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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8646/2022

ACPR/538/2023 du 18.07.2023 sur JTDP/67/2023 ( TDP ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2023, 6B_1127/2023
Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.135; RAJ.16

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8646/2022 ACPR/538/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 18 juillet 2023

 

Entre

A______, avocat, Étude B______, ______, comparant en personne,

recourant,

contre le jugement rendu le 19 janvier 2023 par le Tribunal de police (décision d'indemnisation)

et

LE TRIBUNAL PÉNAL, rue des Chaudronniers 9, case postale 5715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 30 janvier 2023, Me A______ recourt contre le jugement du 19 janvier 2023, notifié le même jour, par lequel le Tribunal de police lui a alloué une indemnité de CHF 5'611.20 pour la défense de C______ dans la procédure de première instance.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation partielle du jugement précité et à ce que l'indemnité octroyée soit fixée à CHF 8'616.-.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Le 31 mars 2022, D______, résident du foyer E______, a déposé plainte contre quatre individus, qu'il avait identifiés comme également résidents dudit foyer.

Le même jour, les quatre individus, ivres, s'étaient approchés de lui et avaient provoqué une altercation en arabe, cherchant la confrontation physique. Il s'était enfui mais avait chuté lors de sa course. Alors qu'il se trouvait à terre, l'un des individus lui avait asséné un coup de pied sur ses côtes droites et un autre individu avait tenté de le frapper avec une bouteille en verre au visage. Il s'était relevé et était reparti en courant, alors que les deux autres individus avaient chacun jeté une bouteille en verre dans sa direction. Ses agresseurs s'étaient enfuis en le menaçant, après qu'il leur avait dit qu'il allait appeler la police.

a.b. Lors d'une audition du 10 avril 2022 devant la police, le plaignant a désigné C______ comme l'individu lui ayant asséné des coups de pied.

a.c. Entendu par la police le même jour, C______ a contesté avoir agressé D______. Il a admis ne pas disposer d'autorisation de séjour en Suisse et a précisé ne pas en avoir fait la demande.

b.a. Le 21 avril 2022, C______ a été interpellé pour vol à l'étalage d'importance mineure, violation de domicile et infractions à la LEI.

Selon le rapport d'arrestation du même jour, il avait commis un vol à l'étalage dans l'enseigne genevoise de F______ SA, portant sur un parfum d'une valeur de CHF 145.- emporté dans un sac en papier tapissé de papier d'aluminium (pour tromper les systèmes antivol). Dans ledit sac, deux vêtements provenant des magasins G______ et H______, munis de leurs étiquettes et de l'antivol, ont également été retrouvés. Par ailleurs, il ne disposait d'aucun document d'identité valable et séjournait illégalement en Suisse.

b.b. Entendu par la police le même jour, C______ a reconnu les faits.

c. Le 22 avril 2022, le Juge des mineurs a ouvert une instruction pénale contre C______, prétendument né le ______ 2005, pour agression (art. 134 CP), vol d'importance mineure (art. 139 CP cum 172ter CP) et infraction à l'art. 115 LEI.

d.a. Le 26 avril 2022, C______ a été interpellé par la police vaudoise pour le vol à l'étalage d'un parfum dans le magasin I______ de J______ [VD].

d.b. Par ordonnance de fixation de for du 5 mai 2022, le Tribunal des mineurs du canton de Vaud s'est dessaisi des faits précités en faveur du Tribunal des mineurs du canton de Genève, lequel les a joints à la présente procédure.

e.a. Le 11 juillet 2022, les autorités algériennes ont, sur demande de l'Office fédéral de la police, informé cette autorité que C______ était né le ______ 2001 à K______ (Algérie).

e.b. Par ordonnance de dessaisissement rendue le 11 août 2022, le Tribunal des mineurs a la présente procédure au Ministère public, retenant que C______ était majeur au moment de la commission des faits reprochés.

f.a. Le 19 août 2022, le Service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) a dénoncé C______ pour escroquerie (art. 146 CP) et obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale (art. 148a CP).

Le 24 mars 2022, l'intéressé avait sollicité d'être pris en charge par le SPMi, se présentant faussement comme mineur non accompagné. Il avait dès cette date bénéficié d'un hébergement et de frais de repas financés par ce service. Il avait ainsi indûment perçu des prestations d'aide sociale pour un montant total de CHF 11'878.60.

f.b. Le 23 septembre 2022, le Ministère public a ouvert, sous le numéro de cause P/17639/2022, une instruction contre C______ pour infraction à l'art. 148a CP.

f.c. Le 24 octobre 2022, C______ a été arrêté provisoirement.

f.d. Le 25 octobre 2022, le Ministère public a nommé Me A______ comme défenseur d'office de C______ dans la cause P/17639/2022 et a étendu l'instruction pour séjour illégal entre le 23 mai et le 24 octobre 2022.

f.e. Entendu le même jour par le Ministère public, C______, assisté de Me L______, avocate-stagiaire de Me A______, a admis avoir bénéficié de prestations indues du SPMi à hauteur de CHF 11'878.60, précisant avoir été obligé de mentir pour trouver de l'aide.

f.f. Le 26 octobre 2022, C______, assisté de Me L______, a été auditionné par le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC), qui a ordonné sa mise en détention provisoire, laquelle a ensuite été régulièrement prolongée puis transformée par le Tribunal pénal en mise en détention pour des motifs de sûretés.

g. Le 8 novembre 2022, le Ministère public du canton de Zurich s'est dessaisi en faveur du Ministère public genevois d'une instruction pénale dirigée contre C______, lequel s'était légitimé, le 18 septembre 2022 à l'égard du personnel des M______, puis le 24 octobre 2022 à l'égard de la police, avec une fausse carte d'identité belge, ainsi que pour infraction aux art. 5 al. 1 let. a et 115 al. 1 let. a et b LEI.

Les faits précités ont fait l'objet de la procédure P/22647/2022.

h. Le 9 novembre 2022, le Ministère public a joint les procédures P/17639/2022, P/22647/2022 et P/8646/2022 sous ce dernier numéro de procédure.

i. Le 11 novembre 2022, C______, assisté de Me L______, a été entendu par le Ministère public.

j.a. Le 17 novembre 2022, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait rendre une ordonnance de classement partiel portant sur les faits reprochés au préjudice de D______ et leur a imparti un délai pour présenter leurs éventuelles réquisitions et demandes d'indemnisation.

j.b. Le 23 novembre 2022, C______ a requis l'octroi d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP pour les faits objet du classement partiel.

k. Le 5 décembre 2022, C______, assisté de Me L______, a été entendu par le Ministère public, qui l'a informé que l'instruction portait également sur le fait de s'être approprié sans droit la carte N______ au nom de O______ et d'en avoir fait usage le 18 septembre 2022, ainsi que d'avoir voyagé ce même jour sans titre de transport valable.

l. Le 9 décembre 2022, le Ministère public a informé les parties qu'une ordonnance de classement partiel serait prochainement rendue concernant les faits reprochés au préjudice de D______ et l'infraction d'appropriation illégitime au préjudice de O______, le reste des faits allant faire l'objet d'un acte d'accusation.

m. Par ordonnance rendue le 19 décembre 2022, le Ministère public a classé les faits dénoncés par D______ à l'égard de C______.

n. Par acte d'accusation du 19 décembre 2022, C______ a été renvoyé en jugement devant le Tribunal de police.

o. Le 5 janvier 2023, C______ a requis au Tribunal de police l'audition de trois témoins, dans un courrier de deux pages, y compris en-tête et adresse.

p. Le même jour, Me A______ s'est déterminé sur la demande de changement de conseil d'office de C______ dans un courrier d'une page et demi, y compris en-tête et adresse.

q. Le 6 janvier 2023, Me A______ a remis une liste des opérations effectuées par son étude dès le 25 octobre 2022, faisant état de 9h40 d'activité de chef d'étude, de 3h45 d'activité de collaborateur et de 30h05 d'activité d'avocat-stagiaire, pour un montant total de CHF 6'256.84, TVA comprise, à quoi s'ajoutait un montant de CHF 440.- d'honoraires d'interprète.

Y figurent notamment les postes suivants :

-          "Conférence interne avec Me L______" les 27 octobre 2022 (20' d'activité de collaborateur), 28 octobre 2022 (5' d'activité de collaborateur), 11 novembre 2022 (5' d'activité de collaborateur) et 17 novembre 2022 (15' d'activité de collaborateur);

-          "Visite à la prison" les 28 octobre 2022 (90' d'activité d'avocat-stagiaire), 17 novembre 2022 (90' d'activité d'avocat-stagiaire), 25 novembre 2022 (1h30 d'activité d'avocat-stagiaire, ainsi que 30' de trajet) et 23 décembre 2022 (2h d'activité d'avocat-stagiaire, incluant le trajet);

-          Sous le libellé "Procédure", "préparation de l'audience TMC avec Me L______" le 26 octobre 2022 (15' d'activité de collaborateur), "ordonnance de mise en détention provisoire, prise de connaissance et gestion du délai" à deux reprises le 26 octobre 2022 (30' au total d'activité de chef d'étude), "préparation de l'audience du 9.11.22" le 7 novembre 2022 (45' d'activité de chef d'étude) et "préparation de l'audience du 11.11.22" le 9 novembre 2022 (45' d'activité d'avocat-stagiaire), "prise de connaissance et examen juridique (gestion du délai); communication aux intéressés" les 10 et 24 novembre 2022 (30' d'activité de chef d'étude au total), "examen du dossier" les 11 et 25 novembre 2022 (45' d'activité d'avocat-stagiaire au total), "organisation visite P______ [prison]" le 16 novembre 2022 (15' d'activité d'avocat-stagiaire), "courriel de l'étude à Greffe-prison, copie à Me A______ (avec annexe: courrier à la prison de P______" le 17 novembre 2022 (10' d'activité de chef d'étude), "courrier du MP + avis de prochaine clôture P/8646/2022, prise de connaissance et gestion du délai" à deux reprises le 18 novembre 2022 (30' d'activité au total de chef d'étude), "préparation de dossier" les 23 et 28 novembre 2022 (15' d'activité de collaborateur au total), "ordonnance de prolongation de la détention provisoire du 29.11.22, prise de connaissance et gestion du délai" à deux reprises le 1er décembre 2022 (30' d'activité de chef d'étude au total), "préparation de l'audience" le 2 décembre 2022 (15' d'activité d'avocat-stagiaire), "avis de prochaine clôture de l'instruction, prise de connaissance et gestion du délai" le 12 décembre 2022 (15' d'activité de chef d'étude), "préparation bordereau/chargé de pièces" le 12 décembre 2022 (30' d'activité d'avocat-stagiaire), "ordonnance de classement partiel (D______), prise de connaissance et gestion du délai" le 21 décembre 2022 (15' d'activité de chef d'étude), "ordonnance de classement partiel (O______), prise de connaissance et gestion du délai" le 21 décembre 2022 (15' d'activité de chef d'étude), "prise de connaissance et examen juridique (gestion du délai); communication aux intéressés" le 3 janvier 2023 (15' d'activité de chef d'étude).

r. Le 18 janvier 2023, Me A______ a transmis une liste complémentaire de ses opérations, totalisant 18' d'activité de chef d'étude, 18' d'activité de collaborateur et 19h42 d'activité d'avocat-stagiaire, pour un montant supplémentaire de CHF 2'448.10 TTC.

Y figurent les postes suivants :

- "préparation de l'entretien" à deux reprises le 13 janvier 2023 (3h au total d'activité d'avocat-stagiaire), "parloir avec le client à P______ [prison]" le 13 janvier 2023 (2h d'activité d'avocat-stagiaire, trajet compris), ainsi que quatre postes liés à la préparation de l'audience, y compris la préparation d'une plaidoirie et des recherches juridiques les 13, 16 et 17 janvier 2023 (11h d'activité d'avocat-stagiaire).

s. Par jugement rendu le 19 janvier 2023, le Tribunal de police a notamment déclaré C______ coupable d'infractions aux art. 148a al. 1 CP, 139 ch. 1 CP cum 172ter CP, 186 CP, 252 cum art. 255 CP, 115 al. 1 let. a et let. b LEI et 57 al. 3 LTV, l'a acquitté pour l'infraction à l'art. 252 cum 255 CP relative à la présentation [de la carte] N______ de O______ le 18 septembre 2022, l'a condamné à une peine privative de liberté de six mois, sous déduction de 92 jours de détention avant jugement, assortie d'un sursis de 3 ans et a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de 5 ans.

C. Dans son jugement querellé, le Tribunal de police a fixé l'indemnisation de Me A______ à CHF 5'611.20, correspondant à CHF 4'165.- d'indemnité, à CHF 416.- à titre de "forfait 10%", à CHF 220.- de déplacements, à CHF 369.70 de TVA et à CHF 440.- de débours. Il a arrêté le forfait "courriers/téléphones" à 10% au vu de l'importance de l'activité déployée. Il a, en outre, procédé aux réductions suivantes : 0h45 d'activité de collaborateur et 1h d'activité d'avocat-stagiaire pour les postes "conférences", aux motifs que les conférences internes entre le collaborateur et l'avocate-stagiaire n'étaient pas prises en charge par l'assistance judiciaire et que seule une visite en prison par mois et une visite avant ou après une audience devaient être indemnisées; 3h40 d'activité de chef d'étude, 0h30 d'activité de collaborateur et 0h45 d'activité d'avocat-stagiaire pour le poste "procédure", aux motifs que ni les préparations aux visites en prison ni les préparations de l'audience du 26 octobre 2022, du dossier et des bordereaux ne devaient être indemnisés par l'assistance judiciaire et que la prise de connaissance des diverses pièces de la procédure et des courriers – de même que le téléphone au Ministère public et la rédaction des courriers et courriels au Ministère public et à la prison – étaient compris dans le forfait "courriers/téléphones". Enfin, s'agissant de la liste complémentaire d'opérations, il a réduit 1h d'activité d'avocat-stagiaire pour la préparation de l'entretien du 13 janvier 2023, a réduit à 6h00 le temps de préparation de l'audience de jugement – considérant que le temps consacré était excessif – et a réduit à 1h30 la visite en prison du 13 janvier 2023, correspondant au forfait.

D. a. Dans son recours, Me A______ reproche au Tribunal de police d'avoir violé son droit d'être entendu, faute de motivation de la "réduction" du forfait à 10%, malgré la production d'un état de frais détaillé appelant une indemnisation effective du temps consacré. Par ailleurs, le Tribunal n'avait fourni aucune explication sur les réductions "drastiques" opérées. Il fait également grief au Tribunal d'avoir violé l'art. 135 al. 1 CPP cum art. 16 et 17 RAJ par l'application du forfait "courrier/téléphone" de 10% au lieu de la prise en compte du temps effectif et nécessaire consacré aux correspondances. Par ailleurs, se référant à un arrêt ACPR/873/2022, le recourant soutient que la gestion des actes et des délais de procédure devait être indemnisée en tant que telle. Les courriers adressés au Tribunal consistaient en une réquisition de preuve et une demande de changement de conseil d'office, de sorte qu'ils avaient trait à la procédure et non en de simples correspondances susceptibles d'être indemnisées par un forfait. En outre, la préparation des entretiens avec le client avait été nécessaire à une défense efficace et le temps consacré à la préparation de l'audience de jugement était justifié par la complexité de la cause, impliquant l'examen de trois procédures jointes, dont une en allemand, et la détention du prévenu.

b. Le Ministère public expose que la motivation du jugement querellé était suffisante, dès lors que celui-ci indiquait les diverses prestations refusées ou réduites, ainsi que les bases légales applicables. Par ailleurs, le recourant ne démontrait pas en quoi le forfait de 10% ne couvrait pas l'activité effective nécessaire à la défense du prévenu. Par ailleurs, l'activité déployée en vue de l'audience de jugement était excessive dans la mesure où la plupart des faits reprochés – de même que leur qualification juridique – étaient admis par le prévenu.

c. Le Tribunal de police considère que la décision d'indemnisation querellée est fondée. Le temps de préparation de 3h15 pour un seul entretien le 13 janvier 2023 était manifestement excessif. Les heures consacrées aux recherches juridiques par l'avocate-stagiaire faisaient partie de la formation de celle-ci et ne pouvaient être facturées à l'assistance juridique. En outre, les sept infractions reprochées au prévenu – dont seules deux étaient contestées – étaient dépourvues de complexité, de sorte que le temps de 11 heures consacré à préparer l'audience de jugement, qui a duré 2 heures verdict compris, était excessif. Enfin, le forfait de 10% avait été retenu en application de la jurisprudence, l'activité du recourant dépassant les 30 heures. À cet égard, certains courriers avaient été adressés plusieurs fois mais sous une forme différente; certains n'étaient pas nécessaires à une défense efficace, notamment les courriers et téléphones à la fiancée du prévenu; et le courrier du 5 janvier 2023 au Tribunal de police – pour lequel 150 minutes avaient été facturées – ne comportait que deux pages pour de simples réquisitions de preuves consistant en l'audition de trois témoins.

d. Dans sa réplique, Me A______ soutient que le forfait de 10% ne s'appliquait que s'il n'était pas démontré qu'il avait été dépassé par l'activité effective. Le temps consacré à la préparation de l'audience était proportionné aux enjeux pour le prévenu, qui risquait l'expulsion.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 20 al. 1 let. a, 135 al. 3 let. a et 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du défenseur d'office, qui a qualité pour recourir (art. 16 al. 1 RAJ, 135 al. 3 let. a et 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendu, en lien avec une motivation prétendument insuffisante des réductions opérées dans les listes d'opérations présentées.

2.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4; ATF 136 I 229 consid. 5.2; ATF 135 I 265 consid. 4.3). Il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 et les références = JdT 2017 IV p. 243 ; ATF 142 I 135 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_246/2017 du 28 décembre 2017 consid. 4.1 ; 6B_726/2017 du 20 octobre 2017 consid. 4.1.1). Le droit d'être entendu doit également être reconnu et respecté lorsqu'une autorité envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties en présence ne s'est prévalue et ne pouvait supputer la pertinence (ATF 128 V 272 consid. 5b/bb p. 278).

Lorsque le juge statue sur la base d'une liste de frais, il doit, s'il entend s'en écarter, au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (arrêts du Tribunal fédéral 6B_796/2016 du 15 mai 2017 consid. 1 et les références ; 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 4.3.1 ; 6B_833/2015 du 30 août 2015 consid. 2.3).

2.2. En l'espèce, il appartient au juge d'apprécier l'activité objectivement nécessaire au regard de la complexité factuelle et juridique de l'affaire, ce qu'a fait en l'espèce le Tribunal de police. La décision querellée indique les opérations dont il n'a pas tenu compte, ou seulement partiellement, et les motifs des réductions opérées, prenant soin de citer les références légales sur lesquelles se fondent les réductions. Indépendamment de son bien-fondé, une telle motivation est suffisante à l'aune des exigences jurisprudentielles exposées ci-avant.

À cet égard, le recourant perd de vue qu'il ne suffit pas de produire une liste détaillée de ses opérations pour les justifier, le juge étant libre de faire usage d'un forfait pour une catégorie d'opérations si un tel forfait permet, selon son appréciation, de couvrir l'activité objectivement nécessaire à une défense efficace.

Le grief sera par conséquent rejeté.

3.             3.1.1. L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif est édicté à l'art. 16 du Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ; E 2 05.04) et s'élève à CHF 110.- de l'heure pour un avocat-stagiaire (al. 1 let. a), CHF 150.- de l'heure pour un collaborateur (al. 1 let. b), et à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c).

Seules les heures nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (ATF 141 I 124 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3).

Le temps consacré à la procédure ne doit être pris en considération que dans la mesure où il apparaît raisonnablement nécessaire à l'accomplissement du mandat par un avocat expérimenté. On exige du défenseur d'office qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2020.48 du 15 décembre 2020 consid. 5.1.2).

3.1.2. Les démarches ne nécessitant pas ou peu de motivation ou autre investissement particulier en termes de travail juridique, tels que le temps et les frais liés aux courriers et aux téléphones, sont en principe incluses dans le forfait – fixé à 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures –; les écritures plus amplement motivées sont, quant à elles, indemnisées séparément dans les limites du principe de nécessité (ACPR 896/2021 du 20 décembre 2021 consid. 4.1; AARP/59/2020 du 30 janvier 2020, consid. 15.3 et les références citées). L'autorité peut s'éloigner du taux de 20% pour l'indemnisation forfaitaire dans la mesure où les frais et l'activité sont couverts par un montant inférieur, l'aspect déterminant étant leur couverture. C'est au plaideur de démontrer en quoi le forfait appliqué ne couvre pas ses frais et son activité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2).

3.1.3. Dans le cas des prévenus en détention provisoire, une visite par mois jusqu'au prononcé du jugement est admise, indépendamment des besoins de la procédure, pour tenir compte de la situation particulière de la personne détenue; le temps compté pour les visites dans les établissements du canton est de 1h30, déplacement inclus (ACPR/867/2020 du 2 décembre 2020, consid. 4.2).

3.2.1. Le recourant reproche au premier juge d'avoir appliqué un forfait de 10% pour indemniser le temps consacré aux correspondances et aux téléphones.

Les états de frais présentés par le recourant portent sur plus de 30 heures d'activité, de sorte que le forfait "courriers/téléphones" a été fixé à 10% par le premier juge en conformité à la jurisprudence, étant rappelé qu'en matière d'indemnisation de l'avocat d'office, l'autorité dispose d'une importante marge d'appréciation. À cet égard, la cause présentait une difficulté toute relative, dès lors que les faits étaient simples et circonscrits et, pour la plupart, admis par le prévenu. Par ailleurs, le temps consacré à la lecture des correspondances des autorités, dont l'intitulé dans les listes d'opérations comprend généralement l'ajout "gestion des actes et délais de procédure" – même lorsqu'il s'agit de simples convocations aux audiences – est excessif ; aucune des correspondances reçues ne posait de difficulté juridique quant aux différents délais de procédure – qu'il suffisait d'inscrire ou reporter à l'agenda – ni n'impliquait de réflexion approfondie, étant rappelé que selon la jurisprudence, le temps consacré ne doit être pris en considération que dans la mesure où il apparaît raisonnablement nécessaire à l'accomplissement du mandat par un avocat expérimenté. Ainsi, le cas d'espèce ne peut s'assimiler à celui cité par le recourant dans son acte, qui concernait l'inadmissibilité d'une réduction à 5 minutes d'une opération consacrée à l'examen d'une ordonnance mettant fin à la procédure pénale, car celle-ci nécessitait "une réflexion sur la suite à y donner" (cf. ACPR/873/2022). En outre, plusieurs correspondances sont comptées à double dans les états de frais du recourant. Enfin, les courriers adressés au Tribunal de police, qui consistent en une brève détermination sur la question du changement de conseil d'office et en une demande d'audition de témoins, ne revêtent aucune complexité, de sorte que le temps objectivement nécessaire à leur rédaction peut être indemnisé par le biais du forfait. Il en va de même des téléphones à la fiancée du prévenu, à supposer qu'ils entrent dans l'activité du défenseur d'office.

Par conséquent, au vu de la difficulté relative de l'affaire, l'appréciation du premier juge ne prête pas le flanc à la critique s'agissant de l'application du forfait de 10% pour les téléphones et courriers, qui paraît suffisant pour indemniser le temps consacré à ces postes au regard de la nécessité d'assurer au prévenu une défense efficace.

3.2.2. Le recourant fait encore grief au premier juge d'avoir réduit le temps consacré à la préparation de l'audience de jugement du 19 janvier 2023, ainsi que la préparation de l'entretien en prison du 13 janvier 2023 et la durée dudit entretien.

Dans ses états de frais, le recourant mentionne 3h15 d'activité (effectuée par l'avocate-stagiaire) au titre de la préparation de l'entretien du 13 janvier 2023 – réduit à 2h15 par le Tribunal de police – et de 1h d'activité (de l'avocate-stagiaire) pour la visite en prison ainsi qu'1h supplémentaire pour le trajet, réduits en tout à 1h30.

En l'occurrence, la préparation de l'entretien du 13 janvier 2023 n'impliquait pas un travail particulièrement important pour l'avocate-stagiaire, qui connaissait le dossier pour l'avoir suivi dès le début du mandat d'office. Par ailleurs, compte tenu de ce que le prévenu avait déjà admis la plupart des faits reprochés, la cause ne présentait aucune difficulté sur le plan des faits ou du droit. La réduction à 2h15 pour la préparation de l'entretien du 13 janvier 2023 était donc justifiée. S'agissant de l'entretien lui-même, le Tribunal de police a fait application de la jurisprudence de la Chambre de céans, qui tient compte d'une durée de 1h30 pour une visite en prison, y compris le trajet. Or, rien ne justifie de s'écarter en l'occurrence du forfait habituel appliqué aux visites à la prison de P______, d'autant moins que l'étude du recourant n'est en rien excentrée et présente même l'avantage de se situer sur la même rive que l'établissement pénitentiaire. De plus, le recourant, qui ne précise pas le moyen de transport utilisé pour se rendre à la prison, ne démontre pas en quoi le temps effectif consacré au trajet aurait été plus important que le forfait appliqué.

Reste à examiner si la réduction opérée par le Tribunal pour le temps consacré à la préparation de l'audience de jugement est justifiée. Dans son état de frais, le recourant fait valoir une durée de préparation de 11h. Au regard de la difficulté toute relative de l'affaire, tant s'agissant des faits que du droit, la réduction opérée par le Tribunal à 6h00 d'activité ne prête pas le flanc à la critique, étant rappelé qu'il n'appartient pas à l'assistance judiciaire d'indemniser le temps consacré par l'avocat-stagiaire à sa formation.

En définitive, l'indemnité de CHF 5'611.20 accordée par le Tribunal de police au recourant sera confirmée.

4.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- pour l'instance de recours (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Conformément à l'art. 442 al. 4 CPP, qui permet aux autorités pénales de compenser les créances portant sur les frais de procédure avec les indemnités accordées à la partie débitrice dans la même procédure, l'indemnité de CHF 5'611.20 allouée par le premier juge à Me A______ sera compensée, à due concurrence, avec l'émolument de CHF 1'000.- mis à charge du précité ensuite du rejet de son recours (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_648/2016 du 4 avril 2017 consid. 1).


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne Me A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'000.-.

Compense, à due concurrence, le montant de CHF 5'611.20 alloué par le Tribunal de police dans son jugement rendu le 19 janvier 2023 avec l'émolument de CHF 1'000.- mis à charge de Me A______.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal pénal et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/8646/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

 

Total

CHF

1'000.00