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Décisions | Tribunal pénal

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P/7891/2020

JTDP/168/2022 du 22.02.2022 sur OPMP/4751/2021 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.312
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 18


22 février 2022

 

MINISTÈRE PUBLIC

Monsieur A______, né le ______1988, sans domicile connu, partie plaignante, assisté de Me B______

contre

Monsieur X______, né le ______1990, domicilié ______, FRANCE, prévenu, assisté de Me Robert ASSAEL


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité du chef d'abus d'autorité, au prononcé d'une peine pécuniaire de 60 jours-amende assortie du sursis avec un délai d'épreuve de 3 ans, d'une amende de CHF 960.- à titre de sanction immédiate et au paiement des frais de la procédure.

A______ conclut à un verdict de culpabilité du chef d'abus d'autorité, à ce que le prévenu soit condamné au versement d'une indemnité de CHF 500.-, à titre de réparation du tort moral, d'une indemnité fondée sur l'art. 433 CPP selon la note d'honoraire remise qui doit être augmentée du temps de l'audience.

X______ conclut à son acquittement, à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat, au rejet des conclusions civiles et persiste dans ses conclusions en indemnisation.

*****

Vu l'opposition formée le 28 mai 2021 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 18 mai 2021 ;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 14 juin 2021 ;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 18 mai 2021 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 28 mai 2021.

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A. Par ordonnance pénale du 18 mai 2021, valant acte d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir, à Genève, le 3 mai 2020 vers 15h45, aux abords du parc C______, en sa qualité de policier, pendant l'interpellation de A______ qui était menotté derrière le dos et maintenu, assis, sur le flanc droit, abusé de son autorité en portant un coup de pied au bras droit de l'intéressé,

faits qualifiés d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP.

B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure:

a.a. Le 3 mai 2020, aux alentours de 15h45, D______ a filmé une intervention de la police qu'elle apercevait depuis une fenêtre de son appartement sis 6, rue E______.

a.b. Les images de la vidéo en question montrent un individu dans un parking, allongé sur le flanc droit, menotté derrière le dos et maîtrisé par deux policiers. Un policier lui fait face et le fouille. Le second policier, accroupi derrière lui, assiste à la fouille, puis se lève et quitte le champ de la caméra. Le policier l'ayant fouillé se place ensuite derrière lui. L'individu tente de se redresser et lève sa jambe gauche. Le policier dit: "Tu restes comme ça!" et, après que l'individu s'est légèrement redressé en position semi assise, le policier le maintient – au moyen de ses deux mains – par le bras gauche, le haut du corps levé. Le second policier revient, suivi de deux collègues – un homme et une femme – et se dirige vers l'individu qui est alors passif. A sa hauteur, ce policier fait deux petits pas et porte, avec son pied droit, un violent coup au bras droit de l'interpellé, dont le haut du corps retombe au sol. Une voix féminine – celle de D______ – crie: "Eh doucement!". Une voix masculine crie des mots incompréhensibles et l'un des deux policiers se trouvant à proximité immédiate de l'individu dit: "Tu restes là!" alors que l'intéressé n'oppose aucune résistance physique.

a.c. D______ a dénoncé ces faits au Ministère public par courrier du 6 mai 2020, transmettant sur clé USB l'enregistrement vidéo de l'intervention.

b. D'après le rapport d'arrestation du 4 mai 2020, A______ a été arrêté pour empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP), séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et infraction à l'art. 19 al. 1 LStup.

c.a. Le rapport d'interpellation y relatif a été établi par l'appointé X______. Il en ressort que dans le cadre d'une patrouille pédestre effectuée dans le parc C______ le 3 mai 2020 avec le gendarme F______, ils avaient contrôlé trois ou quatre individus, dont A______. Ce dernier avait une attitude fuyante et était, à un certain moment, parti en courant en direction de la rue E______. Il ne s'était pas arrêté malgré les injonctions de police. F______ s'était lancé à sa poursuite; à un moment donné, A______ avait chuté et F______ avait pu lui faire une clé de bras, l'immobiliser et le menotter. Ils se trouvaient alors dans un parking extérieur, entouré d'immeubles. X______ était arrivé sur les lieux et avait aidé son collègue à maîtriser A______, qui continuait de se débattre. L'intéressé avait pu être fouillé et différentes drogues avaient été retrouvées sur lui. Pendant que F______ surveillait A______, qui était au sol et menotté, X______ s'était éloigné pour fouiller les alentours afin de voir si A______ s'était débarrassé de quelque chose dans sa fuite; il avait été aidé dans cette tâche par le sergent-chef G______ et la gendarme H______, venus en renfort.

c.b. Dans la rubrique "usage de la force/contrainte", X______ a rapporté qu'alors que A______ se trouvait au sol, menotté et seul avec F______, il avait tenté de se relever de manière énergique en prenant appui sur ses bras, en position assise. F______ lui avait alors ordonné de ne plus bouger tout en le maintenant par le bras gauche, mais A______ avait fait un mouvement agressif du buste et de la tête en direction de F______. Voyant cela, il avait effectué un balayage sur le bras droit de A______ afin de lui faire lâcher son appui, le faire basculer et l'empêcher d'aller en direction de F______.

c.c. A teneur de la rubrique "blessure(s)" de ce rapport, A______ présentait une grosseur au niveau du coude droit, dont il ne s'était plaint que plusieurs minutes après le balayage effectué par X______. Il avait également précisé avoir subi une intervention chirurgicale par le passé et avoir une plaque au niveau du bras droit. Il avait été emmené en ambulance aux Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après: HUG).

d.a. Il ressort du dossier médical des HUG que A______ a été admis aux urgences le 3 mai 2020 à 17h11. Il se plaignait de douleurs au coude droit. Les radiographies ne montraient pas de fracture ni de lésion récente. La mobilité du coude droit était bonne. A______ était porteur d'une plaque d'ostéosynthèse fixée à son humérus droit depuis 2017. Il souffrait de pseudarthrose, soit l'absence de consolidation entre deux fragments osseux après une fracture. Il s'était vu prescrire un traitement antalgique incluant du Tramal® et il lui avait été conseillé de mettre de la glace sur son coude.

d.b. D'après le constat de lésions traumatiques du CURML, A______ présentait des ecchymoses au niveau du visage et du bras droit, compatibles avec des coups reçus, quelques dermabrasions au niveau du poignet, de la main droite et de la hanche gauche, cette dernière étant compatible avec une chute sur le bitume, et des érythèmes sur les poignets. Il n'y avait pas de lésion traumatique osseuse de l'humérus ou du coude droit, ni de lésion du matériel d'ostéosynthèse. Il souffrait de pseudarthrose au niveau du coude droit, laquelle pouvait être à l'origine de ses douleurs. La présence de THC avait été constatée dans son organisme. Il était calme, collaborant et "au bord des larmes" au moment d'évoquer les faits.

e. S'agissant des déclarations de A______:

e.a. Aux urgences des HUG, il a indiqué avoir été mis à terre par la police et être tombé sur la tête, puis avoir été maintenu au sol par des bottes de la police au niveau de la tête et du thorax, du côté droit. Les policiers avaient manipulé son bras droit avec de la force et il avait perdu connaissance pendant deux secondes. Il ressentait des douleurs au coude droit, à l'épaule droite, au côté droit du thorax et à l'œil droit.

e.b. Entendu dans le cadre de l'établissement du constat de lésions traumatiques le 3 mai 2020 dès 18h50, il a dit avoir glissé et être tombé au sol. L'un des policiers, qui était "déchainé", lui avait maintenu la tête au sol avec un genou sur son visage et donné plusieurs coups de poing sur tout le corps, notamment au niveau de la partie droite du visage, ainsi qu'un coup de genou au niveau du bras droit; il avait aussi reçu un coup au niveau de l'œil droit. Il avait perdu connaissance durant quelques secondes. Le policier avait appuyé sur son dos avec son genou et il avait eu de la peine à respirer. Il l'avait ensuite relevé en tirant fortement sur les menottes et il avait entendu son bras droit craquer. Durant le trajet vers la voiture, le policier avait menacé de le frapper.

Il a également précisé avoir fumé quatre ou cinq joints le 3 mai 2020.

e.c. Entendu par la police le 4 mai 2020 dès 03h51, A______ a notamment expliqué que le policier qui l'avait interpellé lui avait demandé de rester au sol et l'avait menotté. Tout s'était bien passé. Il était menotté et au sol lorsque le second policier était arrivé, quelques minutes plus tard. Ce dernier lui avait donné un coup de genou au niveau du triceps et avait ensuite tiré ses deux bras menottés vers le haut. Il avait senti un craquement et avait crié. Il a contesté avoir voulu se relever alors qu'il se trouvait au sol.

e.d.a. Entendu par l'Inspection générale des services (ci-après: IGS) le 4 août 2020, A______ a indiqué ce qui suit: le second policier, soit X______, était arrivé alors qu'il était assis et menotté. Il lui avait crié dessus, l'avait mis sur le côté et lui avait donné un coup de genou sur le haut du bras droit, avant de tirer ses menottes vers le haut; il avait alors ressenti un craquement. X______ l'avait également attrapé à l'arrière du cou avec sa main et lui avait donné un coup de poing au visage, sur le côté droit. Dans la voiture de police, il lui avait serré ses menottes encore plus fort, alors qu'il s'était plaint qu'elles étaient trop serrées. Il a contesté avoir fait un mouvement agressif du buste et de la tête en direction de l'un des gendarmes, alors qu'il était assis au sol. Il s'était laissé faire.

e.d.b. Lors de cette audition, l'IGS a relevé que A______ tenait parfois des propos décousus et difficiles à synthétiser.

e.d.c. A l'issue de cette audition, A______ a déposé plainte contre X______.

f.a. A l'IGS, F______ a expliqué que dans sa fuite, A______ avait chuté au sol. Il s'était couché sur lui pour éviter qu'il ne s'enfuie, l'avait immobilisé avec une clé d'épaule puis menotté et placé en position latérale. A______ s'était débattu, mais il avait réussi à le maitriser sans heurt. X______ l'avait rejoint et l'avait aidé à fouiller A______, puis était parti vérifier les alentours. A______ ne cessait de se débattre afin de se redresser. X______ était revenu et avait crié à A______ de se calmer; ce dernier avait obtempéré. G______ et H______ étaient arrivés et la seconde avait fouillé le sac de A______. Alors qu'il tenait légèrement A______, il avait vu du coin de l'œil X______ faire une sorte de balayage avec l'intérieur du pied sur l'un des avant-bras de A______. Sur le moment, il ignorait pourquoi l'intéressé avait effectué cette manœuvre. Pour sa part, il ne regardait pas A______ à ce moment-là mais regardait les alentours. Il n'avait pas vu A______ faire un geste agressif dans sa direction, mais ce dernier bougeait et ne restait pas tranquille. Suite à cela, A______ s'était couché au sol; il avait dit "chef tu m'as pété le bras" et s'était plaint d'avoir mal au bras. Au poste, ils avaient constaté qu'il avait une sorte de bosse sur le triceps, au-dessus du coude. X______ n'avait pas tiré les bras de A______ vers le haut, pas plus qu'il ne l'avait attrapé à l'arrière du cou ou frappé d'une autre manière qu'en effectuant le balayage.

f.b. Au Ministère public, F______ a précisé qu'il était stagiaire au moment des faits et que c'était la première fois qu'il vivait une intervention de ce type. Il n'avait pas eu de difficultés à menotter A______ mais avait dû effectuer une clé assez serrée. Il l'avait placé sur le côté pour le fouiller; pendant cette phase, l'intéressé s'était débattu. X______ l'avait rejoint et avait tenu A______ pendant la fouille. Pendant que X______ fouillait les alentours, A______ avait recommencé à se débattre. Il avait essayé de le maintenir couché, mais A______ avait "forcé" pour se mettre assis; au final il s'était dit qu'il pouvait le laisser s'asseoir. A______ avait continué de se débattre; il s'était accroupi à côté de lui en le maintenant par le bras gauche et en faisant attention à ce qu'il se passait autour de lui, sans être focalisé sur A______. Au moment où il avait à nouveau regardé A______, il avait vu X______ lui faire un balayage au niveau des bras. Il n'avait pas eu l'impression d'être en difficulté ou en train de perdre la maitrise de A______ au moment où X______ était intervenu, et n'avait pas vu A______ tenter quelque chose contre lui.

Confronté à la vidéo de l'intervention, il a constaté qu'au moment du balayage, il semblait avoir le regard tourné sur sa gauche. Dans la phase précédent le balayage, on le voyait maintenir A______, lequel ne bougeait pas. Le geste de X______ l'avait surpris. Au vu de sa proximité avec A______, il était possible que ce dernier ait tenté de lui donner un "coup de boule", mais il ne l'avait pas vu faire ce geste sur le moment, pas plus que sur la vidéo.

f.c. Entendu dans le cadre de l'enquête administrative concernant X______, F______ a confirmé que A______ s'était retrouvé en position assise avant que X______ n'arrive. Alors qu'il regardait sur la gauche, il avait vu du mouvement sur sa droite, avait tourné la tête à droite et vu la fin du mouvement de jambe de X______. A ce moment, A______ était maîtrisé; il ne ressentait pas le besoin d'avoir de l'aide de ses collègues et n'en avait pas demandé. Il n'avait pas vu si A______ était agressif à son égard à ce moment-là puisqu'il n'avait que ses jambes dans son champ de vision et ne l'avait pas vu se débattre avant de recevoir le coup. Après ce mouvement de jambe, il avait entendu X______ dire à A______ d'arrêter de se débattre; il ne l'avait rien entendu dire avant de faire ce mouvement. Il s'agissait d'un balayage tel qu'enseigné à l'école de police, donné avec l'intérieur du pied. Il n'avait pas eu le sentiment qu'il s'agissait d'un mouvement inadéquat ou particulièrement violent. En connaissant X______, il pensait que s'il avait effectué ce geste, c'était parce qu'il avait une bonne raison de le faire.

g.a. A l'IGS, H______ a expliqué qu'à son arrivée sur les lieux, A______ était au sol et menotté. Il parlait beaucoup, était agité et semblait sous l'emprise de stupéfiants. Elle n'avait vu ni le balayage, ni les autres coups décrits par A______. Elle n'avait pas constaté de blessures et A______ n'en avait pas fait mention. Il lui semblait s'être trouvée derrière F______, raison pour laquelle elle n'avait pas vu le balayage effectué par X______.

g.b. Entendue une nouvelle fois lors de l'enquête administrative dirigée contre X______, H______ a ajouté qu'au moment des faits, A______ était à terre et essayait de se relever. Ses collègues avaient dû lui dire à plusieurs reprises de rester tranquille. Elle ne se souvenait pas d'avoir vu X______ faire un balayage, car elle était occupée à contrôler le sac de A______ et les alentours. Elle n'avait pas vu de comportement inadéquat de la part de ses collègues. Confrontée à la vidéo et au fait qu'elle apparaissait derrière X______, elle a répété ne pas voir vu le balayage.

h.a. Entendu par l'IGS, G______ a indiqué que lorsqu'il était arrivé sur les lieux, A______ était assis au sol un peu sur le côté, menotté à l'arrière. Il était réfractaire aux injonctions de la police, ne se laissait pas faire et bougeait passablement. Ses collègues essayaient de le calmer; ils étaient restés très calmes malgré l'attitude agitée de A______. A un moment donné, il avait entendu X______ le sommer d'arrêter de bouger, puis avait entendu un cri; il avait regardé en direction de A______ et avait vu la jambe de X______ frapper l'intéressé, sur le côté, sans voir exactement quelle partie du corps avait été touchée. A l'exception de ce mouvement de jambe, il n'avait vu aucun des coups dont faisait état A______. Par la suite, X______ lui avait expliqué qu'au moment des faits, A______ se débattait et tentait de se lever, probablement pour prendre la fuite ou frapper F______, raison pour laquelle il lui avait fait une frappe de déstabilisation avec son pied au niveau du bras.

h.b. Entendu dans le cadre de l'enquête administrative dirigée contre X______, G______ a ajouté qu'il n'avait pas les yeux sur A______, mais qu'il avait entendu un bruit ressemblant à un coup, et que l'intéressé avait crié et s'était plaint, de sorte qu'il avait compris ce qu'il s'était passé, sans toutefois avoir vu le mouvement à l'origine de ce coup. Il ignorait la raison pour laquelle X______ avait donné ce coup, mais avait compris que c'était pour déstabiliser A______ et l'empêcher de prendre appui pour se lever et fuir. Il s'était dit que X______ devait avoir une raison valable d'agir ainsi. Il se souvenait avoir entendu ce dernier dire à A______ d'arrêter de bouger avant d'effectuer le balayage. A la radio, le policier qui avait interpellé A______ avait dit que tout était sous contrôle.

i. A l'IGS, D______ a expliqué qu'avant de filmer, elle avait entendu des cris. En regardant par la fenêtre, elle avait constaté qu'un homme était couché par terre avec un policier sur lui. Un autre policier était présent et deux autres étaient arrivés peu après. Elle avait décidé de filmer car elle avait trouvé l'arrestation "assez violente". A un moment donné, elle avait vu un policier donner un coup de pied à l'homme qui se trouvait à terre. Elle n'avait vu ni l'interpellation, ni la mise au sol de l'individu en question, et n'avait pas vu d'autres coups que le coup de pied susmentionné. Elle avait eu l'impression qu'après l'avoir entendue leur crier d'arrêter, les policiers avaient essayé de calmer celui qui avait donné le coup de pied. Après avoir arrêté de filmer, elle avait vu les policiers emmener l'homme jusqu'à leur voiture, sans user de violence. D'après son impression, le coup de pied était disproportionné et violent dans la mesure où l'homme arrêté était à terre et maîtrisé.

j. I______, une voisine de D______, a également été entendue par l'IGS. Elle a indiqué avoir entendu des forts bruits de voix et avoir vu, par la fenêtre, un homme au sol, assis ou couché sur le côté, maintenu par un policier. Un second policier était arrivé, avait saisi les bras de l'homme au sol depuis l'arrière et l'avait secoué. Il s'était ensuite éloigné, avait fait un tour avant de revenir, puis avait asséné un coup de pied dans le dos de l'homme qui se trouvait toujours au sol, avec les bras derrière le dos. Elle avait trouvé ce geste violent.

k.a. Entendu par l'IGS, X______ a expliqué avoir dans un premier temps maintenu A______ sur le sol en s'appuyant sur le haut de son corps, car ce dernier était agité et tentait de se relever. Il était ensuite parti fouiller les alentours. En revenant, il avait constaté que A______ était à nouveau agité et avait bougé malgré les injonctions; il avait réussi à se mettre en position assise. Cela ne se voyait pas bien sur la vidéo mais A______ avait voulu se relever, de sorte qu'il avait décidé de faire un balayage de ses bras, avec son pied, afin de le stopper. F______ ne regardait pas A______ à ce moment-là. Il a contesté avoir frappé A______, avoir secoué ses bras, avoir saisi l'arrière de son cou, l'avoir frappé au visage ou avoir serré ses menottes plus fort. A______ l'avait accusé de lui avoir cassé le bras; il n'avait cependant pas l'air blessé et ne criait pas. Une fois arrivé au poste de police, comme A______ continuait de l'accuser de lui avoir cassé le bras droit, il avait soulevé la manche de son pull et avait constaté la présence d'une bosse au niveau de son coude droit.

k.b. Au Ministère public, X______ a précisé que lorsqu'il était arrivé sur les lieux de l'interpellation, A______ était maitrisé, menotté et couché, et que F______ était couché sur lui. A______ essayait de se relever et se débattait; il avait donc aidé F______ à le maintenir, ceci afin de pouvoir le fouiller. Au moment où il s'était éloigné, A______ s'était calmé et était toujours couché. Cependant, en revenant, il l'avait vu essayer de se relever, alors que F______, qui le tenait par un bras, lui enjoignait de rester au sol. A______ s'était retrouvé assis et avait fait un mouvement d'appui pour essayer de se lever. F______ ne lui avait pas demandé d'intervenir; il avait cependant estimé qu'il y avait un risque que A______ mette un "coup de boule" à F______ et prenne la fuite, raison pour laquelle il avait fait un balayage, en un mouvement sec, sur les avant-bras de A______, par derrière, alors que ce dernier était assis avec les bras toujours menotté dans le dos. Il avait présumé que A______ était en appui sur ses bras. Il avait touché son avant-bras droit et l'intéressé avait basculé sur le côté. Dans un premier temps, il ne s'était pas plaint et lui avait simplement demandé pourquoi il avait fait cela. Ce n'était que quatre à cinq minutes plus tard qu'il s'était plaint de douleurs.

Confronté à la vidéo, il a admis qu'au moment de sa fouille, A______ était calme, que juste avant le balayage, il était maîtrisé, et qu'on ne le voyait faire aucun mouvement agressif du buste ou de la tête. Il a cependant maintenu avoir perçu cela depuis l'arrière et l'avoir vu prendre appui. Après le balayage, il lui avait dit "tu restes là" afin de verbaliser ce qu'il venait de faire.

C.a. Lors de l'audience de jugement, A______ a confirmé sa plainte. F______ lui avait dit de rester tranquille, ce qu'il avait fait en s'asseyant. Il s'était écoulé environ cinq minutes entre le moment où F______ l'avait interpellé et l'arrivée de X______. Il ne se souvenait pas d'avoir crié ni d'avoir reçu d'autres coups avant de recevoir le coup de pied dans le bras droit.

Confronté au fait que I______ avait vu X______ lui secouer les bras en l'air avant de faire le balayage, il a répondu que l'intéressé lui avait donné tellement de coups qu'il ne pouvait plus les compter.

Il ressentait encore souvent des douleurs et des décharges dans le bras droit, qui "craquait" lorsqu'il le tendait. Les douleurs dont il souffrait avant les faits étaient bien différentes de celles dont il souffrait désormais. Il s'était senti humilié par cet événement et avait souvent peur depuis lors, notamment lorsqu'il entendait les sirènes des voitures de police. Il ne se sentait pas bien et était déprimé.

b. X______ a confirmé ses précédentes déclarations. Au moment où il avait fait le balayage, F______ regardait dans une autre direction et n'avait donc pas pu voir le danger. La séquence filmée par D______ montrait le seul moment où A______ avait été calme, raison pour laquelle il avait laissé F______ seul avec l'intéressé. Il était revenu sur les lieux après avoir entendu son collègue faire une nouvelle injonction, qu'il avait pris comme un appel à l'aide implicite. A______ était en train de prendre appui sur ses bras en regardant F______, et il avait compris qu'il essayait de prendre la fuite, comme il avait déjà tenté de le faire. A______ avait une attitude "fourbe" et il s'était méfié. En tant que chef de patrouille, il était le superviseur de F______ ce jour-là. Il était particulièrement vigilant car F______ était peu expérimenté. L'intéressé était en position de vulnérabilité et s'était mis en danger en détournant le regard; vu sa position, A______ pouvait lui donner un "coup de boule". F______ avait été imprudent en laissant A______ s'asseoir. Le balayage était à ses yeux le moyen le plus rapide et le moins dommageable pour éviter que son collègue ne soit blessé. A ses yeux, A______ avait demandé à être conduit aux HUG pour éviter la procédure. Par la suite, il avait compris que A______ avait joué du fait qu'il avait été opéré et avait une plaque dans le bras.

c. J______ a indiqué avoir travaillé environ deux ans et demi avec X______ entre 2018 et janvier 2021. Il était son supérieur direct. X______ était posé, calme et réfléchi, et il privilégiait le dialogue. Il le considérait comme un élément de qualité et lui confiait des missions compliquées sans hésitation. Il lui avait également confié des stagiaires car il était un très bon formateur. Il n'avait jamais reçu de plainte le concernant. X______ avait toujours eu un comportement adéquat lorsqu'il fallait recourir à la force. Il n'était pas violent.

D. X______, de nationalité suisse, est né le ______1990. Il est célibataire et père d'un enfant né en 2020, à sa charge. Il vit en concubinage avec la mère de ce dernier. Il a effectué l'école de police à Lausanne en 2012, où il a travaillé jusqu'en 2016. Depuis 2016, il est affecté au poste de police de K______. Son salaire mensuel net s'élève à CHF 5'841.-. Il perçoit également des allocations familiales à hauteur de CHF 300.-. Ses charges mensuelles sont composées de sa prime d'assurance-maladie et celle de son enfant (CHF 227.-) et du remboursement de sa dette hypothécaire (CHF 2'600.-), laquelle s'élève à CHF 600'000.- au total et grève un bien immobilier sis à L______, en France. Le total de ses comptes bancaires s'élève à environ CHF 15'000.-. Il possède également une voiture dont il estime la valeur à CHF 15'000.-.

Il n'a pas d'antécédent inscrit au casier judiciaire.

E. Après appréciation des preuves, le Tribunal tient pour établis les éléments pertinents suivants:

a. Le 3 mai 2020, aux alentours de 15h45, X______ et F______, policiers, étaient en patrouille pédestre au parc C______. Ils ont entrepris de contrôler l'identité de trois ou quatre individus, dont A______, qui a pris la fuite, en courant, afin de se soustraire audit contrôle. F______ l'a poursuivi jusqu'à un parking, puis l'a maîtrisé et menotté dans le dos, avant de le placer en position couchée, sur le flanc droit. X______ a rejoint F______ et l'a aidé à fouiller A______, qui se débattait. X______ s'est ensuite éloigné afin de s'assurer que A______ ne s'était pas débarrassé de quelque chose pendant sa fuite.

b. Pendant ce temps, A______, menotté et couché sur le flanc droit, resté seul avec F______, a tenté de se mettre en position assise. F______, qui le tenait des deux mains par le bras gauche, a évalué la situation et décidé de le laisser se redresser en position assise. C'est alors que X______, qui venait de revenir sur les lieux, s'est approché de A______, alors calme et immobile, et l'a frappé par derrière, avec le pied, sur son bras droit, faisant ainsi basculer le haut de son corps sur le sol. Cela ressort très clairement des images vidéo, qui ne laissent pas de place au doute quant au déroulement exact des événements.

c. A______ n'a souffert d'aucune lésion. Il s'est plaint de douleurs au bras droit sur les lieux de l'interpellation et a notamment indiqué avoir une plaque à ce bras. Il a été transporté aux HUG. Aucune fracture ni lésion osseuse récente n'a été décelée, ni aucun dommage sur la plaque d'ostéosynthèse fixée à son humérus droit. Le CURML a relevé que les douleurs au bras droit évoquées par A______ pouvaient provenir de la pseudarthrose dont il souffrait.

d.a. X______ a affirmé avoir effectué un balayage au niveau du bras droit de A______ après avoir vu ce dernier faire un geste agressif du buste ou de la tête en direction de F______, le mettant ainsi en danger; en effet, selon lui, son collègue ne regardait pas en direction du haut du corps de A______, de sorte que ce dernier aurait pu lui donner un "coup de boule" avant de prendre la fuite.

d.b. Quant à A______, il a contesté avoir fait un tel geste du buste ou de la tête, affirmant s'être laissé faire.

d.c. Au vu de ces déclarations contradictoires, le Tribunal se fonde sur les éléments suivants:

-        Les déclarations de A______ sont par moment difficiles à suivre. Il a vraisemblablement exagéré les faits rapportés s'agissant du nombre et du type de coups reçus, au vu de l'absence de lésions constatées sur son corps et des déclarations des autres personnes entendues à la procédure, notamment I______ et D______, qui n'ont pas vu d'autre geste violent que le coup de pied et le fait d'avoir tiré les bras de A______ vers le haut. En outre, toutes les personnes entendues durant la procédure ont indiqué que A______ était agité et avait cherché à plusieurs reprises à échapper au contrôle de la police. Enfin, il a admis lui-même avoir consommé plusieurs joints dans la journée, ce qui expliquerait la confusion et l'incohérence de certaines de ses déclarations; toutefois, le fait qu'il était "au bord des larmes" au moment d'évoquer les faits avec les médecins effectuant l'examen médico-légal laisse penser qu'il était réellement touché par ce qu'il venait de vivre, ce qui apporte tout de même du crédit à ses déclarations;

-        Le cri ayant attiré l'attention de D______ pourrait tout à fait correspondre au geste vu par I______, à savoir le fait que X______ a tiré les bras de A______ vers le haut, causant une douleur à ce dernier;

-        Il ressort par ailleurs clairement des images vidéo qu'au moment où X______ lui a donné le coup de pied, A______ était calme et maîtrisé par F______, qui le maintenait en position assise. A cela s'ajoute qu'à aucun moment on ne voit, sur la vidéo, A______ faire un geste agressif du buste ou de la tête; bien plus, on voit qu'il n'oppose aucune résistance;

-        Ceci est corroboré par le fait que F______ a affirmé qu'il n'avait pas compris le geste de X______, qu'il n'avait pas eu l'impression d'être en difficulté ou d'être en train de perdre la maitrise de A______ au moment où X______ était intervenu, qu'il n'avait pas vu A______ initier un geste agressif contre lui, qu'il n'avait pas ressenti le besoin d'avoir de l'aide et qu'il n'en avait pas demandé;

-        X______ a d'ailleurs admis qu'au moment où il avait effectué le balayage, A______ était maîtrisé et se tenait tranquille;

-        G______ et H______ ont indiqué ne pas avoir vu le balayage effectué par X______; or, il ressort de la vidéo qu'ils se trouvaient juste à côté de ce dernier au moment où le balayage a été effectué, de sorte qu'il semble pour le moins étonnant qu'ils n'aient réellement rien vu, ce qui vient entacher la crédibilité de leurs déclarations;

-        Non seulement les déclarations de X______ selon lesquelles A______ tentait de se relever pour fuir, cas échéant en donnant un "coup de boule" à F______, sont en contradiction avec les images vidéo, mais aussi il est inconcevable qu'un homme à demi-assis, menotté dans le dos et maintenu à terre par un policier puisse rassembler la force physique nécessaire pour se relever, donner un "coup de boule" au policier en question et s'enfuir;

-        A cela s'ajoute que si A______ avait initié un mouvement agressif du buste ou de la tête en direction de F______, ce dernier aurait dû sentir un mouvement du corps de l'intéressé qu'il tenait à deux mains et voir ses jambes bouger, puisqu'il regardait précisément dans cette direction. Or, il a affirmé n'avoir rien remarqué de tel;

-        En ce qui concerne le type de coup asséné par X______ à A______, il découle des images vidéo, que l'on ne saurait remettre en question, qu'il s'agissait d'un violent coup de pied donné par l'intéressé après avoir pris deux pas d'élan, et non pas d'un simple balayage ou d'une simple frappe de déstabilisation enseignés à l'école de police.

d.d. Au vu de ce qui précède, le Tribunal retient que X______ a asséné à A______ un violent coup de pied, après avoir pris deux pas d'élan, alors même que A______ était assis au sol, menotté dans le dos, maîtrisé et calme, et sans que ce dernier n'ait fait un quelconque geste agressif du buste ou de la tête en direction de F______.

 

EN DROIT

Question préjudicielle

1. A titre préjudiciel, le Conseil de la partie plaignante a conclu à ce que le Tribunal examine les faits sous l'angle de l'art. 123 CP en concours avec l'art. 312 CP.

1.1. L'infraction de lésions corporelles simples est une infraction poursuivie sur plainte, sauf dans ses formes aggravées, non réalisées dans le cas d'espèce.

D'après l'art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois et le délai court du jour où l’ayant droit a connu l’auteur de l’infraction.

1.2. En l'espèce, les faits reprochés au prévenu sont intervenus le 3 mai 2020. Le délai pour déposer plainte pénale venait à échéance le 3 août 2020. Or, A______ a déposé plainte contre le prévenu le 4 août 2020. Dite plainte était donc tardive, de sorte que l'infraction de lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 CP, poursuivie uniquement sur plainte, ne peut pas être examinée par le Tribunal.

Si, par hypothèse, le Ministère public avait retenu cette infraction, le Tribunal n'aurait pas eu d'autre choix que de classer.

A toutes fins utiles, le Tribunal relève que le constat de lésions traumatiques du CURML a conclu à l'absence de toute lésion; ainsi, l'infraction réprimée à l'art. 123 CP n'aurait en toute hypothèse pas pu être retenue, le lien de causalité entre le coup et les douleurs n'étant pas établi, pas plus que l'intensité et la persistance de ces dernières.

1.3. Au vu de ce qui précède, le Tribunal a rejeté la question préjudicielle.

Culpabilité

2.1.1. L'art. 312 CP punit d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge.

2.1.2. Sur le plan objectif, l'infraction réprimée par cette disposition suppose que l'auteur soit un membre d'une autorité ou un fonctionnaire au sens de l'art. 110 al. 3 CP, qu'il ait agi dans l'accomplissement de sa tâche officielle et qu'il ait abusé des pouvoirs inhérents à cette tâche.

Cette dernière condition est réalisée lorsque l'auteur use illicitement des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa; 114 IV 41 consid. 2; 113 IV 29 consid. 1). L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt, pour l'atteindre, à des moyens disproportionnés (ATF 113 IV 29 consid. 1; 104 IV 22 consid. 2).

L'art. 312 CP protège, d'une part, l'intérêt de l'État à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire. En effet, cette disposition protège également les citoyens d'atteintes totalement injustifiées ou du moins non motivées par l'exécution d'une tâche officielle, lorsque celles-ci sont commises par des fonctionnaires dans l'accomplissement de leur travail. Ainsi, au moins en matière de violence et de contrainte exercées par un fonctionnaire, l'application de l'art. 312 CP dépend uniquement de savoir si l'auteur a utilisé ses pouvoirs spécifiques, s'il a commis l'acte qui lui est reproché sous le couvert de son activité officielle et s'il a ainsi violé les devoirs qui lui incombent. L'utilisation de la force ou de la contrainte doit apparaître comme l'exercice de la puissance qui échoit au fonctionnaire en vertu de sa position officielle (ATF 127 IV 209 consid. 1b). L'incrimination pénale doit être interprétée restrictivement, compte tenu de la formule très générale qui définit l'acte litigieux. Ainsi, la disposition ne tend à sanctionner comme abus d'autorité que les cas importants de manquement à un devoir de fonction (FF 1918 IV 1 73), les infractions de moindre gravité devant être sanctionnées par la voie disciplinaire, voire par les dispositions cantonales sur la répression des contraventions conformément à l'art. 335 CP (ATF 88 IV 69 consid. 1, JdT 1962 IV 86).

2.1.3. Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou le dessein de nuire à autrui (arrêt du Tribunal fédéral 6B_699/2011 du 26 janvier 2012 consid. 1.1). Ce dessein ne vise pas le but ultime de l'auteur, mais tous les effets de son attitude qu'il a voulus ou acceptés (ATF 113 IV 29 consid. 1). La jurisprudence retient un dessein de nuire dès que l'auteur cause par dol ou dol éventuel un préjudice non négligeable (ATF 99 IV 13; arrêts du Tribunal fédéral 6B_987/2015 du 7 mars 2016 consid. 2.6; 6B_831/2011 du 14 février 2012 consid. 1.4.2; 6S.885/2000 du 26 février 2002 consid. 4a/bb). Le dessein de nuire est également retenu lorsque l'auteur utilise des moyens excessifs, quand bien même il poursuit un but légitime (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa). Le Tribunal fédéral a retenu que le dessein d'impressionner et de déstabiliser la personne soumise à un interrogatoire est indiscutablement un dessein de nuire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_987/2015 du 7 mars 2016).

2.2. En l'espèce, le Tribunal a retenu (point E.d.d. supra) que le prévenu a asséné au plaignant un violent coup de pied, sans aucune raison, alors que ce dernier se trouvait assis au sol, calme, menotté dans le dos et maîtrisé par F______. Il n'était ainsi aucunement nécessaire de le frapper pour le maîtriser, pas plus que pour parer à un quelconque danger vis-à-vis de F______.

En usant de violence sur un individu qui ne présentait aucun danger et ne manifestait aucune agressivité – au moment du coup porté –, le prévenu a abusé des pouvoirs inhérents à sa fonction de policier, alors qu'il était en train d'accomplir une tâche relevant de cette fonction.

Il a agi intentionnellement. En usant gratuitement et abusivement de la force sur une personne déjà maîtrisée, le prévenu a en outre réalisé le dessein spécial de nuire à autrui.

A toutes fins utiles, le Tribunal relève que si, par impossible, le prévenu avait – à tort – pensé qu'il existait un risque concret et immédiat que le plaignant tente de se lever pour s'enfuir, cas échéant en assénant un "coup de boule" à F______, son intervention était en toute hypothèse disproportionnée, dans la mesure où il aurait suffi, par exemple, qu'il remette le plaignant au sol à l'aide de ses mains.

Par conséquent, le prévenu sera reconnu coupable d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP.

Peine

3.1.1. L'art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravite de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerne, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

3.1.2. A teneur de l'art. 34 al. 1 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l’auteur.

En règle générale, le jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3000.- au plus. Il peut exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l’auteur l’exige, être réduit jusqu’à CHF 10.-. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l’auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d’assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (art. 34 al. 2 CP).

3.1.3. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).

La loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis, étant précisé qu'en cas d'incertitude le sursis prime (Petit commentaire du Code pénal, 2ème éd., 2017, n. 9 ad art. 42 CP et les références citées).

3.1.4. Le juge peut prononcer, en plus d'une peine avec sursis, une amende conformément à l'art. 106 CP (art. 42 al. 4 CP).

Selon la jurisprudence, la combinaison de peines prévue par l'art. 42 al. 4 CP se justifie lorsque le sursis peut être octroyé mais que, pour des motifs de prévention spéciale, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'amener l'auteur à s'amender. Elle doit contribuer, dans l'optique de la prévention tant générale que spéciale, à renforcer le potentiel coercitif de la peine avec sursis. Cette forme d'admonestation adressée au condamné doit attirer son attention (et celle de tous) sur le sérieux de la situation en le sensibilisant à ce qui l'attend s'il ne s'amende pas (ATF 134 IV 60 consid. 7.3.1).

3.2. En l'espèce, la faute du prévenu n'est pas négligeable. Il a intentionnellement abusé des pouvoirs de sa fonction en frappant à une reprise un homme à terre et menotté, qui s'était calmé et était maintenu par un collègue, faisant preuve d'un comportement mal maîtrisé, assurément inadmissible de la part d'un policier.

Il convient toutefois de relever qu'il semble s'agir s'un dérapage isolé; en outre, il ressort du témoignage de J______ que le prévenu est de manière générale un policier exemplaire, respectueux et fiable, ainsi qu'un formateur apprécié.

La collaboration du prévenu est sans particularité.

Sa prise de conscience n'est pas initiée, en ce sens qu'il estime encore aujourd'hui que son acte était totalement justifié.

