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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/4045/2022

AARP/23/2024 du 15.01.2024 sur JTDP/432/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : IN DUBIO PRO REO;SOUSTRACTION À LA PRISE DE SANG;DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LCR;ALCOOLÉMIE
Normes : LCR.91a.al1; LCR.92
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4045/2022 AARP/23/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 15 janvier 2024

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/432/2023 rendu le 4 avril 2023 par le Tribunal de police,

 

et

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, le Ministère public (ci-après : MP) appelle du jugement du 21 avril 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) a reconnu A______ coupable de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière [LCR]), ainsi que de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 1 LCR), mais l'a acquitté d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR) et l'a condamné à une amende de CHF 800.-, peine privative de liberté de substitution de huit jours, ainsi qu'aux 2/3 des frais de la procédure arrêtés à CHF 500.-, C______, son co-prévenu, ayant été condamné à verser le solde.

Le MP entreprend partiellement ce jugement, concluant à ce que A______ soit reconnu coupable d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire et condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis durant trois ans, à une amende de CHF 600.-, à titre de sanction immédiate, ainsi qu'aux frais de la procédure.

b.a. Selon l'ordonnance pénale du 14 avril 2022 du MP, il était reproché ce qui suit à A______ :

À Genève, le 21 octobre 2021 aux alentours de 20h54, au volant d'un véhicule automobile sur la rue 1______, en qualité d'élève-conducteur accompagné de C______, il a effectué une marche arrière sans précaution afin de sortir d'un parking privé et heurté, avec l'arrière de son véhicule, l'arrière d'un motocycle, correctement stationné, lequel est tombé sur son flanc droit et a provoqué la chute de trois autres motocycles, étant précisé que tous ont subi des dégâts matériels. Consécutivement à l'accident, A______ a quitté les lieux sans remplir ses devoirs en cas d'accident avec dégâts matériels, faits pour lesquels il a été condamné et qui ne sont plus contestés en appel.

b.b. Selon la même ordonnance pénale, il lui est encore reproché, dans le contexte décrit ci-dessus, de s'être dérobé aux mesures permettant de déterminer son incapacité de conduire, et ce alors qu'il ne pouvait ignorer, au vu des circonstances, que ces mesures auraient été diligentées au moment même où les autorités se seraient rendues sur place.

B. Les faits encore pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon le rapport de police du 24 janvier 2022, au cours d'une manœuvre effectuée en marche arrière sur un parking privé, le jeudi 21 octobre 2021 vers 21h00, A______ a heurté avec l'arrière de sa voiture un motocycle correctement stationné, ce qui a provoqué la chute de celui-ci, puis de trois autres motocycles, comme cela ressort des photographies annexées. Les quatre scooters ont été endommagés. Il faisait nuit mais la visibilité était normale, compte tenu de l'éclairage permanent présent, et la chaussée était sèche. A______ effectuait une course d'apprentissage, en qualité d'élève conducteur, avec son accompagnant C______.

b. D______ a été entendue en tant que témoin par le MP. Le soir en question, elle fumait sur un balcon face au lieu de l'accident. Une voiture, qui se trouvait sur un parking privé, avait effectué une marche arrière et fait tomber des scooters "en dominos". Elle avait tenté d'interpeller le passager qui était descendu de la voiture. Il s'était retourné et sans lui répondre, avait repris place très vite dans le véhicule, qui était reparti rapidement. Cinq minutes s'étaient écoulées entre l'accident et le départ de l'automobile, dont les occupants s'étaient arrêtés durant une ou deux minutes pour regarder ce qu'il s'était passé. Elle avait ensuite appelé la police et était descendue dans le parking.

c. C______ a indiqué qu'après environ deux heures de conduite, A______ et lui-même s'étaient rendus à la rue 1______. Il avait demandé à ce dernier de déplacer le véhicule, s'étant rendu compte que le parking sur lequel il s'était engagé était privé. En faisant marche arrière, son ami avait heurté deux scooters, qui étaient tombés. Ils étaient sortis du véhicule pour constater les dégâts. Ils n'avaient pas pu contacter la police dès lors que le téléphone portable de A______ n'avait plus de batterie et que le sien était en réparation. Ils n'avaient pas non plus trouvé de quoi écrire, de sorte qu'ils étaient restés sur place cinq à dix minutes. Ils n'avaient pas touché les motocycles pour ne pas "enlever de traces". Il savait que le poste de police de E______ était fermé ; il avait pensé s'y rendre plus tard dans la semaine. Entre-temps, son ami lui avait dit que la police était passée chez lui et qu'elle allait le contacter. Il ne fumait pas ni ne buvait d'alcool.

d. Entendu par la police, le MP et le premier juge, A______ a déclaré que le soir des faits, il effectuait une course d'apprentissage en compagnie de C______, un ami. Peu de temps avant l'accident, ils avaient mangé dans le quartier des Pâquis. En entamant sa marche arrière, il avait heurté un motocycle, compte tenu de la faible luminosité. Il s'agissait d'un "bon petit choc". Son ami et lui-même étaient alors descendus de la voiture et avaient constaté que deux scooters étaient tombés, sans toutefois être endommagés. Ils avaient essayé d'en relever un, trop lourd pour eux. Il n'avait pas trouvé de quoi écrire pour laisser ses coordonnées. Ils étaient restés sur place environ dix minutes. Personne n'étant venu, ils étaient ensuite allés chez un ami, lequel n'avait ni papier ni stylo. Il a ensuite indiqué qu'ils s'étaient rendus au poste de police de E______, lequel était fermé. A______ était revenu sur les lieux de l'accident 45 minutes plus tard et constaté qu'il n'y avait toujours personne. Sous le choc et le stress, il avait oublié de contacter la police, estimant que l'accident n'était pas "assez grave", ce qu'il regrettait. Il a précisé au premier juge, qu'à l'époque, il ignorait qu'il fallait rester sur place et appeler les forces de l'ordre, pensant qu'il s'agissait seulement d'une "histoire d'assurance". Dès lors qu'il ne consommait pas d'alcool, étant de confession musulman, il ne s'attendait pas à être soumis à un test à l'éthylomètre.

Le 26 octobre 2021, il avait obtenu son permis d'élève conducteur, qui lui avait été retiré durant trois mois. Au moment des faits, il avait déjà conduit durant 15 à 20 heures avec son père et deux ou trois fois avec C______. Il était navré pour les propriétaires des motocycles.

C. a. En appel, le MP persiste dans ses conclusions.

Les déclarations du témoin, selon lesquelles seul le passager était descendu du véhicule durant seulement une ou deux minutes, étaient crédibles, dès lors que s'ils étaient sortis tous deux, ils auraient eu la force de redresser les scooters. Le premier juge s'était référé à une jurisprudence obsolète pour acquitter le prévenu, alors que les conditions posées par l'ATF 142 IV 324 étaient strictes : un contrôle de l'alcoolémie était hautement vraisemblable, hormis lorsque les causes de l'accident n'étaient pas directement imputables au conducteur, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. La peine pécuniaire et l'amende auxquelles devait être condamné l'intimé correspondaient à un taux d'alcool de 2‰, faute d'avoir pu définir son intoxication alcoolique.

b. A______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, frais à la charge de l'État.

Il avait suivi ses cours de sensibilisation et passé son examen théorique plusieurs mois avant les faits reprochés. Les devoirs à respecter en cas d'accident grave, à savoir appeler la police, avaient été évoqués durant ces cours. Il n'avait pas du tout envisagé être soumis à un éthylomètre dans un tel cas de figure. Avant d'effectuer la marche arrière, il avait regardé dans son rétroviseur et aperçu les scooters, mais il était "allé trop loin dans [sa] manœuvre". Avec son ami, ils avaient attendu cinq à dix minutes sur place pour savoir si quelqu'un allait se manifester. Il n'avait pas pensé appeler la police sur le moment, mais avait envisagé de laisser un mot et essayé, en vain, de relever les motocycles. Ils n'avaient toutefois pas insisté, ne souhaitant pas "empirer la situation" si les scooters retombaient. Tout comme lui, la personne qui l'accompagnait était un musulman pratiquant qui ne consommait jamais d'alcool. Il aurait eu d'autant moins de raison d'en boire qu'il était en train d'apprendre à conduire.

Par la voix de son conseil, il relève qu'aucun indice d'ébriété ne pouvait amener à douter qu'il avait consommé de l'alcool. L'accident, une simple marche arrière effectuée par un conducteur non expérimenté, était survenu un soir de semaine vers 20h30. Le choc était léger et les dégâts sur les motocycles de peu d'importance. Un contrôle de l'alcoolémie n'était dès lors pas "hautement vraisemblable". Dans tous les cas, il n'avait pas conscience de son obligation d'avertir la police et ne pouvait pas s'attendre à un tel test, étant musulman pratiquant. Subsidiairement, en cas de verdict de culpabilité, il y aurait lieu de tenir compte de sa bonne conduite dans la fixation de la peine, étant précisé qu'une inscription au casier judiciaire serait problématique pour son avenir professionnel.

D. A______ est né le ______ 2002 en Somalie. Il est arrivé en Suisse en 2006, pays dont il a obtenu la nationalité au mois d'octobre 2021. Il est célibataire et sans enfant. Il travaille en tant qu'indépendant dans sa propre agence de marketing et réalise un revenu, variable de CHF 0.- à CHF 2'000.- par mois. Il vit chez ses parents, qui l'entretiennent.

Il n'a pas d'antécédent judiciaire.

E. Me B______, défenseur d'office de A______, constitué le 18 septembre 2023, dépose un état de frais, facturant, 7h30 d'activité de stagiaire, dont 2h00 pour l'analyse du dossier et des recherches juridiques, ainsi que 1h30 pour l'audience d'appel, laquelle a en réalité duré 1h00.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve.

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3).

2.1.2. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_623/2012 du 6 février 2013 consid. 2.1 ; 6B_642/2012 du 22 janvier 2013 consid. 1.1). Rien ne s'oppose à ce que le juge ne retienne qu'une partie des déclarations d'un témoin globalement crédible (ATF 120 Ia 31 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_637/2012 du 21 janvier 2013 consid. 5.4).

2.2.1. Aux termes de l'art. 91a al. 1 LCR, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque, en qualité de conducteur d'un véhicule automobile, s'oppose ou se dérobe intentionnellement à une prise de sang, à un contrôle au moyen de l'éthylomètre ou à un autre examen préliminaire réglementé par le Conseil fédéral, qui a été ordonné ou dont le conducteur devait supposer qu'il le serait, ou quiconque s'oppose ou se dérobe intentionnellement à un examen médical complémentaire ou fait en sorte que des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur but.

Cette disposition vise à empêcher que le conducteur qui se soumet régulièrement à une mesure tendant au constat de l'incapacité de conduire soit moins bien traité que celui qui l'entrave ou s'y soustrait (ATF 146 IV 88 consid. 1.4.1 ; 145 IV 50 consid. 3.1).

L'art. 91a al. 1 LCR distingue trois comportements punissables : la dérobade, la mise en échec d'une constatation, ainsi que l'opposition. La dérobade est liée à la violation des devoirs en cas d'accident. En effet, ce n'est qu'en cas d'accident, où des éclaircissements sur le déroulement des événements s'avèrent nécessaires, que l'on peut dire que le conducteur devait s'attendre avec une haute vraisemblance à ce


qu'une mesure visant à établir son alcoolémie soit ordonnée (ATF 126 IV 53 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_17/2012 du 30 avril 2012 consid. 3.2.1 ; 6B_168/2009 du 19 mai 2009 consid. 1.2). Ainsi, les éléments constitutifs de la dérobade sont au nombre de deux. Premièrement, l'auteur doit violer une obligation d'aviser la police en cas d'accident, alors que cette annonce est destinée à l'établissement des circonstances de l'accident et est concrètement possible. Deuxièmement, l'ordre de se soumettre à une mesure de constatation de l'état d'incapacité de conduire doit apparaître objectivement comme hautement vraisemblable au vu des circonstances (ATF 142 IV 324 consid. 1.1.1).

Subjectivement, il faut que le conducteur ait eu la conscience de la haute vraisemblance de la prise de sang et qu'il ait voulu entraver cette mesure (ATF 131 IV 36 consid. 2.2.4 ; 114 IV 148 consid. 3).

La soustraction à la constatation de l'incapacité est une infraction de résultat qui suppose, pour être consommée, qu'il soit impossible d'établir de manière probante l'état de la personne au moment déterminant par le moyen de l'une des mesures spécifiques prévues ; si l'auteur n'a pas atteint ce résultat, il ne peut y avoir que tentative (ATF 115 IV 51 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_118/2022 du 31 octobre 2022 consid. 2.1 ; 6B_158/2019 du 12 mars 2019 consid. 1.1.1).

2.2.2. Conformément à l'art. 55 al. 1 LCR, les conducteurs de véhicules, de même que les autres usagers de la route impliqués dans un accident, peuvent être soumis à un alcootest. Depuis l'entrée en vigueur de cette disposition le 1er janvier 2005, il est possible d'ordonner une telle investigation même en l'absence de tout soupçon préalable, alors que l'ancien art. 55 al. 2 LCR prévoyait "un examen approprié lorsque les indices permettent de conclure qu'ils sont pris de boisson". Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2008, l'art. 10 al. 1 de l'ordonnance sur le contrôle de la circulation routière (OCCR) permet à la police de procéder de manière systématique à des tests préliminaires pour déterminer s'il y a eu consommation d'alcool. En considération de cette évolution législative, il y a de manière générale lieu de s'attendre à un contrôle de l'alcoolémie à l'alcootest en cas d'accident, sous réserve que celui-ci soit indubitablement imputable à une cause totalement indépendante du conducteur (ATF 142 IV 324 consid. 1.1.2 et 1.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_730/2019 du 9 août 2019 consid. 2.1).

Ainsi, les circonstances de l'accident ne peuvent pas être considérées comme banales dans le cas notamment où le conducteur percute un sanglier sans qu'aucun élément particulier n'explique la collision. Dans une telle configuration, l'ordre de se soumettre à un contrôle de l'alcoolémie apparaît comme hautement vraisemblable (ATF 142 IV 324 consid. 1.3).

2.2.3. Selon l'art. 2a de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière (OCR), la conduite sous l’influence de l’alcool est notamment interdite aux conducteurs de véhicules lors de courses d’apprentissage et de courses d’exercice, ainsi qu'aux accompagnants lors de courses d’apprentissage (al. 1 let. f et g). Il y a influence de l’alcool si le conducteur présente une concentration d’alcool dans l’air expiré de 0,05 mg/l ou plus ou un taux d’alcool dans le sang de 0,10 pour mille ou plus (al. 2 let. a et b).

2.3. Le prévenu ne conteste plus, à juste titre, sa culpabilité, dûment établie par les éléments du dossier, en relation avec les infractions aux art. 90 al. 1 et 92 al. 1 LCR, lesquelles sont réprimées d'une amende.

2.4.1. Il n'est ainsi pas contesté que l'intimé a violé son obligation d'aviser la police en cas d'accident, en vertu de l'art. 51 al. 3 LCR, que cette annonce était destinée à l'établissement des circonstances de l'accident et qu'elle était concrètement possible.

Autre est la question de savoir si l'ordre de se soumettre à une mesure de constatation de l'état d'incapacité de conduire apparaissait objectivement comme hautement vraisemblable au vu des circonstances et si l'intimé en avait conscience.

Compte tenu des évolutions législatives et de la jurisprudence claire à ce propos (ATF 142 IV 324 consid. 1.1.3), de manière générale, il y a lieu de s'attendre à un contrôle de l'alcoolémie à l'alcootest en cas d'accident, de sorte que l'intimé, qui avait violé une règle de la circulation en provoquant une collision, faits pour lesquels il a été condamné (voir supra ch. 2.2), pouvait se douter, sur cette base déjà, que la police allait procéder à une telle vérification afin d'établir s'il était pris de boisson au moment des faits.

Les circonstances de l'accident faisaient également apparaître l'ordre de se soumettre à un tel contrôle comme hautement vraisemblable, ce qui ne pouvait échapper au prévenu.

Ce dernier a en effet heurté un motocycle sans qu'aucune cause manifestement indépendante de sa personne n'explique un tel choc : le parking était éclairé, la chaussée sèche et le motocycle percuté correctement stationné. Il a du reste admis avoir repéré la présence de scooters dans son rétroviseur.

Par ailleurs, l'accident, qui s'est produit aux alentours de 21h00, a impliqué deux jeunes gens qui avaient passé la soirée ensemble notamment en dînant au restaurant et qui, au vu de leur statut (élève-conducteur et accompagnant), devaient s'abstenir de boire de l'alcool.

Au vu de ces circonstances, il devait apparaître hautement vraisemblable à l'intimé que la police aurait pratiqué un éthylotest s'il était resté sur les lieux en respectant ses obligations, peu importe ses pratiques religieuses ou encore qu'il eut ou non effectivement consommé de l'alcool.

Sous l'angle subjectif, l'infraction est réalisée, à tout le moins par dol éventuel. L'intimé, qui avait récemment suivi les cours de sensibilisation et obtenu son permis théorique, ne pouvait ignorer le principe systématique de l'éthylotest, ce qu'il a d'ailleurs admis à demi-mot s'agissant des accidents qu'il a qualifiés de "graves".

De plus, compte tenu de ses déclarations contradictoires à ce propos, il sera retenu qu'il a quitté les lieux sans intention d'y revenir, ni de contacter la police, à tout le moins dans l'immédiat, étant rappelé qu'il s'apprêtait à passer l'examen pratique et qu'il était en cours de procédure de naturalisation.

Il a ainsi envisagé et accepté, en quittant les lieux, l'éventualité qu'un test ne puisse être pratiqué et son alcoolémie contrôlée.

Partant, l'appel sera admis sur ce point et l'intimé reconnu coupable d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR).

3. 3.1.1. Selon l'art. 47 du code pénal suisse (CP), le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1).

3.1.2. La peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (art. 34 al. 1 CP). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, il peut être réduit à CHF 10.-. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l'État ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Lorsque tant une peine pécuniaire qu'une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d'accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l'intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle. Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention. La faute de l'auteur n'est en revanche pas déterminante (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1).

3.1.3. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis - ou du sursis partiel -, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; 134 IV 1 consid. 4.2.2).

Selon l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus du sursis, une amende selon l'art. 106 CP. Celle-ci entre en ligne de compte en matière de délinquance de masse, lorsque le juge souhaite prononcer une peine privative de liberté ou pécuniaire avec sursis, mais qu'une sanction soit néanmoins perceptible pour le condamné, dans un but de prévention spéciale (ATF 134 IV 60 consid. 7.3.1). Pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20%, de la peine principale (ATF 135 IV 188 consid. 3.3 et 3.4.4).

3.1.4. Selon l'art. 106 CP, sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de CHF 10'000.- (al. 1). Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (al. 2).

3.2.1. En l'espèce, la faute de l'intimé n'est pas mineure. Il a agi avec désinvolture et dans le but de se soustraire à ses responsabilités, par pure convenance personnelle, ce qui dénote un certain mépris pour les dispositions légales en vigueur.

Sa collaboration doit être qualifiée de médiocre, de même que sa prise de conscience, dès lors que ses propos ont fluctué et qu'il a persisté à se retrancher derrière une prétendue incapacité à avertir les lésés ou la police.

Son absence d'antécédent est un facteur neutre dans la fixation de la peine.

Sa situation personnelle ne justifie en aucun cas ses actes.

Au vu de ce qui précède, le prévenu sera condamné à une peine pécuniaire de 25 jours-amende pour la dérobade, étant précisé que les 100 unités pénales requises par le MP, correspondant à un taux hypothétique d'alcool de 2‰, sont exagérées. Le montant du jour-amende sera arrêté à CHF 30.- pour tenir compte de sa situation financière.

Le prévenu sera mis au bénéfice du sursis, dont les conditions d'octroi sont réalisées. Le délai d'épreuve sera fixé à trois ans.

Vu la nature de la peine principale prononcée et l'octroi du sursis, il se justifie pour des motifs de prévention spéciale de condamner le prévenu à une amende à titre de sanction immédiate, dont le montant correspondra au cinquième de la peine principale, soit CHF 150.-. La peine privative de substitution sera fixée à un jour.

3.2.2. Au surplus, l'amende de CHF 800.- (peine privative de liberté de substitution de huit jours), réprimant les contraventions non contestées, sera confirmée (art. 106 CP).

4. Le MP obtenant partiellement gain de cause, l'intimé succombe dans la même mesure et supportera ainsi les deux tiers des frais de la procédure, comprenant un émolument de décision de CHF 1'500.-, le solde étant laissé à la charge de l'État (art. 428 CPP).

Vu l'issue de la procédure d'appel, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de la première instance.

5. 5.1.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire de CHF 110.- pour un stagiaire (let. a), débours de l'étude inclus. En cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd., Bâle 2022, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

5.1.2. Le travail consistant en des recherches juridiques, sauf questions particulièrement pointues, n'est pas indemnisé, l'État ne devant pas assumer la charge financière de la formation de l'avocat stagiaire, laquelle incombe à son maître de stage, ou la formation continue de l'avocat breveté (AARP/147/2016 du 17 mars 2016 consid. 7.3 ; AARP/302/2013 du 14 juin 2013).

5.1.3. Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3). La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice ou au et du bâtiment du Ministère public est arrêtée à CHF 55.- les stagiaires, dite rémunération étant allouée d'office par la juridiction d'appel pour les débats devant elle.

5.2. En l'occurrence, il convient de retrancher de l'état de frais de Me B______, défenseur d'office de A______, l'activité consacrée aux recherches juridiques, non indemnisée. La durée de l'audience sera également ramenée à 1h00.

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 908.-, correspondant à 6h00 d'activité au tarif de CHF 110.-/heure (CHF 660.-), plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 132.-), l'équivalent de la TVA aux taux de 7.7% (CHF 61.-) et une vacation de CHF 55.-.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/432/2023 rendu le 4 avril 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/4045/2022.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR), de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 1 LCR).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 25 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ de ce que, s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende immédiate de CHF 150.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'un jour (art. 42 al. 4 CP cum art. 106 al. 2 CP)

Condamne A______ a une amende contraventionnelle de CHF 800.- (art. 106 al. 1 CP)

Prononce une peine privative de liberté de substitution de huit jours (art. 106 al. 2 CP)

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______, à raison de 2/3 des frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'205.-, arrêtés à CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'755.-, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.-.

Met 2/3 de ces frais, soit CHF 1'170.-, à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État (art. 428 CPP).

Arrête à CHF 908.-, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Service cantonal des véhicules et au Tribunal de police.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1205.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

120.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'755.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'960.00