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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26167/2022

ACPR/98/2024 du 12.02.2024 sur OCL/1768/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DOMMAGE;PRÉVENU;PROCÉDURE PÉNALE;SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);COMPTE BANCAIRE;PRÊT DE CONSOMMATION
Normes : CPP.429; CPP.263; CPP.266

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26167/2022 ACPR/98/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 12 février 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ Grande-Bretagne, représenté par Me G______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 15 décembre 2023 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 28 décembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 15 décembre 2023, notifiée le 18 suivant, par laquelle le Ministère public a, en substance, ordonné le classement de la procédure dirigée contre lui pour des soupçons de blanchiment d'argent (art. 305bis CP), lui a alloué une indemnité de CHF 9'374.10 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, ainsi que CHF 1'043.75 pour le dommage économique subi, et laissé les frais de la procédure à la charge de l'État.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée en tant qu'elle porte sur l'indemnisation de son dommage économique et à ce que la Chambre de céans, statuant à nouveau, lui alloue, en lieu et place, un montant de CHF 67'063.-.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ était titulaire de la relation bancaire 1______ auprès de la banque B______ (ci-après, la banque B______ ou la Banque), sise à Genève.

b. Dans le cadre de cette relation bancaire, la Banque lui avait notamment octroyé un prêt à durée limitée (fixed term loan) de USD 3'000'000.- dès avant juin 2022, qui a été "renouvelé" tous les trois mois entre juin 2022 et fin juillet 2023, selon le relevé pertinent. Le montant du prêt a été réduit à USD 2'100'000.- dès le mois de septembre 2022. Les intérêts et les frais de gestion étaient comptabilisés à chaque échéance trimestrielle.

Ainsi, selon l'état des avoirs correspondant et daté du 7 août 2023, A______ détenait l'équivalent de USD 240'511.- en liquide, USD 3'152'940.- en investissement à court terme et USD 6'103.- en actions. Il était en outre débiteur d'un prêt en USD 2'102'556.-.

c. En août 2022, A______ a exprimé son intention à la Banque de rembourser ce prêt, par le biais de fonds provenant de la C______ à D______ [Émirats Arabes Unis] et obtenus par une hypothèque sur un bien immobilier.

La banque B______ a accepté un premier remboursement de USD 800'000.- le 17 août 2022. Un versement supplémentaire de USD 200'000.- a été refusé le surlendemain et a entraîné une enquête de conformité au sein de la Banque. Enfin, un dernier versement de USD 150'000.- a été accepté le 15 septembre 2022. L'enquête a conduit la banque à refuser tout nouveau versement de A______, ce dont celui-ci a été informé le 22 septembre 2022.

d. Parallèlement, ce même 22 septembre 2022, la banque B______ a opéré une communication au Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (ci-après : MROS). Selon la dénonciation du MROS au Ministère public du 12 décembre 2022, A______ était suspecté d'avoir, à Genève, perçu sur son compte et sur le compte d'une société E______ INC qu'il contrôlait et dont il était ayant droit économique avec trois autres personnes, comptes tous deux gérés par la banque B______, des fonds provenant d'infractions constitutives d'organisation criminelle (art. 260ter al. 1 CP) et des fonds en lien avec des actes de corruption d'un agent public étranger (art. 322septies CP).

e. Le 16 décembre 2022, le Ministère public a ouvert une instruction et ordonné le séquestre des relations bancaires susmentionnées de A______ et de sa société auprès de la banque B______, ainsi qu'auprès de F______ (ci-après : la banque F______). Le dépôt de la documentation bancaire des comptes identifiés a également été ordonné.

L'ordonnance de séquestre précise expressément qu'elle vise d'éventuelles valeurs se trouvant sur les comptes précités qui pourraient être le produit de l'infraction susmentionnée et que le séquestre "des avoirs en compte, placement et safes compris", ainsi que de la documentation liée, est ordonné.

f. A______ a tenté, selon ses dires, à plusieurs reprises de rembourser le prêt susmentionné aux moyens de fonds provenant de la banque C______, mais la banque B______ avait refusé.

g. Les premières analyses de la documentation ont mis en évidence que toutes les relations ouvertes au nom de A______ et E______ INC auprès de la banque F______, ainsi que les relations n° 2______ et 3______ ouvertes au nom de E______ INC auprès de la banque B______, n'étaient pas concernées par les faits dénoncés par le MROS, de sorte que les séquestres ont été levés sur celles-ci par ordonnances du 28 mars 2023, étant précisé que le séquestre a été maintenu sur la relation n° 1______ au nom de A______ ouverte auprès de la banque B______.

h. À compter du 28 mars 2023, le Ministère public a par ailleurs autorisé le prévenu à consulter le dossier.

i. Le 25 juillet 2023, A______ a été entendu en relation avec les divers mouvements de fonds mis en évidence lors de l'analyse de la documentation bancaire.

j. Ces mesures d'instruction n'ont pas permis de confirmer les soupçons mentionnés dans les dénonciations du MROS.

k. Au terme de son audition, A______ a sollicité la levée du séquestre en cours, étant précisé qu'il n'avait au préalable jamais sollicité de levée, même partielle, de séquestre.

Par ordonnances du 25 juillet 2023, le Ministère public a levé le séquestre sur la relation n° 1______, informé le prévenu de ce qu'il entendait classer la procédure et imparti un délai à A______ pour transmettre ses éventuelles réquisitions de preuves et demandes d'indemnisation.

Par courrier de son conseil du 17 août 2023, le prévenu a formulé une demande d'indemnisation comme suit :

·           CHF 32'317.- au titre d'indemnisation pour ses dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP), soit ses frais de défense privée ;

·           CHF 1'808.50 et CHF 66'020.- au titre d'indemnisation pour le dommage économique subi par sa participation obligatoire à la procédure pénale (art. 429 al. 1 let. b CPP), soit ses frais de déplacement et d'hébergement en vue de l'audition du 25 juillet 2023, ainsi que les intérêts et frais de gestion dus à la banque B______ en raison du séquestre sur son compte ayant empêché le remboursement du crédit en cours.

C. Dans la décision querellée, s'agissant des points pertinents pour le présent recours, le Ministère public a octroyé à A______ CHF 9'374.10 pour ses frais de défense, ce qui n'est plus remis en cause, ainsi que CHF 1'043.75 à titre d'indemnité pour ses frais de déplacement et d'hébergement lors de son audition à Genève, ce qui n'est pas non plus remis en cause. Par contre, le Ministère public a refusé d'octroyer une indemnité en lien avec le prêt susmentionné. L'autorité précédente a en particulier relevé que A______ n'avait pas produit ses échanges avec la banque et n'avait jamais manifesté son intention de rembourser le prêt au moyen de ses avoirs détenus par la banque B______ avant le prononcé du séquestre, mais qu'il avait eu l'intention d'utiliser des avoirs se trouvant sur un compte auprès de la banque C______. En outre, il n'avait jamais interpellé le Ministère public sur la question relative au remboursement du prêt ni sollicité de levée à cette fin ni démontré qu'il n'était pas en mesure de rembourser le prêt par le débit d'un autre compte bancaire. Il n'existait donc pas de lien de causalité entre le dommage subi et la procédure pénale.

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait grief au Ministère public d'avoir omis de constater qu'il était en mesure de rembourser le prêt, mais que le séquestre l'avait empêché de procéder au remboursement. En effet, il avait cherché à rembourser dès août 2022, y parvenant partiellement. Cela étant, l'investigation interne menée par la banque B______ avait empêché le remboursement. En janvier 2023, il avait manifesté à nouveau son intention de rembourser. Selon lui, en raison du séquestre, aucun transfert n'avait pu être exécuté. Les intérêts et frais de gestion perçus par la banque B______ entre janvier et juillet 2023 constituaient donc un dommage économique. Le fait qu'aucune requête de levée de séquestre n'ait été formée était sans influence.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant fait grief au Ministère public d'avoir refusé de lui allouer une indemnité pour le dommage économique qu'il avait subi en lien avec le prêt octroyé par sa banque, causé, selon lui, par l'existence du séquestre pénal.

3.1. Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. b CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale.

Cette disposition instaure une responsabilité causale de l'Etat, qui est tenu de réparer l'intégralité du dommage en rapport de causalité adéquate avec la procédure pénale (ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 et les références citées). Elle vise essentiellement des pertes de salaires et de gains liées à l'impossibilité de réaliser une activité lucrative en raison du temps consacré à la participation aux audiences ou d'une mise en détention avant jugement. Elle concerne également l'éventuelle atteinte à l'avenir économique consécutif à la procédure, de même que les autres frais liés à la procédure, comme les frais de déplacement ou de logement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_278/2021 du 2 novembre 2021 consid. 1.2.2; 6B_707/2020 du 28 octobre 2020 consid. 1.1; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.1 non publié aux ATF 142 IV 163 et les références citées). Sont aussi visés les dommages-intérêts consécutifs à une mesure de contrainte, tel qu'un séquestre (ACPR/898/2023 du 14 novembre 2023 consid. 3.4 ; arrêts du Tribunal pénal fédéral SK.2014.3 du 7 août 2014 consid. 10 et BB.2013.1_A du 24 juillet 2013 consid. 4 ; N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 4ème éd., Zurich 2023, n. 8 ad art. 429 CPP). L'évaluation du dommage économique se fait en application des règles générales en matière de responsabilité civile (art. 41 et suivant CO;
ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_928/2014 précité consid. 4.1.2 non publié aux ATF 142 IV 163). Le droit à des dommages-intérêts fondés sur l'art. 429 al. 1 let. b CPP suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquat entre le dommage subi et la procédure pénale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_707/2020 précité consid. 1.1; 6B_280/2019 du 19 mai 2020 consid. 2.2; 6B_928/2014 précité consid. 4.1.2 non publié aux ATF 142 IV 163).

En vertu de l'art. 429 al. 2 CPP, l'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu et peut l'enjoindre de les chiffrer et de les justifier. S'il lui incombe, le cas échéant, d'interpeller le prévenu, elle n'en est pas pour autant tenue d'instruire d'office l'ensemble des faits pertinents concernant les prétentions en indemnisation. C'est au contraire au prévenu (totalement ou partiellement) acquitté qu'il appartient de prouver le bien-fondé de ses prétentions, conformément à la règle générale du droit de la responsabilité civile selon laquelle la preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO; ATF 146 IV 332 consid. 1.3; 142 IV 237 consid. 1.3.1). Le prévenu doit ainsi prouver non seulement l'existence et l'étendue du dommage, mais également le lien de causalité entre celui-ci et l'événement à la base de son action (arrêts du Tribunal fédéral 6B_278/2021 précité consid. 1.2.3; 6B_707/2020 précité consid. 1.1; 6B_995/2019 du 25 octobre 2019 consid. 1.1.1).

3.2. Un fait est la cause naturelle d'un résultat dommageable s'il en constitue l'une des conditions sine qua non ; il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat. Le constat d'un lien de causalité naturelle relève du fait. Il y a causalité adéquate lorsque le comportement incriminé était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 143 III 242 consid. 3.7 et les références citées). Pour procéder à cette appréciation de la probabilité objective, le juge se met en règle générale à la place d'un "tiers neutre". La jurisprudence a précisé que, pour qu'une cause soit adéquate, il n'est pas nécessaire que le résultat se produise régulièrement ou fréquemment. Une telle conséquence doit demeurer dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (ATF 143 III 242 consid. 3.7; également arrêt du Tribunal fédéral 4A_337/2018 du 9 mai 2019 consid. 4.1.1). La causalité adéquate peut être interrompue par un événement extraordinaire ou exceptionnel auquel on ne pouvait s'attendre – force naturelle, fait du lésé ou d'un tiers –, et qui revêt une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus immédiate du dommage et relègue à l'arrière-plan les autres facteurs ayant contribué à le provoquer – y compris le fait imputable à la partie recherchée (ATF 143 III 242 consid. 3.7; arrêt du Tribunal fdééral 4A_342/2020 du 29 juin 2021 consid.7.1.2). À titre illustratif, le Tribunal fédéral a considéré que la résiliation anticipée par une banque du contrat relatif à la fourniture de services logistiques conclu avec la société dirigée par le prévenu n'était pas en lien de causalité adéquate avec la procédure pénale, dans la mesure où la décision de la banque de résilier le contrat avait été prise sur la base d'une appréciation en opportunité et n'avait pas été imposée par l'ouverture de l'enquête dirigée contre le prévenu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_280/2019 du 19 mai 2020 consid. 2.2). Dans une autre cause, il a été jugé que, dans la mesure où le dommage allégué résultait en premier lieu de l'évaluation d'une partie tierce sur son propre risque et des mesures qu'elle avait décidé de prendre pour y pallier, un rapport de causalité avec la procédure pénale faisait défaut (arrêt du Tribunal fédéral 6B_691/2021 du 5 avril 2022 consid. 3.3.2).

3.3. À teneur de l'art. 263 al. 1 CPP, des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre à des fins probatoires ou conservatoires.

Les règles prévues pour le séquestre des créances (art. 266 al. 4 CPP) s’appliquent au séquestre d’avoirs bancaires, soit à la créance dont dispose le titulaire du compte à l’égard de la banque dépositaire (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 21 ad art. 263 CPP). Selon la doctrine, les créances de la banque – donc les dettes de la personne visée par le séquestre – peuvent être remboursées par le débiteur en utilisant d’autres actifs que ceux séquestrés mais une telle démarche peut susciter la curiosité de l’autorité pénale. On peut d’ailleurs douter qu’un client dont les actifs sont séquestrés pénalement ait la volonté et/ou la capacité de rembourser une banque créancière avec les actifs qui peuvent lui rester. Ces divers éléments, susceptibles de créer des incertitudes, doivent conduire la banque à s’interroger sur l’éventuelle nécessité d’un provisionnement de ses créances (C. LOMBARDINI, Le séquestre pénal d’actifs bancaires: la position de la banque in SJ 2017 II p. 1 et suivantes, p. 13).

3.4. En l'espèce, le recourant était prévenu et est désormais au bénéfice d'une ordonnance de classement, de sorte que, par principe, il est légitimé à former une demande d'indemnisation pour son dommage économique causé par la procédure pénale.

Sa demande porte en l'occurrence sur l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé de rembourser un prêt octroyé par la Banque, ce, selon lui, en raison du séquestre pénal prononcé sur ses avoirs. Il requiert ainsi l'indemnisation des frais et intérêts occasionnés par le prêt maintenu pour une durée plus longue que ce qu'il souhaitait.

Comme le recourant l'expose, dès avant l'ouverture de la procédure pénale et même avant la dénonciation de la Banque au MROS, il avait, auprès d'un autre établissement bancaire, réuni les fonds nécessaires au remboursement du prêt. Seul un remboursement partiel avait été toutefois accepté par la Banque.

En effet, et toujours selon l'exposé le recourant, la Banque a d'abord accepté deux transferts en vue du remboursement du prêt, puis, dans le cadre d'une enquête interne initiée sua sponte, a bloqué, puis refusé la réception de tout montant supplémentaire, avant même que le Ministère public, et même le MROS, ne soit saisi du signalement de cette relation bancaire.

Sous cet angle déjà, même à suivre le recourant, le lien de causalité n'existe pas entre la procédure pénale et les frais et intérêts occasionnés par le retard dans le remboursement du prêt, car cette opération n'a pas pu intervenir pour des raisons étrangères à l'action pénale.

Mais il y a plus.

Après la saisine du MROS, puis du Ministère public, le prononcé du séquestre a visé, conformément à la loi, les avoirs du recourant, soit de manière générale les créances qu'il détient envers la Banque en vertu du contrat de mandat qui les lie. Par définition, un séquestre pénal ne porte pas sur les dettes dont le client est redevable envers sa banque : l'autorité pénale n'a aucun intérêt à saisir des passifs du prévenu. Au vu des buts assignés à l'institution du séquestre, la saisie d'une dette n'a ainsi guère de sens, pour peu qu'elle soit possible. En tout état, l'ordonnance de séquestre rendue par le Ministère public était limpide sur ce point. Il en découle que la relation de prêt nouée entre la Banque prêteuse et son client emprunteur n'était pas l'objet du séquestre.

Comme le souligne un auteur (Lombardini, loc. cit.), le client demeure, dans ce contexte, libre de rembourser ses dettes envers sa banque en utilisant d'autres actifs que ceux séquestrés. Bien que cette démarche apparaisse peu opportune selon ce même auteur, le recourant affirme que tel était son souhait : il possédait des fonds suffisants auprès d'une banque tierce qu'il avait proposé à la Banque, laquelle avait refusé de les recevoir.

Par conséquent, le refus opposé par la Banque de recevoir des fonds – non séquestrés – provenant d'un établissement tiers relève, non pas, de l'exécution – ni même de l'effet – d'une mesure de contrainte opérée par l'autorité pénale, mais de son analyse propre de ses risques. Sous cet angle encore, il n'existe pas de lien de causalité entre l'existence de la procédure pénale, voire le prononcé du séquestre, et le prétendu dommage subi.

Enfin, il sied de relever, à titre surperfétatoire, que la Banque a considéré à plusieurs reprises le prêt comme remboursé, avant de le renouveler immédiatement, même pendant que perdurait le séquestre, ce qui démontre, si besoin était, que la Banque ne le considérait pas comme sujet à un blocage pénal. Le recourant n'apporte aucune explication sur ce remboursement, son fondement et l'origine des fonds.

Par conséquent, les griefs du recourant seront rejetés.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ, Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/26167/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00