Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/4826/2023

ACPR/898/2023 du 14.11.2023 sur OCL/825/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);DOMMAGE;TORT MORAL;LIEN DE CAUSALITÉ
Normes : CPP.429

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4826/2023 ACPR/898/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 14 novembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], représenté par Me Yann ARNOLD, avocat, Benoît & Arnold Avocats, rue Du-Roveray 16, case postale, 1211 Genève 6,

recourant,

contre l'ordonnance de classement rendue le 8 juin 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 19 juin 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 juin précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public, après avoir classé la procédure à son égard (chiffre 1 du dispositif), lui a alloué une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (ch. 2) mais a rejeté ses prétentions en indemnisations basées sur l'art. 429 al. 1 let. b et c CPP (ch. 3).

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu'à ce qu'il soit définitivement fixé sur la possibilité de trouver ou non un établissement bancaire disposé à ouvrir une relation d'affaires avec lui et, partant, qu'il puisse chiffrer, justifier et motiver son dommage économique; principalement, à la mise à néant du ch. 3 de ladite ordonnance, au renvoi du dossier au Ministère public afin qu'il statue sur le montant de l'indemnisation fondée sur l'art. 429 al. 1 let. b et c CPP et à ce que soit réservé son dommage économique futur éventuel; et subsidiairement, à ce que l'État de Genève soit condamné à lui verser à titre de réparation du dommage économique les montants de CHF 28'470.- correspondant à la perte liée à l'absence de jeux, de CHF 1'208.40 pour la perte liée à l'absence de consommations, de CHF 17'374.35 pour le remboursement immédiat du prêt COVID-19, et de CHF 5'000.- à titre de préjudice moral.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.A______ est le patron du bar "[de type] B______", "[nommé] C______", sis no. ______ rue 1______, [code postal] Genève, depuis 2002, dans lequel, dès 2011, la [société] D______ a mis à disposition des clients des machines de jeux.

b. Le 8 mars 2023, le Ministère public a, sur la base d'une dénonciation du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (ci-après : MROS), ouvert une instruction contre A______, E______ et F______ pour blanchiment d'argent.

Il leur était reproché d'avoir réalisé, à Genève, à tout le moins, depuis 2020, des transactions bancaires les uns en faveur des autres, dont l'arrière-plan économique n'avait pas pu être déterminé par les différentes banques sises à Genève, notamment la G______, pour des montants de plusieurs centaines de milliers de francs suisse.

c. Le séquestre de toute relation dont A______ serait titulaire au sein de la G______ a été ordonné.

d.a. Le 9 mars 2023, A______ a expliqué au Ministère public que ladite mesure lui occasionnait un préjudice en compromettant la bonne marche de ses affaires. N'étant plus en mesure de payer les factures émises par la D______, cette dernière l'avait "bloqué". L'intéressé sollicitait un "n'empêche" du Ministère public pour régler les factures en souffrance.

d.b. Le lendemain, le Ministère public s'est exécuté et a précisé qu'il examinerait, au cas par cas, les éventuelles demandes de levées partielles de séquestre, les autorisant, le cas échéant, par l'apposition d'un "n'empêche".

e.a. Par courrier du 21 mars 2023, la D______ a informé le Ministère public avoir procédé au blocage du terminal mis à disposition dans l'établissement de A______. Dans la mesure où la levée de ce blocage entraînerait l'émission de factures hebdomadaires, elle tenait à s'assurer que celles-ci seraient honorées et sollicitait donc l'accord du Ministère public pour leur paiement.

e.b. Le 23 suivant, le Ministère public a, sur le courrier du 21 précédent, délivré un "n'empêche", avec la note manuscrite que "les paiements seront autorisés".

f.a. Le 28 mars 2023, A______ a exposé que la D______ avait décidé de maintenir le blocage des machines de jeux de son établissement, malgré les "n'empêche" délivrés, dans la mesure où elle ne disposait pas d'assurances suffisantes. Il sollicitait donc du Ministère public un "n'empêche" de principe et/ou permanent, quant au paiement des factures émises par la D______ et aux fins de déposer de l'argent sur ses comptes bancaires ouverts auprès de la G______.

f.b. Le lendemain, le Ministère public a apposé son "n'empêche" sur ce courrier, avec la mention manuscrite que "les deux types d'opérations susvisées sont autorisées, de principe".

g. Entendu lors de l'audience du 17 avril 2023, par-devant le Ministère public, A______ a exposé que, concrètement, dans son bar, le client payait en espèces le jeu et, à la fin de la journée, il était en mesure de différencier le produit des ventes de boissons ou autres et celui des jeux. Les recettes liées aux jeux étaient retirées en espèces de sa caisse et déposées sur son compte bancaire auprès de la G______. La D______ pouvait ensuite prélever ce qui lui revenait sur ledit compte, celle-ci ayant une autorisation "LSV". Tous les lundis matins, elle lui envoyait une facture hebdomadaire avec le montant qu'elle entendait prélever durant la semaine. Il percevait un pourcentage sur chaque mise effectuée et une commission sur chaque gain enregistré.

L'argent reçu de F______ et de E______ était destiné au jeu. Ces derniers l'appelaient, lui donnaient des instructions de jeux et lui faisaient un virement bancaire dans ce sens.

h. Le 18 avril 2023, le Ministère public a levé, avec effet immédiat, le séquestre sur les comptes bancaires de A______.

i. Par avis de prochaine clôture du 21 avril 2023, il a informé A______ de son intention de rendre une ordonnance de classement et l'a invité à présenter ses réquisitions de preuves et requérir une éventuelle indemnisation.

j. Par courrier du 12 mai 2023, A______ a conclu à l'octroi de la somme de CHF 8'816.50 pour ses frais de défense.

Il a aussi requis le paiement de deux indemnités à titre de réparation du préjudice économique subi, à savoir CHF 28'470.- correspondant à la perte liée à l'absence de jeux et CHF 1'208.40 liés à l'absence de vente de consommations aux joueurs. En raison du séquestre, il n'avait pas été en mesure de régler les factures ouvertes auprès de la D______, ce qui avait amené cette dernière à bloquer le terminal à disposition dans son établissement et, partant, toute activité de jeux. Il avait ainsi été empêché d'exercer son activité de "distributeur" durant 20 jours. Les montants réclamés se fondaient sur le chiffre d'affaires de son établissement, du premier trimestre 2023, tant s'agissant du manque à gagner relatif aux jeux qu'à la vente de consommations. Pour réduire ses frais, il avait restreint les horaires d'ouverture de son établissement, voire l'avait fermé alors qu'il était habituellement ouvert tous les jours de l'année.

En outre, après avoir eu connaissance de la transmission d'informations par le MROS au Ministère public et de l'ordre de séquestre, la G______ avait résilié ses relations bancaires en se fondant sur la procédure pénale en cours. En l'état, il n'était pas en mesure de chiffrer, ni justifier le dommage économique découlant de cette situation. De plus, la G______ avait résilié, avec effet immédiat, le crédit COVID-19 octroyé, en exigeant le paiement immédiat du montant de CHF 17'374.35.

Il sollicitait enfin CHF 5'000.- à titre d'indemnité pour tort moral, exposant avoir subi une atteinte réputationnelle en raison de la résiliation par la [banque] G______ de leur relation d'affaires.

À l'appui de ses prétentions, il a notamment produit des lettres du 4 mai 2023 de la G______ qui, se fondant sur l'art. 22 de ses conditions générales, résiliait totalement la relation d'affaires la liant à A______ avec effet au 2 juin 2023.

k. Le 19 mai 2023, A______ a informé le Ministère public que la banque H______ avait refusé l'ouverture d'une relation d'affaires avec lui. Il était persuadé de figurer sur une liste noire des institutions bancaire, en raison des accusations portées à son encontre. Si, d'ici au 2 juin 2023, il ne parvenait pas à ouvrir une nouvelle relation bancaire, cette situation serait susceptible de lui causer un préjudice considérable et potentiellement irréparable, dès lors qu'il ne serait plus en mesure de proposer les jeux de la D______ ni de poursuivre l'exploitation de son établissement.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a classé la procédure au motif que, faute d'avoir pu déterminer comme criminelle l'origine des fonds remis à A______, les soupçons de blanchiment d'argent n'étaient pas suffisants. Il se justifiait ainsi d'octroyer au prénommé l'indemnité réclamée pour ses frais de défense s'élevant à CHF 8'816.50.-.

S'agissant du préjudice économique relatif au blocage du terminal de jeux, le Procureur avait confirmé son accord de principe aux levées partielles de séquestre concernant cette activité professionnelle, et avait apposé son "n'empêche", à chaque fois qu'il avait été requis. Ainsi, en n'utilisant pas cette voie, pour procéder aux paiements des factures émises par la D______, A______ avait violé son obligation de minimiser son dommage.

Les baisses de consommations et de fréquentation du bar ne pouvaient être mises en relation avec le blocage de la D______ de sorte que le lien de causalité naturelle et adéquate entre la procédure pénale et ce poste du dommage allégué n'était pas établi.

Il en allait de même du solde du crédit COVID-19, le courrier de la G______ le réclamant ne faisant aucune mention de la procédure pénale, et le séquestre du compte bancaire ayant, à ce stade, déjà été levé.

Enfin, aucune indemnité n'était due à A______ pour la réparation du tort moral, dans la mesure où les conséquences décrites relevaient d'inconvénients inhérents à toute procédure pénale et n'étaient pas propres à engendrer des souffrances morales atteignant le seuil requis par la jurisprudence.

D. a. Dans son recours, A______ reprend les arguments développés dans ses courriers des 12 et 19 mai 2023. La [société] D______ avait bloqué son terminal de jeux en raison, et à la suite – 1 jour après –, du séquestre de ses comptes bancaires, dès lors que la mesure l'empêchait d'encaisser les factures émises par débit "LSV".

En outre, il ne pouvait lui être reproché d'avoir violé son obligation de réduire le dommage, dès lors qu'il avait entrepris ce qu'il pouvait en sollicitant du Ministère public qu'il appose les "n'empêche" nécessaires et en informant la D______ de la situation.

S'agissant de la perte liée aux consommations, le lien de causalité naturelle et adéquate était établi. Dès le moment où le terminal était inutilisable, ses clients joueurs avaient cessé de venir et donc de consommer.

La résiliation des relations d'affaires par la G______ était consécutive à la procédure pénale. En effet, depuis à tout le moins décembre 2011, il entretenait des relations commerciales et de confiance avec la G______ et "le dossier de la procédure" n'établissait aucun autre motif de résiliation. Il était en outre dans le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie qu'un établissement bancaire, "surtout à l'époque que viv[ai]ent les banques et le désir de montrer patte blanche", résiliait les relations avec un client soupçonné de blanchiment d'argent et ce même sans attendre l'issue de la procédure. À ce jour, il n'avait toujours pas trouvé un autre établissement bancaire disposé à entrer en relation d'affaires avec lui. Or, tout prévenu, dont les comptes bancaires faisaient l'objet d'un séquestre, ne voyait pas son institution bancaire résilier ses relations d'affaires. En outre, la décision de la G______ de résilier avec effet immédiat le crédit COVID-19 en exigeant immédiatement son paiement découlait également manifestement de la résiliation des relations d'affaires.

Enfin, concernant le tort moral, la procédure pénale avait entraîné des conséquences sur le plan professionnel, à savoir : l'empêchement d'exercer son activité professionnelle et de disposer de ses biens à sa convenance; la mise en œuvre de démarches multiples pour trouver, en urgence, un nouvel établissement bancaire; et son inscription sur une liste noire des organismes bancaires.

À l'appui de son recours, il produit différents documents, en particulier, un échange de courriels avec la banque I______, à teneur duquel, le 8 juin 2023, cette dernière l'a informé qu'elle n'était pas en mesure d'ouvrir une relation pour la société de A______ car il devait être client sociétaire de la banque à titre privé et détenir une hypothèque ou des "placements/de la prévoyance".

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours comme étant mal fondé et à la confirmation de son ordonnance.

L'indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 let. b CPP ne pouvait être octroyée que s'il existait un lien de causalité naturelle et adéquate entre la procédure pénale et le dommage allégué. Or, dans le cas présent, il faisait défaut pour l'ensemble des préjudices présentés, ceux-ci résultant des agissements d'autrui –D______ et G______ –.

c. Dans sa réplique, A______ relève qu'il était dans le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie que la D______, dès lors qu'elle fonctionnait au moyen de débits bancaires directs et qu'il était question de sommes d'argent importantes, devait s'assurer de l'efficience et de la ponctualité des paiements dus. Par voie de conséquence, il était tout aussi naturel que la remise en cause de ce moyen de paiement, comme évidemment le défaut de paiement, entraînait le blocage du terminal, soit l'interruption des relations commerciales. Ainsi, le blocage du terminal demeurait "au minimum dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles", de sorte que ce geste n'avait pas interrompu le lien de causalité adéquate entre la procédure pénale et le dommage subi.

S'agissant de la résiliation des relations bancaires par la G______, elle trouvait son origine et sa cause dans la procédure pénale et les accusations du Ministère public dirigées à son encontre et demeurait également "dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles".

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner le point d'une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Les faits et moyens de preuve nouveaux sont recevables devant l'instance de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2020 du 19 novembre 2022 consid. 2.1), de sorte que les pièces nouvelles produites par le recourant seront admises.

3.             Le recourant critique le refus du Ministère public de lui allouer diverses indemnités.

3.1.  L'art. 429 CPP fonde un droit à des dommages et intérêts et à une réparation du tort moral résultant d'une responsabilité causale de l'État. La responsabilité est encourue même si aucune faute n'est imputable aux autorités. L'État doit réparer la totalité du dommage qui présente un lien de causalité avec la procédure pénale, au sens du droit de la responsabilité civile (ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1).

Le lien de causalité s'apprécie selon les principes de la causalité naturelle et adéquate et selon le degré de la haute vraisemblance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 2, non publié in ATF 142 IV 163 et la référence citée). Un fait est la cause naturelle d'un résultat dommageable s'il en constitue l'une des conditions sine qua non; il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat. Il y a causalité adéquate lorsque le comportement incriminé était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1180/2019 du 17 février 2020 consid. 3.1).

Le rapport de causalité adéquate est interrompu lorsqu’en sus d’une cause en elle-même adéquate une autre cause survient, laquelle produit un tel effet que la première ne paraît plus, après examen, juridiquement pertinente. L’intensité des deux causes est déterminante (ATF 130 III 182, JdT 2005 I 3, SJ 2004 p. 449 c. 5.4). Le comportement d’un tiers n’est propre à rompre le lien de causalité adéquate que si la cause additionnelle s’écarte du cours normal des choses ou est absurde au point que l’on ne pouvait compter avec sa survenance (ATF 116 II 519, JdT 1991 I 634 c. 4b avec les réf. cit.). Pour savoir si un fait est la cause adéquate d'un préjudice, le juge procède à un pronostic rétrospectif objectif : se plaçant au terme de la chaîne des causes, il lui appartient de remonter du dommage dont la réparation est demandée au chef de responsabilité invoqué et de déterminer si, dans le cours normal des choses et selon l'expérience générale de la vie, une telle conséquence demeure dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (ATF 129 II 312 consid. 3.3).

Le Tribunal fédéral a jugé que lorsque l'employeur prononce le licenciement de l'employé sans attendre l'issue de la procédure pénale, le lien de causalité adéquate est rompu, de telle sorte que le refus de l'indemnité était justifié (ATF 142 IV 237 consid. 1.4).

3.2.  Selon l'art. 429 al. 1 let. b CPP, le prévenu au bénéfice d'une ordonnance de classement a le droit d'obtenir une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale.

Cette disposition vise essentiellement des pertes de salaires et de gains liées à l'impossibilité de réaliser une activité lucrative en raison du temps consacré à la participation aux audiences ou d'une mise en détention avant jugement. Elle concerne également l'éventuelle atteinte à l'avenir économique consécutif à la procédure, de même que les autres frais liés à la procédure, comme les frais de déplacement ou de logement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_814/2017 du 9 mars 2018 consid. 1.1.1; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.1 non publié aux ATF 142 IV 163 et les références citées).

3.3.  Selon l'art. 429 al. 1 let. c CPP, si le prévenu bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.

L'intensité de l'atteinte à la personnalité doit être analogue à celle requise dans le contexte de l'art. 49 CO (ATF 143 IV 339 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_740/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.2 ; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 5.1, non publié in ATF 142 IV 163). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous l'ancien droit, mais qui reste applicable, le droit à l'indemnisation est donné pour tout préjudice résultant de la détention ou d'autres actes d'instruction. L'atteinte et le dommage doivent, pour être indemnisés, être d'une certaine intensité (ATF 84 IV 44 consid. 2c).

Outre la détention, peut constituer une grave atteinte à la personnalité, par exemple, une arrestation ou une perquisition menée en public ou avec un fort retentissement médiatique, une durée très longue de la procédure ou une importante exposition dans les médias, ainsi que les conséquences familiales, professionnelles ou politiques d'une procédure pénale, de même que les assertions attentatoires aux droits de la personnalité qui pourraient être diffusées par les autorités pénales en cours d'enquête. En revanche, il n'y a pas lieu de prendre en compte les désagréments inhérents à toute poursuite pénale comme la charge psychique que celle-ci est censée entraîner normalement chez une personne mise en cause (ATF 143 IV 339 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_740/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.2 ; 6B_671/2016 du 17 mai 2017 consid. 2.1 ; 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 6.1 ; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 5.1 non publié in ATF 142 IV 163).

3.4. En l'espèce, le recourant soutient que les dommages allégués seraient survenus à la suite de l'ouverture de la procédure pénale à son encontre pour soupçon de blanchiment d'argent et du séquestre de ses comptes bancaires, de sorte qu'ils devraient être indemnisés sur la base de l'art. 429 al. 1 let. b CPP.

Ce raisonnement ne saurait être suivi.

L'existence d'un lien de causalité adéquate entre la procédure pénale et le dommage relatif à l'empêchement d'exploiter les jeux et à la perte de consommations liée à l'absence de joueurs y découlant a été interrompu. En effet, il n'est pas contesté que le blocage du terminal de jeux a été effectué par la D______. Or, de manière immédiate et systématique, le Ministère public a autorisé le paiement des factures émises et futures de la D______, tant vis-à-vis de cette dernière que du recourant.

Partant, le maintien du blocage du terminal de jeux par la D______, en dépit des assurances données – immédiatement après leurs sollicitations –, découle uniquement de la décision de celle-ci et ne peut en outre être considérée, selon le cours normal des choses et l'expérience générale de la vie, comme une conséquence prévisible, dès lors que le Ministère public a précisément écarté tous les doutes formulés, en garantissant le paiement des factures futures. Le recourant ne peut dès lors prétendre à l'indemnisation par les autorités pénales des dommages en découlant.

Conformément à la jurisprudence précitée, le lien de causalité adéquate fait également défaut entre la procédure pénale et la résiliation par la G______, d'une part, des relations d'affaires du recourant et, d'autre part, du crédit COVID-19. La banque n'a en effet pas attendu de connaître l'issue de la procédure pénale pour agir. En outre, dans son courrier de résiliation, l'institution bancaire ne fait aucunement mention de la procédure pénale ni même des accusations de blanchiment d'argent portées à l'encontre du recourant pour motiver sa décision. Ainsi, aucun élément ne permet de retenir que la résiliation est en lien avec la procédure pénale, de sorte que l'indemnisation des dommages allégués découlant de la décision de la G______ n'est pas justifiée.

En outre, l'éventuel préjudice économique futur allégué en raison de l'absence, depuis le séquestre, de lien avec un établissement bancaire est de nature hypothétique et nullement documenté. Les documents produits à cet égard attestent uniquement du refus d'une banque. La seconde a, quant à elle, décliné la demande du recourant au motif qu'il ne remplissait pas les conditions requises (sociétariat, hypothèque auprès de celle-ci ou prévoyance). On ne voit pas, en conséquence, que la procédure pénale pourrait entrer en relation de causalité adéquate avec une incapacité durable à trouver un établissement bancaire, encore moins, que ladite procédure aurait pu, de manière définitive, l'exclure de tout institut bancaire. Aucune indemnité ne peut dès lors lui être reconnue pour l'atteinte future alléguée.

Compte tenu de ce qui précède, les prétentions du recourant fondées sur l'art. 429 al. 1 let. b CPP seront donc rejetées.

3.5. Le recourant reproche au Ministère public de ne pas lui avoir accordé d'indemnité pour tort moral.

Toutefois, il n'apparaît pas que la procédure l'ait atteint au-delà de ce qui est inhérent à toute instruction pénale, en particulier, pour blanchiment d'argent. D'ailleurs, les désagréments allégués n'atteignent pas, selon la jurisprudence applicable, la gravité nécessaire à une atteinte à la personnalité donnant droit à une indemnisation.

En outre, le recourant ne démontre aucune atteinte réputationnelle, dans la mesure où l'on ignore pour quelle raison la G______ a résilié leurs relations d'affaires et qu'hormis sa conviction, rien ne permet de confirmer qu'il figurerait sur une prétendue liste noire des établissements bancaires. Selon les documents produits, les motivations de la banque I______ dépassaient le cadre de la procédure pénale.

Enfin, il est relevé que la procédure pénale a duré, en tout, quatre mois et le séquestre un peu plus d'un mois, de sorte que leur durée était très limitée dans le temps.

Partant, faute de gravité suffisante, les atteintes dont le recourant fait état ne peuvent ouvrir le droit à une réparation morale.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4826/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

Total

CHF

1'000.00