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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1652/2023

JTAPI/563/2024 du 10.06.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

ATTAQUE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1652/2023 ICCIFD

JTAPI/563/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le présent litige a trait à des rappels d'impôts et amendes infligées à Monsieur B______ (ci-après : le contribuable ou le recourant) pour les périodes 2012 à 2019.

2.             Le contribuable exploite depuis ______ 2008 sous la raison sociale C______ une entreprise individuelle dont le but est : "entreprise générale du bâtiment". Cette entreprise a été radiée du Registre du commerce le ______ 2023.

3.             Il ressort des comptes annexés aux déclarations fiscales 2012 à 2019 des contribuables les éléments essentiels suivants :

Année Chiffre d'affaires Bénéfice

2012* 123'585.60 64'207.06

2013 142'727.58 87'253.08

2014* 241'842.72 83'805.00

2015 335'446.90 64'016.25

2016 415'569.83 75'873.11

2017* 632'204.10 120'596.00

2018 ** 650'204.00 88'066.00

2019* 423'091.40 101'372.02

* sans cotisations AVS ni dons

** selon détail de la déclaration comptes non annexés

4.             A l'exception de la période 2018, le bénéfice net déclaré a été taxé sans correction. Pour l'année 2018, et à la suite d'une demande de renseignements portant sur diverses postes de charges, le bénéfice net taxé a été augmenté à CHF 117'749.-. Les bordereaux de toutes ces périodes sont entrés en force.

5.             A la suite d'un contrôle effectué sur place, la division principale de la taxe sur la valeur ajoutée de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a communiqué aux contribuables par un courrier recommandé du 24 août 2017 une notification d'estimation relative aux périodes fiscales 2012 à 2015. L'AFC-CH a notamment procédé à une reprise d'un chiffre d'affaires non comptabilisé et non déclaré en ayant préalablement constaté le fait que les pièces justificatives ne sont pas toutes conservées et n'ont pas été présentées pour les années 2011 à 2015, voire même sont totalement manquantes pour 2014. Il n'y a pas de grand livre pour les années 2012 à 2014 et le chiffre d'affaires de 2013 a été reconstitué sur la base des mouvements sur le compte postal. Les relevés de ce compte manquent ou sont incomplets pour les années 2012 à 2014. Il n'y a enfin aucun livre de caisse. En outre, il existe des écarts entre montants comptabilisés et mouvements bancaires. L'AFC-CH a, sur la base de l'année de référence 2013 analysée en détail, extrapolé un chiffre d'affaires non déclaré de 5%, soit CHF 6'204.- en 2012, CHF 7'335.- en 2013, CHF 12'342.- en 2014 et CHF 16'772.- en 2015. Dans un autre courrier, elle rappelait les devoirs du contribuable s'agissant de la tenue régulière de sa comptabilité et l'invitait à effectuer des corrections à partir de 2016.

6.             A la suite d'un nouveau contrôle effectué sur place, l'AFC-CH, a communiqué aux contribuables le 4 novembre 2021 une nouvelle notification d'estimation pour les périodes fiscales 2016 à 2020. Constatant la persistance de manquements comptables malgré les instructions communiquées lors du précédent contrôle, il avait notamment été constaté qu'aucun chiffre d'affaires au comptant n'avait été comptabilisé et que les marges sont inférieures à celles déterminées par l'AFC-CH pour le secteur d'activité de la gypserie, plâtrerie, peinture et petite maçonnerie (entre 75 et 80%). Considérant enfin que le contribuable fait régulièrement appel à des entreprises sous-traitantes, elle estime que sa comptabilité n'est pas complète. Sur la base d'une marge de 75%, le chiffre d'affaires non comptabilisé et repris était évalué à CHF 36'699.- en 2016, CHF 68'677.- en 2017, CHF 66'844.- en 2018, CHF 5'024.- en 2019 et CHF 0.- en 2020.

7.             Ayant été informée par l'AFC-CH du résultat de ces deux contrôles, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a, par un courrier recommandé du 23 août 2022, informé les contribuables de l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt et soustraction pour les années 2012 à 2019. Elle leur a indiqué envisager d'effectuer des reprises sur le chiffre d'affaires non déclaré de manière conforme aux chiffres communiqués par l'AFC-CH et les invitait à formuler leurs observations.

8.             Dans un courrier du 30 septembre 2022, les contribuables ont indiqué au Service du contrôle de l'AFC-GE avoir déclaré tout ce qu'ils avaient et ne pas connaître la comptabilité. Ils n'avaient pas bien compris quels documents devaient être présentés pour la TVA, raison pour laquelle la même erreur a été répétée à deux reprises. Ayant enfin compris le problème, ils s'en excusaient et produisaient les factures manquantes. Les contribuables expliquaient notamment avoir effectué divers paiements à un architecte par suite d'erreurs et de confusion entre lui-même et sa société qui ont été rectifiées. Par ailleurs, de nombreux retraits en espèces ont servi à payer plusieurs entreprises ainsi que des salaires pour les ouvriers qui n'avaient pas de compte bancaire. Enfin, le reste des montants retirés en espèces l'ont été, soit pour des voyages en famille et des vacances, soit pour l'acquisition de certains matériaux pour les travaux.

9.             Dans un courrier du 1er novembre 2022, l'AFC-GE a indiqué aux contribuables que, dans sa compréhension, ceux-ci font régulièrement appel à des sociétés sous-traitantes et avoir refacturé leurs travaux avec des marges variant entre 8% et 16.67%. Constatant que l'AFC-CH avait fixé cette marge à 10%, elle confirmait que les reprises annoncées dans son courrier du 23 août 2022 étaient maintenues. En ce qui concerne les charges payées en espèces, elle considérait qu'elles auraient dû être déclarées dans le cadre de la procédure ordinaire de taxation et qu'elles ne peuvent plus être déduites dans le contexte d'une procédure de rappels d'impôts, qui ne permet pas un nouvel examen complet de la taxation, mais porte uniquement sur les points sur lesquels l'autorité fiscale dispose de nouveaux éléments.

10.         En annexe à un courrier recommandé du 30 novembre 2022, l'AFC-GE a notifié aux contribuables des bordereaux de rappels d'impôts et amendes pour les années 2012 à 2019, soulignant qu'il n'y avait pas de supplément, ni amende pour l'IFD 2012 à 2015 ainsi que 2019.

Les éléments essentiels ressortant de ces décisions sont les suivants :

Année Reprise CA Rappel ICC Rappel IFD

2012 6'204.00 790.65

2013 7'335.00 1'403.90

2014 12'342.00 1'776.30

2015 34'351.00 5'285.95

2016 36'699.00 7'115.90 609.00

2017 68'677.00 15'194.70 3'053.00

2018 66'844.00 15'150.45 3'410.00

2019 5'024.00 292.35

11.         Les bordereaux amendes établis au seul nom du contribuable retiennent une soustraction commise de manière intentionnelle, à tout le moins par dol éventuel en raison du fait qu'une partie du chiffre d'affaires n'a pas été déclarée. La quotité des amendes était fixée à 0.75 fois le montant des impôts soustraits.

12.         L'envoi recommandé du 30 novembre 2022 ayant été retourné à l'AFC-GE, celle-ci l'a réexpédié au contribuable en annexe à un courrier sous pli simple du 19 décembre 2022.

13.         Par un courrier du 26 décembre 2022, les contribuables ont indiqué à l'AFC-GE avoir été absents de Genève et demandaient de reporter le délai pour pouvoir discuter avec leur avocat qui ne sera disponible qu'à partir du 2 janvier 2023. Ils indiquaient ne pas comprendre les motifs des rappels et amendes et rappelaient avoir envoyé toutes les factures "comptabilisées dans le livret", considérant que les montants rajoutés ont été payés pour les entreprises sous-traitantes. Ils considéraient avoir été injustement accusés.

14.         Accusant réception de ce courrier valant réclamation, l'AFC-GE a fixé aux contribuables un délai non prolongeable au 27 janvier 2023 pour la compléter par un courrier recommandé du 5 janvier 2023.

15.         Le 25 janvier 2023, les contribuables ont indiqué en premier lieu n'avoir pas la capacité de régler des honoraires d'avocat et se trouver dans une situation précaire, devant encore payer une dette de CHF 60'000.- liée à un crédit COVID-19 et, avoir perdu de l'argent en raison de la faillite d'une entreprise tout en devant régler CHF 19'457.- de TVA et des charges de famille, leurs enfants étant toujours en études. En raison de sa maladie, le contribuable est toujours dans l'incapacité de travailler. Ne comprenant pas bien la comptabilité et ne maîtrisant pas parfaitement le français, ils ont dû demander de l'aide à leurs enfants pour écrire certaines lettres. Ils avaient confiance en leur comptable et ne comprennent pas s'il avait rédigé les documents de manière conforme ou non. Pour le surplus, ils indiquaient avoir déjà expliqué que diverses factures non comptabilisées avaient été payées et renvoyaient des extraits de comptes prouvant ces règlements. Ils indiquaient avoir pris la décision de renoncer à leur réclamation formée le 26 décembre 2022 tout en demandant de comprendre leur situation actuelle et allégeant les pénalités en retirant les amendes. Ils indiquaient qu'ils allaient parallèlement demander une révision de leur dossier à la TVA, parce que tout l'argent considéré comme non déclaré avait servi à payer des sous-traitants.

16.         Par un nouveau courrier du 27 janvier 2023, les contribuables demandaient une fois encore de réviser leur dossier avant de leur infliger une sanction, car leurs bilans de 2016 à 2019 avaient été corrigés et présentaient les mêmes chiffres d'affaires que ce qui ressortait du contrôle TVA. Ils envoyaient divers extraits de leurs livres comptables estimant ainsi justifié qu'ils réglaient régulièrement les factures de leurs sous-traitants. Ils indiquaient que, pour les années 2012 à 2014, leur ancien comptable n'avait pas donné les livres de comptabilité et qu'ils avaient vainement tenter de le contacter. C'est à partir de 2015 qu'ils avaient changé de comptable et avaient depuis accès à leur dossier.

17.         Par une décision notifiée par un courrier recommandé du 20 mars 2023, notifié le 27 mars 2023, l'AFC-GE a écarté la réclamation et maintenu les bordereaux de rappels d'impôts et amendes. Se référant notamment aux manquements constatés par l'AFC-CH au cours de son contrôle, elle retenait que la comptabilité n'était pas probante et qu'il était dès lors justifié d'effectuer une reprise sur le chiffre d'affaires sur la base des montants reconstitués pour la TVA. Elle soulignait par ailleurs qu'aucun moyen de preuve permettant de remettre en cause le bien-fondé des reprises de l'AFC-CH avait été apportée. Elle considérait enfin qu'il y avait soustraction intentionnelle, à tout le moins par dol éventuel, ce qui justifiait des pénalités dont la quotité avait été fixée de manière conforme à la loi.

18.         Par un courrier daté du 14 avril 2023 et reçu par l'AFC-GE le 24 avril 2023, les contribuables ont demandé à cette dernière de reconsidérer sa décision avant de saisir le tribunal. Indiquant avoir communiqué tous les documents permettant de vérifier leur chiffre d'affaires, ils se plaignaient que leurs arguments aient été rejetés sans qu'un délai supplémentaire ne leur ait été octroyé. Joignant à leur courrier les bilans et déclarations 2012 à 2015, ils relevaient que la TVA n'avait pas détaillé quelles factures n'avaient pas été comptabilisées. Relevant quelques erreurs de la part du contrôleur et alléguant avoir fourni tous les livres comptables à la TVA, ils contestaient tout manquement.

19.         L'AFC-GE ne semble pas avoir donné suite à ce courrier.

20.         Par un courrier daté du 24 avril 2023 et déposé au greffe universel le 12 mai 2023, les contribuables ont saisi le tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal). Ils indiquaient ne pas être d'accord avec la décision du Service du contrôle du 20 mars 2023 et avoir donné tous les détails et justificatifs des factures que la TVA considérait comme non comptabilisées. Après avoir vérifié plusieurs fois, les chiffres d'affaires sont identiques dans le bilan, la déclaration d'impôts, les décomptes TVA et le grand livre. Ils considèrent avoir été accusés injustement et demandent un réexamen des fausses accusations dont toute leur famille est victime. Ils indiquent annexer des documents confirmant que toutes les factures émises ont bien été comptabilisées et des extraits de leur compte bancaire confirmant que les entreprises sous-traitantes et les employés ont été payés. Ils demandent à avoir accès au dossier, parce qu'ils ne comprennent pas pourquoi certaines factures ont été considérées comme non comptabilisées alors que les preuves du contraire ont été apportées. Ils indiquent que, pour les années 2012 à 2014, il n'y avait pas de journal, parce que leur ancien comptable a fait faillite et n'a pas fourni les documents nécessaires malgré plusieurs tentatives de contact. Les recourants n'avaient d'ailleurs plus que les classeurs contenant des extraits de compte. Leur nouvelle comptable à compter de l'exercice 2015 était présente lors du contrôle de la TVA et disposait de tous les documents nécessaires. Pourtant, elle a refusé de communiquer aux recourants, malgré plusieurs appels, le grand livre de 2015 et refuse de répondre à leurs demandes. Enfin, il y a eu trois erreurs d'écriture pour les années 2018 et 2019.

21.         En annexe à un courrier daté du 19 mai 2023, les recourants ont fait parvenir au tribunal une copie de leur courrier précité du 14 avril 2023, indiquant s'être trompés et avoir envoyé la lettre à l'AFC-GE au lieu du tribunal. Indiquant n'être aidés que par leurs enfants et n'avoir pas la possibilité financière d'engager un avocat, ils soulignent une fois encore leurs difficultés financières du fait notamment de la faillite d'entreprises qui n'ont jamais payé leurs dettes ainsi que de leurs propres obligations, notamment les crédits liés au COVID-19 et la TVA. Ils indiquent ne pas pouvoir se sortir de cette lourde situation qui les étouffe avec les amendes.

22.         En annexe à un nouveau courrier déposé au greffe du tribunal le 19 juin 2023, le recourant a fait parvenir une clef USB contenant divers documents. Récapitulant les échanges qu'il a eus avec la contrôleuse en charge de son dossier au sein de l'AFC-GE, il détaille diverses erreurs commises, concluant à ce que le tribunal fasse preuve d'indulgence, indiquant à avoir toujours fait preuve de bonne foi et être en mesure de prouver l'intégralité des montants gérés par l'entreprise. Une vraie fiduciaire a été désormais mandatée pour que cela ne reproduise plus.

23.         Dans sa réponse du 14 juillet 2023, l'AFC-GE se rapporte à l'appréciation du tribunal s'agissant de la recevabilité du recours. Sur le fond, elle conclut à son rejet. Après avoir rappelé le déroulement des faits, elle estime qu'elle s'est trouvée manifestement confrontée à une comptabilité déficiente et non probante et que c'est dès lors à juste titre qu'elle a procédé à une taxation par estimation sur la base des décisions de l'AFC-CH, qui étaient entrées en force. Discutant en détail les contestations élevées par les recourants sur certaines écritures comptables et factures produites, l'AFC-GE maintient que les reprises sont justifiées dans leur principe et leur quotité. Il en est de même des amendes qui respectent strictement le cadre légal.

24.         Par une réplique du 28 août 2023, le recourant souligne en premier lieu un manque de compréhension entre lui-même et l'administration qui, d'après eux, l'a amené à cette situation. Il rappelle les difficultés rencontrées avec ses comptables pour les années 2012 à 2014, mais soutient avoir retiré des espèces du compte bancaire pour son salaire, qui a été utilisé pour payer des factures à la poste, disposant des justificatifs. En 2015, les importants prélèvements en espèces ont servi à régler des factures, annexant divers documents. Considérant avoir fourni tous les documents aux contrôleurs, il demande à ce que sa bonne foi soit prise en considération et que, par les justificatifs produits, les amendes soient réduites, celles-ci représentant un montant trop important.

25.         Par un nouveau courrier adressé au tribunal le 15 septembre 2023, le recourant a indiqué ajouter des informations complémentaires. Se référant aux estimations de l'AFC-GE du chiffre d'affaires non comptabilisé pour les années 2016 à 2019, il indique que le solde initial n'avait pas été pris en compte, ce qui explique le fait que les montants repris soient aussi élevés. Chaque année, il restait un montant reporté de l'année précédente, qui a permis de régler certaines factures pour couvrir des charges. Il indique tenir à disposition un classeur de documents relatifs à ces années.

26.         Le 25 septembre 2023, l'AFC-GE a indiqué au tribunal que, après avoir pris connaissance de ces écritures, elle considérait qu'aucun argument nouveau n'avait été soulevé et persistait dans les considérants et conclusions de sa réponse du 14 juillet 2023.

27.         Par un courrier du 24 octobre 2023, le recourant a indiqué au tribunal avoir vainement continué à joindre son ancien comptable et avoir pris la décision d'établir un tableau synthétisant les chiffres d'affaires relatifs aux factures des clients des années 2011 à 2015 et reçu directement des duplicatas de la part de ceux-ci qui étaient produits. Le grand livre 2015 établi par leur seconde comptable ne leur a pas été remis par cette dernière malgré plusieurs demandes. Le recourant détaille par ailleurs diverses écritures implorant la compréhension et la clémence du tribunal, lui demandant de juger son cas avec proportionnalité, soulignant avoir tout mis en œuvre pour prouver leur volonté de contribuer à l'éclaircissement des faits.

28.         Le 25 octobre 2023, les recourants ont indiqué s'être aperçus que certains documents manquaient encore et transmettaient au tribunal les justificatifs complémentaires ainsi qu'une clef USB.

29.         Dans un autre courrier daté du même jour, ils rectifiaient certains chiffres mentionnés dans leur courrier de la veille.

30.         Le 1er novembre 2023, les recourants ont fait parvenir au tribunal de nouveaux justificatifs complémentaires.

31.         Le 28 mars 2024, les recourants ont transmis au tribunal la recherche d'adresse qu'ils avaient faite auprès de l'OCMP au sujet de leur ancien comptable. Ils indiquaient que, lorsqu'ils avaient pu prendre contact avec lui, il commençait à devenir ambivalent, refusant d'envoyer les grands livres des périodes 2011 à 2014. Ils concluaient à avoir fait de leur mieux pour réussir à réunir les documents dont ils ont besoin, communiquant le numéro de téléphone de la personne concernée.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Se pose en premier lieu la question de la prescription, qui doit être examinée d'office par le tribunal.

4.             En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause. Le rappel d'impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêts du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 5 ; 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 4.1 et la référence). En revanche, en ce qui concerne la poursuite pénale pour soustraction fiscale (consommée ou tentée), le nouveau droit, entré en vigueur le 1er janvier 2017 (RO 2015 779 ; FF 2012 2649), s'applique au jugement des infractions commises au cours de périodes fiscales précédant son entrée en vigueur s'il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales (principe de la lex mitior ; art. 205f de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 [LIFD - RS 642.11] et 78f de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 [LHID - RS 642.14 ]).

5.             L'art. 152 al. 1 LIFD prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD ; cf. ATF 140 I 68 consid. 6.1). Les art. 61 al. 1 et 3 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) et 53 al. 2 et 3 LHID posent les mêmes principes. La problématique peut donc être examinée conjointement pour l'IFD et les ICC.

6.             Avant le 1er janvier 2017, la poursuite pénale de soustraction d'impôt consommée se prescrivait par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée ou l’a été de façon incomplète (art. 184 al. 1 let. b aLIFD). La prescription était en outre interrompue par tout acte de procédure tendant à la poursuite du contribuable (art. 184 al. 2 aLIFD). Depuis le 1er janvier 2017, le délai de prescription est de dix ans et il ne court plus si une décision a été rendue par l'autorité cantonale compétente avant l'échéance dudit délai (art. 184 al. 1 let. b et al. 2 LIFD). L'art. 58 al. 1 et 3 LHID, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, a un contenu identique à celui de l'art. 184 LIFD. Il a été repris en droit cantonal à l’art. 77 LPFisc, selon lequel la poursuite pénale pour soustraction d’impôt consommée se prescrit donc par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée ou l’a été de façon incomplète (art. 77 al. 1 let. b LPFisc). La prescription ne court plus si une décision a été rendue par l’autorité compétente (art. 75) avant l’échéance du délai de prescription (art. 77 al. 2 LPFisc).

7.             En l’espèce, un avis d’ouverture de la procédure de rappel d’impôt a été notifié aux recourants le 23 août 2022 pour l’IFD et les ICC des périodes fiscales 2012 à 2019. Le délai de prescription de dix ans des art. 152 al. 1 LIFD, 53 al. 2 LHID et 61 al. 1 LPFisc a ainsi été respecté. S’agissant du délai de quinze ans, il n'est pas encore atteint.

8.             En ce qui concerne la soustraction d’impôts, l’autorité fiscale a notifié le 30 novembre 2022 des bordereaux d’amende IFD et ICC pour les années 2012 à 2019, soit moins de dix ans avant la fin de ces années fiscales. En application du nouveau droit, qui prévoit que la prescription ne court plus si une décision a été rendue par l'autorité cantonale compétente avant l'échéance du délai de prescription de dix ans à compter de la fin de la période fiscale, la poursuite pénale n'est pas prescrite. Il en va de même en application de l'ancien droit, qui prévoyait un délai absolu de quinze ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'avait pas été effectuée.

9.             Les recourants contestent l'existence d'un chiffre d'affaires non déclaré.

10.         Selon l’art. 130 LIFD, l’autorité de taxation contrôle la déclaration d’impôt et procède aux investigations nécessaires (al. 1). Elle effectue la taxation d’office sur la base d’une appréciation consciencieuse si, malgré sommation, le contribuable n’a pas satisfait à ses obligations de procédure ou que les éléments imposables ne peuvent être déterminés avec toute la précision voulue en l’absence de données suffisantes. Elle peut prendre en considération les coefficients expérimentaux, l’évolution de fortune et le train de vie du contribuable (al. 2). Le recours à des coefficients expérimentaux, la prise en compte de l’évolution de fortune et le train de vie du contribuable ne sont pas limités à la procédure de taxation d’office ; ces moyens sont également ouverts à l’autorité dans le cadre d’une taxation ordinaire (Isabelle ALTHAUS-HOURIET, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2e éd., Bâle 2017, n. 27 ad art. 130 LIFD).

11.         En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/1197/2018 du 6 novembre 2018 consid. 3a).

12.         En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 7e éd., 2016, p. 502 s.). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_710/2016 du 25 août 2016 consid. 6.2 ; 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.5 ; 2C_47/2009 du 26 mai 2009 in RDAF 2009 II 408 consid. 5 ; ATA/119/2019 du 5 février 2019 consid. 8 ; ATA/558/2014 du 17 juillet 2014).

13.         D'après l'art. 125 al. 2 LIFD, les personnes physiques dont le revenu provient d'une activité lucrative indépendante et les personnes morales doivent joindre à leur déclaration les extraits de comptes signés (bilan, compte de résultats) de la période fiscale ou, à défaut d'une comptabilité tenue conformément à l'usage commercial, un état des actifs et des passifs, un relevé des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements et apports privés. L'art. 125 al. 2 LIFD ne précise pas les exigences auxquelles doivent répondre ces états et relevés, qui dépendent des circonstances du cas d'espèce, en particulier du type d'activité et de l'ampleur de cette dernière. Dans tous les cas, ils doivent être propres à garantir une saisie complète et fiable du revenu et de la fortune liés à l'activité lucrative indépendante et pouvoir être contrôlés dans des conditions raisonnables par les autorités fiscales (arrêt du Tribunal fédéral 2A.128/2007 du 14 mars 2008, in RF 63/2008, 630, consid. 5.2 et les références citées).

14.         Selon le Tribunal fédéral, lorsqu'elle est confrontée au caractère déficient de la comptabilité d'une société, l'administration fiscale peut procéder à une taxation par estimation. Il existe deux méthodes de taxation par estimation auxquelles l'AFC-CH a recours : d'une part, la méthode reconstructive, qui vise à compléter ou reconstruire une comptabilité déficiente, et, d'autre part, la méthode des chiffres d'expérience ou coefficients expérimentaux. Il appartient au contribuable de s'accommoder de l'imprécision ou de l'approximation qui résulte nécessairement d'une estimation fiscale, laquelle a elle-même été déclenchée à cause d'une tenue lacunaire de sa comptabilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_657/2012 du 9 octobre 2012 consid. 3 = SJ 2013 p. 446). La procédure par estimation vise à éviter que, les cas où le contribuable se soustrait à son obligation de coopérer ou dans lesquels les documents comptables se révèlent incomplets, insuffisants, voire inexistants, ne se soldent par une perte d'impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_82/2014 du 6 juin 2014 consid. 3.1 et les arrêts cités).

15.         Il n'appartient pas aux autorités fiscales de rétablir la comptabilité défaillante du contribuable, même si elles peuvent ordonner des expertises aux frais du contribuable aux conditions de l'art. 123 al. 2 LIFD (arrêts du Tribunal fédéral 2C_551/2012 du 16 mai 2013 consid. 3.1 ; 2C_669/2008 du 8 décembre 2008 consid. 7.1).

16.         Le recours à des coefficients expérimentaux, la prise en compte de l'évolution de la fortune et le train de vie du contribuable ne sont pas limités à la procédure de taxation d'office ; ce moyen est également ouvert à l'autorité dans le cadre d'une taxation ordinaire, par exemple lorsqu'elle ne dispose pas des éléments nécessaires à former sa conviction (Isabelle ALTHAUS-HOURIET in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., p. 1712 n. 27 ad art. 130).

17.         L'utilisation, en matière d'impôts directs, de données d'expérience collectées par l'AFC-CH dans le cadre d'une reprise de TVA est admise par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3 ; ATA/192/2018 du 27 février 2018 consid. 6).

18.         En l'espèce, l'AFC-GE a effectivement fixé le montant des reprises d'après l'estimation du chiffre d'affaires non déclaré faite par l'AFC-CH dans le cadre des contrôles effectués en 2017 et 2021. À teneur du dossier, il apparaît que l'AFC-CH a constaté le caractère lacunaire de la comptabilité et l'absence de nombreux justificatifs Elle a alors estimé le chiffre d'affaires non déclaré sur la base d'une majoration de 5 % pour les années 2012 à 2015, puis sur la base d'une marge de 75 % sur les factures de marchandises pour les années 2016 à 2020. Les recourants ne contestent pas que les décisions de l'AFC-CH sont entrées en force. L'AFC-GE a correctement appliqué les règles générales relatives au fardeau de la preuve en droit fiscal suisse dans la mesure où le dossier de l'AFC-CH a permis d'identifier des éléments imposables qui n'avaient pas été déclarés par les recourants.

19.         Les nombreuses pièces produites par les recourants devant le tribunal, pour certaines à de multiples exemplaires, ne permettent pas de renverser cette conviction. En particulier, les relevés de leur compte bancaire ne permettent pas d'exclure l'encaissement par d'autres voies de montants non déclarés, par exemple en espèces. Le tribunal relève par ailleurs que, si un grand livre a été produit pour les exercices comptables 2016 à 2019, aucun document similaire n'existe pour les années antérieures. Ce grave manquement ayant été constaté lors d'un contrôle sur place effectué en 2017 par l'AFC-CH, le tribunal ne donnera pas suite à la demande des recourants de contacter lui-même leur ancien comptable. S'il n'avait pas été en mesure de produire des documents conformes il y a 7 ans, on voit mal comment il serait en mesure de le faire aujourd'hui.

20.         Comme susmentionné, une taxation par estimation intervient lorsque les documents comptables se révèlent incomplets ou insuffisants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_82/2014 et 2C_657/2012 précités). En l'occurrence, l'AFC-CH, tout comme l'AFC-GE, étaient fondées à procéder à une estimation du chiffre d'affaires non déclaré, la comptabilité de l'entreprise du recourant étant manifestement incomplète, ce qu'il ne conteste au demeurant pas.

21.         Les reprises effectuées sur le chiffre d'affaires seront dès lors confirmées dans leur principe.

22.         En ce qui concerne leurs montants, le tribunal relève en premier lieu que l'AFC-CH a utilisé une méthode très modérée lors de son premier contrôle. Les recourants ne le contestent pas et ne produisent aucun justificatif permettant de remettre en cause les reprises effectuées. Pour ce qui en est des exercices 2016 à 2019, les recourants ne peuvent pas être suivis lorsqu'ils considèrent que les soldes reportés d'un exercice n'ont pas été correctement pris en compte, puisque le chiffre d'affaires manquant a été déterminé sur la base d'une marge calculée sur les charges. Le montant des reprises sera confirmé.

23.         Les recourants demandent par ailleurs la déduction de diverses factures qu'ils allèguent avoir payées en espèces par les retraits effectués sur leurs comptes bancaires.

24.         Indépendamment du caractère manifestement insuffisant et non probant des explications fournies et justificatifs produits, le tribunal relève que, dans la mesure où les reprises ont été calculées sur la base d'une marge sur certaines charges, augmenter le montant de ces dernières reviendrait à augmenter dans le même pourcentage le bénéfice imposable.

25.         Enfin, le versement de salaires en espèces n'est justifié par aucune pièce (reçus ou autre). Les rares documents produits à l'appui de cette allégation ne peuvent en outre pas être mis en relation avec la comptabilité, puisque celle-ci est lacunaire.

26.         Pour conclure, le tribunal confirmera l'intégralité des reprises effectuées par l'AFC-GE.

27.         Les rappels d'impôt ayant été confirmés dans leur principe, reste à examiner la question des pénalités.

28.         Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) ; art. 69 al. 1 LPFisc).

29.         Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent dès lors être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; 2C_874/2018 précité consid. 10.1 ; ATA/859/2018 du 21 août 2018 consid. 13b et la référence). La violation d'une obligation légale peut résulter d'une irrégularité dans la comptabilité ou du fait de remplir sa déclaration fiscale de manière non conforme à la vérité et non complète, en violation de l'art. 124 al. 2 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1018/2015 précité consid. 9.4.2 et les références citées).

30.         La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La notion de négligence des art. 175 LIFD et 56 LHID est identique à celle de l'art. 12 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) : commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_874/2018 précité consid. 10.1.3 ; 2C_129/2018 précité consid. 9.1 et les références ; ATA/407/2022 du 12 avril 2022 consid. 6 a).

31.         La preuve d'un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d'obtenir une taxation plus favorable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1 ; 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1 ; 2C_184/2019 du 25 septembre 2019 consid. 3.2 et 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 10.4.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_129/2018 précité consid. 9.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l'intention (arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_444/2018 précité consid. 9.2) : il suppose que l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 précité consid. 17.3.1 et les arrêts cités ; ATA/407/2022 précité consid. 6b). En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable lorsque l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, ce par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1052/2019 précité consid. 3.7.1 ; 2C_1066/2018 précité consid. 4.1 ; 2C_1018/2015 précité consid. 9.4.4).

32.         Lorsqu'il mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d'impôts, le contribuable n'est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d'une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2017 du 17 septembre 2018 consid. 9.4 ; 2C_908/2011 du 23 avril 2012 consid. 3.5 et les références, in RDAF 2012 II 324). Lorsqu'un contribuable signe sa déclaration fiscale, conformément à l'art. 124 al. 2 LIFD, il endosse la responsabilité de la véracité des indications qui s'y trouvent ; il répond ainsi lui-même des infractions fiscales commises si une faute lui est imputable. Il ne faut pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport au contribuable qui remplit sa déclaration fiscale lui- même, par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables. Pour retenir l'intention, à tout le moins par dol éventuel, il faut toutefois que le contribuable ait pu reconnaître le caractère erroné de la déclaration fiscale s'il avait agi avec la diligence requise et qu'il ait ainsi été en mesure de la faire corriger (arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 3 et les références, in RF 75/2020 p. 71).

33.         Lorsque le contribuable qui ne dispose pas de connaissances fiscales particulières choisit un mandataire compétent et lui communique tous les documents et renseignements nécessaires à l’établissement d’une déclaration conforme à la vérité, on ne peut raisonnablement pas lui reprocher de signer sa déclaration sans la contrôler dans les moindres détails. Il y aurait plutôt lieu de déterminer si le contribuable a transmis des documents incomplets à son mandataire, s’il l’a correctement instruit ou s’il s’est entendu avec lui pour commettre l’infraction fiscale (ATA/1262/2015 précité consid. 7c ; ATA/370/2015 précité consid. 6c ; ATA/798/2014 du 14 octobre 2014 et les références citées).

34.         En l’espèce, les rappels d'impôts ont été confirmés par le tribunal. Les éléments objectifs d'une soustraction consommée sont ainsi réunis.

35.         Les recourant invoquent leur absence de compétences et de connaissances en matière comptable et fiscale. Ils s’en étaient remis aux professionnels qu’ils avaient mandatés pour tenir leur comptabilité, mais admettent eux-mêmes les défaillances de leurs comptables successifs, qui sont d'autant plus graves que, à l'issue de son premier contrôle, l'AFC-CH les avait informés en détails de leurs obligations. De toute manière, et conformément à la jurisprudence précitée, le fait d'avoir mandaté une fiduciaire ne permet pas de le décharger de ses obligations fiscales.

36.         C'est pour conclure à juste titre que l'AFC-GE a retenu en l'espèce que les éléments constitutifs d'une soustraction d'impôts sont réunis. Reste toutefois à examiner la quotité des amendes prononcées.

37.         En cas de soustraction consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité (ATA/407/2022 du 12 avril 2022 consid. 6c).

38.         La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP, les principes de l’art. 47 CP régissant la fixation de la peine s’appliquant. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 s).

39.         Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).

40.         En l'espèce, l'AFC-GE a retenu que le recourant avait agi intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel, tout en réduisant le montant des amendes à 0.75 fois le montant de l'impôt soustrait. Il n'est pas exclu que l'attitude du recourant puisse en réalité être qualifié de négligence, compte tenu notamment de son inexpérience en matière fiscale. La répétition de la soustraction sur plusieurs années et l'importance des montants en jeu sont des éléments aggravants qui ne permettent pas de ramener la quotité de l'amende en dessous de ce seuil. Le montant de cette dernière ne saurait dès lors être qualifié de disproportionné.

41.         Le recours sera rejeté sur ce point également.

42.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 24 avril 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 20 mars 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Antoine BERTHOUD, président suppléant, Laurence DEMATRAZ et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président suppléant

Antoine BERTHOUD

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière