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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3807/2014

ATAS/817/2015 (3) du 29.10.2015 ( PC ) , PARTIEL. ADMIS/RENV

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : DROIT CANTONAL ; TRAVAIL À TEMPS PARTIEL ; REVENU HYPOTHÉTIQUE ; INTERPRÉTATION LITTÉRALE ; INTERPRÉTATION TÉLÉOLOGIQUE
Normes : LPC.11.1.g; LPCC.36E.2; RPCFAM.18.3;
Résumé : Selon l'art. 36E al. 2 LPCC, en cas d'activité lucrative exercée à temps partiel, il est tenu compte, pour chacun des adultes composant le groupe familial, d'un revenu hypothétique qui correspond à la moitié de la différence entre le revenu effectif et le montant qui pourrait être réalisé par la même activité exercée à plein temps. Au regard du but incitatif de la loi qui, selon le législateur, est d'encourager le maintien, la reprise d'un emploi ou l'augmentation du taux d'activité par la prise en compte d'un revenu hypothétique dans le calcul des prestations complémentaires familiales, la chambre de céans retiendra que l'art. 36E al. 2 LPCC n'exige pas qu'un plein temps puisse être effectué dans la même activité stricto sensu pour qu'un revenu hypothétique puisse être comptabilisé. Seul importe le fait que l'ayant droit dispose d'une pleine capacité de travail, mais ne la mette pas à profit. Le texte de loi se réfère ainsi à la « même activité » en tant que base de calcul du gain hypothétique, et non en tant que condition. Reconnaître le contraire reviendrait à permettre à l'ayant droit disposant d'une capacité entière de travail de ne pas en user pleinement, en recherchant une activité ne pouvant être exercée à plein temps, cela sans être sanctionné, et d'éluder ainsi le but incitatif de la loi. Par conséquent, le fait que la recourante ne puisse pas exercer son activité dans le parascolaire à plein temps n'empêche pas le SPC de prendre en considération un gain potentiel dans son calcul pour autant que les conditions à cet effet soient réalisées. Dans la mesure où la LPCC renvoie expressément à la LPC, à ses dispositions d'exécution et aux directives PC, et que le but du législateur est de sanctionner les bénéficiaires dont l'effort de travail est inférieur à celui que l'on peut raisonnablement attendre d'eux, la jurisprudence rendue à propos de l'art. 11 al. 1 let. g LPC s'applique également et par analogie à la prise en compte d'un gain hypothétique en matière de prestations complémentaires familiales. Il n'y a en effet pas de motif pour une interprétation plus restrictive de la notion d'effort de travail raisonnablement exigible en LPCC. Dans la mesure où la recourante travaille à temps partiel, avant de prendre en considération un revenu hypothétique dans son calcul du droit aux prestations, le SPC doit déterminer si l'exercice d'une activité à plein temps est raisonnablement exigible de sa part sur la base des critères décisifs énoncés dans la jurisprudence et en tenant compte, cas échéant, d'un délai d'adaptation.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3807/2014 ATAS/817/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 29 octobre 2015

 

 

En la cause

Madame A______, domiciliée au GRAND-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Michael RUDERMANN

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : la bénéficiaire ou la recourante), ressortissante suisse, née le _____ 1968, et mère de deux enfants, soit, B______ A______, née le ______ 2001, et C______ A______, née le ______ 2006, a déposé une demande de prestations complémentaires familiales auprès du service des prestations complémentaires du canton de Genève (ci-après : le SPC ou l'intimé) le 10 août 2012. Il en ressortait notamment qu'elle avait à charge l'enfant C______ A______, la garde de l'enfant B______ A______ ayant été confiée à son père, selon ordonnance du Tribunal tutélaire du 19 septembre 2006.

2.        La bénéficiaire avait pour seul revenu le produit de son activité lucrative en qualité d'animatrice parascolaire, ayant été engagée au sein du Groupement intercommunal pour l'animation parascolaire (ci-après : l'employeur) le 1er juillet 2008. Le contrat de travail conclu indiquait alors que le taux d'activité était déterminé en fonction de l'affectation. Son salaire s'élevait alors à CHF 1'082.80 par mois, pour 9.25 heures de travail par semaine.

3.        Par décision du 25 janvier 2013, elle a été mise au bénéfice de prestations complémentaires familiales dès le 1er novembre 2012, pour un montant mensuel de CHF 1'836.- jusqu'au 31 décembre 2012, et de CHF 1'867.- durant l'année 2013. Le montant alloué en 2014 était de CHF 1'882.- par mois, selon communication du 9 décembre 2013.

4.        Par décision du 4 septembre 2014, le SPC a informé la bénéficiaire du recalcul de ses prestations en tenant compte d'un taux d'activité de 45%, au lieu de 100%, et d'un revenu hypothétique depuis le début de son droit, ce qui avait pour conséquence une diminution de ses prestations. De ce fait, le SPC lui réclamait la restitution d’un montant de CHF 26'493.-, correspondant à un trop perçu pour la période du 1er novembre 2012 au 30 septembre 2014, selon les plans de calcul communiqués par la décision du 3 septembre 2014 annexée. La bénéficiaire était invitée à rembourser ce montant dans les 30 jours. Une fois la demande de restitution entrée en force, elle disposerait d’un délai de 30 jours pour solliciter une remise.

5.        Le 30 septembre 2014, la bénéficiaire, représentée par son conseil, a formé opposition aux décisions précitées. En substance, elle contestait la prise en considération d'un revenu hypothétique, dès lors qu'elle ne pouvait pas augmenter son taux de travail. En effet, elle travaillait en qualité d'animatrice parascolaire et ses horaires de travail correspondaient déjà aux horaires pleins du parascolaire, représentant 19.50 heures par semaine, soit un taux de travail de 48.75%. La décision du SPC était par conséquent infondée.

6.        Par décision du 13 novembre 2014, le SPC a admis partiellement l'opposition de la bénéficiaire, dans le sens où la demande de restitution pour les prestations allant du 1er novembre 2012 au 30 septembre 2014 était annulée, compte tenu du délai de péremption. En revanche, la diminution des prestations dès le 1er octobre 2014 était confirmée, en raison de la prise en considération d'un revenu hypothétique. Le SPC rappelait, en effet, que le législateur avait expressément prévu la prise en compte d'un tel revenu pour les personnes exerçant une activité à temps partiel et que la seule exception prévue par la loi concernait les ménages comprenant au minimum un enfant de moins d'un an, ce qui n'était pas le cas de la bénéficiaire.

7.        Le même jour, le SPC a refusé la demande d'assistance juridique déposée par la bénéficiaire le 30 octobre 2014.

8.        Le 20 novembre 2014, le SPC a rendu une nouvelle décision de prestations complémentaires familiales, d'aide sociale et de subsides d'assurance maladie, concernant la bénéficiaire. Selon le plan de calcul annexé, le montant des prestations mensuelles versé dès le mois d'octobre 2014 était de CHF 565.-, compte tenu d’un revenu hypothétique annuel de CHF 17'623.95. La bénéficiaire a contesté cette décision auprès du SPC en date du 10 décembre 2014.

9.        Par acte du 10 décembre 2014, la bénéficiaire, représentée par son mandataire, a interjeté recours contre la décision sur opposition du 13 novembre 2014, concluant à son annulation, avec suite de frais et dépens. A l'appui de son recours, elle a repris l'argumentation développée dans son opposition du 30 septembre 2014. Elle a produit, en outre, des attestations de son employeur des 1er octobre et 21 novembre 2014, confirmant son taux d'activité de 48.75 %, soit 19.50 heures par semaine, réparties selon l'horaire journalier de 11h15 à 13h35 et de 15h45 à 18h05, auquel s'ajoutaient deux heures hebdomadaires pour des activités ponctuelles, et indiquant qu'elle ne pouvait augmenter son taux d'activité, d'après son affectation. Elle soulignait, par ailleurs, qu'au vu de ses horaires, elle ne pouvait exercer une activité identique supplémentaire, ni même dans une autre branche.

10.    Dans sa réponse du 21 janvier 2015, l'intimé a conclu au rejet du recours, dans la mesure où aucun argument invoqué par la recourante n'était susceptible de modifier son appréciation du cas.

11.    Par réplique du 30 janvier 2015, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle observait, pour le surplus, que l'intimé ne contestait pas que son taux d'activité de 48.75% constituait un temps plein dans son activité d'animatrice parascolaire et qu'elle n'était donc pas en mesure d'augmenter son temps de travail dans la même activité.

12.    Lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 25 mars 2015, la recourante a expliqué qu'elle bénéficiait auparavant de l'aide sociale et qu'elle avait cherché d'autres emplois pour compléter ses revenus, avant de trouver son activité actuelle qui lui plaisait et qu'elle ne voulait pas prendre le risque de perdre. Elle précisait ne pas avoir de formation particulière. Par ailleurs, toutes ses heures n'étaient pas toujours décomptées. A son sens, un gain hypothétique ne pouvait être pris en compte en cas d'activité à temps partiel que s'il était possible de réaliser un gain à plein temps dans la même activité. L'intimé a, quant à lui, maintenu avoir l'obligation légale de tenir compte d'office d'un gain potentiel dans le cas de la recourante. De son point de vue, la recourante devait ainsi changer d'emploi si elle ne pouvait pas travailler davantage dans son activité, sans qu'elle ait toutefois l'obligation de le faire.

13.    Dans ses observations du 26 mars 2015, la recourante a relevé qu'il était clair, à teneur de la loi, que le revenu hypothétique à prendre en considération était celui que l'ayant droit était en mesure de réaliser dans la « même activité » que celle effectivement exercée à temps partiel, mais à plein temps. Ainsi, dès lors qu'il était acquis qu'elle ne pouvait exercer son activité à plein temps, il n'y avait pas lieu de tenir compte d'un revenu hypothétique. Par ailleurs, l'obligation pour l'ayant droit de changer d'activité, en cas d'impossibilité de l'exercer à un taux supérieur, ne pouvait être déduite de la loi. C’était probablement pour cette raison que la loi ne prévoyait pas la possibilité d’octroyer un délai pour la prise en compte d’un revenu hypothétique, alors que tel était le cas en matière de prestations complémentaires.

14.    Par écriture du 20 avril 2015, l'intimé a persisté dans ses conclusions tendant au rejet du recours. Il a relevé qu'au vu de l'obligation de diminuer le dommage qui prévalait en droit des assurances sociales, les termes « même activité » ne pouvaient être interprétés que comme signifiant « même domaine » ou « même secteur », et non « même employeur ». Le législateur n'avait en effet pas entendu s'écarter du but visant à inciter les assurés à obtenir une rémunération de l'activité lucrative au moins égale au montant fixé et à sanctionner les ménages dont l'effort de travail était inférieur à cette exigence. Partant, il avait décidé que chaque salarié à temps partiel devait se voir imputer d'office un gain hypothétique. Ainsi, si l'intimé admettait que l'activité de la recourante n'était possible qu'à temps partiel, il observait que le secteur de l'enfance (animation, surveillance etc.) ne se résumait pas aux activités parascolaires et offrait un certain nombre d'emplois à plein temps.

15.    Après communication de cette écriture à la recourante, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.         Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) concernant les prestations complémentaires familiales au sens de l’art. 36A LPCC, en vigueur dès le 1er novembre 2012.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.         Sur le plan matériel, conformément à l’art. 1A al. 2 LPCC, les prestations complémentaires familiales sont régies par les dispositions figurant aux titres IIA et III de la LPCC, les dispositions de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires; LPC - RS 831.30) auxquelles la LPCC renvoie expressément, les dispositions d'exécution de la loi fédérale désignées par règlement du Conseil d'Etat et la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830).

3.         Interjeté dans les délai et forme prévus par la loi, le recours est recevable (art. 43 LPCC; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA/GE - E 5 10).

4.         Le litige consiste à déterminer si l’intimé est fondé à prendre en compte un gain hypothétique de la recourante dans le calcul des prestations complémentaires familiales qui lui sont dues à compter du mois d'octobre 2014.

5.         a) A teneur de l'art. 1 al. 2 LPCC, les familles avec enfant(s) ont droit à un revenu minimum cantonal d'aide sociale, qui leur est garanti par le versement de prestations complémentaires cantonales pour les familles (ci-après : prestations complémentaires familiales).

L'art. 36A al. 1 LPCC prévoit, plus précisément, qu'ont droit aux prestations complémentaires familiales les personnes qui, cumulativement : ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève depuis 5 ans au moins au moment du dépôt de la demande de prestations (let. a); vivent en ménage commun avec des enfants de moins de 18 ans, respectivement 25 ans si l'enfant poursuit une formation donnant droit à une allocation de formation professionnelle (let. b); exercent une activité lucrative salariée (let. c); ne font pas l'objet d'une taxation d'office par l'administration fiscale cantonale. Le Conseil d'Etat définit les exceptions (let. d); répondent aux autres conditions prévues par la loi (let. e). Sont notamment considérés comme enfants au sens de l'art. 36A al. 1 let. b, les enfants avec lesquels existe un lien de filiation en vertu du code civil (art. 36A al. 2 let. a).

Le taux de l'activité lucrative mentionnée à l'art. 36A al. 1 let. c LPCC doit être, par année, au minimum de 40 % lorsque le groupe familial comprend une personne adulte (art. 36A al. 4 let. a LPCC).

L'art. 36B LPCC définit le revenu minimum cantonal d'aide sociale garanti aux familles et destiné à la couverture des besoins vitaux. Il est basé sur le montant fixé à l'art. 3 al. 1 LPCC (al. 1). Ce montant est multiplié, selon le nombre de personnes comprises dans le groupe familial, par le coefficient prévu par la législation sur l'aide sociale individuelle et fixé par règlement du Conseil d'Etat (al. 2).

Le droit aux prestations est reconnu au parent qui a la garde de l'enfant, attribuée par un jugement (art. 36C al. 3 let. a LPCC).

Le montant annuel des prestations complémentaires familiales correspond à la part des dépenses reconnues au sens de l'art. 36F LPCC qui excède le revenu déterminant au sens de l'art. 36E LPCC, mais ne doit pas dépasser le montant prévu à l'art. 15 al. 2 LPCC (art. 36D al. 1 LPCC).

b) Selon l'art. 36E al. 1 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément à l'art. 11 LPC, moyennant les adaptations énoncées, soit notamment le fait que les ressources en espèces ou en nature provenant de l'exercice d'une activité lucrative sont intégralement prises en compte (let. a).

L'art. 36E al. 2 LPCC dispose qu'« En cas d'activité lucrative exercée à temps partiel, il est tenu compte, pour chacun des adultes composant le groupe familial, d'un revenu hypothétique qui correspond à la moitié de la différence entre le revenu effectif et le montant qui pourrait être réalisé par la même activité exercée à plein temps ». L'art. 19 du règlement relatif aux prestations complémentaires familiales du 27 juin 2012 (RPCFam - J 4 25.04), entré en vigueur le 1er novembre 2012, précise que lorsqu'un ayant droit ou un membre du groupe familial renonce à des éléments de revenus ou renonce à faire valoir un droit à un revenu, il est tenu compte d'un revenu hypothétique.

Il n'est en revanche pas tenu compte d'un gain hypothétique lorsque le groupe familial est constitué d'un seul adulte faisant ménage commun avec un enfant âgé de moins d'un an (art. 36E al. 5).

6.         En l’espèce, en tant que résidente dans le canton de Genève depuis plus de cinq ans, vivant en ménage commun avec un enfant de moins de 18 ans et exerçant une activité lucrative à un taux de 48.75 %, la recourante a droit à des prestations complémentaires familiales.

Sur le plan personnel, il n’est pas contesté que la recourante travaille à temps partiel et qu’elle fait ménage commun avec un enfant âgé de plus d’un an.

Au vu de ce qui précède, conformément aux articles 36E al. 2 LPCC et 19 RPCFam, l’intimé est fondé en principe à prendre un compte un gain hypothétique.

En effet, il sied de rappeler que la prise en considération d'un revenu hypothétique en matière de prestations complémentaires familiales comporte un but incitatif au travail.

Il résulte de l'exposé des motifs du projet de loi introduisant les prestations complémentaires familiales dans le canton de Genève dès le 1er novembre 2012 (PL 10600 modifiant la LPCC du 11 février 2011) notamment que « Ce projet de loi vise précisément à améliorer la condition économique des familles pauvres. La prestation complémentaire familiale qui leur est destinée, ajoutée au revenu du travail, leur permettra d'assumer les dépenses liées à leurs besoins de base. Grâce au caractère temporaire de cette aide financière et aux mesures d'incitation à l'emploi qu'elle associe, le risque d'enlisement dans le piège de l'aide sociale à long terme et de l'endettement sera largement écarté. En effet, le revenu hypothétique étant pris en compte dans le calcul des prestations, il constitue un encouragement très fort à reprendre un emploi ou augmenter son taux d'activité » (Mémorial du Grand Conseil (MGC) 2009-2010/III A 2828).

Parmi les objectifs principaux énoncés, figurent ainsi notamment ceux d'« encourager le maintien, la reprise d'un emploi ou l'augmentation du taux d'activité par la prise en compte d'un revenu hypothétique dans le calcul des prestations complémentaires familiales » et de « s'aligner sur le concept des prestations complémentaires à l'AVS/AI parce qu'il s'agit de prestations liées au besoin » (MGC 2009-2010/III A 2829).

S'agissant du revenu déterminant, le projet explique qu'il est composé des ressources de tous les membres du groupe familial considéré. Le revenu de l'activité lucrative est compté à 100 % pour les adultes et à 50 % pour les enfants (pour ces derniers, uniquement les gains réguliers, tels que des salaires d'apprentissage), l'objectif étant de refléter au mieux le revenu effectivement gagné par les ménages, tout en évitant d'exiger d'un enfant qu'il contribue dans la même mesure que les adultes à l'entretien de la famille. Dans ce cadre, le projet précise qu'un revenu hypothétique est notamment pris en compte « lorsqu'un ayant droit aux prestations ne met pas à profit sa pleine capacité de gain. Il crée une incitation pour les ménages à consentir un effort de travail au moins égal au montant fixé. En d'autres termes, il sanctionne ceux dont l'effort de travail est inférieur à celui que l'on peut raisonnablement attendre d'eux » (MGC 2009-2010/III A 2841).

Le projet relève encore que « Le gain hypothétique peut cependant, dans certaines situations particulières, avoir pour conséquence que les revenus des familles se situent en dessous des normes de l'aide sociale, en particulier lorsque l'un des conjoints n'exerce pas d'activité lucrative. Lorsque le montant des prestations complémentaires familiales est diminué en raison de la prise en compte d'un revenu fictif, le revenu déterminant peut être complété par des prestations d'aide sociale, versées par le même service que les prestations complémentaires familiales » (MGC 2009-2010/III A 2841).

7.         La recourante s’oppose à l'intégration d'un revenu hypothétique dans le calcul de ses prestations complémentaires familiales, motif pris qu’à teneur du texte clair de l'art. 36E al. 2 LPCC, il doit être tenu compte du montant réalisé à plein temps dans la même activité. Or, dans la mesure où son taux d'activité de 48.75% ne peut pas être augmenté dans son activité d'animatrice parascolaire et qu'elle n'a pas l'obligation légale de changer d'activité pour autant, elle est ainsi dans l’impossibilité, intrinsèque à son emploi, d'augmenter son taux de travail à 100%.

Préalablement, il convient de rechercher ce qu’il faut entendre par « même activité » au sens de l’art. 36E al. 2 LPCC.

A cet effet, il y a lieu de se fonder en premier lieu sur la lettre de la disposition en cause (interprétation littérale). Si le texte de celle-ci n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de son texte sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté de son auteur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique). Le sens que prend la disposition dans son contexte est également important (ATF 131 V 90 consid. 4.1 ; voir aussi ATF 130 II 71 consid. 4.2, 129 V 165 consid. 3.5). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d'interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 125 II 206 consid. 4a p. 208/209). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 241 consid. 7a p. 248 et les arrêts cités).

En l’espèce, une interprétation littérale de l'art. 36E al. 2 LPCC pourrait, certes, conduire à retenir le raisonnement de la recourante. Cependant, le texte légal n'est pas suffisamment clair et précis : on ne sait pas en particulier si, par « même activité », il faut entendre l’activité exercée dans le même domaine ou encore chez le même employeur. Au regard du but incitatif de la loi précédemment exposé, la chambre de céans retiendra, à l'instar de l'intimé, que l'art. 36E al. 2 n'exige pas qu'un plein temps puisse être effectué dans la même activité stricto sensu pour qu'un revenu hypothétique puisse être retenu. Seul importe le fait que l'ayant droit dispose d'une pleine capacité de travail, mais ne la mette pas à profit. Le texte de loi se réfère ainsi à la « même activité » en tant que base de calcul du gain hypothétique, et non en tant que condition. Reconnaître le contraire reviendrait à permettre à l'ayant droit disposant d'une capacité entière de travail de ne pas en user pleinement, en recherchant une activité ne pouvant être exercée à plein temps, cela sans être sanctionné, et d'éluder ainsi le but incitatif de la loi.

On relèvera par ailleurs que l'art. 18 al. 3 RPCFam, relatif au gain hypothétique des personnes considérées comme exerçant une activité lucrative salariée, prévoit que le gain hypothétique correspond à la moitié de la différence entre le gain assuré et le montant qui pourrait être réalisé pour une activité à plein temps si la personne était en activité. Le législateur n'a ainsi pas entendu définir l'activité à prendre en considération pour retenir un gain hypothétique, autrement que par le fait qu'elle soit exigible de l'ayant droit.

Par conséquent, au vu de l'interprétation téléologique et historique de l'art. 36E al. 2 LPCC, c'est à juste titre que l'intimé a considéré que le fait que la recourante ne puisse exercer son activité dans le parascolaire à plein temps ne la dispensait pas de la prise en considération éventuelle d'un gain potentiel.

8.         Reste à examiner si c'est avec raison que l'intimé a retenu un revenu hypothétique dans le calcul des prestations dues à la recourante et cela d’office.

Pour le calcul du revenu déterminant en matière de prestations complémentaires familiales, la loi renvoie à l'art. 11 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (cf. art. 36E al. 1 LPCC). De même, pour l'évaluation du revenu provenant de l'exercice d'une activité lucrative, l'évaluation de la fortune et le dessaisissement notamment, l’art. 2 al. 1 RPCFam renvoie expressément aux dispositions d'exécution de la loi fédérale. En outre, dans les limites des renvois prévus par la loi, les directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI de l'Office fédéral des assurances sociales (DPC) sont applicables par analogie (cf. art. 2 al. 3 RPCFam).

Concernant plus particulièrement le revenu hypothétique, la loi prévoit qu’il en est tenu compte conformément à l'article 11, alinéa 1, lettre g, de la loi fédérale (cf. art. 19 RPCFam).

Le commentaire relatif à l'art. 36E al. 1 LPCC, contenu dans le PL 10600, mentionne que « Comme c'est le cas pour les prestations cantonales complémentaires à l'AVS/AI, le calcul des prestations complémentaires familiales s'aligne sur celui des prestations fédérales complémentaires à l'AVS/AI. Par conséquent, le revenu déterminant est calculé conformément à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS/AI, par un renvoi explicite à l'article 11 de celle-ci, sous réserve des adaptations spécifiques figurant aux lettres a à d » (MGC 2009-2010/III A 2850).

Le commentaire concernant l'art. 36E al. 2 et 3 LPCC relève qu'« Il est important de prévoir dans le dispositif des incitations au maintien ou à la reprise d'une activité lucrative. A défaut, les prestations complémentaires familiales pourraient constituer une trappe de pauvreté, étant donné qu'elles ne peuvent pas être accordées pour une durée indéterminée, mais uniquement pour la période pendant laquelle les enfants n'ont pas encore atteint 18 ans, respectivement 20 ans si l'enfant poursuit sa formation. En cas d'activité lucrative à temps partiel, le gain hypothétique fixé à l'alinéa 2 crée une incitation pour les ménages à obtenir une rémunération de l'activité lucrative au moins égale au montant ainsi fixé, respectivement sanctionne les ménages dont l'effort de travail est inférieur à cette exigence. Le gain hypothétique dépend du taux d'activité et du salaire effectifs de la personne qui travaille et correspond à la moitié de la différence entre le revenu effectif et le montant qui pourrait être réalisé par la même activité exercée à plein temps. Le principe de la prise en compte d'un gain hypothétique est également retenu par la législation fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS/AI » (MGC 2009-2010/III A 2851).

9.         C’est par conséquent au regard de l’art. 11 al. 1 let. g LPC qu’il convient d’examiner la prise en compte d’un gain hypothétique.

A teneur de cette disposition, les revenus déterminants pour calculer le montant de la prestation complémentaire annuelle comprennent les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi. Par dessaisissement, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 134 I 65 consid. 3.2; ATF 131 V 329 consid. 4.2). Il y a notamment dessaisissement lorsque le bénéficiaire a droit à certains éléments de revenu ou de fortune mais n'en fait pas usage ou s'abstient de faire valoir ses prétentions, ou encore lorsqu'il renonce à exercer une activité lucrative possible pour des raisons dont il est seul responsable (ATF 123 V 35 consid. 1).

Selon la jurisprudence rendue à propos de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, lorsque le conjoint du bénéficiaire de prestations complémentaires à l'AVS/AI serait tenu d'exercer une activité lucrative pour assumer (en tout ou partie) l'entretien du couple, mais y renonce, il y a lieu de prendre en compte un revenu hypothétique après une période dite d'adaptation (ATF 9C_240/2010 du 3 septembre 2010, consid. 4.1). Les directives de l'Office fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (DPC – état au 1er janvier 2015) précisent que, pour le conjoint non invalide, le revenu de l'activité lucrative pris en compte consiste – en principe – dans le gain réalisé par celui-ci au cours de la période déterminante. Si ce gain s'avère être sensiblement inférieur au revenu que l'on est en droit d'escompter de sa part, c'est ce dernier qui doit être pris en compte (ch. 3482.02 DPC).

Il sied de relever que la LPC prévoit la prise en compte d’un revenu hypothétique dans d’autres hypothèses, à savoir pour les assurés partiellement invalides, dont les modalités sont réglées à l’art. 14a OPC-AVS/AI, ainsi que pour les veuves non invalides qui n’ont pas d’enfants mineurs (cf. 14b OPC-AVS/AI).

Cela étant, les revenus hypothétiques provenant d'une activité lucrative au sens de l’art. 11 let. g LPC ou fixés schématiquement aux art. 14a et 14b OPC-AVS/AI représentent une présomption juridique que le bénéficiaire ou l'assuré peut renverser en apportant la preuve qu'il ne lui est pas possible de réaliser de tels revenus ou qu'on ne peut l'exiger de lui. Le Tribunal fédéral a jugé à cet égard qu'en examinant la question de savoir si l'assuré peut exercer une activité lucrative et si on est en droit d'attendre de lui qu'il le fasse, il convient de tenir compte conformément au but des prestations complémentaires, de toutes les circonstances objectives et subjectives qui entravent ou compliquent la réalisation d'un tel revenu, tels que la santé, l'âge, la formation, les connaissances linguistiques, l'activité antérieure, l'absence de la vie professionnelle, le caractère admissible d'une activité, les circonstances personnelles et le marché du travail (ATF 117 V 153 consid. 2c). En ce qui concerne le critère de la mise en valeur de la capacité de gain sur le marché de l'emploi, le Tribunal fédéral des assurances a considéré qu'il importe de savoir si et à quelles conditions l'intéressé est en mesure de trouver un travail. A cet égard, il faut prendre en considération, d'une part, l'offre des emplois vacants appropriés et, d'autre part, le nombre de personnes recherchant un travail. Il y a lieu d'examiner concrètement la situation du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2007 du 26 juin 2008 consid. 5.2 et les références).

Dans la mesure où la LPCC renvoie expressément à la loi fédérale, à ses dispositions d’exécution et aux DPC, et que le but du législateur est de sanctionner ceux dont l’effort de travail est inférieur à celui que l’on peut raisonnablement attendre d’eux, la chambre de céans considère que la jurisprudence rendue à propos de l’art. 11 al. 1 let. g LPC s’applique également et par analogie à la prise en compte d’un gain hypothétique en matière de prestations complémentaires familiales. Il n’y a pas de motif pour une interprétation plus restrictive de la notion d’effort de travail raisonnablement exigible.

10.     En l'espèce, l'intimé a considéré à juste titre que l'art. 36E al. 2 LPCC était applicable, dès lors que la recourante travaille à temps partiel. Il a ainsi intégré d'office un revenu hypothétique de la recourante dans le calcul de ses prestations complémentaires familiales.

Or, ainsi que vu supra, il devait déterminer au préalable si l'exercice d'une activité à plein temps était raisonnablement exigible de sa part, sur la base des critères décisifs énoncés dans la jurisprudence, et en tenant compte, cas échéant, d'un délai d'adaptation.

Lors de son audition par la chambre de céans, la recourante a expliqué qu’elle n’avait pas de formation, qu’elle avait bénéficié auparavant de l'aide sociale et qu'elle avait cherché d'autres emplois, avant de s'engager dans son activité actuelle d'animatrice parascolaire. On peut ainsi penser que, quand bien même la recourante se plaît aujourd'hui dans son emploi, elle l'a vraisemblablement accepté à défaut d'avoir pu trouver une autre activité, qui aurait pu s'exercer à plein temps. L’on ignore toutefois quelle est exactement sa situation personnelle et si elle a effectué de nouvelles recherches d'emploi depuis son engagement en tant d'animatrice parascolaire le 1er juillet 2008, le dossier ne contenant pas d’informations à ce sujet.

Pour le surplus, la question d’un éventuel délai d’adaptation peut en l’état demeurer ouverte.

11.     Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis. La décision litigieuse est annulée et la cause renvoyée à l'intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

12.     La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2'000.- lui est allouée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

La procédure est gratuite art. 89H al. 1 LPA).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision du 13 novembre 2014.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Condamne l'intimé à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF) aux conditions de l’art. 116 LTF. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le