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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7525/2020

AARP/139/2023 du 25.04.2023 sur JTCO/100/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : REPENTIR SINCÈRE;CONCOURS RÉEL;RÈGLEMENT (CE) 1987/2006
Normes : CP.48.letD; CP.49.al2; CP.66a.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7525/2020 AARP/139/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 11 avril 2023

 

Entre

A______, actuellement en exécution anticipée de peine à l'Établissement fermé de B______, comparant par Me C______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTCO/100/2022 rendu le 24 août 2022 par le Tribunal correctionnel,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTCO/100/2022 rendu le 24 août 2022, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) l'a reconnu coupable de brigandage aggravé (art. 140 ch. 1 et 3 du Code pénal suisse [CP]), de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP) et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 ch. 1 CP), et l'a condamné à une peine privative de liberté de cinq ans et 10 mois, sous déduction de 650 jours de détention avant jugement, peine complémentaire à celle prononcée le 29 septembre 2020 par le Bezirksgericht R______ [TG]. Le TCO a ordonné l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de cinq ans ainsi que le signalement de cette expulsion dans le système d'information Schengen (SIS). Il l'a condamné aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, s'élevant à CHF 4'730.-, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.-, ainsi qu'à payer à D______ CHF 13'179.70, avec intérêts à 5% dès le 26 octobre 2019, eu égard à son préjudice civil, et CHF 5'587.50 à titre d'indemnité pour ses frais d'avocat.

b. Par déclaration d'appel du 18 octobre 2022, limitée dans sa portée le 22 décembre 2022, A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à la réduction de sa peine complémentaire à une peine privative de liberté de 22 mois au maximum, respectivement à une durée n'excédant dans tous les cas pas la durée de sa détention avant jugement, et à ce qu'il soit renoncé à l'inscription de son expulsion pénale dans le SIS.

Il conclut de surcroît à la condamnation de l'État de Genève au paiement en sa faveur d'une indemnité de CHF 14'600.- en réparation de son tort moral, avec intérêts moratoires de 5% dès le 13 septembre 2022, et requiert que celle-ci soit compensée avec les prétentions civiles dues à D______, en faveur de ce dernier, subsidiairement avec les frais de justice, le solde éventuel devant être versé au centre d'aide aux victimes.

B. Les faits suivants, encore pertinents au stade de l'appel, ressortent de la procédure :

a. A______ est né le ______ 1995 à E______ en Albanie, pays dont il est originaire. Il l'a quitté à l'été 2019 afin de chercher un travail mieux rémunéré. En tant que serveur, il ne gagnait alors que CHF 130.- à CHF 140.- mensuellement, ce qui ne lui permettait pas de subvenir aux besoins de sa mère et de sa sœur, dont il avait la charge en tant que fils aîné depuis la mort de son père, ainsi qu'aux siens propres. Il est alors arrivé sans plan précis à F______, en France, en espérant pouvoir trouver du travail.

b. Après avoir dormi dans la rue, A______ a logé successivement dans deux appartements à F______ qu'il a partagé avec d'autres personnes, notamment G______, dit aussi "G______ [alias]", et H______.

c.a. En octobre 2019, A______ a commis un total de huit brigandages en bande à Genève, les 11 (cas I______), 12 (cas J______), 14 (cas K______/
L______/M______), 19 (cas N______/O______/P______ et Q______) et 26 octobre 2019 (cas D______), ainsi qu'à deux dates indéterminées au cours de la même période. Le mode opératoire était à chaque reprise relativement similaire. L'intéressé et ses comparses ciblaient de jeunes adultes, isolés ou en petits groupes, déambulant en soirée ou durant la nuit sur la voie publique. Après les avoir abordés sous un prétexte quelconque ou les avoir surpris, A______ et/ou ses acolytes menaçaient la/les victime(s) verbalement ainsi qu'avec un couteau de poche afin de lui/leur dérober de l'argent ou des autres biens d'une certaine valeur en leur possession (téléphones et ordinateurs par exemple). Ils utilisaient la peur de leur(s) victime(s) pour arriver à leurs fins. Ainsi, ils ont à plusieurs reprises placé la face non aiguisée de la lame de leur couteau sur le cou de leur cible, et tenus des propos tels que "on le saigne et on le met au Rhône" ou "va-y bute-le, non, va-y, ne le bute pas". Une fois en possession de leur butin, ils repartaient ensemble en France pour se le partager.

c.b. Le 26 octobre 2019, A______ a frappé D______ en se fracturant au passage la main, bien que ce dernier n'eût pas résisté à la décision de ses agresseurs de lui dérober certains de ses biens. La victime a souffert de lésions au visage et de la perte d'un morceau de dent. L'agression a entraîné son incapacité de travail pendant une semaine.

d. A______ a quitté F______ au cours du mois de novembre 2019. Il s'est rendu en Suisse alémanique dans l'intention d'y déposer une requête d'asile.

e.a. Le 31 janvier 2020 vers 22h40 à R______ (Thurgovie), A______, sous l'emprise de la boisson, a menacé S______ avec une arme à feu factice. Après l'intervention des forces de l'ordre, il a pris la fuite. Rattrapé, il a refusé d'obtempérer aux instructions de celles-ci et a menacé le policier qui le poursuivait avec son arme factice, pressant sur la détente. L'agent a alors fait feu, mais a manqué A______ qui a, à nouveau, fui avant d'être rapidement arrêté.

e.b. En date du 29 septembre 2020, A______ a été condamné par le Bezirksgericht Kreuzlingen, en lien notamment avec ces faits, à une peine privative de liberté de 22 mois avec sursis pour menace contre un fonctionnaire (art. 285 ch. 1 CP), menaces (art. 180 ch. 1 CP), entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 [LEI]) et violation de l'art. 33 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (LArm), sous déduction des jours de détention déjà effectués, ainsi qu'à une expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans.

f.a. Après avoir été mis en cause par son ADN dans le cas D______ et son ADN ainsi que ses empreintes dans le cas I______, A______ a été acheminé dans les locaux de la police genevoise et arrêté le 13 novembre 2020.

f.b. Lors de son audition à la police le même jour, A______ a reconnu sa participation aux agressions susmentionnées. Il a en outre admis avoir été l'une des personnes ayant frappé D______. Il a aussi spontanément déclaré avoir participé à d'autres brigandages, et notamment aux cas K______/L______/M______ et Q______, ainsi qu'à deux autres brigandages dont les victimes n'avaient pas été identifiées, en fournissant aux autorités de poursuite des détails alors inconnus de celles-ci. Il a également révélé la participation de G______ et H______ à plusieurs de ces brigandages, les a identifiés sur des photos issues de caméras de surveillance, ainsi que sur une planche photographique et a communiqué leurs adresses de résidence à F______. Dans son rapport au Ministère public (MP), la police a relevé la très bonne coopération à l'enquête de A______.

g. Lors de son audition subséquente au MP en date du 14 novembre 2020, A______ a indiqué avoir l'intention de pleinement collaborer. Sa détention en Thurgovie l'avait fait réfléchir et prendre conscience du mal fait à ses victimes. Il regrettait beaucoup ses actes et estimait qu'il méritait d'être condamné à ce titre.

h. Confronté à plusieurs de ses victimes le 17 mai 2021, A______ a renouvelé ses regrets et excuses, reconnaissant notamment être l'auteur des agressions de T______ le 12 octobre 2019, et de U______ et V______/P______ le 19 octobre 2019.

i. Par courrier du 10 juin 2021, rédigé avec l'aide d'un ami en prison, A______ s'est adressé au MP et a réitéré avoir pris conscience de ses erreurs ; il souhaitait encore une fois s'excuser auprès des personnes auxquelles il avait porté préjudice.

j. À sa requête, A______ a été mis au bénéfice du régime de l'exécution anticipée de peine depuis le 30 juin 2021.

k. Le 3 février 2022, une audience s'est tenue au MP dans le cadre de la procédure pénale séparée ouverte à l'encontre de H______ et de G______. Ce dernier a été entendu en présence de plusieurs victimes et de A______. Il a admis connaître ce dernier et avoir vécu avec lui pendant une certaine période. Il n'était pas toutefois impliqué dans les brigandages commis au cours du mois d'octobre 2019 à Genève et ignorait comment certains objets provenant de ces infractions étaient arrivés en sa possession. A______ a alors réitéré en détails ses déclarations relatives à la participation de G______ à divers brigandages.

l. A______ a rédigé le 4 février 2022 un second courrier d'excuses destiné spécifiquement à T______. Dans cette missive, il affirme regretter sincèrement de l'avoir agressée et effrayée, même s'il savait qu'il était impossible de revenir en arrière. Il a de plus déclaré : "Encore aujourd'hui je ne sais pas ce qui m'a pris, je crois avoir été entrainé, malgré moi. Je sais que ce n'est pas du tout une excuse, mais mes regrets sont sincères. Je pense à ma sœur et me dit que je ne sais pas ce que j'aurais fait, ressenti, si elle avait été agressée de la sorte. Je sais que j'ai fait quelque chose de mal. Je ne suis pas cette personne, je m'en veux, il ne passe pas un jour, une nuit, sans que je pense à tout cela et que les regrets m'assaillent. C'est trop tard mais cela m'aura servi de leçon. Aujourd'hui j'espère que vous avez pu surmonter malgré tout ces événements et retrouvé le moral. J'espère juste qu'avec le temps, vous pourrez oublier et reprendre votre vie sans peur. Je l'espère du fond de mon cœur.".

m. Entendu par le TCO, le 23 août 2022, A______ à une nouvelle fois détaillé ses aveux. W______, intervenante socio-judiciaire auprès du Service de probation et d'insertion (SPI), a déclaré aux premiers juges que A______ était sincère dans ses regrets et se mettait à la place des victimes. C'était la première fois qu'elle venait témoigner en faveur d'un détenu depuis qu'avait débuté son service à B______ en 2017.

n.a. Sur son pécule de CHF 1'426.15 accumulé en prison en Thurgovie, A______ a fait parvenir CHF 500.- à sa famille qui traversait des moments difficiles et utilisé le reste pour aider un codétenu qui lui avait rendu service au début de son séjour en prison, ainsi que pour quelques achats d'épicerie.

n.b. Sur le montant de CHF 300.- à CHF 400.- que A______ perçoit à la prison grâce à son travail, il verse mensuellement CHF 35.- à D______ depuis le mois de juin 2022, afin de s'acquitter notamment d'une indemnité pour tort moral de CHF 10'000.-, ainsi qu'un montant mensuel séparé de CHF 20.- en faveur de ses victimes en général.

C. a. Aux débats d'appel, A______ a notamment affirmé qu'avant la commissions des brigandages objets de la procédure, il n'était pas la personne qui transparaissait des actes qui lui étaient reprochés. Il avait été éduqué et scolarisé, et ignorait comment il avait fini par commettre les actes reprochés. Il les regrettait beaucoup mais avait de la peine à trouver ses mots. Il aurait dû partir plus rapidement du logement où il vivait à F______, bien qu'il ait trouvé en ce lieu un toit et de la nourriture. Il ne voulait plus se retrouver en prison, car cela ne correspondait pas à l'homme qu'il était, ni à son monde.

b.a. Par le biais de son défenseur, A______ plaide que c'est à tort que le TCO n'a pas retenu la circonstance atténuante du repentir sincère. En effet, la plupart des brigandages pour lesquels il avait été condamné avaient été résolus car il s'était dénoncé. En outre, sa collaboration avait été décisive dans l'identification du solde des membres de la bande. Enfin, il avait à de nombreuses reprises exprimé des regrets sincères pour ses actes et entrepris de réparer le tort causé, étant relevé que les prélèvements sur son pécule constituaient un sacrifice notable au vu du faible montant perçu. Par ailleurs, dans la mesure où il disposait de parents dans différents États faisant partie de l'espace Schengen, notamment en Italie, en Grèce et aux Pays-Bas, une inscription de son expulsion dans le SIS nuirait excessivement à son droit à la vie familiale.

b.b. Le MP a conclu au rejet de l'appel. S'il fallait reconnaître la très bonne collaboration de A______ à la procédure, il n'était pas possible de retenir un repentir sincère dès lors que le précité continuait à projeter une partie de la faute sur ses acolytes et à prétendre, sans preuve, qu'il avait agi sous la pression de G______. Par ailleurs, l'inscription dans le SIS était impérative au vu de la peine-cadre de l'infraction de brigandage en bande.

D. A______ est célibataire et n'a pas d'enfant. Son père est décédé alors qu'il était âgé de 18 ans et demi. Sa mère vit en Albanie avec sa sœur cadette et travaille comme femme de ménage. Il a entrepris une formation de mécanicien automobile, mais n'a jamais travaillé comme tel. À sa sortie de prison, il a l'intention de rentrer en Albanie et de travailler si possible comme mécanicien.

Son casier judiciaire suisse contient uniquement sa condamnation en Thurgovie du 29 septembre 2020.

E. MC______, défenseur d'office de A______, a déposé un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 13 heures et 45 minutes d'activité de chef d'étude hors débats d'appel, lesquels ont duré deux heures et 20 minutes. Il a en outre demandé la prise en charge d'un montant de CHF 384.- correspondant aux frais d'interprète albanais/français lors de ses entretiens avec A______ à la prison dans le cadre de la procédure d'appel.

En première instance, MC______ a été indemnisé à hauteur de CHF 20'776.05, correspondant à 77 heures et 10 minutes d'activité.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. Le principe de la libre appréciation des preuves implique qu'il revient au juge de décider ce qui doit être retenu comme résultat de l'administration des preuves en se fondant sur l'aptitude des éléments de preuve à prouver un fait au vu de principes scientifiques, du rapprochement des divers éléments de preuve ou indices disponibles à la procédure, et sa propre expérience (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2).

3. L'appelant conteste la quotité de la sanction qui lui a été infligée et reproche en particulier au TCO d'avoir violé l'art. 48 let. d CP en ne retenant pas la circonstance atténuante du repentir sincère.

3.1. Selon l'art. 48 let. d CP, le juge atténue la peine si l'auteur a manifesté par des actes un repentir sincère, notamment s'il a réparé le dommage autant qu'on pouvait l'attendre de lui.

La circonstance atténuante du repentir sincère n'est réalisée que si l'auteur a adopté un comportement particulier, désintéressé et méritoire ; l'auteur doit avoir agi de son propre mouvement dans un esprit de repentir, dont il doit avoir fait la preuve en tentant, au prix de sacrifices, de réparer le tort qu'il a causé ; le seul fait qu'un délinquant soit passé aux aveux ou ait manifesté des remords ne suffit pas car celui qui ne consent à faire un effort particulier que sous la menace de la sanction à venir ne manifeste pas un repentir sincère, il s'inspire de considérations tactiques et ne mérite donc pas d'indulgence particulière (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1038/2020 du 15 février 2021 consid. 1.2.1 ; 6B_443/2020 du 11 juin 2020 consid. 1.2.2 ; 6B_1054/2019 du 27 janvier 2020 consid. 1.1 ; 6B_554/2019 du 26 juin 2019 consid. 4.1). En revanche, des aveux impliquant le condamné lui-même et sans lesquels d'autres auteurs n'auraient pu être confondus, exprimés spontanément et maintenus malgré des pressions importantes exercées contre l'intéressé et sa famille, peuvent manifester un repentir sincère (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1054/2019 du 27 janvier 2020 consid. 1.1 ; 6B_554/2019 du 26 juin 2019 consid. 4.1 ; voir également : ATF 121 IV 202 consid. 2d/cc).

Les circonstances atténuantes listées à l'art. 48 CP entraînent une réduction impérative de la peine du condamné (arrêts du Tribunal fédéral 6B_719/2009 du 3 décembre 2009 consid. 3.1 ; 6B_963/2008 du 26 mars 2009 consid. 2.1 ; S. TRECHSEL/M. SEELMANN, Dike Praxiskomentar StGB, 4ème éd. 2021, n. 3 ad art. 48).

3.2. En l'occurrence, le TCO a considéré que la collaboration de l'appelant à la procédure avait été très bonne. Celui-ci avait d'emblée admis les faits, mis en cause ses comparses et aidé à leur identification. Il s'était en outre auto-incriminé pour deux infractions alors qu'il n'existait alors aucun élément au dossier permettant de conclure qu'il en était l'auteur. Par ailleurs, ses regrets semblaient sincères. Cependant, sa prise de conscience n'était pas encore suffisamment aboutie comme le démontraient sa condamnation en Thurgovie pour des faits de violence, sa persistance à minimiser ses actes et les faibles montants versés à ses victimes. Les conditions d'un repentir sincère n'étaient donc pas remplies.

