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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3780/2017

ATAS/610/2018 du 28.06.2018 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3780/2017 ATAS/610/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 juin 2018

3ème Chambre

En la cause

Monsieur A______, domicilié à ChambÉsy, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Yvan JEANNERET

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, DCS – SPC, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé), actif à plein temps, et son épouse, Madame A______, née le ______ 1987, arrivée en Suisse le 1er novembre 2006, sans emploi, au bénéfice d’un permis C depuis le 4 novembre 2011, ont quatre enfants, nés respectivement les ______ 2008, ______ 2010, _____ 2011 et _____ 2012. Les parents de l’intéressé vivent avec eux.

2.        L’intéressé a été mis au bénéfice de prestations complémentaires familiales à compter du 1er janvier 2013.

3.        Par décision du 11 octobre 2013, confirmée sur opposition le 8 novembre 2013, le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC) a recalculé le droit aux dites prestations, en retenant notamment, dès avril 2013, CHF 19'550.- à titre de gain hypothétique réalisable par l’épouse de l’intéressé.

De ces nouveaux calculs, il est ressorti que CHF 4’330.- avaient été versés à tort, montant que l’intéressé a été invité à rembourser.

Pour le surplus, il était mis fin au versement des prestations dès le 1er novembre 2013.

4.        Saisie d’un recours de l’intéressé, la Cour de céans l’a admis en date du 22 avril 2014 (ATAS/553/2014). La cause a été renvoyée au SPC pour nouveau calcul des prestations dès le 1er janvier 2013.

La Cour de céans a considéré en particulier qu’au vu du jeune âge des enfants - dont le plus âgé n’avait que cinq ans au moment déterminant - et de leur nombre, on ne pouvait exiger de leur mère qu’elle exerçât une activité lucrative, même à temps partiel. La situation pourrait toutefois être revue lorsque les enfants seraient scolarisés, ce qui permettrait à leur mère de dégager du temps pour exercer une activité lucrative, au moins à temps partiel.

5.        Par décision du 17 juin 2014, en exécution de l’arrêt précité, le SPC a recalculé le droit aux prestations en supprimant tout gain hypothétique pour l’épouse de l’intéressé à compter du 1er avril 2013.

6.        Par décision du 6 juillet 2017, le SPC a réintroduit, dès le 1er août 2017, un revenu hypothétique de CHF 19'630.50 pour l’épouse de l’intéressé. De ses calculs, il a tiré la conclusion que les dépenses reconnues étaient ainsi entièrement couvertes par le revenu déterminant et a nié le droit aux prestations à compter de cette date.

7.        Le 25 juillet 2017, l’intéressé s’est opposé à cette décision, en contestant la prise en compte d’un revenu hypothétique.

Il a fait valoir qu’accaparée par leurs enfants - qui avaient souffert de divers symptômes respiratoires et d’infections des dents -, son épouse n’avait été en mesure de suivre ni cours de français, ni autre formation.

8.        Par décision du 10 août 2017, le SPC a confirmé celle du 6 juillet 2017.

Le SPC a considéré que la méconnaissance du français n’empêchait pas l’exercice d’une activité simple et répétitive, telle que celle de nettoyeuse, qui pouvait être exercée sans formation.

Il n’était ni allégué, ni prouvé que l’état de santé de l’épouse de l’intéressé entravait la prise d’un emploi.

Pour le surplus, la présence d’un enfant mineur dans la famille ne justifiait pas que l’on renonce à exiger la moindre activité de la part de sa mère.

Se fondant sur l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), le SPC a estimé que le montant annuel retenu (CHF 19'630.50) correspondait au gain pouvant être réalisé dans une activité simple et répétitive exercée à 50%.

9.        Par acte du 14 septembre 2017, l’intéressé a interjeté recours contre cette décision en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce que le droit à des prestations complémentaires familiales lui soit reconnu au-delà du 31 juillet 2017.

Le recourant argue que son épouse doit s’occuper de leurs quatre enfants - dont le plus jeune est scolarisé depuis le 28 août 2017, soit postérieurement à la décision querellée -, mais également de sa belle-mère, gravement atteinte dans sa santé. Cette dernière, victime d’un accident vasculaire cérébral en 2014, est en effet incapable de s’habiller, de se nourrir et d’assumer les tâches de la vie quotidienne.

Dans ces conditions, on ne saurait considérer, selon lui, que son épouse a renoncé volontairement à des éléments de revenu, d’autant qu’elle ne dispose par ailleurs d’aucune expérience professionnelle ou formation et ne maîtrise pas encore le français.

10.    Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 12 octobre 2017, a conclu au rejet du recours.

Il rappelle que l’épouse du recourant, âgée de 30 ans, en bonne santé, habite Genève depuis plus de dix ans. Il relève qu’à ce jour, elle n’a entrepris aucune démarche en vue d’une intégration sociale et d’une insertion professionnelle, alors même que les pouvoirs publics et associations (OSEO, Camarada, CSP, Caritas) offrent des cours de français le soir, cas échéant assortis de gardes d’enfants.

Le SPC soutient que l’aide apportée aux proches, aussi louable soit-elle, ne doit pas entraver le parcours d’intégration de l’intéressée, dont les quatre enfants sont désormais tous scolarisés.

11.    Dans sa réplique du 13 décembre 2017, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il répète qu’au 1er août 2017, tous ses enfants n’étaient pas scolarisés.

Il allègue que son épouse a adressé une lettre de motivation à divers établissements médico-sociaux en vue d’un stage et produit copie de la dite lettre (ni datée, ni signée, sur laquelle n’apparaissent ni le nom, ni l’adresse du destinataire).

Il ajoute qu’elle a par ailleurs préparé en français les examens théorique et pratique du permis de conduire, qu’elle a réussis en mai 2017.

Il en tire la conclusion que, contrairement à ce que retient l’intimé, son épouse a donc bel et bien entrepris des démarches pour s’intégrer socialement et professionnellement.

12.    Copie de cette écriture transmise à l’intimé, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – RS/GE E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC – RS/GE J 4 25) concernant les prestations complémentaires familiales au sens de l’art. 36A LPCC en vigueur dès le 1er novembre 2012.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Selon l’art. 1A al. 2 LPCC, les prestations complémentaires familiales sont régies par les dispositions figurant aux titres IIA et III de la LPCC (let. a), les dispositions de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires; LPC - RS 831.30) auxquelles la LPCC renvoie expressément, les dispositions d'exécution de la loi fédérale désignées par règlement du Conseil d'État (let. b) et la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830) et ses dispositions d’exécution (let. c).

3.        Le recours a été formé en temps utile, compte tenu de la suspension du délai de recours du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 43 LPCC ; art. 43B let. b LPCC ; art. 38 al. 4 let. b et 60 LPGA), dans le respect des exigences de forme et de contenu prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA – RS/GE E 5 10]). Aussi y a-t-il lieu de le déclarer recevable.

4.        Le litige porte sur le bien-fondé de la prise en compte, à compter du 1er août 2017, dans le calcul du droit aux prestations complémentaires familiales, d'un gain hypothétique de CHF 19'630.50 pour l'épouse du recourant.

5.        À teneur de l’art. 1 al. 2 LPCC, les familles avec enfant(s) ont droit à un revenu minimum cantonal d'aide sociale, qui leur est garanti par le versement de prestations complémentaires cantonales pour les familles, appelées prestations complémentaires familiales.

6.        a. Selon l'art. 36A al. 1 LPCC, ont droit aux prestations complémentaires familiales les personnes qui, cumulativement : ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève depuis 5 ans au moins au moment du dépôt de la demande de prestations (let. a) ; vivent en ménage commun avec des enfants de moins de 18 ans, respectivement 25 ans si l'enfant poursuit une formation donnant droit à une allocation de formation professionnelle (let. b) ; exercent une activité lucrative salariée (let. c) ; ne font pas l'objet d'une taxation d'office par l'administration fiscale cantonale. (Le Conseil d'État définit les exceptions) (let. d) ; et répondent aux autres conditions prévues par la loi (let. e).

Sont considérés comme enfants au sens de l'article 36A al. 1 let. b : les enfants avec lesquels existe un lien de filiation en vertu du code civil (art. 36A al. 2 let. a LPCC).

Le taux de l'activité lucrative mentionnée à l'art. 36A al. 1 let. c LPCC doit être, par année, au minimum de 90 % lorsque le groupe familial comprend deux personnes adultes (art. 36A al. 4 let. b LPCC).

L'art. 36B LPCC définit le revenu minimum cantonal d'aide sociale garanti aux familles et destiné à la couverture des besoins vitaux. Il est basé sur le montant fixé à l'art. 3 al. 1 LPCC (al. 1). Ce montant est multiplié, selon le nombre de personnes comprises dans le groupe familial, par le coefficient prévu par la législation sur l'aide sociale individuelle et fixé par règlement du Conseil d'État (al. 2).

b. L'art. 36D LPCC prévoit que le montant annuel des prestations complémentaires familiales correspond à la part des dépenses reconnues au sens de l'art. 36F qui excède le revenu déterminant au sens de l'art. 36E, mais ne doit pas dépasser le montant prévu à l'art. 15 al. 2 (al. 1). Les dépenses reconnues et les revenus déterminants des membres du groupe familial sont additionnés (al. 2). Font partie du groupe familial (al. 3) : l'ayant droit (let. a) ; les enfants au sens de l'art. 36A al. 2 (let. b) ; le conjoint non séparé de corps ni de fait ou le partenaire enregistré non séparé de fait au sens de la loi fédérale (let. c) ; toutes les autres personnes qui ont, à l'égard des enfants, un lien de filiation ou la qualité de parents nourriciers au sens de l'art. 36A al. 2 let. c, et font ménage commun avec eux (let. d).

7.        a. Aux termes de l'art. 36E al. 1 LPCC, le revenu déterminant est en principe calculé conformément à l'art. 11 LPC, moyennant les adaptations énoncées aux let. a à d. De même, pour l'évaluation du revenu provenant de l'exercice d'une activité lucrative en particulier, l'art. 2 al. 1 du règlement relatif aux prestations complémentaires familiales du 27 juin 2012 (RPCFam - RS/GE J 4 25.04) renvoie expressément aux dispositions d'exécution de la loi fédérale.

En cas d'activité lucrative exercée à temps partiel, il est tenu compte, pour chacun des adultes composant le groupe familial, d'un revenu hypothétique qui correspond à la moitié de la différence entre le revenu effectif et le montant qui pourrait être réalisé par la même activité exercée à plein temps (art. 36E al. 2 LPCC).

b. Selon l'art. 36E al. 3 LPCC, lorsque l'un des adultes composant le groupe familial n'exerce pas d'activité lucrative, il est tenu compte d'un gain hypothétique qui correspond à la moitié du montant destiné à la couverture des besoins vitaux de deux personnes selon l'art. 36B al. 2 LPCC.

L'art. 20 RPCFam, applicable par renvoi de l'art. 36B al. 2 LPCC, indique, dans sa teneur depuis le 1er janvier 2015, que le revenu minimum cantonal d'aide sociale garanti s'élève à CHF 25'661.- (al. 1). Ce montant est multiplié par 1,53 pour deux personnes (art. 20 al. 2 let. a RPCFam). Dans ce cas, contrairement à l'art. 36E al. 2 applicable en cas d'activité lucrative exercée à temps partiel, il ne ressort ni de la loi, ni du projet de loi qu'il y ait lieu d'adapter le gain hypothétique retenu selon le taux d'activité exigible, de sorte qu'il y a lieu de considérer qu'il s'agit d'un montant unique (ATAS/111/2016 du 10 février 2016 consid. 7c).

8.        a. Lorsqu'un ayant droit ou un membre du groupe familial renonce à des éléments de revenus ou renonce à faire valoir un droit à un revenu, il est tenu compte d'un revenu hypothétique, conformément à l'art. 11 al. 1 let. g LPC (art. 19 al. 1 RPCFam).

Aux termes de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, les revenus déterminants pour calculer le montant de la prestation complémentaire annuelle comprennent les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi.

b. Dans un arrêt du 29 octobre 2015 (ATAS/817/2015), la Cour de céans a jugé que, dans la mesure où la LPCC renvoie expressément à la LPC et à ses dispositions d'exécution, la jurisprudence rendue à propos de l'art. 11 al. 1 let. g LPC s'applique également et par analogie à la prise en compte d'un gain hypothétique en matière de prestations complémentaires familiales.

c. Par dessaisissement, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 134 I 65 consid. 3.2 ; ATF 131 V 329 consid. 4.2). Il y a notamment dessaisissement lorsque le bénéficiaire a droit à certains éléments de revenu ou de fortune mais n'en fait pas usage ou s'abstient de faire valoir ses prétentions, ou encore lorsqu'il renonce à exercer une activité lucrative possible pour des raisons dont il est seul responsable (ATF 123 V 35 consid. 1), à l’instar du conjoint d'un assuré qui s'abstient de mettre en valeur sa capacité de gain, alors qu'il pourrait se voir obligé d'exercer une activité lucrative en vertu de l'art. 163 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) sur le devoir des époux de contribuer, chacun selon ses facultés, à l’entretien convenable de la famille, de même que de l’art. 159 al. 3 CC sur le devoir d’assistance que se doivent les époux (ATF 134 V 53 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_258/2008 du 12 décembre 2008 consid. 4 ; ATAS/246/2016 du 24 mars 2016 consid. 2b). En vertu du devoir de solidarité qu’énoncent ces dispositions, les conjoints sont responsables l'un envers l'autre non seulement des effets que le partage des tâches adopté durant le mariage peut avoir sur la capacité de gain de l'un des époux, mais également des autres motifs qui empêcheraient celui-ci de pourvoir lui-même à son entretien. Dans certaines circonstances, un conjoint qui n'avait pas travaillé ou seulement de manière partielle peut se voir contraindre d'exercer une activité lucrative ou de l'étendre, pour autant que l'entretien convenable l'exige (arrêt du Tribunal fédéral 9C_240/2010 du 3 septembre 2010 consid. 4.1).

d. Il appartient à l'administration ou, en cas de recours, au juge d'examiner si l'on peut exiger du conjoint d’un assuré qu'il exerce une activité lucrative et, cas échéant, de fixer le salaire qu'il pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Cette question doit être examinée à l'aune des critères posés en droit de la famille, c'est-à-dire notamment en prenant en considération l'âge de la personne concernée, son état de santé, ses connaissances linguistiques, sa formation professionnelle, l'activité exercée précédemment, le marché de l'emploi et, cas échéant, le temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 134 V 53 consid. 4.1 et les références).

e. Il est en règle générale admis, en droit de la famille, qu’un époux (ou une épouse) ne peut être tenu(e) de prendre ou reprendre une activité lucrative à un taux de 50% avant que le plus jeune des enfants dont il (ou elle) a la garde n’ait atteint l’âge de dix ans révolus et de 100% avant que l’enfant en question n’ait atteint l’âge de seize ans révolus (ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2 ; 115 II 6 consid. 3c). Les lignes directrices qu’avalise cette jurisprudence doivent cependant être appliquées de façon nuancée, en tenant compte des circonstances du cas d’espèce. Le juge dispose en la matière d’un large pouvoir d’appréciation (ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2 in fine ; 134 III 577 consid. 4).

Le Tribunal fédéral s’est cependant montré plus restrictif pour la prise en compte d’un gain potentiel dans le cadre du calcul du droit aux prestations complémentaires à l’AVS/AI.

Ainsi que l’indique Michel VALTERIO (Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n. 139 ad art. 11, p. 190), notre Haute Cour a jugé que l’on pouvait exiger d’une épouse atteinte de fibromyalgie et âgée de 39 ans qu’elle exerçait une activité lucrative au moins à mi-temps, même avec trois enfants à charge et en l’absence d’expérience professionnelle depuis son arrivée en Suisse, dans la mesure où elle devait pouvoir compter sur l’aide de son conjoint dans l’accomplissement des tâches éducatives et ménagères (arrêt 8C_470/2008 du 29 janvier 2009 consid. 5). De la même manière, le Tribunal fédéral a considéré qu’une activité lucrative à 50% pouvait être attendue d’une mère dont les enfants étaient âgés de 12, 14 et 16 ans, d’autant plus qu’il pouvait être exigé de son mari - au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité - qu’il s’occupât d’eux durant ce laps de temps (arrêt 9C_916/2011 du 3 février 2012).

Il a estimé qu’une activité à plein temps pouvait être exigée d’une femme de 41 ans ayant une fille âgée de 5 ans au moment déterminant (arrêt 8C_618/2007 du 20 juin 2008 consid. 4, dans lequel le Tribunal fédéral dit aussi qu’il y a lieu de déduire du revenu hypothétique les frais de garde des enfants selon les normes de l’impôt cantonal direct, selon le ch. 3421.04 des Directives de l’Office fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI - DPC), de même que de la mère d’un enfant de 10 ans en bonne santé et scolarisé à proximité du domicile (arrêt 9C_724/2013 du 23 janvier 2014 consid. 4).

f. La Cour de céans, quant à elle, a jugé qu’il pouvait être attendu d’une femme âgée de près de 35 ans, disposant d’une pleine capacité de travail, en bonne santé, ayant accès au marché du travail, épouse d’un invalide à 100% et mère d’un enfant de 3 ans, qu’elle mette pleinement en œuvre sa capacité de travail, en cherchant un emploi à plein temps plutôt qu’en se contentant de son poste à mi-temps. Le cas d’espèce présentait toutefois la double particularité que ladite épouse consacrait son mi-temps disponible à suivre une formation et que son époux, bien qu’invalide à 100%, était pleinement disponible et en mesure de s’occuper de l’enfant (ATAS/1157/2014).

Elle a jugé exigible de la part d’une femme encore jeune (37 ans), disposant d’une bonne instruction de base, parlant relativement bien le français, dont l’époux, au bénéfice d’une rente entière d’invalidité et occupé dans un atelier à 50% ne pouvait, du fait de sa fatigue au retour de ce travail, l’aider dans les tâches ménagères et éducatives, qu’elle prenne un emploi à mi-temps, dès lors que les trois premiers enfants du couple (âgés de 12 à 14 ans) étaient scolarisés mais non le dernier, âgé d’un an et demi (ATAS/468/2004).

De même, l’exercice d’une activité à 50% a été jugée exigible de la part d’une femme ayant des enfants à charge, travaillant déjà comme patrouilleuse scolaire, mais à raison de 22 h./mois seulement, alors que son état de santé lui permettait d'exercer des travaux de nettoyage à raison de 2 h./jour en sus de l'activité de patrouilleuse (ATAS/372/2004).

Une capacité de travail partielle a été retenue pour une femme de 48 ans, analphabète, n'ayant jamais exercé d'activité, ni lucrative, ni bénévole, avec des enfants adultes et adolescents, de santé fragile, atteinte d’une fibromyalgie qualifiée de non invalidante par l'assurance-invalidité (ATAS/246/2006 ; cf. également ATAS/1445/2007).

La Cour de céans a, en revanche, estimé qu’aucun gain potentiel ne pouvait être pris en compte s’agissant d’une femme qui devait s’occuper de trois enfants non scolarisés (en plus de deux autres scolarisés), que son mari, vu son état de santé, ne pouvait aider pour les tâches ménagères et éducatives, qui ne bénéficiait elle-même d’aucune instruction de base, parlait mal le français et n’était que titulaire d’un permis F. La Cour a néanmoins précisé qu’un emploi à mi-temps pourrait être attendu de cette mère de famille encore jeune et en bonne santé dès que le plus jeune de ses enfants à charge serait scolarisé (ATAS/1100/2014).

Tout gain potentiel a été exclu s’agissant d’une femme sans aucune formation, ne parlant pratiquement pas le français et ayant plusieurs enfants en bas âge à charge (ATAS/750/2004).

g. Selon la jurisprudence rendue à propos de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, lorsque le conjoint du bénéficiaire de prestations complémentaires à l'AVS/AI serait tenu d'exercer une activité lucrative pour assumer (en tout ou en partie) l'entretien du couple, mais y renonce, il y a lieu de prendre en compte un revenu hypothétique après une période dite d'adaptation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_240/2010 du 3 septembre 2010 consid. 4.1). Cette règle s’applique tant lorsqu’une prestation complémentaire est en cours que lors d’une demande initiale. Une sommation préalable de quelque forme que ce soit n’est en outre pas exigée pour la prise en compte d’un revenu hypothétique après le temps d’adaptation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_630/2013 du 29 septembre 2014 consid. 5.1 et 5.2).

À titre d’exemples, le Tribunal fédéral a considéré que l’octroi d’un délai de six mois par l’administration, porté à douze par la juridiction cantonale, pour la prise en compte d’un revenu hypothétique pour l'épouse d’un assuré invalide - dont l’état de santé ne nécessitait pas de soins -, âgée de 45 ans, au bénéfice d’une formation d'infirmière, sans enfant, ne parlant pas le français, devait être considéré comme suffisamment large, compte tenu du fait qu’elle n’avait pas de charge de ménage et pouvait exercer une activité non qualifiée à temps partiel. Ainsi, la prolongation de six mois supplémentaire accordée par les juges cantonaux pour des raisons linguistiques ne se justifiait pas (arrêt P.40/03 du 9 février 2005 consid. 4.1 et 4.2).

Le Tribunal fédéral a également estimé qu’après une période d'adaptation de six mois suivant la date de son mariage, l’épouse d’un assuré invalide, âgée de 32 ans, en bonne santé, sans enfant à charge, était en mesure d'exercer à plein temps une activité dans le secteur de la production/industries manufacturières, nonobstant sa méconnaissance quasi totale du français (arrêt P.38/05 du 25 août 2006 consid. 4.2).

Notre Haute Cour a aussi jugé que l'épouse d’un assuré retraité, en bonne santé, n’ayant pas à s'occuper d'enfants en bas âge, pouvait, après une période d'adaptation de dix mois suivant son arrivée en Suisse, exercer une activité lucrative pour participer à l'entretien du ménage (arrêt 9C_240/2010 du 3 septembre 2010 consid. 3 et 4.2).

9.        a. En vertu de l’art. 24 al. 1 RPCFam en lien avec l’art. 36I LPCC, la prestation complémentaire annuelle doit être augmentée, réduite ou supprimée : lors de chaque changement survenant au sein du groupe familial (let. a) ; en cas de modification du taux d'activité (let. b); lorsque les dépenses reconnues, les revenus déterminants et la fortune subissent une diminution ou une augmentation pour une durée qui sera vraisemblablement longue; sont déterminants les dépenses nouvelles et les revenus nouveaux et durables, convertis sur une année, ainsi que la fortune existant à la date à laquelle le changement intervient (let. c); lors d'un contrôle périodique, si l'on constate un changement des dépenses reconnues, des revenus déterminants et de la fortune (let. d).

b. L’art. 24 al. 2 RPCFam prévoit que la nouvelle décision porte effet :

- dans les cas prévus par l'al. 1 let. a, dès le début du mois qui suit celui au cours duquel le changement est survenu (let. a) ;

- dans les cas prévus par l'al. 1 let. b, lors d'une augmentation de l'excédent des dépenses, dès le début du mois au cours duquel le changement a été annoncé, mais au plus tôt à partir du mois dans lequel celui-ci est survenu (let. b) ;

- dans les cas prévus par l'al. 1 let. b, lors d'une diminution de l'excédent des dépenses, au plus tard dès le début du mois qui suit celui au cours duquel la nouvelle décision a été rendue, la créance en restitution étant réservée lorsque l'obligation de renseigner a été violée (let. c) ;

- dans les cas prévus par l'al. 1 let. c, dès le début du mois au cours duquel le changement a été annoncé, mais au plus tôt à partir du mois dans lequel celui-ci est survenu et au plus tard dès le début du mois qui suit celui au cours duquel la nouvelle décision a été rendue, la créance en restitution étant réservée lorsque l'obligation de renseigner a été violée (let. d).

10.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

11.    a. En l’espèce, l’intimé a comptabilisé un gain hypothétique de CHF 19'630.50 pour l’épouse du recourant à partir du 1er août 2017.

Si, dans l’arrêt rendu en avril 2014 opposant les parties, la Cour de céans a exclu la prise en compte d’un gain potentiel au motif que l’intéressée était mère de quatre enfants, dont le plus âgé n’avait alors que cinq ans, elle a néanmoins souligné que la situation pourrait être revue lorsque tous les enfants seraient scolarisés.

En l’espèce, à la date déterminante du 1er août 2017, l’épouse du recourant, âgée de 30 ans, ne souffrait pas de problèmes de santé. Aucune pièce médicale n’atteste que les enfants du couple seraient atteints de maladies nécessitant une surveillance permanente. En outre, depuis la rentrée scolaire 2017, le cadet (4 ans et demi) est scolarisé, à l’instar de ses trois aînés. Aussi la présence de leur mère ne se révèle-t-elle pas indispensable durant la journée, l’école les occupant à plein temps.

Bien que l’épouse du recourant ne bénéficie ni d’une expérience professionnelle, ni d’une formation, on ne saurait considérer, vu son jeune âge et compte tenu du fait qu’elle possède un permis C, qu’elle a perdu toute chance de s’intégrer sur le marché du travail dans une activité simple et répétitive ne requérant pas de formation particulière. Au demeurant, de l’aveu même du recourant (dans sa réplique), son épouse a préparé en français les examens théorique et pratique du permis de conduire et les a réussis en mai 2017. Par conséquent, on ne saurait le suivre lorsqu’il allègue, dans son acte de recours, qu’il lui serait impossible de trouver un emploi parce qu’elle ne maîtrise pas encore le français.

Compte tenu de ces circonstances et du fait que le recourant travaille à plein temps, il est raisonnablement exigible que son épouse exerce une activité lucrative ne requérant pas de qualifications particulières, au moins à mi-temps.

b. Il y a lieu de relever en outre, à l’instar de l’intimé, que l’aide - aussi louable soit-elle - apportée par l’épouse du recourant à sa belle-mère ne saurait justifier qu’elle renonce à l’exercice d’une activité professionnelle à temps partiel.

En effet, si le devoir d’assistance que se doivent les époux au sens de l’art. 159 al. 3 CC comprend notamment l’accueil, au sein du ménage, de membres de la parenté de l’autre conjoint (Audrey LEUBA, Commentaire romand Code civil I, 2010, n. 11 ad art. 159 CC), il n’implique pas l’obligation d’assumer le rôle de soignant et d’accompagnant envers sa belle-famille.

c. L’intimé n'avait pas à tenir compte, dans la décision litigieuse, d'une période dite d'adaptation, car le recourant et son épouse devaient s’attendre, depuis la notification de l’arrêt de la Cour du 22 avril 2014, à ce qu’un gain potentiel soit pris en considération une fois leur cadet scolarisé.

Une année auparavant, à tout le moins, l’épouse du recourant aurait dû entreprendre des démarches, cas échéant avec l’aide d’un service social, pour trouver un emploi à mi-temps. Ses trois aînés étant scolarisés, elle n’avait à charge que le cadet, âgé de 3 ans, ce qui lui permettait d’effectuer des recherches d’emploi. À défaut, elle a violé son obligation de réduire le dommage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2010 du 26 janvier 2011 consid. 5.4). La simple allégation selon laquelle elle aurait entrepris des démarches auprès de plusieurs EMS n’est étayée que par la production d’un modèle de lettre non daté, non signé et ne précisant ni le nom, ni l’adresse des destinataires.

En définitive, il y a lieu d’admettre que l’épouse du recourant a bénéficié d'une période d'adaptation suffisante depuis août 2016, de sorte qu’on aurait pu exiger d’elle, dès août 2017, qu'elle exerce une activité lucrative simple et répétitive à temps partiel pour participer à l'entretien du ménage.

d. Enfin, c’est à juste titre que l’intimé a comptabilisé le gain hypothétique dès le 1er août 2017.

En effet, le montant retenu à ce titre fait partie du revenu déterminant à prendre en considération pour déterminer les prestations complémentaires familiales au sens de l’art. 36E al. 3 LPCC. Une modification de ce montant - correspondant à un changement des revenus déterminants selon l’art. 24 al. 1 let. c RPCFam - entraîne une adaptation des prestations complémentaires à partir du mois durant lequel ce changement est survenu - en l’occurrence le 28 août 2017 - en vertu de l’art. 24 al. 2 let. d RPCFam.

e. Eu égard aux considérations qui précèdent, c’est à juste titre qu’il a été tenu compte, dès le 1er août 2017 d’un revenu hypothétique imputable à l’épouse du recourant en tant que membre composant le groupe familial selon l’art. 36D al. 3 let. c LPCC à hauteur de CHF 19'630.50 conformément aux art. 36E al. 3 LPCC, 36B al. 2 LPCC et 20 al. 1 et 2 let. a RPCFam.

Mal fondé, le recours ne peut qu’être rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le