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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1736/2018

JTAPI/519/2019 du 06.06.2019 ( LCI ) , IRRECEVABLE

PARTIELMNT ADMIS par ATA/373/2020

Descripteurs : AUTORISATION PRÉALABLE;DÉCISION INCIDENTE;APPEL EN CAUSE
Normes : LTF.93; LCI.146
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1736/2018 LCI

JTAPI/519/2019

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 6 juin 2019

 

dans la cause

 

Madame A______, Monsieur B______ et Monsieur C______, représentés par Me François BELLANGER, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

LES COMMUNAUTÉS DES COPROPRIÉTAIRES D______ et Monsieur E______, représentés par Me Jacques ROULET, avocat, avec élection de domicile

 


EN FAIT

1.             Madame A______ est propriétaire des parcelles 1______ et 2______, feuille 3______ de la commune de F______, d’une surface respective de 7'117 m2 et 2'696 m2. Une habitation d’un logement, ainsi qu’un garage sont érigés sur la parcelle 1______, à l’adresse 4______, avenue du G______.

2.             Monsieur C______ est propriétaire des parcelles 5______, 6______ et 7______, feuille 3______ de la commune de F______, d’une surface respective de 5'695 m2, 4'507 m2 et 3'898 m2. Une habitation d’un logement, un garage, une serre, ainsi qu’un autre bâtiment sont érigés sur la parcelle 5______, à l’adresse 8______, avenue du G______.

3.             Monsieur B______ est propriétaire des parcelles 9______ et 10______, feuille 3______ de la commune de F______, d’une surface respective de 2'678 m2 et 2'093 m2, lesquelles sont vierges de construction.

Il est également propriétaire de la parcelle 11______, feuille 12______ de la commune de H______, d’une surface de 5'264 m2, sur laquelle est érigée une habitation d’un logement, à l’adresse, 13______, route du I______.

4.             Ces huit parcelles, d’une superficie totale de 33'948 m2, sont toutes situées en 5ème zone à bâtir.

5.             Le 6 mai 2016, par l’intermédiaire de leur architecte, Mme A______ et MM. C______ et B______ (ci-après : les requérants) ont déposé auprès du département de l’aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le 1er juin 2018 le département du territoire (ci-après : DT ou le département), une demande d’autorisation préalable de construire sur les parcelles 1______ à 10______ de la commune de F______, portant sur la construction de trois immeubles de logements répondant à un standard de haute performance énergétique (ci-après : HPE) avec un parking souterrain.

La demande a été enregistrée sous la référence DP 14______.

Selon le document intitulé « récapitulatif de surfaces et droits à bâtir », le calcul du rapport des surfaces tient notamment compte de droits à bâtir provenant de la parcelle 11______ de la commune de H______, permettant ainsi d’obtenir une surface brute de planche (ci-après : SBP) disponible pour le projet de 7'709.34 m2, correspondant à un rapport de surfaces de 55 %.

6.             Dans le cadre de l’instruction de cette demande, et suite à l’analyse du dossier, le département a demandé, par courrier du 1er décembre 2016, que le projet soit modifié comme suit : « Veuillez nous fournir un calcul de surfaces modifié, en supprimant la parcelle 11______ sur la commune de H______, celle-ci n’étant pas contiguë aux autres parcelles ».

Les requérants étaient invités à faire parvenir les documents demandés au plus tard dans un délai de trente jours. Il était précisé que la reprise de l’instruction du dossier n’interviendrait qu’à réception de l’ensemble des pièces demandées et que la présente communication suspendait le délai de réponse fixé à l’art. 4 al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

7.             Par courrier du 5 décembre 2016, les requérants, sous la plume de leur conseil, ont communiqué au département des éléments qui justifiaient, selon eux, le maintien de la parcelle 11______ dans le calcul des droits à bâtir.

8.             Par courrier du 14 septembre 2017, le département a informé l’architecte du fait qu’il avait examiné son argumentation, mais qu'il maintenait sa demande de complément du 1er décembre 2016.

9.             Par courrier du 18 janvier 2018 adressé au département, les requérants, sous la plume de leur conseil, ont repris leur analyse de la situation.

En conséquence, ils priaient le département de reprendre l’instruction du dossier en prenant en compte la parcelle 11______ dans le calcul des droits à bâtir. Dans le cas contraire, ils sollicitaient la prise d’une décision formelle leur permettant de faire valoir leur droit de recours.

10.         Par courrier du 7 mai 2018, le département a confirmé aux requérants qu’il n’entrerait pas en matière pour un report de droit à bâtir entre la parcelle 11______ et les autres parcelles. L’hypothèse de considérer les parcelles comme un seul domaine n’était pas pertinente et, concernant l’interprétation de la mitoyenneté, il n’était pas démontré que le département serait dans l’erreur par rapport à d’autres cantons. Par conséquent, il maintenait sa position et restait dans l’attente d’un projet modifié.

Ce courrier ne mentionnait aucune voie ni délai de recours.

11.         Par acte du 22 mai 2018, Mme A______ et MM B______ et C______ (ci-après : les recourants), sous la plume de leur conseil, ont recouru contre ce courrier auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) concluant à son annulation et à ce que le transfert des droits à bâtir entre la parcelle 11______ et les parcelles 1______ à 10______ et 5______ soit autorisé, subsidiairement au renvoi du dossier au département pour nouvelle décision dans le sens des considérants, sous suite de frais et dépens.

12.         Le département s’est déterminé sur le recours le 26 juillet 2018, concluant à son irrecevabilité et, subsidiairement, à son rejet.

Le courrier du 7 mai 2018 ne constituait pas une décision finale, mais, en outre, l’éventuel délai de recours était largement dépassé s’agissant tout au plus d’une décision incidente. En effet, même si l’on devait retenir que le courrier du 1er décembre 2016, qui était répété dans le courrier querellé, devait constituer une décision incidente, un éventuel recours, soumis au délai de recours de dix jours, aurait dû être formé à ce moment. Les courriers des 14 septembre 2017 et 7 mai 2018 ne constituaient en effet que des rappels de la demande de compléments formulée le 1er décembre 2016. Ils ne constituaient pas une décision et ne pouvaient pas faire l’objet d’un recours, car ils ne faisaient que reprendre, sans la modifier, la demande figurant déjà dans le courrier du 1er décembre 2016. Au surplus, le courrier du 1er décembre 2016, intervenu alors que le département n’avait pas rendu de décision finale dans le cadre de l’instruction de la DP 14______, ne pouvait pas non plus être qualifié de décision, s’agissant d’une simple demande de compléments.

13.         Les recourants ont répliqué par acte du 20 août 2018, persistant intégralement dans leurs conclusions.

S’agissant de la recevabilité du recours, le courrier du 7 mai 2018, en tant qu’il refusait clairement le report des droits à bâtir concernés et imposait ainsi aux requérants de modifier complètement leur projet, consistait manifestement en une mesure individuelle et concrète ayant un impact sur leurs droits et obligations. Vu sa portée et ses conséquences, il s’agissait bien d’une décision sujette à recours, et non d’une simple demande de complément. Un jugement du tribunal tranchant la question de la prise en compte des droits à bâtir de la parcelle 11______ permettrait par ailleurs de reprendre de manière rationnelle la procédure d’autorisation dès lors que la demande porterait sur un projet dont la dimension aurait été préalablement confirmée. Une telle démarche était donc souhaitable au regard du principe d’économie de procédure. Si la décision devait être considérée comme une décision incidente, le délai de recours était respecté au regard des art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), la décision querellée ayant été reçue le 9 mai 2018.

14.         Par duplique du 17 septembre 2018, le département a également persisté dans ses conclusions et complété son argumentaire.

15.         Par pli du 19 octobre 2018, D______ et Monsieur E______ (ci-après : les requérants de l'appel en cause), sous la plume de leur conseil, ont demandé leur appel en cause dans la présente procédure, concluant à ce que l’intégralité du dossier leur soit communiquée et à ce qu’un délai de trente jours leur soit imparti pour formuler leurs observations et prendre des conclusions au fond.

La légitimation active des communautés de copropriétaires, valablement représentées par leurs administrateurs, était donnée au sens des art. 712l al. 2 et 712t al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), dans la mesure où elles étaient touchées dans leurs compétences de gestion et disposaient en commun d’un bien-fonds qui servirait d’accès à l’ensemble du projet prévu.

En tant que propriétaires de parcelles voisines de celles sur lesquelles la construction litigieuse était projetée et propriétaires en commun de la parcelle sur laquelle s’exerçait une servitude qui servirait de desserte unique au projet envisagé, ils disposaient d’un intérêt personnel et direct au recours, compte tenu de l’impact du projet sur leur environnement en termes de vue, de bruit, de poussière, de trafic et d’utilisation accrue de la servitude susmentionnée.

16.         Dans leurs déterminations du 6 novembre 2018, les recourants ont conclu, à la forme, à l’irrecevabilité de la requête d’appel en cause, faute de légitimation active des communautés de copropriétaires, et au fond, à son rejet.

La problématique en cause ne touchait aucunement les communautés de copropriétaires dans leurs compétences de gestion, dès lors qu’elle portait sur la seule question du transfert des droits à bâtir de la parcelle 11______. Le fait qu’elles soient propriétaires de parcelles sur lesquelles s’exerçait une servitude de passage qui permettrait l’accès aux futures constructions ne suffisait pas à considérer que leur action s’inscrivait dans leurs compétences de gestion. Par ailleurs, elles n’avaient pas valablement autorisé préalablement leur administrateur respectif par voie de décision de l’assemblée générale à procéder en justice, le risque financier d’une telle procédure empêchant l’application par analogie des règles prévalant dans le cadre de l’art. 712t al. 2 CC. En outre, une validation a posteriori ne remplissait pas les conditions nécessaires.

Les requérants de l'appel en cause n’avaient pas plus la qualité pour agir, dès lors que la décision querellée ne concernait qu’une question de principe et ne portait aucunement atteinte aux droits des tiers. Le fait que le recours n’ait pas été publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) suffisait à démontrer l’absence d’intérêt pour les tiers à pouvoir intervenir dans cette procédure, laquelle se situait au stade de la demande préalable, soit une demande visant à définir les possibilités constructives avant le dépôt d’un demande d’autorisation de construire définitive.

17.         Dans ses déterminations du même jour, le département a indiqué que, dès lors qu’il considérait le recours du 22 mai 2018 irrecevable, faute de porter sur une décision susceptible de recours, la requête d’appel en cause n’avait pas d’objet, les requérants de l'appel n’ayant aucun intérêt à y prendre part. Si le tribunal devait tout de même entrer en matière sur le recours, il ne s’opposait pas à ce que ces derniers soient appelés en cause.

Il relevait que les différentes communautés de copropriétaires avaient fait part de leurs observations dans le cadre du projet DP 14______, en leur qualité de voisins.

18.         Les requérants de l'appel en cause ont répliqué par acte du 22 novembre 2018, persistant dans leurs conclusions.

19.         Le 6 décembre 2018, le département a dupliqué sur la requête d’appel en cause.

20.         Par courrier du 7 décembre 2018, les requérants de l'appel en cause ont informé le tribunal qu’une assemblée des copropriétaires pour chacune des communautés de copropriétaires se tiendrait le 14 janvier 2019, l’ordre du jour concernant notamment la décision sur l’autorisation à donner aux administrateurs des PPE de requérir un appel en cause dans la présente procédure.

21.         Le 10 décembre 2018, les recourants ont dupliqué sur la requête d’appel en cause.

22.         Par pli du 15 janvier 2019, les requérants de l'appel en cause ont transmis au tribunal copie des procès-verbaux de l’assemblée générale des copropriétaires de chacune des copropriétés du 14 janvier 2019, autorisant les administrateurs des PPE à requérir un appel en cause dans la présente procédure.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est l’autorité inférieure de recours dans les domaines relevant du droit public, pour lesquels la loi le prévoit (art. 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

Il connaît notamment des recours dirigés contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Les parties débattent tout d'abord de la recevabilité du recours en mettant en avant la question de savoir si le courrier du département du 7 mai 2018, objet de la présente procédure, constitue une décision sujette à recours, ce que conteste l’autorité intimée qui le qualifie de « rappel » de la demande de compléments du 1er décembre 2016, laquelle devrait tout au plus être qualifiée de décision incidente, de sorte que le recours serait tardif.

3.             La question de la recevabilité du recours se pose en effet, mais sous un angle tout à fait différent.

4.             À teneur de l’art. 57 LPA, sont susceptibles d’un recours les décisions finales (let. a) et les décisions incidentes si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. c).

5.             Une décision qui met un terme à l’instance engagée constitue une décision finale. Les décisions prises pendant le cours de la procédure, qui ne représentent qu’une étape vers la décision finale, sont des décisions incidentes (ATA/360/2017 du 28 mars 2017 consid. 6a et les références citées).

6.             En l'occurrence, la décision dont est recours s'inscrit dans le cadre d'une demande d'autorisation préalable de construire, laquelle a pour vocation de faire approuver l’implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet présenté (art. 5 al. 1 LCI). L’autorisation délivrée sur cette base a pour but de figer ces éléments qui ne peuvent plus être remis en cause lors de la délivrance de l’autorisation définitive de construire (art. 5 al. 5 LCI qui renvoie à l’art. 146 LCI).

L’autorisation préalable confère certaines expectatives au constructeur mais ne confère pas le droit d’obtenir une autorisation définitive, ni de commencer les travaux. Il n’est pas pour autant exclu, même si la décision est entrée en force, qu’elle puisse être remise en cause par la suite, à l’instar de tout acte administratif unilatéral tel qu’une autorisation de construire ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_588/2016 du 26 octobre 2017 consid. 2.3 ; ATA/227/2018 du 13 mars 2018 consid. 6a).

7.             Selon le Tribunal fédéral, l'octroi d'une autorisation préalable de construire au sens de l'art. 5 al. 1 LCI constitue une simple étape vers la délivrance de l'autorisation définitive de construire et revêt un caractère incident alors même que l'autorité compétente tranche définitivement, au niveau cantonal et ne peut faire l’objet d’un recours qu’en cas de préjudice irréparable (arrêts 1C_594/2017 du 1er novembre 2017 consid. 2.2. ; 1C_588/2016 du 26 octobre 2016 consid 2.3 ; 1C_76/2016 du 25 février 2016 consid. 2.2 ; 1C_211/2015 du 22 avril 2015 consid. 2.2).

8.             Le Tribunal fédéral a récemment confirmé ce principe, dans un arrêt 1C_127/2019 du 2 avril 2019, retenant notamment que « l'arrêt de la Chambre administrative qui confirme en dernière instance cantonale l'octroi aux intimées de l'autorisation préalable de construire […] revêt un caractère incident quand bien même il tranche définitivement sur le plan cantonal certains aspects déterminants du projet litigieux et ne peut, conformément à l'art. 93 al. 3 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), être contesté qu'avec la décision finale dans la mesure où il n'expose le recourant à aucun préjudice irréparable. ». Ainsi, « ce n'est que dans le cas où l'autorisation définitive de construire n'est pas contestée qu'elle est tenue pour finale selon l'art. 90 LTF; le Tribunal fédéral peut alors être saisi d'un recours direct contre cette décision et contre l'arrêt cantonal incident. En revanche, dans le cas contraire, seul l'arrêt cantonal confirmant l'autorisation définitive de construire et rejetant les griefs des opposants revêt un caractère final au sens de l'art. 90 LTF et peut être attaqué devant le Tribunal fédéral en même temps que l'autorisation préalable de construire. En décider autrement reviendrait à ce que le Tribunal fédéral puisse être saisi deux fois de la même affaire, ce que tendent précisément à éviter la réglementation mise en place à l'art. 93 LTF et la jurisprudence citée dans l'arrêt 1C_594/2017 du 1er novembre 2017. Contrairement à ce que soutient une partie de la doctrine (cf. FRANÇOIS BELLANGER, Note à propos de cet arrêt in SJ 2018 I p. 188), le droit au contrôle judiciaire des décisions prévu par l'art. 29 al. 1 Cst. n'est pas violé mais il est simplement reporté jusqu'au prononcé de la décision finale conformément à l'art. 93 al. 3 LTF. ».

9.             Malgré les vives critiques de la doctrine (Valérie DEFAGO GAUDIN et Stéphane GRODECKI, La jurisprudence genevoise en matière d’aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue en 2015, in RDAF 2016 I 1, p. 23 ; Valérie DEFAGO GAUDIN et Stéphane GRODECKI, La jurisprudence genevoise en matière d’aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue en 2016, in RDAF 2017 I 1, p. 15 ; François BELLANGER, SJ 2018 I 188 ss), le tribunal ne saurait s’écarter sans autre de la qualification confirmée à plusieurs reprises par la Haute Cour d’une autorisation préalable comme « décision incidente ».

10.         Dans le cas d'espèce, même en adhérant à l'argumentation des recourants selon laquelle le courrier du 7 mai 2018 est une décision, et même en considérant, en allant plus loin que les recourants, qu'il ne s'agit pas d'une décision (incidente) prise dans le cadre de l'instruction, mais d'un refus de délivrer l'autorisation préalable, ce refus n'en demeurerait pas moins, selon les considérants qui précèdent, une décision incidente. Comme telle, elle n'est donc recevable qu'aux conditions de l’art. 57 let. c LPA.

11.         Cette disposition a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a LTF, de sorte qu’elle peut être interprétée selon les principes dégagés par la jurisprudence fédérale au sujet de l’art. 93 LTF (arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/ 2017 du 10 octobre 2017 consid. 2.3.1 ; ATA/360/2017 du 28 mars 2017 consid. 9b).

12.         Le préjudice irréparable visé à l’art. 93 al. 1 let. a LTF - et donc par la première hypothèse dont il est question à l’art. 57 let. c LPA - doit être de nature juridique et ne pas pouvoir être ultérieurement réparé par une décision finale favorable au recourant (ATF 141 III 80 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 du 10 octobre 2017 consid. 2.3.1 ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2c). En principe, l’octroi d’une autorisation préalable n’entraîne aucun préjudice irréparable pour les opposants au projet puisqu’il ne permet pas à son bénéficiaire d’entreprendre d’autres démarches que celles nécessaires à l’obtention de l’autorisation définitive de construire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_430/2017 du 31 août 2017 consid. 2.2).

Il appartient au recourant d’alléguer et d’établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice irréparable et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies, à moins que celui-ci ne fasse d’emblée aucun doute (ATF 141 III 80 consid. 1.2 ; 138 III 46 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_392/2016 du 5 septembre 2016 consid. 2.2 ; cf. aussi ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2c).

Avec la doctrine, le tribunal considère que les griefs concernant les éléments essentiels couverts par l’autorisation préalable selon l’art. 5 LCI, constituent des points susceptibles de causer un préjudice irréparable (François BELLANGER, SJ 2018 I 189) puisqu’ils ne pourront plus être examinés par l’autorité de recours dans le cadre du contrôle juridictionnel de l’autorisation définitive du fait de l’art. 146 al. 1 LCI.

13.         S’agissant de la seconde hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA (identique à celle dont il est question à l’art. 93 al. 1 let. b LTF), pour qu’une procédure soit « longue et coûteuse », il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s’écarte notablement des procès habituels (arrêt du Tribunal fédéral 4A_162/2015 du 9 septembre 2015 consid. 2 et les références citées ; ATA/1018/ 2018 du 2 octobre 2018 consid. 10e). Tel peut être le cas lorsqu’il faut envisager une expertise complexe ou plusieurs expertises, l’audition de très nombreux témoins, ou encore l’envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (ATA/1018/2018 du 2 octobre 2018 consid. 10d).

La procédure d’autorisation de construire ne présente en principe pas de tels inconvénients, dès lors que le dépôt de la requête ne nécessite ni l’élaboration d’un travail démesuré ou excessivement coûteux, ni des mesures probatoires prenant un temps considérable et exigeant des frais importants (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 du 10 octobre 2017 consid. 2.3.3 cum ATA/360/ 2017 du 28 mars 2017 consid. 10).

14.         En l'espèce, la décision litigieuse, si on la considère (dans l'hypothèse la plus favorable aux recourants) comme un refus d'autorisation préalable, ne remplit ni l'une ni l'autre des deux hypothèses susmentionnées.

15.         Ce n'est en effet que lorsqu'une autorisation préalable est octroyée qu'elle fixe des éléments essentiels qui ne seront pas susceptibles d'être revus devant les juridictions cantonales. En revanche, lorsqu'elle est refusée, elle ne fixe rien. Les raisons du refus ne font partie que des considérants de la décision et non de son dispositif, de sorte que le requérant de l'autorisation peut parfaitement les remettre en cause dans le cadre de l'autorisation définitive. Pour lui, les désavantages d'une telle situation découlent de la procédure plus longue et plus coûteuse qu'entraîne le dépôt d'une demande définitive. Comme cela vient d'être rappelé, cette longueur et ces coûts ne constituent cependant pas, en principe, un préjudice irréparable.

16.         En l'occurrence, il n'existe aucun élément permettant de considérer que les coûts et la durée d'une procédure en autorisation définitive excéderaient dans une mesure significative ceux qui sont usuellement liés à une procédure concernant un projet tel que celui qu'envisagent les recourants.

17.         Compte tenu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable.

18.         Malgré cette issue, il convient d'examiner la demande d'appel en cause, dès lors que le présent jugement pourrait être contesté auprès de la juridiction de recours et que les requérants en appel en cause seraient cas échéant légitimés à développer leurs arguments dans cette procédure.

19.         Selon l'art. 71 al. 1 LPA, l’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure, la décision leur devient dans ce cas opposable (al. 1). L’appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (art. 71 al. 2 LPA).

L’institution de l’appel en cause permet au juge de contraindre des tiers qui ne possèdent pas la qualité de partie faute d’en satisfaire les conditions à participer à la procédure, pour que le jugement rendu à l’issue de celle-ci déploie des effets juridiques à leur encontre. Elle vise plutôt à préjuger un rapport de droit entre l'appelé en cause et une partie principale dans une procédure pendant entre les parties principales. Elle a pour fonction d’éviter le déroulement d’une autre procédure sur les mêmes questions litigieuses et est donc dictée par un souci d’économie de procédure. L'appel en cause se justifie également dans la mesure où il permet d'éviter des décisions ou des jugements contradictoires. En revanche, elle n’est pas destinée à faire intervenir ou à étendre la procédure à des personnes qui bénéficient déjà de la qualité de partie et qui ne participent pas à celle-ci pour une quelconque raison. En particulier, elle ne permet donc pas de remédier à un défaut de participation d’une partie (ATA/617/2012 du 11 septembre 2012 consid. 8b et B. BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 197).

En l'espèce, les considérants qui précèdent au sujet du caractère incident de l'autorisation préalable (ou de son refus) explicitent le fait que, selon le Tribunal fédéral, il est possible de s'opposer auprès de lui, au moment du contentieux relatif à l'autorisation définitive, aux éléments fixés par l'autorisation préalable. Par conséquent, les requérants en appel en cause n'ont pas d'intérêt juridique actuel à pouvoir participer à la présente procédure. Ils pourront soit recourir contre l'autorisation définitive, soit demander leur appel en cause à ce moment-là, et présenter les arguments qu'ils ont fait valoir à ce jour dans leur demande d'appel en cause.

La demande d'appel en cause sera donc rejetée.

20.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

21.         Les requérants en appel en cause, pris conjointement et solidairement, seront condamnés au paiement d'un émolument s'élevant à CHF 300.-.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 22 mai 2018 par Madame A______, Monsieur B______ et Monsieur C______ contre la décision du département du territoire du 7 mai 2018 ;

2.             rejette la demande d'appel en cause de D______ et de Monsieur E______;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             met à la charge de D______ et Monsieur E______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 300.-;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Jean-Luc RICHARDET et Damien BLANC, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière