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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3020/2020

JTAPI/238/2021 du 09.03.2021 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : BRUIT;VALEUR LIMITE D'IMMISSIONS;VALEUR LIMITE D'EXPOSITION
Normes : OPB.31.al1; OPB.31.al2; LPE.22; LAT.22
Parties : COMMUNE DE MEYRIN, ROCHAT Gilberte Marguerite / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3020/2020 LCI

JTAPI/238/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 mars 2021

 

dans la cause

 

Madame Gilberte Marguerite ROCHAT, représentée par Me Guerric CANONICA, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             Madame Gilberte Marguerite ROCHAT est propriétaire de la parcelle n° 10750 sise chemin de Perrault-de-Jotemps 14 sur la commune de Meyrin, à proximité de l'Aéroport de Genève (ci-après : l'aéroport). Elle est située en zone villa.

2.             Selon le plan d'attribution des degrés de sensibilité (DS) du bruit OPB n° 29'330, adopté par le Conseil d'Etat le 6 mai 2009, un degré de sensibilité DS II a été attribué à cette parcelle.

3.             Le 12 février 2020, Mme ROCHAT, par l'intermédiaire de son architecte, a déposé auprès du département du territoire (ci-après : DT ou département), une demande d'autorisation de démolir la villa, le cabanon et le garage couvert présents sur la parcelle (M 8'647).

Elle a également déposé une demande d'autorisation de construire portant sur la construction de trois villas mitoyennes (30% THPE) et de couverts (APA 307'299), et une requête en abattage d'arbres.

4.             Dans le cadre de l'instruction de la requête en autorisation de construire, les préavis suivants ont notamment été recueillis :

-          préavis défavorable du 28 février 2020 de l'aéroport : au vu des courbes d'exposition au bruit, les immissions de bruit dans le périmètre concerné par le projet dépassaient les valeurs limites d'immission (VLI) pour les périodes 6h-22h, 22h-23h et 23h-24h correspondant au DS II. Or, le projet prévoyait la construction de pièces à usage sensible au bruit. Il a précisé qu'il s'attachait uniquement à l'exposition au bruit de la parcelle sans tenir compte des performances acoustiques des bâtiments ;

-          préavis du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisant (ci-après : SABRA) du 2 mars 2020 favorable sous conditions de l'assentiment de l'autorité compétente au sens de l'art. 31 al. 2de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41)pour prendre en compte le nouveau bruit admissible du bruit aérien, et que la requérante s'assurât que la norme SIA 181 de 2006 (exigences renforcées) fut respectée ;

Le préavis était ainsi libellé :

« Le plan d'attribution des degrés de sensibilité n° 29330, selon l'Ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB - art. 44, al. 1), adopté le 06.05.2009 pour le Conseil d'Etat attribue le degré de sensibilité DS II (OPB, art. 43, al. 1) à la parcelle concernée (...).

Selon le cadastre des immissions du bruit du trafic aérien, élaboré par l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC - mars 2009) et actuellement en vigueur, les valeurs d'exposition au bruit, à la hauteur du projet, valent : (...)

Les valeurs limites d'immissions de l'OPB (annexe 5), correspondant au degré de sensibilité DS II sont actuellement dépassées de jour de 4 dB (A) et de 3 dB (A) pour la période nocturne au niveau de la parcelle. Selon le cadastre en vigueur, les conditions de l'article 31 al. 1 OPB ne sont pas remplies pour la délivrance du permis de construire.

Le bruit admissible du trafic aérien, publié par l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC - septembre 2019) dans le cadre de l'enquête publique, indique que les valeurs d'exposition au bruit, à la hauteur du projet, valent : (...)

Par conséquent, en nous référant aux valeurs du nouveau bruit admissible du trafic aérien publié en septembre 2019 dans le cadre de l'enquête publique, nous pouvons anticiper que les valeurs limite d'immission de l'Ordonnance sur la Protection contre le Bruit (OPB, annexe 5) correspondant au degré de sensibilité DS II, seront dépassées de 3 dB(A) de jour et de 3 dB(A) pour la période nocturne au niveau de la parcelle.

L'exigence principale pour la construction de nouveaux locaux sensibles au bruit (respect des valeurs limites d'immission - OPB, art. 31, al. 1), destinés à un usage prolongé des personnes (OPB, art. 39), n'est pas strictement respectée car certaines fenêtres de certains locaux sensibles dépassent les valeurs limites d'immission.

Cependant, considérant la position de la parcelle par rapport à l'axe de la piste et l'orientation typologique des locaux à usage sensible au bruit, nous pouvons également anticiper le respect des valeurs limites d'immission à l'embrasure des fenêtres ouvertes des locaux sensibles au bruit. (...).

Par conséquent, le préavis du SABRA est favorable sous réserve de l'assentiment de l'autorité compétente au sens de l'article 31 al. 2 OPB.

Le requérant devra s'assurer que la norme SIA 181 édition 2006 (exigences renforcées) soit respectée. »

-          préavis de la commune de Meyrin du 4 mars 2020 : demande de projet modifié afin de préserver certains arbres ;

5.             Tous les autres préavis rendus étaient favorables, parfois sous conditions.

6.             Le département a délivré l'autorisation de démolir M 8647 le 20 août 2020.

Le même jour, il a refusé de délivrer l'autorisation de construire APA 307'299, retenant que l'art. 31 al. 1 OPB n'était pas respecté.

7.             Par acte du 25 septembre 2020, Mme ROCHAT, sous la plume de son conseil, a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre le refus d'autorisation de construire, concluant principalement à son annulation et à la délivrance de l'autorisation, subsidiairement au renvoi du dossier au département pour nouvelle décision, le tout sous suite de frais et dépens.

Le département avait procédé à une constatation inexacte des faits. Il avait indiqué que le SABRA avait retenu dans son préavis que le permis de construire ne pouvait être délivré car les exigences de l'art. 31 al. 1 OPB n'étaient pas respectées. Or, le SABRA retenait dans son préavis que le respect de cette disposition était prévisible au vu du positionnement de la parcelle par rapport à l'axe de l'aéroport et à l'orientation typologique des locaux à usage sensible au bruit. Dès lors, ce préavis anticipait le respect des VLI et l'autorisation de construire pouvait être délivrée sur la base de l'ar.t 31 al. 1 let. a OPB.

Le département fondait également son refus sur le préavis incomplet de l'aéroport, sans tenir compte des nombreux préavis favorables, ce qui violait l'interdiction de l'arbitraire. Le résultat auquel menait la décision était ainsi tout à fait choquant puisqu'il la privait de la possibilité de construire quand bien même elle respectait à la lettre les recommandations du SABRA et de la loi.

8.             Le département a répondu au recours par écriture du 30 novembre 2020, concluant à son rejet, sous suite de frais et dépens.

Il avait établi sa décision sur la base des valeurs retenues dans le cadastre du bruit aérien 2009, lequel s'avérait le seul en vigueur au jour de la décision, le cadastre 2019 étant toujours à l'enquête publique. Le préavis du SABRA indiquait clairement que les VLI n'étaient pas respectées et donc que les conditions de l'art. 31 al. 1 OPB n'étaient pas remplies pour la délivrance de l'autorisation de construire. De surcroit, le fait que l'art. 31 al. 1 OPB ne fut pas respecté ressortait également du fait que le SABRA avait indiqué que l'assentiment de l'autorité compétente au sens de l'art. 31 al. 2 OPB était nécessaire. Les éléments du préavis du SABRA cités par la recourante avaient trait à une application anticipée du cadastre du bruit aérien 2019, lequel n'avait, à ce jour, toujours pas été adopté ; quoi qu'il en fut, même à teneur de ce cadastre, les VLI n'étaient toujours pas respectées.

L'application par le département du cadastre 2019 relevait de l'opportunité - qui ne pouvait faire l'objet d'un contrôle judiciaire - et dans le mesure où, en l'espèce, les VLI étaient dépassées dans les deux cadastres, il avait refusé de le prendre en considération. De plus, les dépassements n'étaient pas faibles mais représentaient une nuisance sonore particulièrement importante - selon l'échelle logarithmique des décibels, ajouter 3 dB(A) correspondant à multiplier l'intensité sonore par deux, par exemple 63 dB(A) représentait un niveau sonore deux fois plus fort que 60 dB(A).

La délivrance d'une autorisation de construire fondée sur l'art. 31 al. 2 OPB dépendait d'une pesée des intérêts en présence, qui tenait notamment compte de l'importance du dépassement des VLI et de l'intérêt des propriétaires concernés. Cette disposition dérogatoire lui laissait un large pouvoir d'appréciation quant à l'octroi ou non d'une autorisation. En l'espèce, il avait consciencieusement analysé le dossier et il était apparu que les VLI étaient largement dépassées et, qu'en outre, la parcelle se situait à seulement 600 m. de la piste de décollage/atterrissage de l'aéroport et qu'elle se trouvait en première ligne face à celle-ci, aucune construction ne faisant écran entre la zone aéroportuaire et la parcelle. Quant à un éventuel intérêt public découlant de la création de logements, il était limité puisqu'il ne s'agissait que de trois villas qui ne répondaient vraisemblablement pas aux besoins prépondérants de la population. Quant à l'intérêt de la recourante, il était purement financier, et son intérêt à pouvoir utiliser sa parcelle de manière conforme à la zone ne pouvait être tenu comme suffisant car il reviendrait à accorder dans tous les cas une autorisation.

Enfin, les secteurs soumis au bruit des avions faisaient spécialement l'objet d'une fiche du plan directeur cantonal 2030 (fiche A20) de laquelle il ressortait que lors de la pesée des intérêts, celui de la santé publique l'emportait, sauf rare exception.

Pour terminer, il avait tenu compte des préavis favorables rendus, lesquels ne présentaient toutefois qu'un intérêt très relatif par rapport à la problématique du bruit.

9.             La recourante a répliqué le 5 janvier 2021, persistant dans ses conclusions.

Il ne ressortait pas du préavis du SABRA que l'anticipation du respect des VLI à l'embrasure des fenêtres ouvertes des locaux sensibles au bruit serait possible uniquement en application du cadastre 2019. Le département avait dès lors constaté les faits de manière inexacte.

Le département avait rendu une décision en considérant que 63 dB(A) représentait un niveau de bruit deux fois plus fort que 60 dB(A) alors que cela était fondamentalement faux et permettait d'illustrer l'erreur dans laquelle le département se trouvait au moment de la prise de décision.

Elle était purement privée de la possibilité de construire, quand bien même elle avait respecté à la lettre les recommandations du SABRA.

10.         Le département a dupliqué le 29 janvier 2021, persistant dans ses conclusions.

Il a précisé qu'un dépassement de 4 dB(A) de jour et 3 dB(A) de nuit - non contesté par la recourante - n'était pas modeste mais représentait, au contraire, un dépassement conséquent. Au vu de l'application du cadastre en vigueur, l'art. 31 al. 1 OPB ne trouvait pas application.

Par ailleurs, la recourante pouvait parfaitement jouir de son immeuble ou effectuer des travaux/modifications conformes à la législation en vigueur.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

Commet un excès positif de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui exerce son appréciation alors que la loi l'exclut, ou qui, au lieu de choisir entre les deux solutions possibles, en adopte une troisième. Il y a également excès du pouvoir d'appréciation dans le cas où l'excès de pouvoir est négatif, soit lorsque l'autorité considère être liée, alors que la loi l'autorise à statuer selon son appréciation, ou qu'elle renonce d'emblée, en tout ou partie, à exercer son pouvoir d'appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 116 V 307 consid. 2 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_472/2016 du 14 février 2017 consid. 5.1.2 ; 1C_263/2013 du 14 mai 2013 consid. 3.1), par exemple en appliquant des solutions trop schématiques ne tenant pas compte des particularités des cas d'espèce, que l'octroi du pouvoir d'appréciation avait justement pour but de prendre en considération ; on peut alors estimer qu'en refusant d'appliquer les critères de décision prévus explicitement ou implicitement par la loi, l'autorité viole directement celle-ci (cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 514 p. 179).

4.             Selon l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton, nul ne peut notamment, sans y avoir été autorisé :

a)      élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail ;

b)      modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation ;

c)      démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation ;

d)     modifier la configuration du terrain.

Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI), mais aucun travail ne doit être entrepris préalablement (art. 1 al. 7 LCI).

5.             La loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700) soumet l'octroi d'une autorisation de construire à la condition que la construction ou l'installation soit conforme à la zone et que le terrain soit équipé (art. 22 al. 2 LAT). Elle réserve par ailleurs les autres conditions posées par le droit fédéral et le droit cantonal (art. 22 al. 3 LAT).

6.             La législation fédérale sur la protection de l'environnement fixe des conditions supplémentaires à l'octroi d'une autorisation de construire dans les zones affectées par le bruit. Selon l'art. 22 al. 1 LPE, les permis de construire de nouveaux immeubles destinés au séjour prolongé de personnes ne seront délivrés, sous réserve de l'al. 2, que si les VLI ne sont pas dépassées. Dans le cas contraire, les permis de construire ne seront délivrés que si les pièces ont été judicieusement disposées et si les mesures complémentaires de lutte contre le bruit qui pourraient encore être nécessaires ont été prises (art. 22 al. 2 LPE).

7.             Cette disposition est précisée à l'art. 31 al. 1 OPB dans les termes suivants : lorsque les valeurs limites d'immission sont dépassées, les nouvelles constructions ou les modifications notables de bâtiments comprenant des locaux à usage sensible au bruit, ne seront autorisées que si ces valeurs peuvent être respectées par la disposition des locaux à usage sensible au bruit sur le côté du bâtiment opposé au bruit (let. a) ou des mesures de construction ou d'aménagement susceptibles de protéger le bâtiment contre le bruit (let. b).

Sont notamment des locaux à usage sensible au bruit les pièces d'habitations, à l'exclusion des cuisines sans partie habitable, des locaux sanitaires et des réduits (art. 2 al. 6 let. a OPB).

8.             L'art. 31 al. 2 OPB prévoit une exception au principe du respect des VLI lorsque l'édification d'un bâtiment présente un intérêt prépondérant. Pour qu'un permis de construire soit délivré, alors que les VLI sont dépassées, l'intérêt à la construction doit être plus important que celui de la protection contre le bruit extérieur (ATA/546/2005 précité consid. 9a et les références citées). L'octroi d'une autorisation de construire fondée sur cette disposition dépend en effet de la pesée des intérêts en présence et requiert un intérêt à réaliser la construction projetée primant celui des futurs occupants à être protégés contre le bruit extérieur. Cet intérêt peut être public ou privé, l'intérêt du propriétaire à pouvoir utiliser sa parcelle conformément à l'affectation de la zone dans laquelle elle se trouve, n'étant toutefois pas suffisant à lui seul, puisqu'il reviendrait à accorder dans tous les cas une autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_196/2008 précité consid. 2.5). Un intérêt public prépondérant à la délivrance de l'autorisation de construire doit en principe exister (arrêt du Tribunal fédéral 1C_451/2010 précité consid. 5).

Dans cette pesée des intérêts, il convient de considérer la destination de la zone dans laquelle prendrait place le projet et l'importance quantitative du dépassement des VLI. Les valeurs d'alarme doivent en particulier être observées. L'autorité doit tenir compte de la possibilité de déclasser la parcelle d'un degré de sensibilité au bruit en application de l'art. 43 al. 2 OPB. Des motifs d'aménagement du territoire peuvent également entrer en considération, notamment lorsque le terrain concerné constitue un espace non bâti dans un quartier déjà construit (en d'autres termes une « brèche dans le milieu bâti » ; ATF 134 II 152 du 14 avril 2008 consid. 11.1) et qu'à cet endroit, la création de nouveaux logements répond à un impératif d'urbanisme. De même, des considérations liées à la protection des sites ou du patrimoine peuvent justifier l'application de l'art. 31 al. 2 OPB (arrêt du Tribunal fédéral 1C_196/2008 précité consid. 2.5).

9.             Le département dispose d'un important pouvoir d'appréciation dans l'octroi d'une dérogation fondée sur l'art. 31 al. 2 OPB, dont les autorités de recours doivent tenir compte lorsqu'elles sont appelées à revoir l'application de cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 1C_196/2008 du 13 janvier 2009 consid. 2.6; ATA/448/2013 du 30 juillet 2013 consid. 3g in fine), la jurisprudence considérant néanmoins, de façon générale, que les dérogations ne peuvent être accordées ni refusées d'une manière arbitraire (cf. ATA/824/2013 du 17 décembre 2013 consid. 6 ; ATA/537/2013 du 27 août 2013 consid. 6b et les références citées).

10.         Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité ; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable ; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 138 III 378 consid. 6.1 ; 138 I 305 consid. 4.3 ; 137 I 1 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_180/2013, 2C_181/2013 du 5 novembre 2013 consid. 3). La notion d'arbitraire ne se confond donc pas avec ce qui apparaît discutable ou même critiquable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_88/2012 du 17 août 2012 consid. 5.1).

11.         Dans le cadre de son large pouvoir d'appréciation, le DT peut statuer « en opportunité », en fonction, notamment, de la politique particulière qu'il entend mettre en oeuvre (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n° 500 s. p. 166). De façon générale, le choix en opportunité est celui qui est fait entre plusieurs solutions, qui, par définition, sont toutes conformes au droit. Ainsi, l'opportunité est l'espace de liberté qui reste à l'administration une fois que celle-ci a strictement respecté le cadre légal et qu'elle a tenu compte de tous les principes juridiques qui s'imposent à elle à l'intérieur de ce cadre (Ibid., n° 519 p. 172). Il en résulte donc, comme déjà indiqué plus haut, que l'autorité n'est pas libre d'agir comme bon lui semble, puisqu'elle ne peut pas faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif (ATA/366/2013 du 11 juin 2013 consid. 3a ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n° 512 p. 170). Concrètement, cela signifie que le tribunal qui contrôle la conformité au droit d'une décision doit vérifier si l'administration a, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère la loi, respecté ces principes, mais s'abstenir d'examiner si les choix faits à l'intérieur de la marge de manoeuvre laissée par ces principes sont « opportuns » ou non (cf. art. 61 al. 2 LPA ; Ibid., n° 525 p. 175 et la jurisprudence citée).

12.         Les autorités de recours doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l'administration accorde ou refuse une dérogation et sont tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l'octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/824/2013 du 17 décembre 2013 consid. 6 ; ATA/537/2013 du 27 août 2013 consid. 6b ; ATA/147/2011 du 8 mars 2011 consid. 5 et les références citées).

13.         Les dispositions exceptionnelles ou dérogatoires sont interprétées selon les méthodes d'interprétation ordinaires sans nécessairement l'être de manière restrictive. Une dérogation importante peut se révéler indispensable pour éviter les effets rigoureux de la réglementation ordinaire. En tous les cas, la dérogation doit servir la loi ou, à tout le moins, les objectifs recherchés par celle-ci : l'autorisation exceptionnelle doit permettre d'adopter une solution reflétant l'intention présumée du législateur s'il avait été confronté au cas particulier. L'octroi d'une dérogation suppose une situation exceptionnelle et ne saurait devenir la règle, à défaut de quoi l'autorité compétente pour délivrer des autorisations se substituerait au législateur cantonal ou communal par le biais de sa pratique dérogatoire. L'autorité ne doit pas, en faisant un usage trop laxiste de ce pouvoir, vider de son sens la notion d'autorisation exceptionnelle ou dérogatoire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2007 du 14 septembre 2007 consid. 3.3).

14.         L'octroi d'une dérogation implique une pesée entre les intérêts publics et privés de tiers au respect des dispositions dont il s'agirait de s'écarter et les intérêts du propriétaire privé à l'octroi d'une dérogation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2007 du 14 septembre 2007 consid. 3.3). L'octroi d'une dérogation peut ainsi s'imposer, suite à une pesée de tous les intérêts pertinents, en vertu du principe de proportionnalité ou d'égalité de traitement, ce dernier principe ne devant pas à nouveau conduire à transformer l'exception en règle (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 294 s et les références citées).

15.         Pour qu'une mesure soit conforme au principe de la proportionnalité, il faut qu'elle soit apte à parvenir au but visé, que ce dernier ne puisse être atteint par une mesure moins incisive et qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 132 I 229 consid. 11.3 ; 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24c et les arrêts cités).

16.         En vertu de l'art. 38 OPB concernant les méthodes de détermination, les immissions de bruit sont déterminées sous forme de niveau d'évaluation Lr ou de niveau maximum Lmax sur la base de calculs ou de mesures (al. 1) ; les immissions de bruit des avions sont en principe déterminées par calcul ; les calculs doivent être effectués conformément à l'état admis de la technique ; l'OFEV recommande des méthodes de calcul appropriées (al. 2) ; les exigences en matière de modèles de calcul et d'appareils de mesure seront conformes à l'annexe 2 (al. 3).

17.         Pour les bâtiments, les immissions de bruit seront mesurées au milieu de la fenêtre ouverte des locaux à usage sensible au bruit, celles des avions pouvant également être déterminées à proximité des bâtiments (art. 39 al. 1 OPB).

18.         En matière de bruit du trafic aérien, les VLI sont celles fixées dans l'annexe 5 de l'OPB, à savoir 60 dB(A) de 6h à 22h, 55 dB(A) de 22h à 23h et 50 dB(A) de 23h à 24h et de 5h à 6h.

19.         De jurisprudence constante, l'autorité de recours doit appliquer les normes en vigueur au jour où elle statue (ATA/227/2018 consid. 5; ATA/1235/2017 consid. 3e).

20.         En l'espèce, les valeurs d'exposition au bruit actuellement en vigueur à la hauteur du projet litigieux découlent du cadastre du bruit du trafic aérien établi par l'OFAC en mars 2009.

Si certes le 14 novembre 2018, le Conseil fédéral a adopté la fiche du plan sectoriel de l'infrastructure aéronautique (PSIA) pour l'aéroport de Genève, permettant l'engagement de la procédure pour fixer le bruit admissible et ensuite l'actualisation du cadastre du bruit, il n'en demeure pas moins que les nouvelles valeurs ne sont en l'état pas applicables.

Dès lors ce sont bien les valeurs déterminées par le cadastre de 2009 qui doivent être respectées.

21.         Le dépassement des VLI en regard du cadastre des immiscions de bruit en vigueur actuellement sont de 4dB(A) entre 6h et 22h, 3db(A) entre 22h et 23h et 3dB(A) entre 23h et minuit, ce qui n'est pas contesté. En prenant en considération le cadastre 2019 soumis à l'enquête publique, le dépassement des VLI pour la période 6h-22h ne serait plus que de 3 dB(A), les deux autres valeurs étant inchangées.

Au vu de cette situation, le SABRA a clairement indiqué dans son préavis du 2 mars 2020 que son préavis était favorable « sous réserve de l'assentiment de l'autorité compétente au sens de l'article 31 al. 2 OPB ».

C'est ainsi à juste titre que le département a retenu que, vu les dépassements des VLI, l'art. 31 al. 1 OPB ne pouvait pas trouver application et que seul entrait en ligne de compte une application de l'al. 2.

22.          Le Tribunal fédéral a eu à connaître d'une situation portant sur un projet de construction sur la commune de Genthod. Le dépassement des VLI variait entre 5 et 8 dB(A), selon les heures de la journée et de la nuit, étant précisé que les valeurs d'alarme n'étaient atteintes que sur une portion congrue de la parcelle située à l'opposé de l'emplacement prévu pour les constructions litigieuses. Il n'était donc pas négligeable, même si l'on voulait tenir compte de la réduction minime du bruit que permettraient d'atteindre les mesures d'aménagement proposées par l'ingénieur acousticien pour faire écran au bruit. Les autorités cantonales, qui avaient refusé au recourant l'octroi de la dérogation prévue par l'art. 31 al. 2 OPB, pouvaient, « sans excéder leur pouvoir d'appréciation, faire prévaloir les impératifs de santé publique que visent à préserver les règles relatives aux valeurs limites d'immission sur celui du recourant à pouvoir réaliser deux villas jumelées sur sa parcelle ». L'atteinte portée au droit de propriété du recourant devait être relativisée, puisque celui-ci conservait la possibilité d'édifier sur la surface constructible disponible de sa parcelle une construction abritant des activités sans nuisances qui ne nécessitait pas de dérogation fondée sur l'art. 31 al. 2 OPB (arrêt 1C_196/2008 du 13 janvier 2009 consid. 2.6).

Plus récemment, le tribunal de céans a confirmé un refus d'autorisation de construire sur une parcelle dont les dépassements des VLI du DS II étaient de +3-4 dB(A) entre 6 et 22 h, + 6 dB(A) entre 22h et 23h et + 5-6 dB(A) entre 23h et minuit (JTAPI/118/2016)

23.          En l'espèce, il n'apparaît pas que l'autorité intimée aurait incorrectement appliqué les prescriptions légales applicables ou que, d'une manière ou d'une autre, elle aurait fait un usage excessif ou abusif de son pouvoir d'appréciation en refusant de délivrer l'autorisation de construire sollicitée par la recourante.

Comme indiqué précédemment, les VLI ne sont respectées à aucun moment de la journée et de la nuit, et les dépassements en cause, sans être aussi élevés que dans certains cas retenus par la jurisprudence ne sauraient toutefois être considérés comme étant de faible intensité.

Au vu du dépassement des VLI en cause, du préavis défavorable de l'aéroport et du contenu bien spécifique du préavis favorable sous conditions du SABRA, le DT pouvait donc, sans se fonder sur des considérations dénuées de pertinence ou étrangères au but visé par la loi, faire prévaloir les impératifs de santé publique que visent à préserver les règles rappelées plus haut sur celui de la recourante à pouvoir réaliser son projet de construction, étant rappelé que la réalisation de trois villas n'est pas en soi prépondérant sous l'angle de l'art. 31 al. 2 OPB.

La recourante ne démontre par ailleurs pas en quoi la décision querellée, qui s'insère dans la ligne tracée par la jurisprudence, serait constitutive d'un excès ou d'un abus du pouvoir d'appréciation à disposition du département. Son intérêt à pouvoir utiliser sa parcelle de manière conforme à l'affectation de la zone ne peut pas être retenu comme suffisant car il reviendrait à accorder dans tous les cas une autorisation (ATA/781/2020 du 18 août 2020) ; par ailleurs, elle ne fait valoir qu'un intérêt purement financier. Enfin, il sera rappelé que la recourante peut procéder à des travaux sur la villa actuellement érigée sur la parcelle.

24.          Dans ces conditions, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit (art. 61 al. 2 LPA), le tribunal ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du DT, qui s'est fondé sur les préavis du SABRA et de l'aéroport, les autres préavis rendus dans le cadre de l'instruction, tous favorables, n'ayant pas été ignorés par le département mais simplement non pertinent en ce qui concernait la question du bruit.

25.         Il résulte de ce qui précède que le refus querellé ne peut être que confirmé.

26.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours sera par conséquent rejeté.

27.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe, est condamnée au paiement d'un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l'avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 25 septembre 2020 par Madame Gilberte Marguerite ROCHAT contre la décision du département du territoire du 26 août 2020 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Patrick BLASER et Michel GROSFILLIER, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière