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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3467/2016

ATA/1235/2017 du 29.08.2017 ( EXPLOI ) , ADMIS

Descripteurs : EXPLOITANT ; POLICE ; ORDRE PUBLIC(EN GÉNÉRAL) ; FUMÉE ; INTERDICTION DE FUMER ; SANCTION ADMINISTRATIVE ; AMENDE ; RÉTROACTIVITÉ ; LEX MITIOR
Normes : LIF.6.al2; LRDBHD.24.al1; LRDBHD.24.al3; LRDBHD.34.al1; LRDBHD.34.al2; LRDBHD.65.al1; RRDBHD.47.al4.leta; RRDBHD.65.al5
Résumé : Recours contre une amende prononcée à l'encontre de l'association l'Usine en raison de diverses infractions à la LRDBHD et à la LIF constatées par la police à l'occasion d'une intervention effectuée dans les locaux de La Makhno. Problématique du droit applicable, la LRDBHD étant entrée en vigueur après les faits. Application de la LRDBHD et non de l'aLRDBH en vertu du principe de la lex mitior : l'association est considérée comme propriétaire de l'établissement, et sa responsabilité est donc limitée aux manquements graves de l'exploitant. Interprétation de la notion de manquements graves opposables au propriétaire au sens des art. 23 al. 5 LRDBHD cum 63 al. 3 LRDBHD. En l'espèce, les infractions reprochées à l'association ne peuvent être qualifiées de « manquements graves de l'exploitant » devant engager la responsabilité subsidiaire de l'association en tant que propriétaire de l'établissement. Par ailleurs, le PCTN a laissé s'écouler plus d'une année, sans procéder à aucun acte d'instruction, avant de la sanctionner pour les infractions constatées par la police. Portée limitée de l'arrêt, étant donné le changement législatif intervenu entre-temps : à compter du 26 octobre 2016, les événements organisés par l'association sont soumis à autorisation en tant qu'événements de divertissement public, et les buvettes en tant que buvettes d'événements.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3467/2016-EXPLOI ATA/1235/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 août 2017

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Olivier Peter, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR

 



EN FAIT

1) L'A______ (ci-après : l'A______) assure la gestion courante et la coordination des activités culturelles et récréatives du bâtiment de l'ancienne B______ (ci-après : la B______), sis __ place C______ et propriété de la Ville de Genève (ci-après : la ville).

2) Selon les informations contenues sur son site internet, la B______ est un centre culturel autogéré, composé de dix-sept entités.

3) La D______ est l’une de ces entités : il s’agit d’une salle de concert, avec buvette, située dans le même bâtiment.

4) Le 24 avril 2015, les services de police ont établi un rapport relatif à une intervention s’étant déroulée le 31 mars 2015.

Le 31 mars 2015 à 20h50, un enquêteur de sécurité publique du quartier de E______ avait demandé l’appui de la police afin d’interpeller un individu soupçonné d’approvisionner des dealers en marijuana.

À l’arrivée de la police, l’individu en question se trouvait devant l’entrée de la B______. À la vue des uniformes, ce dernier avait tenté de se réfugier à l’intérieur du bâtiment.

En tentant de le poursuivre, plusieurs policiers s’étaient retrouvés dans les locaux de La D______. Ils avaient alors constaté que de nombreux clients fumaient à l’intérieur des locaux et qu’une forte odeur de marijuana se dégageait.

Plusieurs personnes présentes avaient réagi à la présence de la police. Par ailleurs, un homme se situant derrière le bar et se présentant comme le responsable des lieux s’était également insurgé contre cette présence, indiquant que la police n’avait pas le droit d’être sur les lieux.

Sentant que la situation devenait difficile, les policiers avaient alors extrait l’homme interpellé, non sans avoir dû pousser le responsable des lieux qui bloquait leur passage.

Arrivés au rez-de-chaussée, ils avaient trouvé quarante-cinq sachets de marijuana (soit 90 grammes) dans la sacoche de l’homme qu’ils avaient interpellé.

Le responsable des lieux était alors à nouveau venu vers eux pour leur répéter que leur présence sur les lieux n’était pas « normale ». Ils avaient donc quitté les lieux, sans pouvoir identifier la personne se disant responsable.

Selon les recherches qu’ils avaient effectuées dans leur système informatique, aucun responsable n’était officiellement inscrit pour l’établissement La D______.

5) Ce rapport a été transmis, le 11 mai 2015, au service du commerce, devenu depuis lors le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN).

6) Par courrier du 25 avril 2016, le PCTN a indiqué à l’A______ qu’il envisageait de lui infliger, à la lecture du rapport établi par les services de police le 24 avril 2015, une sanction et / ou une mesure administrative en raison des infractions constatées, à savoir :

-              de nombreux clients fumaient à l’intérieur de l’établissement et ils n’avaient pas été enjoints de ne pas fumer ;

-              l’ordre n’avait pas été maintenu dans l’établissement, de la marijuana y étant consommée par de nombreux clients ;

-              il n’avait pas été fait appel à la police, alors que l’ordre était troublé du fait de la consommation de stupéfiants par la clientèle ;

-              lors de l’intervention de la police, le responsable sur place s’était vivement opposé à la présence de policiers dans l’établissement et de ce fait, plusieurs clients s’étaient également révoltés oralement contre cette présence ; le répondant sur place avait par ailleurs fait obstruction au passage des policiers, puis s’était à nouveau dirigé vers eux alors qu’ils étaient redescendus au rez-de-chaussée afin de s’opposer à leur présence ; la police n’avait ainsi pas été en mesure d’identifier cette personne.

Ces faits étaient constitutifs d’infractions aux art. 6 al. 2 de la loi sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics du 22 janvier 2009 (LIF - K 1 18), 24 al. 1 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22), 24 al. 3 LRDBHD et 34 al. 1 et 2 LRDBHD cum 47 al. 4 du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 (RRDBHD - I 2 22.01).

L’A______ disposait d’un délai au 23 mai 2016 pour faire valoir son droit d’être entendue sur les faits qui lui étaient reprochés.

7) L’A______ s’est déterminée par courrier du 23 mai 2016.

Compte tenu du délai écoulé depuis les faits, il ne lui était pas possible de transmettre l’identité des personnes assurant le service à la buvette de La D______ ce soir-là et donc de communiquer au PCTN leur version des faits.

En tout état de cause, il n’aurait pas été possible de transmettre l’identité du prétendu « reponsable » des lieux, les responsabilités étant toujours assumées collectivement en raison du fonctionnement collectif et horizontal de la B______.

S’agissant du reproche portant sur une prétendue violation de l’art. 6 al. 2 LIF, un éventuel non-respect par certains usagers de l’interdiction de fumer ne pouvait être imputable à l’A______. En effet, les dispositions de la LIF ainsi que des panneaux enjoignant aux usagers de ne pas fumer étaient exposés à l’intérieur des locaux de la B______. Par ailleurs, les personnes assurant le service et l’accueil dans l’établissement avaient pour tâche d’enjoindre oralement aux personnes présentes de respecter les prescriptions légales en matière de fumée.

Quant à la LRDHBD, cette loi n’était pas en vigueur le 31 mars 2015 et ne pouvait donc être appliquée aux faits reprochés. À ce propos, l’art. 65
al. 5 RDBHD n’était pas conforme au principe de non-rétroactivité des normes. Par ailleurs, la LRDBHD prévoyait une peine trois fois plus sévère que celle prévue par l’ancienne loi.

S’agissant des reproches formulés en application des art. 24 al. 1 et
3 LRDBHD, il était tout à fait vraisemblable que l’odeur de marijuana prétendument constatée se dégageait de la personne interpellée ce soir-là par les policiers, celle-ci portant sur elle une grande quantité de stupéfiants.

Même si, au moment des faits, une personne avait consommé de la marijuana au sein de l’établissement, ce qui était contesté, cela n’attestait en rien que les personnes s’occupant du bar n’avaient pas pris des mesures pour la faire cesser, démarches interrompues par la confusion provoquée au sein des locaux par l’arrivée de plusieurs personnes suivies par de nombreux agents de police.

De plus, le comportement reproché aux usagers constituait une infraction de très faible gravité, sanctionnée par une simple amende d’ordre d’un montant de CHF 100.-. Il ne s’agissait dès lors pas d’un trouble à l’ordre public.

Il serait disproportionné de considérer que ce trouble serait d’une gravité telle qu’il obligerait à faire systématiquement appel à la police en cas de constat au sein de l’établissement ou dans ses environs.

Quant au reproche fondé sur l’art. 34 LRDBHD, le temps écoulé ne permettait pas à l’A______ de se déterminer sur ces faits, dès lors contestés.

8) Par décision du 12 septembre 2016, le PCTN a infligé à l’A______ une amende administrative de CHF 2'200.- en vertu de l’art. 65 LRDBHD et 8A LIF, et averti cette dernière qu’en cas de récidive, une mesure administrative serait prononcée en vertu des art. 62 à 63 LRDBHD et 8A LIF.

Les propos contenus dans le courrier du 23 mai 2016 n’étaient pas propres à remettre en cause les constatations faites par la police lors du contrôle du 31 mars 2015, lesquelles bénéficiaient d’une force probante accrue en vertu de la jurisprudence.

Par ailleurs, à teneur de l’art. 65 al. 5 LRDBHD, les faits constatés avant l’entrée en vigueur au 1er janvier 2016 de la LRDBHD se poursuivaient selon le nouveau droit. Les infractions reprochées à l’A______ étaient également réprimées par l’ancienne loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 (aLRDBH - I 2 21) et le PCTN avait veillé à ce que le montant de l’amende ne soit pas plus élevé qu’il ne l’aurait été sous l’ancien droit. L’application du nouveau droit respectait dès lors le principe de non-rétroactivité.

Conformément à l’art. 23 al. 5 LRDBHD, les infractions retenues étaient opposables à l’A______, en sa qualité de propriétaire de l’établissement, responsable subsidiaire. Dans la mesure où il n’apparaissait pas de prime abord quelles étaient les personnes responsables, la sanction était directement applicable à l’A______, en vertu de l’art. 65 al. 2 LRDBHD.

9) Par acte du 13 octobre 2016, l’A______ a formé recours à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative), concluant à l’annulation de cette décision, à la condamnation du PCTN en tous les frais de la procédure et à l’octroi d’une équitable indemnité à titre de dépens à l’A______.

La D______ était une salle de concert avec buvette située dans l’établissement à l’enseigne « la B______ ». Elle était gérée collectivement et la responsabilité était partagée entre de nombreuses personnes qui se relayaient pour la gestion du bar et l’organisation des soirées.

Il n’était pas anodin que des agents de police effectuent des missions de surveillance dans l’enceinte de l’établissement. Par ailleurs, en cas de troubles sérieux à l’ordre public, les personnes assurant l’accueil et la sécurité faisaient régulièrement appel aux agents.

Sur le fond, l’A______ ne pouvait être tenue pour responsable subsidiaire des faits reprochés, ces derniers n’étant pas d’une gravité suffisante au sens de l’art. 63 al. 3 LRDBHD pour permettre une délégation de responsabilité, conformément à l’art. 23 al. 5 LRDBHD.

Même si la délégation de responsabilité était admise, les faits n’avaient nullement été prouvés par le PCTN, qui se fondait uniquement sur le rapport de police. Par ailleurs, l’essentiel des faits reprochés à l’exploitant en lien avec les clients ayant prétendument fumé dans l’établissement n’étaient pas constitutifs d’une infraction pénale et ne pouvaient ainsi justifier le prononcé d’une sanction pénale au sens de l’art. 8 LIF. L’éventuelle consommation de cannabis par des clients ne constituait pas non plus un trouble de l’ordre sérieux qui aurait obligé l’exploitant à faire appel aux agents conformément à l’art. 24 al. 3 LRDBHD. Enfin, l’A______ ne pouvait se déterminer sur la prétendue violation de l’obligation de laisser libre accès aux locaux aux fonctionnaires et agents, à défaut d’identification du responsable ayant prétendument entravé la police dans son travail. En tout état de cause, même si ces faits étaient opposables à l’A______, il s’agissait d’un épisode ponctuel d’une gravité relative qui s’inscrivait dans le cadre d’une collaboration autrement étroite avec les fonctionnaires en charge du maintien de l’ordre. Ce cas isolé justifierait ainsi, tout au plus, le prononcé d’un avertissement.

10) En date du 26 octobre 2016, la ville a octroyé à l’A______ une autorisation d’exploiter pour les mois de novembre 2016, décembre 2016 et janvier 2017, laquelle l’a autorisée à organiser des événements culturels et à exploiter cinq buvettes, dont celle de La D______.

11) Le 28 novembre 2016, le PCTN a adressé ses observations sur le recours de l’A______, concluant au rejet de celui-ci et à la confirmation de la décision entreprise.

Ni l’établissement La D______, ni l’établissement la B______ n’étaient titulaires d’une autorisation d’exploiter le 31 mars 2015. Dans la mesure où aucun exploitant n’avait été autorisé, l’A______ répondait de ces infractions en qualité de propriétaire de fonds de commerce, en application de l’art. 23 al. 5 LRDBHD.

Depuis le prononcé de la décision du 12 septembre 2016, le RRDBHD avait fait l’objet d’une nouvelle modification, entrée en vigueur le 26 octobre 2016. À teneur de celle-ci, les lieux culturels tels que la B______ et La D______ n’étaient plus considérés comme des établissements de divertissements publics, mais ils étaient néanmoins soumis à autorisation en tant qu’événements de divertissement public, et les buvettes étaient autorisées en tant que buvettes d’événements. La LRDBHD et le RRDBHD imposaient à l’organisateur d’événements de respecter les art. 24, 25, 33 à 35 de la loi, et au tenancier de la buvette de respecter les art. 28 à
31 LRDBHD, exception faite de l’art. 31 al. 9 LRDBHD. Ainsi, les infractions reprochées à l’A______ dans la décision querellée pourraient également lui être reprochées en application du nouveau droit.

S’agissant de l’application de la LIF, tant la B______ que La D______ étaient des lieux fermés accessibles au public, de sorte que cette loi leur était applicable. Se posait la question de savoir si les sanctions administratives prévues par l’art. 8A LIF leur était applicable, cette disposition prévoyant que tout exploitant ou responsable d'un établissement soumis à LRDBHD était en outre soumis aux mesures et sanctions administratives prévues par cette dernière législation en cas d'infraction à la LIF. Dans la mesure où les activités de la B______ et de La D______ s’exerçaient dans un local fermé, il convenait de retenir qu’il s’agissait d’un établissement au sens de l’art. 8A LIF. Ainsi, les art. 6 al. 2 cum 8A LIF seraient applicables au cas d’espèce en cas d’application du nouveau droit.

Le nouveau droit – soit la nouvelle teneur du RRDBHD – n’était pas plus favorable à la recourante, puisque les infractions qui lui étaient reprochées pourraient également l’être s’il était fait application de ce dernier. Aucun intérêt public important ne justifiant l’application du nouveau droit, l’ancien droit devait être appliqué (soit la LRDBHD et le RRDBHD dans leur teneur au moment où la décision avait été rendue).

À la lecture de l’art. 63 al. 3 LRDBHD, auquel renvoyait l’art. 23 al. 5 LRDBHD, il ne faisait aucun doute que les infractions reprochées à l’A______ dans la décision querellée constituaient des infractions graves au regard de cette loi. Par ailleurs, une interprétation restrictive de la notion d’infraction grave au sens de cette disposition était contraire à l’esprit de la loi, puisqu’elle revenait à favoriser les établissements exploités sans être au bénéfice de l’autorisation requise par la LRDBHD. Ainsi, l’A______ répondait des infractions commises au sein de l’établissement La D______ le soir du 31 mars 2015.

Toutes les infractions reprochées avaient été commises, à savoir une infraction à l’art. 6 al. 2 LIF, applicable par le biais de l’art. 8A LIF, des infractions aux art. 24 al. 1 et 24 al. 3 LRDBHD, et une infraction à l’art. 34 al. 1 et 2 LRDBHD cum 47 al. 4 RRDBHD.

Enfin, la sanction était justifiée et proportionnée, au vu des infractions graves réalisées par l’A______. Il existait en outre un intérêt public important à ce que les exploitants et responsables fassent respecter l’interdiction de fumer ainsi que l’interdiction de consommer des stupéfiants dans leurs établissements et événements. Le prononcé d’une simple amende étant peu apte à amener l’exploitant à satisfaire à ses obligations à cet égard, le prononcé d’un avertissement des mesures des art. 62 et 63 LRDBHD était en l’espèce nécessaire et proportionné.

12) Le 29 janvier 2017, la recourante a répliqué aux observations du PCTN, persistant dans les conclusions de son recours.

Elle apportait des développements complémentaires s’agissant de l’application de l’art. 63 al. 3 LRDBHD. Après une interprétation littérale, téléologique et historique de cette disposition, elle concluait qu’une interprétation large de la notion de « manquements graves » était contraire au texte légal, ne répondrait pas à un intérêt public et serait en contradiction avec la volonté exprimée par le législateur, qui souhaitait une responsabilité limitée et subsidiaire du propriétaire (soit uniquement pour les manquements graves à la loi). Ainsi, aucun des comportements reprochés à l’A______ ne permettant d’engager la responsabilité subsidiaire du propriétaire, il convenait d’annuler la sanction prononcée à l’encontre de la recourante.

S’agissant d’une prétendue violation de l’art. 24 al. 1 et 3 LRDBHD, invoquée par l’intimé, il était problématique que le propriétaire d’un établissement doive répondre des manquements de l’exploitant en matière de gestion du lieu et, en particulier, des actes des employés, sur lesquels le propriétaire n’avait aucune influence ni droit de regard. C’est pour cela qu’il avait été choisi de limiter la responsabilité subsidiaire du propriétaire à l’infraction visée à l’art. 24
al. 2 LRDBHD (soit les inconvénients graves causés pour le voisinage) et qu’il n’avait pas été jugé raisonnable d’inclure les infractions prévues aux al. 1 et 3 de cette disposition.

Il convenait d’adopter le même raisonnement en ce qui concernait l’infraction à l’art. 34 al. 1 et 2 LRDBHD.

S’agissant de l’infraction à l’art. 6 al. 2 LIF, celle-ci ne figurait pas dans la liste de l’art. 63 al. 3 LRDBHD et il ne s’agissait pas d’une lacune : en effet, cette loi avait été évoquée à maintes reprises lors des débats sur la refonte de la LRDBHD, et à aucun moment la possibilité d’une responsabilité subsidiaire du propriétaire pour infraction à la LIF n’avait été suggérée. Par ailleurs, l’amende maximale prévue par la LIF (CHF 1’000.-) était bien moins importante que l’amende maximale prévue par la LRDBHD (CHF 60'000.-), de sorte qu’une infraction à la LIF ne pouvait aucunement constituer un « manquement grave » au sens de l’art. 63 al. 3 LRDBHD.

Enfin, l’A______ ne taisait pas volontairement le nom du responsable de La D______ ce soir-là, mais il lui était impossible de l’identifier, tout d’abord en raison du nombre important de personnes impliquées dans l’organisation des centaines d’événements ayant lieu chaque année au sein des locaux de La D______, puis en raison du délai important (soit treize mois) dans lequel le rapport de police avait été communiqué à l’A______. Il ne s’agissait aucunement d’une volonté de l’A______ de se soustraire à l’application de la loi.

13) Par courrier du 31 janvier 2017, la chambre administrative a informé les parties que la cause avait été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du 12 septembre 2016 du PCTN prononçant une amende de CHF 2’200.- à l'encontre de la recourante, à titre de sanction pour les faits constatés le 31 mars 2015 par la police, en se fondant sur la LIF et la LRDBHD, cette dernière étant entrée en vigueur le 1er janvier 2016.

3) Le PCTN a fondé son amende administrative sur une violation des art. 6 al. 2 LIF, 24 al. 1 LRDBHD (ancien art. 22 al. 1 aLRDBH), 24 al. 3 LRDBHD (ancien art. 22 al. 3 aLRDBH), et 34 al. 1 et 2 LRDBHD (ancien art. 26
al. 1 aLRDBH) cum 47 al. 4 let. a RRDBHD (l’aRDBH ne contenait pas d’équivalent).

a. La LRDBHD et le RRDBHD étant entrés en vigueur après les faits ayant fondé l’amende administrative querellée, il convient de déterminer quel droit doit s’appliquer au présent litige.

L’art. 65 al. 5 RRDBHD dispose que les faits constatés avant l'entrée en vigueur de la loi se poursuivent selon le nouveau droit, se fondant sur l'art. 69 LRDBHD autorisant le Conseil d'État à fixer l'entrée en vigueur de cette loi.

À teneur de l'art. 65 al. 1 LRDBHD, en cas d'infraction à cette loi et à ses dispositions d'exécution, ainsi qu'aux conditions des autorisations, le département peut infliger une amende administrative de CHF 300.- à CHF 60'000.- en sus du prononcé de l'une des mesures prévues aux art. 61, 62 et 64 LRDBHD, respectivement à la place ou en sus du prononcé de l'une des mesures prévues à l'art. 63 LRDBHD.

L'art. 74 al. 1 aLRDBH prévoyait quant à lui que le département pouvait infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.-.

b. Dans un récent arrêt (ATA/412/2017 du 11 avril 2017 consid. 7), la chambre administrative a retenu qu’une décision du 31 août 2016 du PCTN n’était pas conforme au droit car fondée sur l'art. 65 al. 5 RRDBHD, et qu’il y avait lieu d'appliquer les dispositions de l'aLRDBH, en particulier l'art. 74 al. 1 aLRDBH relatif à l'amende administrative.

En effet, l'examen de la conformité au droit de la décision querellée impliquait de déterminer à titre préjudiciel le droit applicable compte tenu du changement de législation le 1er janvier 2016 tandis que les faits reprochés s’étaient déroulés le 5 avril 2014.

La chambre administrative a retenu que le contenu de l'art. 65 al. 5 RRDBHD constituait une clause de rétroactivité proprement dite, puisqu'il avait pour effet de soumettre à la LRDBHD les exploitants et propriétaires d'établissements qui avaient fait l'objet d'un rapport de dénonciation par la police municipale avant le 1er janvier 2016, date de l'entrée en vigueur de ladite loi.

Bien que l'art. 69 LRDBHD permette au Conseil d'État de fixer la date d'entrée en vigueur de cette loi, l'application rétroactive, telle qu'inscrite dans le RRDBHD, n'était pas prévue dans une loi au sens formel. De plus, les dispositions transitoires de l'art. 70 LRDBHD ne mentionnaient aucune application rétroactive aux infractions constatées avant le 1er janvier 2016. Elles tendaient au contraire à accorder aux établissements différents délais pour se conformer à la nouvelle législation.

À cela s'ajoutait que le seuil minimal de l'art. 65 al. 1 LRDBHD permettait d'infliger une amende sensiblement plus élevée que ne le prévoyait
l'art. 74 aLRDBH. Hormis l'éventuel intérêt financier de la collectivité, il n'apparaissait pas d'autres considérations pouvant justifier un intérêt public nécessitant une application rétroactive de la loi. Cet aspect n'était cependant pas suffisant pour la justifier (ATF 95 I 6 consid. 3 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 384 p. 137).

Par ailleurs, l'art. 65 al. 5 RRDBHD ne comportait aucune limite temporelle quant à la rétroactivité qu'il instaurait.

En conséquence, la décision attaquée n'était pas conforme au droit, car fondée sur une disposition transgressant le principe de non-rétroactivité des normes, trois des cinq conditions cumulatives d'une dérogation faisant défaut.

c. En l’espèce, le raisonnement tenu dans l’affaire précitée, repris également à l’ATA/616/2017 du 30 mai 2017, devrait valoir pour le présent cas.

Toutefois, en vertu du principe de la lex mitior, qui trouve application en matière de sanction (ATF 130 II 270 consid. 1 ; 104 Ib 87 consid. 2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 409 p. 133), se pose la question de savoir si l’application de la LRDBHD serait plus favorable à la recourante dans le cas d’espèce, ce bien que le seuil minimal de l’amende soit plus élevé dans la nouvelle loi que dans l’ancienne.

En effet, l’art. 19 al. 2 aLRDBH stipule que les manquements de l’exploitant sont opposables au propriétaire, alors que l’art. 23 al. 5 LRDBHD ne prévoit qu’une responsabilité subsidiaire du propriétaire, pour les manquements graves de l’exploitant, au sens de l’art. 63 al. 3 LRDBHD.

L’art. 3 let. n LRDBHD définit l’exploitant comme la ou les personnes physiques responsables de l'entreprise, qui exercent effectivement et à titre personnel toutes les tâches relevant de la gestion de celle-ci. Le propriétaire est défini comme la personne physique ou morale qui détient le fonds de commerce de l'entreprise, soit les installations, machines et autres équipements nécessaires à l'exercice de l'activité de celle-ci, et qui désigne l'exploitant (art. 3
let. o LRDBHD).

Dans la décision querellée, le PCTN considère que la recourante répond des faits en tant que propriétaire, au motif que l’établissement La D______ n’était titulaire d’aucune autorisation d’exploiter au 31 mars 2015. La recourante ne conteste pas sa qualité de propriétaire au sens de l’art. 3 let. n LRDBHD, expliquant qu’elle est propriétaire de l’ensemble des installations se trouvant dans les différents locaux de l’établissement et qu’elle les met à disposition des différents collectifs gérants les espaces.

d. Au vu de ce qui précède, c’est en tant que propriétaire que la recourante doit répondre des infractions qui lui sont reprochées. La LRDBHD prévoyant une responsabilité subsidiaire du propriétaire pour les manquements graves, c’est cette loi qui doit s’appliquer au cas d’espèce en tant que lex mitior.

e. Il sied de relever que le RRDBHD a été modifié depuis la décision querellée, cette modification ayant été adoptée le 19 octobre 2016 et étant entrée en vigueur le 26 octobre 2016. Depuis cette modification, les lieux culturels, tels que cinémas, théâtres, salles de concert ou de spectacles, ne sont plus considérés comme des établissements de divertissement publics (art. 49 al. 4 RRDBHD). Ils demeurent néanmoins soumis à autorisation en tant qu’événements de divertissement public, conformément aux art. 42, 52 et 53 LRDBHD, et les buvettes en tant que buvettes d’événements (art. 3 let. l LRDBHD et 48 RRDBHD). La compétence pour autoriser les événements de divertissement public revient à la commune du lieu de situation de l’entreprise (art. 4 al. 1 LRDBHD).

C’est sur cette base que l’A______ s’est vu délivrer par la ville une nouvelle autorisation le 26 octobre 2016.

Dans la mesure où l’autorité de recours doit trancher le cas selon le droit en vigueur au moment du prononcé de la décision attaquée – sauf si un intérêt public important, notamment des motifs d’ordre public, justifie une application immédiate du nouveau droit entré en vigueur dans l’intervalle (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 412 p. 134 et les références citées) – et vu qu’aucun intérêt public important ne justifie une application immédiate du RRDBHD tel que modifié le 19 octobre 2016, le cas d’espèce doit donc être tranché en application de la LRDBHD et du RRDBHD dans leur teneur au moment du prononcé de la décision entreprise.

4) Il reste à qualifier les manquements qui sont reprochés à l’A______, afin de déterminer s’ils sont graves et engagent la responsabilité de l’A______ en tant que propriétaire, conformément à l’art. 23 al. 5 LRDBHD, ce qui est contesté par la recourante.

a. Selon l’art. 63 al. 3 LRDBHD, sont notamment considérées comme graves les infractions aux dispositions de la présente loi relatives aux horaires d'ouverture et à la vente d'alcool, à la législation sur le travail (usages, loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11) et aux assurances sociales, les inconvénients engendrés pour le voisinage, ainsi que les animations organisées sans autorisation.

b. Comme précédemment indiqué, le PCTN a fondé son amende administrative sur une violation des art. 6 al. 2 LIF (obligation d’enjoindre de ne pas fumer), 24 al. 1 LRDBHD (obligation de veiller au maintien de l’ordre au sein de l’établissement), 24 al. 3 LRDBHD (obligation de faire appel à la police en cas de trouble), et 34 al. 1 et 2 LRDBHD cum 47 al. 4 let. a RRDBHD (obligation de laisser libre accès à l’autorité).

L’art. 6 al. 2 LIF prévoit que l'exploitant ou le responsable des lieux publics enjoint aux usagers de ne pas fumer.

L’art. 24 al. 1 LRDBHD oblige l’exploitant à veiller au maintien de l’ordre dans son établissement et à prendre toutes les mesures utiles à cette fin. L’art. 24 al. 3 LRDBHD prévoit que si l’ordre est troublé ou menacé de l’être (que ce soit dans son établissement, sur sa terrasse, ou encore, s’il l’a constaté, dans ses environs immédiats), l’exploitant doit faire appel à la police.

Enfin, selon l’art. 34 al. 1 et 2 LRDBHD, l’exploitant doit en tout temps laisser libre accès à toutes les parties et dépendances de l’entreprise aux fonctionnaires chargés d’appliquer la présente loi et il lui est interdit d'empêcher ou d'éviter d’une quelconque façon le contrôle de l’autorité. L’art. 47 al. 4 let. a RRDBHD prévoit que le fait de s’opposer au contrôle ou de le rendre impossible de toute autre manière constitue notamment une entrave passible des sanctions et mesures prévues aux articles 63 et 65 de la loi.

c. Bien qu’aucune des infractions reprochées à la recourante ne figure dans la liste contenue à l’art. 63 al. 3 LRDBHD, il convient de déterminer si ces manquements doivent être considérés comme graves au sens de cette disposition.

5) a. La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Le juge ne se fonde cependant sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 137 IV 180 consid. 3.4). En revanche, lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause, il y a lieu de déroger au sens littéral d’un texte clair (ATF 137 I 257 consid. 4.1) ; il en va de même lorsque le texte conduit à des résultats que le législateur ne peut avoir voulus et qui heurtent le sentiment de la justice et le principe de l’égalité de traitement (ATF 135 IV 113 consid. 2.4.2). De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi (ATF 135 II 78 consid. 2.2). Si le texte n’est ainsi pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 136 III 283 consid. 2.3.1). Le juge ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme (ATF 139 IV 270 consid. 2.2 ; 137 IV 180 consid. 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_839/2015 du 26 mai 2016
consid. 3.4.1 ; 1C_584/2015 du 1er mars 2016 consid. 4.1).

b. Il ressort de l’exposé des motifs du Conseil d’État portant sur la refonte de l’aLRDBH et de l’ancienne loi sur les spectacles et les divertissements du 4 décembre 1992 (aLSD - I 3 05) que le projet de loi initial (ci-après : PL) proposait plusieurs nouveautés par rapport aux anciennes lois, dont notamment la simplification des catégories d’établissement, la simplification de la procédure, la simplification des horaires, le renforcement de la protection contre l’abus d’alcool, la simplification et le renforcement du système de sanctions, le renforcement de l’interdiction du prête-nom, et le renforcement des mesures de lutte contre les nuisances sonores (Mémorial du Grand Conseil [ci-après : MGC] 2012-2013XII/1 p. 17951).

Le PL présenté par le Conseil d’État le 12 septembre 2013 (MGC
p. 2012-2013XII/1 17918 ss) prévoyait déjà un catalogue des infractions graves à la loi, l’art. 63 al. 2 PL stipulant : « sont notamment considérées comme graves les infractions relatives aux horaires d'ouverture, à la législation sur la vente d'alcool, à la législation sur les denrées alimentaires et les objets usuels, ainsi que les animations organisées sans autorisation ». Ce PL posait par ailleurs le principe d’une responsabilité solidaire du propriétaire et de l’exploitant, l’art. 24 al. 2 PL stipulant : « l’exploitant, qui doit gérer l’entreprise de façon personnelle et effective, est coresponsable, avec le propriétaire de l’entreprise, de tout manquement à la présente loi », et l’art. 24 al. 4 PL prévoyant : « l’exploitant et le propriétaire répondent du comportement adopté par les personnes participant à l’exploitation ou à l’animation de l’entreprise dans l’accomplissement de leur travail ». L’art. 25 al. 5 PL précisait : « les manquements de l’exploitant à la présente loi sont opposables au propriétaire, en tant que responsable solidaire ».

Dans le commentaire article par article du PL, le Conseil d’État a spécifié, s’agissant de la responsabilité solidaire entre l’exploitant et le propriétaire, que celle-ci se justifiait par la nécessité, pour le propriétaire de l’entreprise, de choisir avec soin son exploitant et de s’assurer autant que possible de la bonne marche des affaires et de leur conformité à la loi. Les propriétaires n’avaient en effet pas, dans les faits, une forte tendance à être remplacés par d’autres, contrairement aux exploitants dont le tournus poussait certains à se déresponsabiliser, voire à disparaître lorsque des événements fâcheux survenaient. L’État pouvait ainsi, dans ce type de cas, se tourner vers le propriétaire pour qu’il assume ses responsabilités (MGC 2012-2013XII/1 p. 17977). S’agissant des infractions considérées comme graves, l’accent était mis sur l’importance du respect des dispositions légales relatives aux domaines visés par l’art. 63 al. 2 PL, dont la violation pouvait entraîner plus rapidement (donc sans qu’il y ait nécessairement réitération) le prononcé des mesures visées à l’alinéa 1, soit la suspension de l’autorisation d’exploiter pour une durée maximum de six mois, voire le retrait de l’autorisation d’exploiter (MGC 2012-2013XII/1 p. 17992).

c. Après la consultation des milieux intéressés, le département de la sécurité et de l'économie (ci-après : DSE ou le département) a présenté, le 12 mai 2014, un amendement général au PL à la commission de l’économie. L’une des clarifications demandées portait sur la responsabilité du propriétaire du fonds de commerce, qui n’était désormais plus que subsidiaire, et pour les manquements graves à la loi (Rapport de la commission de l’économie du 18 novembre 2014 chargée d’étudier le projet PL 11282 de LRDBHD, p. 369, in MGC, Annexes (objets nouveaux), session XIV des 4 et 5 décembre 2014). Certaines réserves avaient en effet été émises sur la responsabilité solidaire du propriétaire, ce dernier pouvant difficilement devenir solidaire pour des manquements plus ou moins graves liés à l’activité de l’établissement (Rapport de la commission de l’économie précité, p. 46). Ainsi, une liste précise des responsabilités s’appliquant respectivement au propriétaire et à l’exploitant devait être établie (Rapport de la commission de l’économie précité, p. 7), et l’exploitant – et non le propriétaire – devait être responsable du comportement des personnes participant à l’exploitation ou à l’animation (Rapport de la commission de l’économie précité, p. 178). L’amendement général au PL prévoyait ainsi un art. 22 al. 2, remplaçant l’art. 24 al. 2 PL, et stipulant : « l’exploitant doit gérer l’entreprise de façon effective, en assurant la direction en fait de celle-ci. [ ] », ainsi qu’un art. 22
al. 4, remplaçant l’art. 24 al. 4 PL, et indiquant : « l’exploitant répond du comportement adopté par les personnes participant à l’exploitation ou à l’animation de l’entreprise dans l’accomplissement de leur travail ». Par ailleurs, l’art. 25 al. 5 PL était remplacé par un nouvel art. 23 al. 5, spécifiant : « les manquements graves de l’exploitant, au sens de l’art. 63 al. 3, sont opposables au propriétaire, en tant que responsable subsidiaire ». Quant au catalogue des infractions considérées comme graves selon cette dernière disposition, il était légèrement modifié : « sont notamment considérées comme graves les infractions aux dispositions de la présente loi relatives aux horaires d’ouverture et à la vente d’alcool, les inconvénients engendrés pour le voisinage, ainsi que les animations organisées sans autorisation ». Après certaines interventions, a été rajoutée à la liste des infractions graves celle relative au non-respect de la législation sur le travail, les usages et les assurances sociales (Rapport de la commission de l’économie précité, p. 288).

Lors de l’adoption du PL par le Grand Conseil, l’un des députés a relevé que, s’agissant des rapports entre le propriétaire et l’exploitant : « la clarification des rapports entre le propriétaire et l'exploitant est indispensable, et elle a fait l'objet d'une attention particulière. En cas de délégation de l'exploitation de l'entreprise à un exploitant, celui-ci – et non le propriétaire – est responsable du comportement des personnes participant à l'exploitation ou à l'animation » (MGC [En ligne], séance du 19 mars 2015 à 14h, disponible sur http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010203/21/2/).

d. Il ressort de ce qui précède que le législateur a clairement voulu limiter la responsabilité du propriétaire d’un établissement aux infractions graves listées à l’art. 63 al. 3 LRDBHD, les différents intervenants dans le processus législatif considérant que l’exploitant – et non le propriétaire – devrait être responsable du comportement des personnes participant à l’exploitation ou à l’animation, et exigeant qu’une liste des manquements pouvant être reprochés à l’un ou à l’autre soit établie. Quant au catalogue des infractions graves, il a évolué au cours du processus législatif, pour contenir au final : les infractions aux dispositions de la loi relatives aux horaires d'ouverture (notamment art. 6, 7 et 44 LRDBHD) et à la vente d'alcool (notamment art. 31 LRDBHD), à la législation sur le travail (usages, LTr) et aux assurances sociales (art. 9 let. d et 10 LRDBHD), les inconvénients engendrés pour le voisinage (notamment art. 24 al. 2 LRDBHD), ainsi que les animations organisées sans autorisation (art. 8 ss et 61
al. 1 LRDBHD).

Par conséquent, une interprétation étendue de l’art. 63 al. 3 LRDBHD, telle que suggérée par l’autorité intimée, irait à l’encontre de la volonté du législateur telle qu’elle ressort des travaux préparatoires susmentionnés.

Ainsi, et bien que l’art. 63 al. 3 LRDBHD contienne la mention « notamment » avant de lister les infractions considérées comme graves, les infractions reprochées à l’A______ ne sauraient, compte tenu de ce qui précède, être qualifiées de « manquements graves de l’exploitant » devant engager la responsabilité subsidiaire de l’A______ en tant que propriétairedel’établissement, conformément à l’art. 23 al. 5 LRDBHD. En effet, même s’il est incontestable que certaines des infractions constatées par la police le soir des faits sont graves en tant qu’elle concernent des problématiques de santé publique et d’ordre public, le respect de ces obligations (enjoindre de ne pas fumer, veiller au maintien de l’ordre au sein de l’établissement, faire appel à la police en cas de trouble et laisser libre accès à l’autorité) dépendent du comportement des personnes participant à l'exploitation de l’établissement. Or, étant donné la difficulté pour un propriétaire d’assurer le respect de ces obligations par l’exploitant, le propriétaire, responsable subsidiaire, ne devrait pas être sanctionné en cas de violation de celles-ci.

Par ailleurs, et à la décharge de la recourante, le PCTN a laissé s’écouler plus d’une année, sans procéder à aucun acte d’instruction, avant de la sanctionner pour les infractions constatées par la police le 31 mars 2015 alors que celle-ci poursuivait un individu soupçonné d’approvisionner des dealers en marijuana (et qu’elle a été en mesure d’interpeller dans les locaux de La D______), et non dans le cadre d’un contrôle prévu par la LRDBHD. Dans ces circonstances, l’on ne saurait reprocher à la recourante de ne pas avoir été en mesure d’indiquer, plus d’une année après les faits, le nom de la personne responsable de l’établissement La D______ le soir en question.

e. Mal fondée, l’amende sera annulée. Il en ira de même de l’avertissement prononcé dans la décision querellée, qui doit être annulé pour les mêmes motifs et parce qu’il ne figure pas dans le catalogue de mesures et sanctions administratives contenu aux art. 60 à 65 LRDBHD.

f. Il sied de relever ici la portée limitée du présent arrêt, étant donné le changement législatif entré en vigueur le 26 octobre 2016. À compter de cette date, les événements organisés par l’A______ sont soumis à autorisation en tant qu’événements de divertissement public, et les buvettes en tant que buvettes d’événements (art. 42 LRDBHD), délivrée par la commune du lieu de situation de l’entreprise (art. 4 al. 1 LRDBHD). Le 26 octobre 2016, la ville a délivré une première autorisation à l’A______ et à cinq buvettes, dont La D______, valable pour les mois de novembre 2016 à janvier 2017. Ainsi, et conformément à l’art. 53 al. 1 LRDBHD, l’A______ et les tenanciers des buvettes sont tenus de respecter les articles 24, 25 et 33 à 35 LRDBHD. Les tenanciers des buvettes doivent en outre respecter les dispositions des articles 28 à 31, à l'exception de l'article 31, al. 9 LRDBHD (art. 53 al. 2 LRDBHD).

6) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis.

7) Il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l’État de Genève, sera allouée à la recourante qui y a conclu et s’est fait assister d’un mandataire (art. 87 al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 octobre 2016 par l’A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du
12 septembre 2016 ;

au fond :

l’admet ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à l’A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Olivier Peter, avocat de la recourante ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Thélin et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :