En tout état de cause, A______ avait été informé la veille de la nécessité d’approuver les comptes de la société pour les banques et avait donné son accord à ce sujet. Au demeurant, aucun impact ne résultait de cette prétendue carence.
k.b. Par courrier de son conseil du 19 septembre 2024, E______ a relevé que les accusations de A______ intervenaient à la suite de l'échec d'un projet de coopération ambitieux dans lequel celui-ci, mais également les prévenus, s'étaient investis de bonne foi en espérant qu'il fonctionne. A______ n'avait jamais été trompé. En démissionnant de B______ pour s'engager dans une nouvelle aventure comme CEO de D______/F______ SA, il était parfaitement conscient du risque qu'il prenait, inhérent à tout changement de travail. Les conditions d'embauche lui étaient parfaitement connues et étaient bonnes. Après que A______ eut commencé son activité, il s'était avéré qu'il ne présentait pas toutes les compétences ou aptitudes nécessaires pour assumer ses responsabilités de CEO. Des remarques lui avaient été adressées et avaient été mal prises. A______ avait été licencié le 7 juin 2019 et libéré de son obligation de travailler, mais conformément au contrat signé, son salaire lui avait été payé jusqu’en février 2021. La thèse d’un plan ourdi contre lui n’avait aucun sens, la société n’ayant eu aucun intérêt à affaiblir son propre CEO à un coût aussi élevé. En définitive, il s'agissait d'une relation de travail qui n'avait pas évolué comme espéré. Il n'y avait pas non plus de dommage et l'élément constitutif subjectif faisait défaut, aucun dessein d’enrichissement illégitime n’existant, de sorte que l’infraction d’escroquerie, pas plus que celle d’atteinte astucieuse aux intérêts pécuniaires, n’était réalisée. S'agissant d'un abus de confiance, les actions ne lui avaient pas été confiées, mais l’avaient été à D______ S.C.A en garantie du prêt consenti. En tout état, la réalisation des actions par cette société avait été légitime, puisqu'elle était prévue par le contrat de nantissement du 4 mai 2018 signé par A______ et que ce dernier se trouvait en défaut de paiement. Il n’y avait eu aucun acte d’appropriation illégitime. Enfin, il avait informé A______ de l'assemblée générale du 15 août 2018 la veille, par téléphone. Le procès-verbal ne revêtait au demeurant pas la qualité de titre, n’ayant pas donné lieu à une inscription au registre du commerce. Au surplus, il n'y avait pas eu d'avantage illicite ou d'atteinte portée à A______ du fait de la constatation, soi-disant à tort, de sa présence lors de cette séance.
k.c. Par pli de son conseil du 25 avril 2025, G______ a appuyé les conclusions de D______ SÀRL et de E______. Les éléments constitutifs, tant objectifs que subjectifs, des infractions invoquées n’étaient pas réalisés. Aucune pièce ne permettait d’étayer les accusations de A______. La valorisation de la société avait été faite conformément aux standards habituels de l'industrie et aux contrats conclus avec A______. En tout état de cause, elle peinait à comprendre son implication dans les reproches formulés, étant relevé qu’elle avait signé le procès-verbal du 15 août 2018 en tant que secrétaire.
l. Dans le délai imparti par l’avis de prochaine clôture de l’instruction du 16 mai 2025, lequel mentionnait qu’une ordonnance de classement allait être rendue, A______ a requis que le Ministère public procède sans retard aux actes déjà dictés [supra, let. B.d.]. Il convenait, en outre, d’ordonner une audience de confrontation, l’analyse des données récoltées lors de la perquisition menée dans les locaux de D______ SÀRL, ainsi que l'audition des représentants de I______ ayant procédé à la valorisation de D______/F______ SA au 31 décembre 2019, et l’examen des documents produits par I______ AG au moyen d'une expertise financière.
C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a préalablement observé que les actes sollicités par le plaignant, en particulier l’audition des prévenus, ne seraient pas susceptibles d’apporter des éléments décisifs qui permettraient de modifier sa conviction. Au surplus, tous les éléments pertinents avaient été récoltés.
Concernant l’infraction d’escroquerie alléguée, aucun élément au dossier ne permettait de retenir que les prévenus auraient, par le biais d’une quelconque mise en scène, trompé le plaignant sur leurs véritables intentions. Il ressortait au contraire de la procédure que les parties avaient un projet professionnel commun, auquel A______ avait librement consenti. En tant qu’homme d’affaire avisé, il comptait profiter directement des bénéfices de la société et engranger des gains supérieurs à la valeur initiale des actions, sous la forme de dividende. Cela étant, ayant été licencié avant que l’entreprise ne fasse des profits substantiels, ses actions avaient perdu de leur valeur. Le fait que la relation de travail n’ait pas été celle escomptée ne permettait pas, en l’absence de tout autre indice, de retenir que les prévenus se seraient rendus coupables d’escroquerie.
S’agissant de l’abus de confiance invoqué, la question de savoir si les actions litigieuses avaient été confiées pouvait demeurer ouverte. En effet, il ressortait en tout état de cause du dossier que leur réalisation avait été effectuée en exécution du contrat de nantissement du 4 mai 2018, dès lors que A______ ne s’était pas acquitté à temps du paiement des intérêts liés au prêt de USD 500'000.- et n’avait pas donné suite à la mise en demeure du 21 février 2020. La valeur des actions avait été calculée par une société d’audit renommée et aucun élément ne permettait de penser que celle-ci aurait évalué la société dans le but de diminuer sa valeur. Le calcul était détaillé dans le rapport de 49 pages établi par I______ AG. Cinq méthodes d’évaluation standard avaient été utilisées. Parmi les cinq valeurs, quatre étaient situées entre USD 8'800'000.- et USD 9'200'000.-; une seule méthode fixait la valeur de la société à USD 10'000'000.-. La méthode DCF retenue était une méthode fréquemment utilisée pour l’évaluation des entreprises. Il n’y avait ainsi pas eu de sous-évaluation des actions vendues. Les éléments constitutifs de l’infraction n’étaient pas réunis.
Enfin, les éléments constitutifs de l’infraction de faux dans les titres n’étaient pas non plus réalisés. E______ avait affirmé avoir informé A______ de la tenue de l’assemblée générale du 15 mai 2018 la veille par téléphone. Quoi qu’il en fût, le procès-verbal de cette assemblée ne revêtait pas la qualité de titre doté d’une force probante accrue au sens de la jurisprudence. En outre, A______ n'avait jamais allégué – ni, a fortiori, démontré – en quoi ce procès-verbal serait susceptible de lui porter préjudice ou de procurer aux prévenus un avantage illicite.
D. a. Dans son recours, A______ fait grief au Ministère public d’avoir procédé à une constatation inexacte et incomplète des faits et d’avoir violé le principe in dubio pro duriore ainsi que les règles d’administration des preuves.
En particulier, le Ministère public avait omis de relever que la prétendue créance alléguée par D______/F______ SA à son encontre s’élevait, selon la mise en demeure de cette société, à un montant de USD 510'000.-. Aussi, quand bien même D______/F______ SA aurait eu le droit de réaliser les actions nanties et que celles-ci auraient été correctement valorisées à USD 880'000.-, rien ne permettait d’expliquer pourquoi cette société avait réalisé l’intégralité des 10'001 actions lui appartenant. Sans chercher à comprendre la justification de cette différence de CHF (recte : USD) 370'000.- et en se basant uniquement sur le rapport de I______ AG, le Ministère public avait écarté les soupçons selon lesquels les prévenus avaient réalisé les actions confiées en violation de leurs devoirs et dans un but d’enrichissement illégitime, se rendant ainsi coupables d’abus de confiance.
Le Ministère public n’avait, par ailleurs, fait aucune mention des faits établis et constatés lors de la procédure prud’homale. Il avait notamment passé sous silence le fait que, dans ce cadre, la juridiction d’appel avait retenu que le plan de déterminer le recourant à mettre à disposition ses ressources au profit de D______/F______ SA d’une manière préjudiciable à ses intérêts pécuniaires avait été prévu "ab initio" par le binôme E______-C______, et que cette société avait été de "mauvaise foi", alors que de tels éléments suggéraient la réalisation des éléments constitutifs de l’escroquerie. À cela s’ajoutait le fait que les prévenus avaient tout mis en œuvre pour lui faire croire que les 10'001 actions pourraient atteindre une valeur de USD 4'000'000.-. Le contrat qui lui avait été soumis, à un moment où il ne pouvait plus renoncer à sa signature, ne reflétait pas l’accord convenu. Il avait été victime d’un mobbing extrême de la part des prévenus. Ces éléments constituaient des indices de tromperie, qui dépassaient clairement le cadre d’une simple relation de travail décevante.
Le Ministère public avait écarté l’infraction de faux dans les titres en se basant sur la prémisse erronée que le procès-verbal de l’assemblée générale du 15 août 2018 n’était pas un titre, sans tenir compte de l’objet de cette séance, ni du contenu des discussions. Or, lors de celle-ci, il avait été procédé à la réélection des directeurs et auditeurs, données qui devaient être transmises au registre du commerce. En outre, aucun crédit ne pouvait être accordé aux déclarations de E______, ce dernier n’ayant pas été confronté à lui, ni aux autres prévenus. Enfin, le Ministère public ne pouvait se retrancher derrière le fait qu’il n’aurait jamais allégué ni démontré que ledit procès-verbal était susceptible de lui porter préjudice ou de procurer aux prévenus un avantage illicite, sous peine de violer les règles d’administration des preuves. Les prévenus ne l’avaient sciemment pas informé de cette assemblée afin de l’empêcher de faire usage de ses droits, de lui porter préjudice et de bénéficier d’un avantage indu.
Il réitérait les réquisitions de preuve précédemment formulées, précisant que les auditions des prévenus et une confrontation avec eux, les perquisitions de leurs domiciles ainsi que l’analyse de leurs outils de communication étaient nécessaires pour clarifier les faits, notamment eu égard aux éléments ayant mené à la conclusion du contrat de travail et à la prétendue discussion téléphonique du 14 août 2018. Une analyse complète et détaillée des données saisies dans les locaux de D______ SÀRL était utile pour déterminer objectivement la valeur de la société et les raisons du changement de sa raison sociale. L’audition des représentants de I______ AG, de même qu’une analyse des données transmises à cette société et produites par elle, étaient opportunes pour établir le préjudice qu’il avait subi et le rôle joué par les prévenus dans sa survenance.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant déplore une constatation incomplète et erronée des faits.
Dans la mesure où la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2022 du 8 mai 2023 consid. 1.4), les éventuelles constatations incomplètes ou erronées auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.
4. Le recourant fait grief au Ministère public d'avoir classé les faits dénoncés dans sa plainte.
4.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu’aucun soupçon justifiant une mise en accusation n’est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).
Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).
4.2.1. L'escroquerie, au sens de l’art. 146 CP [dans sa teneur en vigueur au moment des faits reprochés; art. 2 CP], réprime le comportement de celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.
Il y a tromperie astucieuse, au sens de cette disposition, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier
(ATF 143 IV 302 consid. 1.3; 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2). Tel est notamment le cas si l'auteur conclut un contrat en ayant d'emblée l'intention de ne pas fournir sa prestation alors que son intention n'était pas décelable (ATF 118 IV 359 consid. 2), s'il exploite un rapport de confiance préexistant qui dissuade la dupe de vérifier (ATF 122 IV 246 consid. 3a) ou encore si la dupe, en raison de sa situation personnelle (faiblesse d'esprit, inexpérience, grand âge ou maladie), n'est pas en mesure de procéder à une vérification et que l'auteur exploite cette situation
(ATF 120 IV 186 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1180/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.2).
L'escroquerie ne sera consommée que s'il y a un dommage (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1141/2017 du 7 juin 2018 consid. 1.2.1).
L'auteur agit par métier lorsqu'il résulte du temps et des moyens qu'il consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire (ATF 129 IV 253 c. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1240/2015 du 7 juillet 2016 consid. 1.1).
4.2.2. En l'espèce, le recourant soutient que les prévenus se seraient rendus coupables d’escroquerie à son encontre, en le déterminant à démissionner de son précédent employeur pour rejoindre D______/F______ SA, alors qu’ils avaient ourdi "ab initio" le plan de profiter de ses ressources, de ne pas respecter les engagements pris puis de se séparer de lui.
Or, aucun élément ne permet d’accréditer que les prévenus auraient, par le biais d'une quelconque mise en scène, trompé le plaignant, qui est un homme d’affaires avisé, de la façon alléguée.
Au contraire, il ressort du dossier que les parties ont élaboré, par le biais de D______/F______ SA, un projet professionnel commun. Les conditions d’engagement du recourant ont fait l’objet de pourparlers courant 2017 et les principales ont été formalisées par écrit dans l’Offer letter du 21 août 2017. A______ y a librement consenti et les a avalisées avant sa démission de B______ à la fin août 2017 et bien avant son entrée en fonction auprès de D______/F______ SA le 1er mars 2018.
Ces conditions étaient, au demeurant, bonnes, compte tenu notamment du "welcome bonus"de USD 6'500'000.- – garanti dans l’intervalle par une assurance-vie souscrite aux frais de D______/F______ SA ‒, en la forme de USD 2'500'000.- en espèces et
10'001 actions de D______/F______ SA d'une valeur de USD 4'000'000.-, ainsi que du salaire substantiel consenti au recourant.
Certes, par la suite les actions du recourant ont été réalisées pour la somme de USD 880'000.-. Cela étant, tel que développé ci-après [infra, consid. 4.3.2], cette réalisation a été effectuée conformément aux contrats signés par le recourant et le rapport d’évaluation de la société établi en vertu du contrat de nantissement passé.
Ces éléments tendent à infirmer l’existence du plan ourdi "ab initio" allégué par le recourant.
Ce dernier ne saurait être suivi lorsqu’il prétend que l’existence d’un tel plan ressortirait de la procédure prud’homale. D’une part, il a été retenu, dans ce cadre, qu’au vu des accords passés, la société n’avait jamais garanti au recourant que la valeur des actions qui lui avaient été remises serait toujours de USD 4'000'000.-. D’autre part, quand bien même la Chambre des prud’hommes de la Cour de Justice a relevé que certains employés de la société s’étaient dit convaincus que la mise à l’écart du recourant avait été prévue ab initio, elle a in fine constaté que le conflit survenu entre les parties s’était installé progressivement entre début 2018 et le printemps 2019, ceci au sujet de l’organisation interne, de la communication requise entre le CEO et l’actionnariat et des rôles et responsabilités de chacun.
L’échec des rapports professionnels intervenus pour ces raisons n’apparaissait donc aucunement prévisible, ce qui infirme encore l’hypothèse du plan évoqué.
Les éléments constitutifs de l'escroquerie ne sont ainsi pas réunis, étant relevé que le recourant ne semble plus se prévaloir devant la Chambre de céans d’une atteinte astucieuse à ses intérêts pécuniaires (art. 151 CP), infraction qui n’apparaît au demeurant pas davantage réalisée.
4.3.1. Commet un abus de confiance, au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP [dans sa teneur en vigueur au moment des faits reprochés; art. 2 CP], celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.
Sur le plan objectif, l'infraction suppose qu'une valeur ait été confiée, autrement dit que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il l'ait reçue à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 133 IV 21 consid. 6.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_613/2016 et 6B_627/2016 du 1er décembre 2016 consid. 4). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_279/2017 du 23 janvier 2018 consid. 2.1; 6B_20/2017 du 6 septembre 2017 consid. 5.2).
Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ATF 118 IV 27 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 6B_356/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.1; 6B_635/2015 du 9 février 2016 consid. 3.1).
Le dessein d'enrichissement illégitime fait défaut si, au moment de l'emploi illicite de la valeur patrimoniale, l'auteur en paie la contre-valeur, s'il avait à tout moment ou, le cas échéant, à la date convenue à cet effet, la volonté et la possibilité de le faire ("Ersatzbereitschaft" ; ATF 118 IV 32 consid. 2a) ou encore s'il était en droit de compenser (ATF 105 IV 29 consid. 3a). Cette dernière hypothèse implique que l'auteur ait une créance d'un montant au moins égal à la valeur qu'il s'est appropriée ou à la valeur patrimoniale qu'il a utilisée et qu'il ait vraiment agi en vue de se payer (arrêts du Tribunal fédéral 6B_613/2016 et 6B_627/2016 du 1er décembre 2016 consid. 4 in fine).
La disposition exige que le comportement adopté par l'auteur cause un dommage, qui représente en l'occurrence un élément constitutif objectif non écrit (ATF 111 IV 19 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 6B_249/2017 du 17 janvier 2018 consid. 2.1).
4.3.2. Le recourant reproche aux prévenus d'avoir commis un abus de confiance à son encontre, en réalisant les actions de D______/F______ SA qu’il détenait et qu’il avait nanties, ce au prix de USD 880'000.-, valeur qui était, selon lui, inférieure à celle réelle.
Or, d’une part, il apparaît que la réalisation des actions du recourant a été effectuée en exécution du contrat de nantissement du 4 mai 2018, du fait qu’il ne s'était pas acquitté du paiement des intérêts liés au prêt de USD 500'000.-, n'ayant pas donné suite à la mise en demeure du 21 février 2020.
D’autre part, la valeur des actions a été arrêtée à l’issue d’une évaluation détaillée, menée par une société d'audit, selon une méthode internationalement préconisée. Le recourant ne fait valoir aucune critique précise à l’encontre de la méthode de calcul appliquée.
Devant la Chambre de céans, le recourant incrimine en outre les prévenus d’avoir réalisé l’ensemble de ses actions pour un montant de USD 880'000.-, alors que sa dette ne s’élevait qu’à USD 510'000.-.
À cet égard, il sied de préciser que le recourant a, le 21 juin 2019, pour éteindre sa dette de USD 500'000.- envers la société, précédemment excipé d’une compensation avec une créance alléguée de USD 4'000'000.- et ainsi exigé le paiement en sa faveur du solde net de USD 3'500'000.-. Il a, à cette occasion, lui-même expressément relevé que la détention d’actions dans D______/F______ SA était exclusivement liée à son activité en tant que CEO au sein de la société et n’avait d’intérêt que dans ce cadre, n’ayant jamais envisagé d’investir son patrimoine dans D______/F______ SA. Dans ces circonstances, il apparaît que D______/F______ SA était fondée à comprendre que le recourant souhaitait recevoir le solde de sa créance, après compensation, en argent.
En tout état de cause, la mauvaise exécution éventuelle des contrats signés – dont le recourant ne se prévaut au demeurant pas en soi ‒ ne dénote en l’occurrence pas l’existence d’un acte pénalement répréhensible et relèverait ainsi exclusivement du champ civil.
Pour le reste, rien de permet de croire que la société aurait changé de forme sociale en raison du litige l’opposant au recourant, plutôt que pour des considérations financières ou fiscales, tel qu’elle l’expose. On ne perçoit du reste pas en quoi une telle modification aurait eu un impact sur les prétentions financières du recourant à son encontre.
Partant, les éléments constitutifs de l'abus de confiance n’apparaissent pas réunis.
4.4.1. Se rend coupable de faux dans les titres, d’après l’art. 251 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.
Sont des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous les signes destinés à prouver un tel fait (art. 110 al. 4 1ère phrase CP).
Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité. Un simple mensonge écrit ne constitue cependant pas un faux intellectuel : le document doit revêtir une crédibilité accrue et son destinataire pouvoir s'y fier raisonnablement (ATF 146 IV 258 consid. 1.1; 144 IV 13 consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1042/2020 du 1er décembre 2021 consid. 2.2.2).
Cette disposition protège la confiance particulière accordée dans les relations juridiques à un titre en tant que moyen de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 6B_421/2008 du 21 août 2009 consid. 5.3.1).
Sur le plan subjectif, le faux dans les titres est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs. Le dol éventuel suffit (ATF 141 IV 369 consid. 7.4). Ainsi, l'auteur doit être conscient que le document est un titre. Il doit savoir que le contenu ne correspond pas à la vérité. Enfin, il doit avoir voulu (faire) utiliser le titre en le faisant passer pour véridique, ce qui présuppose l'intention de tromper (ATF 135 IV 12 consid. 2.2). L'art. 251 CP exige de surcroît un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite (ATF 138 IV 130 consid. 3.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 6B_736/2016 du 9 juin 2017 consid. 2.1).
Le procès-verbal de l’assemblée réunissant tous les actionnaires d’une société anonyme a la qualité d’un titre dans la mesure où il constitue le document nécessaire pour une inscription au registre du commerce (ATF 123 IV 132 consid. 3).
4.4.2. En l'espèce, le recourant reproche aux prévenus d'avoir commis un faux dans les titres, en indiquant mensongèrement dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 15 août 2018 que toutes les actions étaient présentes ou représentées, alors qu'il n'était pas présent à cette séance, n’y ayant pas été convoqué.
Or, E______ affirme l’avoir informé de la tenue de cette assemblée générale la veille, par téléphone, compte tenu de la nécessité d’approuver les comptes de la société pour les banques, ce à quoi le recourant avait donné son accord. Cela a, du reste, été formellement consigné dans le procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du 27 novembre 2019. Aucun élément ne permet de contester les allégations de E______, appuyées par les propos de H______, dont il ressort que le recourant avait, peu après, reçu de la correspondance en lien avec les comptes approuvés lors de l’assemblée générale du 15 août 2018 [supra, let. B.a.e]. Il n’apparaît pas que le recourant ait alors émis un quelconque grief quant à la validité de cette assemblée. Si, tel qu’il l’avance, certaines dissensions étaient déjà apparues entre le recourant et E______ à la date du 15 août 2018, le conflit n’était alors pas encore d’une intensité telle ‒ ayant surtout pris de l’ampleur au début de l’année 2019 ‒ permettant de suspecter que l’intéressé aurait été sciemment évincé de cette assemblée générale, quand bien même il n’y était pas présent. Dans ces conditions, de plus amples investigations au sujet de la feuille de présence manquante s’avéreraient inutiles.
Quoi qu’il en soit, il n’est pas démontré que le procès-verbal de l'assemblée générale du 15 août 2018 ait effectivement donné lieu à une inscription au registre du commerce, la séance ayant précisément porté sur l’approbation d’états financiers et des réélections. Il est dès lors douteux que ce document revête la qualité de titre.
En tout état de cause, le recourant ne rend pas vraisemblable que le faux dans les titres allégué aurait eu pour but de porter atteinte à ses intérêts pécuniaires ou ceux d’autrui, ou qu’il aurait eu pour dessein de procurer aux prévenus un avantage illicite.
Les éléments constitutifs de l'infraction de faux dans les titres n’apparaissent donc pas réunis.
5. Certes, le Ministère public n’a finalement pas fait exécuter les mandats de perquisition et séquestre visant G______ et E______ ni procédé à l’audition de ces derniers et de C______ [supra, let. B.d.]. On comprend toutefois qu’il y a tacitement renoncé, compte tenu des autres éléments de preuve utiles recueillis. Au vu notamment des contrats signés par les parties, de la valeur probante accordée au rapport d’évaluation de I______ AG, des éléments ressortant de la procédure prud’homale et des procès-verbaux d’assemblée générale de la société produits, aucune mesure d'instruction supplémentaire ne serait propre à modifier l’appréciation précédemment développée (art. 139 al. 2 CPP).
6. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, arrêtés à CHF 1’500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).
8. Corrélativement, il n'y a pas lieu de lui octroyer une indemnité pour ses frais d'avocat (art. 433 al. 1 CPP a contrario).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
| La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
| P/22569/2023 | ÉTAT DE FRAIS |
|
|
COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
| Débours (art. 2) | | |
| - frais postaux | CHF | 10.00 |
| Émoluments généraux (art. 4) | | |
| - délivrance de copies (let. a) | CHF | |
| - délivrance de copies (let. b) | CHF | |
| - état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
| Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
| - décision sur recours (let. c) | CHF | 1'415.00 |
| Total | CHF | 1'500.00 |