Ladite appréciation du complexe de faits ne convainc pas.

D'une part, il faut souligner que la coopération de l'appelant a été totale et immédiate. Dès sa première audition le 13 novembre 2020, et avant même d'être confronté aux éléments à charge, il a déclaré avoir commis au moins cinq brigandages, donnés des détails sur leur déroulement, ainsi que sur l'identité de ses complices et leurs lieux de résidence. Les policiers en charge de l'enquête ont d'ailleurs relevé sa très bonne collaboration, laquelle été constante tout au long de la procédure. Confronté à G______, il n'a pas hésité à maintenir intégralement sa version, corroborée par d'autres éléments de preuve comme les images des caméras de surveillance. Ensuite, il faut relever que les dépositions de l'appelant ont été essentielles à la résolution de six infractions de brigandages en bande, et non de deux seulement, ainsi qu'à l'identification de plusieurs autres auteurs potentiels. Comme l'a souligné son défenseur, il est vraisemblable qu'au moins une partie des six brigandages commis par l'appelant n'aurait pu lui être imputée s'il n'avait pas collaboré à l'enquête.

D'autre part, l'état d'esprit pénitent de l'appelant a été constant depuis son arrestation. Lors de sa première audition par le MP le 14 novembre 2020, il a expliqué que sa détention en Thurgovie l'avait fait prendre conscience du mal qu'il avait fait à ses victimes, qu'il regrettait profondément ses actes et qu'il méritait d'être condamné. Il a ensuite répété ses excuses en présence desdites victimes. Il a en particulier écrit spontanément et dans des termes authentiques à T______ le lendemain de l'audition de confrontation avec G______, à laquelle celle-ci a également participé, afin de reconnaître une nouvelle fois ses torts et de tenter de réduire le préjudice moral qu'il lui avait infligé. La sincérité du repentir de l'appelant a également été défendue par W______, qui a souligné que c'était la première fois qu'elle venait témoigner en faveur d'un prévenu depuis 2017. L'appelant a de surcroît reconnu intégralement les prétentions en tort moral réclamées par D______, alors que leur montant est supérieur à ce qui est usuellement admis par les tribunaux pour des lésions du type de celles subies par le prénommé (supérieur par exemple à celui octroyé pour la perte d'un orteil ou d'un doigt autre que le pouce : cf. ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 en lien avec l'annexe 3 à l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982). Enfin, l'appelant a décidé de son propre chef de consacrer une partie de son pécule à l'indemnisation de ses victimes. Contrairement à l'opinion de l'instance précédente, la somme de CHF 35.- qu'il verse mensuellement à D______, qui correspond à environ 10% de son pécule, ne saurait été qualifiée de "très faible".

Contrairement à ce qu'a retenu le TCO, l'appelant n'a par ailleurs pas été condamné pour des faits de violence en Thurgovie, mais pour des menaces, notamment contre un fonctionnaire à l'aide d'un pistolet factice, alors qu'il se trouvait en état d'ébriété, ainsi que pour entrée illégale en Suisse et violation de la LArm. Bien que la gravité de ces infractions ne doive pas être négligée, on ne saurait nier que celle-ci est substantiellement inférieure à la commission de plusieurs brigandages en bande. Ainsi, le raisonnement selon lequel il serait possible de conclure de cette condamnation, relative à des faits s'étant produit en janvier 2020, une absence de prise de conscience par l'appelant de la gravité de ses actes n'est pas convainquant. Il en va de même de l'argument selon lequel le contenu de sa lettre d'excuses du 4 février 2022 à T______ démontrerait que cette prise de conscience n'est pas aboutie car il y minimiserait sa responsabilité. Une lecture attentive de cette missive permet au contraire de comprendre clairement que l'appelant a pleinement intégré les conséquences de ses actes et qu'il regrette de ne pas avoir su interrompre l'enchaînement de ses propres actions qui s'est conclu par la commission de brigandages, dont celui ayant affecté T______. Le fait que l'appelant ait utilisé une grande partie de son pécule de CHF 1'426.15 dont il disposait après sa détention en Thurgovie pour aider sa mère et sa sœur en proie à des difficultés économiques, et rendre la pareille à un détenu qui l'avait aidé à son entrée en prison, ne suffit pas à écarter un repentir sincère.

Vu ce qui précède, la Chambre de céans est d'avis que l'appelant a fait preuve d'un esprit de repentir concrétisé tant par sa très bonne collaboration à la procédure, avec d'importances conséquences négatives sur le plan de la sanction retenue à son encontre, que par ses actions en faveur des victimes. Comme relevé par son conseil, la circonstance atténuante du repentir sincère serait privée d'une grande partie de sa portée si elle n'était pas retenue dans des circonstances telles que celles du cas d'espèce. Celles-ci ne sont en particulier pas comparables avec celles de l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1054/2019 du 27 janvier 2020 cité par l'autorité précédente, affaire dans laquelle le condamné avait nié à plusieurs reprises les faits qui lui étaient reprochés avant de passer aux aveux, minimisait les diagnostics psychiatriques retenus et reportait une partie de sa responsabilité sur la victime de ses infractions sexuelles.

En conclusion, la circonstance atténuante du repentir sincère doit être retenue, ce dont il faut tenir compte dans le cadre de la fixation de la peine.

4. 4.1. Selon l'art. 140 ch. 3 CP, le brigandage est puni d'une peine privative de liberté de deux ans au moins et de dix ans au plus si son auteur l'a commis en qualité d'affilié à une bande formée pour commettre des brigandages ou des vols. L'art. 147 ch. 1 CP prévoit quant à lui que l'utilisation frauduleuse d'un ordinateur est passible d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Enfin, l'art. 123 ch. 1 CP prévoit que les lésions corporelles simples sont sanctionnées par une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire.

4.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5.5, 5.6 et 5.7), ainsi que l'effet de la peine sur son avenir. L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 35 consid. 2.1). L'absence d'antécédent a un effet neutre sur la fixation de la peine (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2 ; 136 IV 1 consid. 2.6.4).

4.3.1. Lorsque l'auteur est condamné au titre de plusieurs chefs d'accusation (concours) et que les peines envisagées pour chaque infraction prise concrètement sont de même genre (ATF 147 IV 225 consid. 1.3 ; 144 IV 313 consid. 1.1.1), l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents et, dans un second temps, d'augmenter cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2 ; 144 IV 217 consid. 3.5.1).

4.3.2. Selon l'art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement.

Pour calculer la peine complémentaire, le second tribunal doit d'abord calculer la peine hypothétique de chaque infraction nouvellement jugée ; ensuite, il doit déterminer quelle est l'infraction la plus grave au vu des peines-menaces de chaque infraction commise, y compris celles ayant fait l'objet de la peine à compléter et, en partant de cette dernière, fixer une peine d'ensemble : si l'infraction la plus grave est jugée dans le cadre du prononcé de la peine complémentaire, il faut calculer une peine d'ensemble pour toutes les infractions nouvellement à juger, puis réduire celle-ci afin de tenir compte de la réduction de la peine pour l'infraction principale de la peine antérieure (ATF 142 IV 265 consid. 2.4.3 et 2.4.4). En effet, celle-ci n'aurait pas eu cette qualité, mais uniquement celle d'infraction aggravante au sens de l'art. 49 al. 1 CP, si l'ensemble des infractions avait été jugé en une seule fois. Le fait que le deuxième juge doive fixer la peine complémentaire d'après les principes développés à l'art. 49 al. 1 CP ne l'autorise pas à revenir sur la peine antérieure entrée en force ; certes, il doit se demander quelle peine d'ensemble aurait été prononcée si toutes les infractions avaient été jugées simultanément, il doit toutefois fixer la peine d'ensemble hypothétique en se fondant sur la peine de base entrée en force (pour les infractions déjà jugées) et sur les peines à prononcer d'après sa libre appréciation pour les nouvelles infractions commises (ATF 142 IV 329 consid. 1.4.2 ; 142 IV 265 consid. 2.4.1 et 2.4.2 ; 137 IV 249 consid. 3.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_87/2022 du 13 octobre 2022 consid. 2.3).

4.3.3. Dans son arrêt de principe relative à la fixation d'une peine complémentaire, le Tribunal fédéral a précisé qu'au stade du calcul de la peine hypothétique relative à chaque infraction nouvellement jugée, il n'était pas exclu de calculer d'ores et déjà une peine d'ensemble lorsque plusieurs actes délictueux se trouvaient dans une relation étroite sur les plans matériel et temporel (soit une "sous-peine d'ensemble") (ATF 142 IV 265 consid. 2.4.3 ; voir également J. B. ACKERMANN, Basler Kommentar StGB, 4ème éd. 2019, n. 169 ad art. 49). Le Tribunal fédéral ne fait pas par-là référence au concept de l'unité matérielle d'action, puisqu'en présence d'une telle unité une série de comportements délictueux est considérée comme une seule infraction et un concours (réel) est par conséquent exclu (ATF 133 IV 256 consid. 4.5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1214/2021 du 26 octobre 2022 consid. 2.1.5 ; 6B_36/2019 du 2 juillet 2019 consid. 3.6.4 ; voir également eu égard aux infractions continues : ATF 116 IV 121 consid. 2b/aa). On doit donc comprendre de la jurisprudence fédérale qu'en présence d'un concours réel concernant plusieurs infractions de nature identique se trouvant dans une relation étroite sur les plans matériel et temporel, il est possible de fixer une "sous-peine d'ensemble" visant à réprimer ces comportements dans le respect de l'art. 49 al. 1 CP et de la jurisprudence y relative, avant de procéder, dans un second temps, à la fixation de la peine d'ensemble – fixation hypothétique s'agissant d'une peine complémentaire – en prenant en compte les autres infractions en concours et en fixant pour chacune d'entre elles une peine hypothétique chiffrée (ATF 142 IV 265 consid. 2.3.3). Un tel procédé a l'avantage d'éviter au juge pénal de fixer de multiples peines hypothétiques chiffrées lorsqu'une même infraction est commise à plusieurs reprises et que ces occurrences se trouvent dans une relation étroite sur les plans matériel et temporel sans que les conditions strictes permettant de retenir une unité matérielle d'action soient remplies. Tel peut par exemple être le cas lorsque de multiples vols ou contraintes sexuelles sont commis régulièrement sur une longue période. Dans ces situations, le calcul d'une peine hypothétique pour chaque infraction identique complexifierait notablement le calcul de la peine et la compréhension du jugement pénal par les parties et ce de manière artificielle, puisque les éléments de chaque peine hypothétique sont semblables et que la quotité de la sanction obtenue reste au final la même. En se fondant sur la jurisprudence susmentionnée (cf. ATF
142 IV 265), l'Obergericht zurichois a ainsi calculé une "sous-peine d'ensemble" pour plusieurs infractions de vols commises sur un peu moins d'une année avant de calculer des peines hypothétiques pour les autres infractions commises par le prévenu (cf. arrêt de l'Obergericht ZH, SB160333 du 17 janvier 2017 consid. 2.1).

Une situation où une infraction est commise à plusieurs reprises, sans que les conditions strictes permettant de retenir une unité matérielle d'action soient remplies, se retrouve en particulier s'agissant des infractions commises en bande. Il existe une bande au sens de l'art. 140 ch. 3 CP lorsqu'au moins deux personnes se réunissent afin de commettre des infractions, même si celles-ci ne sont pas encore déterminées individuellement à l'avance avec un minimum de planification (ATF 147 IV 176 consid. 2.4.2 ; 135 IV 158 consid. 2.2 et 3.3 ; 132 IV 132 consid. 5.2). Ces infractions doivent toutefois en principe être considérées comme indépendantes les unes des autres (ATF 100 IV 219 consid. 1), de sorte qu'une unité juridique d'action ne peut être retenue. Lorsque, comme dans le cas d'espèce, un auteur commet plusieurs brigandages en bande à des occasions distinctes en relation étroite sur les plans matériel et temporel mais impliquant à chaque reprise une nouvelle décision d'agir, il n'est pas possible de retenir une unité matérielle d'action ; en revanche, dans le cadre de la fixation de la peine, une peine hypothétique d'ensemble peut être fixée pour la totalité de ces infractions commises en bande, y compris dans le cadre d'une peine complémentaire au sens de l'art. 49 al. 2 CP – il s'agira dans ce cas d'une "sous-peine d'ensemble" – sans que chaque infraction individuelle doive se voir attribuer une peine hypothétique.

4.4. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Selon l'art. 43 al. 1 CP, un sursis partiel peut être octroyé pour les peines allant jusqu'à un maximum de trois ans de peine privative de liberté.

5. 5.1. La culpabilité de l'appelant eu égard à l'infraction de brigandage en bande est particulièrement lourde. Il a agi lâchement en agressant ses victimes par surprise à la faveur de la nuit et en profitant parfois de leur peur de mourir pour se prémunir de toute résistance. Surtout, l'appelant a fait usage d'un couteau dont il a placé la lame non aiguisée sur le cou de plusieurs victimes, ce qui dénote une dangerosité particulière et aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus graves, un mouvement imprévu ne pouvant être exclu, de part ou d'autre, au vu des circonstances dans lesquelles les brigandages ont été commis et du stress inhérent à de telles situations. Ce comportement particulièrement risqué avait pour but unique d'ôter à la victime toute possibilité de fuite, et doit donc être considéré comme particulièrement répréhensible. En outre, la volonté délictuelle de l'appelant a été très intense, puisqu'il a agi à huit reprises en moins d'un mois, avec pour seul motif un but égoïste de lucre.

La situation personnelle de l'appelant, et notamment son faible salaire de serveur en Albanie, guère différent de celui perçu par de nombreux autres résidents de son pays, ne saurait expliquer les comportements susmentionnés, et encore moins les justifier. L'appelant le reconnaît d'ailleurs puisqu'en audience d'appel, il a mentionné qu'avant d'arriver en région genevoise, il n'était pas la personne qui transparaissait au travers desdits comportements, preuve de sa bonne insertion dans son pays d'origine, en dépit des difficultés économiques rencontrées.

Son casier judiciaire doit être tenu pour vierge eu égard aux circonstances temporelles de sa condamnation en Thurgovie. Sa collaboration a été excellente tout au long de la procédure. Le risque de récidive apparaît faible au vu de la prise de conscience réalisée par l'appelant depuis son arrestation.

Vu ce qui précède, il se justifie de fixer une peine privative de liberté hypothétique de 60 mois, englobant la totalité des brigandages commis par l'appelant, lesquels se trouvent dans une relation étroite sur les plans matériel et temporel.

5.2. Le crime de brigandage en bande étant l'infraction la plus grave, il convient de l'accroître avec les peines relatives aux autres infractions commises par l'appelant.

À cet égard les peines de quatre mois (peine hypothétique de six mois) pour les lésions corporelles simples et de deux mois (peine hypothétique de quatre mois) pour l'utilisation frauduleuse d'un ordinateur arrêtées en première instance apparaissent conformes au droit et en adéquation avec la culpabilité de l'auteur. La peine d'ensemble pour les infractions à juger dans le cadre de la présente procédure s'élève donc à 66 mois de peine privative de liberté.

Cette peine sera réduite de 18 mois au titre de la circonstance atténuante du repentir sincère, ce qui aboutit à un total de 48 mois de peine privative de liberté.

Il convient finalement de réduire encore cette quotité pour tenir compte du fait que la peine privative de liberté de 22 mois arrêtée par le Bezirksgericht Kreuzlingen comprenait une peine principale entière en lien avec l'infraction de violence ou menace contre un fonctionnaire au sens de l'art. 285 ch. 1 CP. Or, cette peine aurait été minorée si la totalité des infractions commises au jour du jugement de première instance avait été jugée en une seule fois. La réduction de 18 mois (22 [peine réelle] - 6 [peine hypothétique retenue par le TCO]) effectivement opérée par les premiers juges apparaît toutefois excessive au regard de la jurisprudence fédérale ("gemässigte Berücksichtigung" : cf. ATF 142 IV 265 consid. 2.4.4), dès lors que la peine de 22 mois était déjà constituée de peines réduites, sauf concernant l'infraction de violence ou menace à l'encontre d'un fonctionnaire. En conséquence, il convient de limiter cette réduction à six mois.

Partant, la peine privative de liberté complémentaire d'ensemble à laquelle doit être condamné l'appelant s'élève à 42 mois ([60 + 4 + 2] - 18 - 6), sous déduction des jours de détention avant jugement accomplis jusqu'au jour du présent arrêt.

La peine excédant trois ans, un sursis, même partiel, est exclu (cf. art. 42 al. 1 et 43 al. 1 CP).

6. 6.1. Selon l'art. 66a al. 1 let. c CP, l'étranger qui est condamné pour une infraction de brigandage au sens de l'art. 140 CP est obligatoirement expulsé de Suisse pour une durée minimale de cinq ans.

L'inscription de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) est régie par le chapitre IV du Règlement SIS II (règlement CE n°1987/2006). Il est prévu que ce règlement soit remplacé par le règlement (UE) n°2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 (Règlement SIS III) (cf. Échange de notes du 20 décembre 2018 entre la Suisse et l'Union européenne concernant la reprise du règlement (UE) 2018/1861 ; RS 0.362.380.085, RO 2019 3285). L'art. 65 par. 5 du règlement SIS III prévoit cependant qu'il ne s'applique qu'à partir de la date déterminée conformément à l'art. 65 par. 2 du même texte, lequel prévoit que la Commission européenne fixe la date de mise en service du nouveau SIS. Cette date a été fixée au 7 mars 2023 par la décision d'exécution (UE) 2023/201 de la Commission européenne du 30 janvier 2023 (Journal officiel de l'Union européenne, L 027, du 31 janvier 2023, p. 29 ss; https://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/ ?uri=CELEX%3A32023D0201). Partant, le Règlement SIS III est applicable dans le cas d'espèce.

L'art. 24 §1 let. a Règlement SIS III prescrit qu'un État introduit un signalement aux fins de non-admission et d'interdiction de séjour dans le SIS lorsqu'il conclut, sur la base d'une évaluation individuelle comprenant une appréciation de la situation personnelle du ressortissant de pays tiers concerné et des conséquences du refus d'entrée et de séjour, que la présence de ce ressortissant de pays tiers sur son territoire représente une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale et qu'il a, par conséquent, adopté une décision judiciaire ou administrative de non-admission et d'interdiction de séjour conformément à son droit national et émis un signalement national aux fins de non-admission et d'interdiction de séjour. Selon l'art. 24 § 2 let. a Règlement SIS III, une telle situation existe notamment lorsqu'un ressortissant d'un pays tiers a été condamné pour une infraction passible d'une peine privative de liberté d'au moins un an. L'art. 21 Règlement SIS III prescrit par ailleurs qu'avant d'introduire un signalement, l'État membre signalant vérifie si le cas est suffisamment approprié, pertinent et important pour justifier cette inscription.

Il ne faut pas poser des exigences trop élevées en ce qui concerne l'hypothèse d'une "menace pour l'ordre public et la sécurité publique" car cette condition vise uniquement à écarter l'inscription dans le SIS d'infractions mineures ; il n'est en particulier pas nécessaire que la personne concernée constitue une menace concrète, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société (ATF 147 IV 340 consid. 4.8 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_932/2021 du 7 septembre 2022 consid. 1.8.3 ; 6B_628/2021 du 14 juillet 2022 consid. 2.2.3 ; 6B_834/2021 du 5 mai 2022 consid. 2.2.2). Savoir si une personne non-européenne représente un danger pour l'ordre public se détermine sur la base des circonstances du cas d'espèce, du comportement de l'auteur et de son passé judiciaire ; le seuil fait qu'un risque de récidive ne soit pas établi ne signifie en particulier pas que la condition de la menace à l'ordre public ne soit pas remplie (ATF 147 IV 340 consid. 4.8). Lorsque les conditions de l'art. 24 par. 2 let. a règlement SIS III sont remplies, un signalement de non-admission doit être réalisé dans le SIS (en ce sens : ATF 147 IV 340 consid. 4.9 ; 146 IV 172 consid. 3.2.2). Une inscription dans le SIS n'empêche par ailleurs pas les autres États faisant partie de l'espace Schengen d'autoriser la personne concernée à accéder à leur territoire souverain par une décision spécifique (arrêts du Tribunal fédéral 6B_932/2021 du 7 septembre 2022 consid. 1.8.3 ; 6B_628/2021 du 14 juillet 2022 consid. 2.2.3).

6.2. En l'espèce, les personnes les plus proches de l'appelant, à savoir sa mère et sa sœur, résident en Albanie, pays dont il est ressortissant et dont il parle la langue. Son intérêt à pouvoir circuler librement sur le territoire de l'espace Schengen, au cours de sa période d'expulsion de cinq ans, pour rendre visite à d'autres parents doit être mis en balance avec la sévérité des infractions qu'il a commises sur le territoire suisse depuis son arrivée. Bien qu'il apparaisse avoir pris conscience de la gravité de ses actes et que la probabilité de récidive soit en l'état moindre, la prévention du risque que fait courir à l'ordre public une telle récidive doit, pendant les cinq prochaines années, prévaloir sur l'intérêt privé de l'appelant à rendre visite à sa parenté en Italie, Grèce ou aux Pays-Bas. Cela vaut d'autant plus que ces États restent libres de lui octroyer une dérogation spécifique et que l'appelant a affirmé devant le TCO avoir l'intention de rentrer en Albanie après sa sortie de prison pour y travailler si possible comme mécanicien.

Partant, le signalement de l'expulsion dans le SIS ordonné par le TCO sera confirmé.

7. 7.1. Selon l'art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé ; pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_143/2022 du 29 novembre 2022 consid. 3.1 ; 6B_1397/2021 du 5 octobre 2022 consid. 11.2 ; 6B_275/2022 du 2 septembre 2022 consid. 3.1 ; 6B_44/2020 du 16 septembre 2020 consid. 11.1.1). Seul le résultat de la procédure d'appel ou de recours elle-même est déterminant (ATF 142 IV 163 consid. 3.2.1).

7.2. En l'occurrence, l'appelant l'emporte sur l'essentiel, à savoir la fixation de sa peine, et en particulier la reconnaissance de son repentir sincère. Il ne succombe que sur la question accessoire de l'inscription de son expulsion dans le SIS.

Les frais de la procédure d'appel s'élèvent à CHF 2'065.-, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.-. Au vu de ce qui précède, il convient de les laisser pour 4/5èmes à la charge de l'État, l'intimé devant pour sa part en supporter le 1/5ème.

8. Vu que la durée de la peine restant à exécuter excède la durée de la détention déjà subie par l'appelant, ses conclusions en indemnisation pour tort moral liées à une détention injustifiée seront rejetées.

9. 9.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ) s'applique. L'art. 16 al. 1 RAJ prescrit que le tarif horaire est de CHF 200.- pour un avocat chef d'étude et à CHF 150.- pour un avocat collaborateur, débours de l'étude inclus. Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues ; elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1362/2021 du 26 janvier 2023 [destiné à la publication aux ATF] consid. 3.1.1).

L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à trente heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de trente heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; AARP/370/2022 du 29 novembre 2022 consid. 5.2 ; AARP/318/2022 du 17 octobre 2022 consid. 10.2).

Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (AARP/318/2022 du 17 octobre 2022 consid. 10.3). La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice est arrêtée à CHF 100.- pour les chef d'étude (AARP/319/2022 du 13 octobre 2022 consid. 7.2 ; AARP/269/2022 du 1er septembre 2022 consid. 4.1.4).

9.2. En l'occurrence, l'état de frais produit par Me C______, défenseur d'office de l'appelant, satisfait sur le principe aux exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale. Le temps total de 390 minutes (six heures et demi) consacré à l'étude du dossier en préparation de l'audience d'appel apparaît cependant excessif dès lors qu'il s'ajoute aux 400 minutes d'entretien entre l'appelant et son défenseur (temps de déplacement compris). Cela vaut d'autant plus que l'objet de l'appel, bien que nécessitant une bonne connaissance du complexe de faits, était limité dans sa portée, et qu'il peut être considéré que le défenseur de l'appelant avait d'ores et déjà une excellente connaissance du dossier au vu des 77 heures et 10 minutes reconnues en première instance. Dans ces circonstances, un total de 600 minutes (dix heures) pour la préparation de l'audience d'appel, y compris les entretiens entre l'appelant et son défenseur, et la plaidoirie est approprié. Il faut rajouter à cette somme 35 minutes pour la rédaction des conclusions en indemnisation et 140 minutes (deux heures et 20 minutes) pour l'audience d'appel, soit un total de 835 minutes.

L'activité reconnue pour la procédure préliminaire, la procédure de première instance et la procédure d'appel dépassant trente heures, le forfait à ajouter en sus sera de 10%.

En conclusion, la rémunération du défenseur d'office de l'appelant sera arrêtée à CHF 3'405.90 correspondant à 13.92 heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 2'784.-), plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 278.40), la vacation au Palais de de justice pour l'audience d'appel (CHF 100.-), et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 243.50). À cette somme s'ajoutent les débours nécessaires d'interprète s'élevant à CHF 384.-, soit un total de CHF 3'789.90.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTCO/100/2022 rendu le 24 août 2022 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/7525/2020.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de brigandages aggravés (art. 140 ch. 1 et ch. 3 al. 2 CP), de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP) et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 42 mois, sous déduction de 880 jours de détention avant jugement.

Dit que cette peine est complémentaire à celle prononcée le 29 septembre 2020 par le Bezirksgericht Kreuzlingen.

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de cinq ans, l'exécution de la peine primant celle de l'expulsion.

Ordonne le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS).

Condamne A______ à payer à D______ CHF 3'179.70, avec intérêts à 5% dès le 26 octobre 2019, à titre de réparation du dommage matériel.

Condamne A______ à payer à D______ CHF 10'000.-, avec intérêts à 5% dès le 26 octobre 2019, à titre de réparation de son tort moral.

Ordonne la confiscation et la destruction du paquet de mouchoirs vide figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n° 1______ du 18 octobre 2019.

Ordonne le séquestre à titre de pièces à conviction des couteaux figurant sous chiffres 3 et 4 de l'inventaire n° 2______ du 13 novembre 2020 ainsi que du t-shirt et de la veste figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 3______ du 31 octobre 2019.

Ordonne la restitution à I______ du portemonnaie figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 1______ du 18 octobre 2019.

Ordonne la restitution à A______ de la carte SIM figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n° 2______ du 13 novembre 2020.

Condamne A______ à verser à D______ CHF 5'587.50 à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure préliminaire et de première instance.

Déboute Q______ de ses conclusions en indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 4'730.-.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2'065.-.

Met un cinquième de ces frais, soit CHF 413.-, à la charge de A______ et en laisse le solde à la charge de l'État.

Prends acte de ce que l'indemnité de procédure due à MC______, défenseur d'office de A______, a été arrêtée à CHF 20'766.05, TVA comprise, pour la procédure préliminaire et de première instance.

Arrête à CHF 3'789.90, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de MC______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, à l'Établissement fermé de B______ et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

4'730

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

400.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

90.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

1'500

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'065.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

6'795.00