Sa situation personnelle n'explique ni n'excuse aucunement ses agissements.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal prononcera une peine pécuniaire de 60 jours- amende. Le montant du jour-amende sera fixé à CHF 45.- l'unité afin de tenir compte des revenus et charges du prévenu, soit [CHF 6'327.- (revenu mensuel net) – CHF 2'600 (loyer) – CHF 227.- (assurance-maladie) – CHF 2'100.- (minimum vital d'un couple et d'un enfant)] / 30.

Le sursis, dont les conditions sont réalisées, lui sera octroyé, et la durée du délai d'épreuve sera fixée à 3 ans.

En revanche, compte tenu de l'absence totale de prise de conscience du prévenu et du risque de récidive qui ne peut être exclu, une amende de CHF 540.- (correspondant à 20% de CHF 2'700.-) sera prononcée à titre de sanction immédiate.

Conclusions civiles

4.1.1. A teneur de l'art. 126 al. 1 let. a CPP, le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu.

4.1.2. Conformément à l'art. 122 al. 1 CPP, les prétentions civiles que peut faire valoir la partie plaignante sont exclusivement celles qui sont déduites de l'infraction.

La plupart du temps, le fondement juridique des prétentions civiles réside dans les règles relatives à la responsabilité civile des art. 41ss CO (arrêts du Tribunal fédéral 6B_267/2016 du 15 février 2017, consid. 6.1; 6B_486/2015 du 25 mai 2016, consid. 5.1 et les références citées). Il faut notamment qu'il existe un rapport de causalité entre la faute de l'auteur et le dommage, soit que sans le premier événement, le second ne se serait pas produit (Commentaire romand du Code des obligations, 3ème éd., 2021, n. 36-37 ad art. 41 CO). La partie plaignante peut ainsi réclamer la réparation de son dommage (art. 41 à 46 CO) et l'indemnisation de son tort moral (art. 47 et 49 CO), dans la mesure où ceux-ci découlent directement de la commission de l'infraction reprochée au prévenu.

4.1.4. Aux termes de l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l'application de l'art. 47 CO, figurent avant tout le genre et la gravité de la lésion, l'intensité et la durée des répercussions sur la personnalité de la personne concernée, le degré de la faute de l'auteur ainsi que l'éventuelle faute concomitante du lésé (ATF 141 III 97 consid. 11.2 et les références citées).

4.1.4. Lorsque le lésé présente ses prétentions civiles dans le cadre de la procédure pénale, les dispositions du droit civil s'appliquent, en particulier les art. 8 CC et 42 al. 1 CO s'agissant de la preuve du dommage qui incombe au demandeur, la reconnaissance de la qualité de partie plaignante dans une procédure ne l'exonérant pas de son obligation d'apporter la preuve de son dommage (arrêt du Tribunal fédéral 6B_586/2011 du 7 février 2012, consid. 7.2.2.).

4.2. En l'espèce, d'une part, si l'existence d'une certaine douleur ressentie par la partie plaignante suite au coup donné par le prévenu est établie, dite souffrance n'atteint pas l'intensité exigée par la jurisprudence pour donner droit à une indemnité pour tort moral.

D'autre part, il ressort du constat de lésions traumatiques du CURML qu'il n'est pas possible de retenir avec certitude que les douleurs au niveau du coude droit causées à A______ résultent du coup de pied donné par le prévenu, de sorte que la condition du lien de causalité entre l'acte illicite et le dommage causé, nécessaire à l'admission des conclusions civiles du plaignant, n'est pas réalisée.

Au surplus, le plaignant n'a pas établi par pièces l'existence d'une souffrance psychique.

Par conséquent, A______ sera débouté de ses conclusions civiles.

Indemnités et frais

5.1. Aux termes de l'art. 433 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (lit. a). La partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2).

La partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette norme lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante, à l'exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues (arrêt du Tribunal fédéral 6B_159/2012 du 22 juin 2012, consid. 2.2 et les références citées).

Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, sur la base les principes généraux de l'art. 34 LPAv, la Cour de justice retient en principe un tarif horaire entre CHF 400.- et CHF 450.- pour un chef d'étude, de CHF 350.- pour les collaborateurs et de CHF 150.- pour les stagiaires (arrêt de la Cour de justice AARP/38/2018 du 26 janvier 2018 consid. 7).

5.2. Au vu du verdict condamnatoire, il sera donné droit aux conclusions de A______ fondées sur l'art. 433 CPP, étant toutefois relevé que le tarif horaire de l'avocat-stagiaire sera fixé à CHF 150.- en conformité avec la jurisprudence cantonale genevoise, en lieu et place du tarif horaire de CHF 200.- réclamé par le Conseil de la partie plaignante.

6. Compte tenu du verdict de culpabilité, le prévenu sera condamné aux frais de la procédure (art. 426 al. 1 CPP) et ses conclusions en indemnisation seront rejetées (art. 429 al. 1 a contrario CPP).

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable d'abus d'autorité (art. 312 CP).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 45.-.

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne X______ à une amende de CHF 540.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 5 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Rejette les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).

Rejette les conclusions civiles de A______ (art. 47 CO).

Condamne X______ à verser à A______ CHF 3'505.30, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 3'513.20, y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Meliza KRENZI

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 

 

Vu l'annonce d'appel formée par le prévenu, laquelle entraîne la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 let. b CPP).

LE TRIBUNAL DE POLICE

Condamne X______ à payer un émolument complémentaire de CHF 1'000.- à l'Etat de Genève.

 

La Greffière

Meliza KRENZI

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

2'842.20

Convocations devant le Tribunal

CHF

60.00

Convocation FAO

CHF

40.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

500.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

3'513.20

Emolument de jugement complémentaire

CHF

1'000.00

Total

CHF

4'513.00

==========

 

Notification à X______, soit pour lui son Conseil, par voie postale

Notification à A______, soit pour lui son Conseil, par voie postale

Notification au Ministère public, par voie postale